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Le club de lecture a lu pour le 22 avril 2020 :
Taqawan d'Éric Plamondon
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Bernadette Christiane Dominique JanineJosianeMagali Renée
Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau
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Avis de Janine sur 
Taqawan d'Éric Plamondon
    Parce que j'ai adoré ce livre j'ai voulu le partager avec vous.
J'attends avec impatience de lire vos commentaires sur Taqawan, l'allégorie d'un peuple qui s'éteint.
J'aimerais vous parler d'Éric Plamondon que j'ai découvert il y a quelques années lors d'une rencontre fortuite au Festival America de Vincennes. Un écrivain qui a un monde à lui, un style très personnel, beaucoup de sensibilité, il nous emporte, nous fait voyager dans son monde, le Québec dont il nous conte l'histoire. J'ai abordé c'est écrivain par sa trilogie 1984 : Hongrie-Hollywood express / mayonnaise / pomme s, trois récits déjantés de son personnage Gabriel Rivages et j'ai également lu Ristigouche une nouvelle qu'il a écrite en 2013 et développée en 2017 dans Taqawan.

1984 : Hongrie-Hollywood express / mayonnaise / pomme s
• Hongrie-Hollywood express raconte la vie de Johnny Weissmuller (Tarzan), grande star hollywoodienne qui mourra dans l'oubli. Récit autour d'un patchwork de rencontres : Burroughs, Einstein, Tarzan … les unes plus folles que les autres sur la grandeur et décadence des mythes dans le monde fou de Hollywood.
• Mayonnaise parle du destin de Richard Brautigan, son écrivain fétiche, beatnik maudit qui se suicidera ; on y croise Janis Joplin et l'Amérique des sixties. Ce livre m'a donné envie de lire Richard Brautigan.
• Pomme S : 1984 est l'année où Johnny Weissmuller meurt, Richard Brautigan se suicide et Steve Jobs lance le premier Macintosh. C'est donc l'histoire de l'homme qui inventa la plus puissante machine de l'humanité et avant lui il y a eu toutes les autres révolutions technologiques, les automates, l'ampoule électrique, la machine à écrire… Ces trois bouquins sont de petits bijoux d'humour, de sensibilité, de folie, d'empathie, de clairvoyance. Le style est nerveux les chapitres courts, les histoires savoureuses et souvent implacables.

Ristigouche
est l'histoire de Pierre Lhéger dont la mère vient de mourir ; on lui a dit que pour être un vrai pécheur, il doit avoir péché au moins une fois dans sa vie un saumon. Il part sur la rivière Ristigouche… le doute est comme une vague dans la mer …

J'ai ces quatre livres et je les prêterais volontiers si quelqu'un est intéressé, ils ne sont pas très faciles à trouver, car imprimés au Canada.
Avis de Renée sur 
Taqawan d'Éric Plamondon
    Ce livre a un charme fou et je ne sais pas trop expliquer pourquoi.
Nous éprouvons d'emblée une grande empathie pour les quatre personnages. Yves est un homme honnête, qui va au bout de ses idées, il est du Québec mais il critique l'attitude du gouvernement envers les Amérindiens. William, Caroline et Océane sont campés sans trop de mots, mais restent attachants.
Il y une intrigue policière, des éléments culturels, sociologiques, historiques.
Plamondon nous intéresse au périple du saumon, aux tensions entre le gouvernement et les Mi'gmaq, à l'origine des peuplements primitifs, à l'intégration par la force des autochtones. C'est intégré au roman avec légèreté.
D'ailleurs il cite une théorie disant que les premiers habitants du Canada ne venaient pas d'Asie mais que c'étaient des Solutréens (Basques ou Périgourdins, il y a 22 000 ans). Or cette théorie est contestée par manque de preuves (bifaces identiques et un gène qu'ont les Amérindiens et pas les Asiatiques).
Bref, j'ai pris un immense plaisir à lire ce livre.
Avis de Christiane sur 
Taqawan d'Éric Plamondon
    68 courts chapitres pour 212 pages donnent le rythme très nerveux du livre et accentuent l'état de tension de la situation dans cette réserve indienne au Canada.
Il y a le Québec et le reste du Canada, la réserve et le reste du monde.
Le livre s'ouvre sur Juin 1981, l'intervention musclée de 300 policiers de la sûreté du Québec sur la réserve pour s'emparer des filets des pêcheurs Mi'gmaq, et des émeutes qui ont suivi. Là s'intercale l'histoire de cette partie du monde, ses coutumes ancestrales, son origine, et la recherche sur le viol d'une jeune Indienne.
Indiens, Amérindiens, sauvages "on les a surnommés comme ça....il faut se méfier des mots. Ils commencent parfois par désigner et finissent par définir".
J'ai énormément aimé ce livre, la force de cette absence de pathos, les mots simples frappent comme des coups de poing.
Avis de Dominique 
sur Taqawan d'Éric Plamondon
    Un livre qui fait oublier la morosité de notre isolement actuel ! J'ai pris grand plaisir à cette lecture bien que j'aie craint un récit manichéen un peu cliché illustrant le mythe du "bon sauvage" cher à Rousseau.
C'est un roman honnête qui ne prétend pas s'inscrire dans une catégorie purement littéraire, mais dont les personnages animent une documentation historique très riche, évitant ainsi une compilation trop compacte.
J'ai beaucoup apprécié les petites rubriques, courts chapitres qui interrompent le cours du récit autour de la civilisation Mi'gmaq.
Une recette de cuisine amusante ou le bienfait du pétun ! Une gaieté inattendue allège le tragique. Extraordinaire aventure du saumon ou comment Taqawan remonte la rivière au péril de sa vie pour retrouver son origine à l'aide de son fabuleux odorat et son étonnante mémoire, son courage force notre admiration. Emblème d'une guerre impitoyable, il mérite bien un prix littéraire et une première de couverture.
L'évidence de l'injustice profonde et révoltante quant à cette éternelle loi du plus puissant est très bien résumée par la question de Caroline : "pourquoi faut-il un droit à la culture et à la langue françaises au Québec à l'intérieur du Canada, mais pas de droit à la culture et à la langue mi'gmaq à l'intérieur du Québec ?"
Massacres et ravages du colonialisme ("On dirait que le colonialisme c'est un peu comme un saumon, tu peux le jeter à la mer, il finit toujours par remonter là où il est né"). Sacrilège et cruauté des rites expiatoires, somptuosité de la nature, violence et force des éléments, tout cela nous emporte dans un tourbillon au fil d'une très longue histoire. Terrible constat : ce que l'avidité du profit peut faire des hommes.
N'oublions pas la beauté des nuits quand autour d'un feu la mémoire reprend le cours des récits héroïques et légendes transmis par les anciens, ces mythes fondateurs d'une civilisation ("Pour être un peuple, il faut connaître les mêmes histoires, en faire partie.") Telle Taqawan quand il remonte la rivière, la tradition orale remonte le cours du temps pour retrouver son origine.
On apprend une foule de choses dans ce roman : écriture simple mais contenu très riche, ce fut une belle lecture.
Avis de Bernadette sur  
Taqawan d'Éric Plamondon
J'ai été embarqué sur le dos de ce Taqawan et j'ai fait le voyage du départ à l'arrivée sans escale, tellement cela m'a plu. C'est vivant, un western moderne avec tout ce que cela comporte, sans clichés ni préjugés. Les chapitres courts donnent un trot saccadé et rythmé riches en anecdotes sur la culture populaire, il y a même une recette de cuisine.
Tout cela sur un fil conducteur historique, donnant prétexte à la violence, l'amour, la perfidie, le suspense…
J'ai eu l'impression en lisant ce livre que je suivais une conversation entre les quatre principaux personnages et j'avais envie d'y mettre mon grain de sel, de poser des questions, d'approfondir ce que je découvrais sur la Gaspésie et la petite communauté des Mi'gmaq. J'ai été interloquée quand j'ai lu que cette interdiction de la pêche se passait en 1981, c'est récent.
Le mari de ma petite fille, donc mon petit-fils par alliance, est québécois d'origine de par son père et il me semble qu'il a parlé de ce livre : je vais lui demander ce qu'il en pense…
Avis de Magali sur  
Taqawan d'Éric Plamondon
    En ces temps où l'on prévoit, consécutivement à la pandémie du Covid, l'extinction totale des peuples amérindiens de notre planète, comment ne pas se sentir ébranlés par le roman d'Éric Plamondon ? Comment ne pas réentendre le discours, plus actuel que jamais, du vieux tahitien dans le Supplément au voyage de Bougainville ? Le vieillard s'adresse au blanc colonisateur : "nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous suivons le pur instinct de la nature (…) Ce pays appartient aux habitants (…) Sommes-nous dignes de mépris parce que nous n'avons pas su nous faire des besoins superflus ?" Décoiffante modernité de Diderot !
Et voilà que, trois siècles plus tard, Éric Plamondon se livre à la même dénonciation des crimes toujours recommencés de la colonisation (qu'elle soit, française, britannique, incessante depuis l'arrivée de Jacques Cartier). Cependant, la dimension politique du roman, si elle existe, n'élude jamais les contradictions complexifiant la lutte. En premier lieu, l'imbroglio juridique qu'entraîne un fédéralisme en pleine crise constitutionnelle. La réserve de Restigouche où pêchent les Indiens dépendant, en effet, des autorités québécoises, lesquelles interdisent à ces habitants inopportuns d'exercer un droit fondamental : celui de se nourrir, c'est-à-dire celui de vivre.
Ce conflit, en outre, s'inscrit, dans un contexte international où les lois de pêche appliquées aux Indiens ne sauraient s'imposer aux clubs privés qui grouillent le long des plages. N'est pas éludée non plus l'immaturité d'une société globalement plus préoccupée par les débuts de Céline Dion que par le sort des exclus de l'histoire.
Mais le roman, loin d'une œuvre engagée, demeure avant tout le récit d'une rencontre détonante, un roman d'un genre hybride (mêlant recettes de cuisine, légendes…), un livre "transgenre" et doublement "noir". Son intrigue est habilement menée ; les personnages, certes attachants restant peut être un peu conventionnels.
Enfin, le livre, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, nous entraîne au cœur de la Gaspésie, péninsule à l'est du Québec, au tréfonds d'un territoire foisonnant de gibier à la belle saison, rude et glaçant l'hiver. C'est sur cette terre, terre nourricière, habitée depuis des siècles par les Indiens Mi'gmaq, que sera sauvagement et symboliquement violée, colonisée dans son corps, la jeune Océane, dont le prénom résonne comme le destin éclaboussant des saumons.
N'oublions pas, surtout, l'incontestable héros de cette histoire, le dénommé "Taquawan" (saumon en langue Mi'gmaq). Parfois captif, il devient le repas bienheureux des Mi'gmaq, leur principale ressource. Aiguisant les appétits des hommes, il s'impose alors dans sa chair comme un enjeu de domination économique. Mais la plupart du temps, dans le roman comme dans la vie, il flotte dans les eaux tranquilles, remontant la rivière qui l'a vu naître pour s'y reproduire. Être fabuleux, Taqawan donne sa pleine dimension au roman – on pense à Moby Dick de Herman Melville – lui confère sa portée épique et ses envolées philosophiques.
Sa lecture nous interroge. "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?"
Avis de Josiane sur  
Taqawan d'Éric Plamondon
    Ce que Taquawan m'évoque…
J'apprécie vos commentaires et je n'y ajouterais rien tant ils définissent bien l'écriture du livre.
Ce livre m'a remis en mémoire deux choses particulièrement.
D'une part l'histoire des Les Micmacs dans son intime relation avec l'histoire de France : en effet du temps de Louis XV, nous étions associés pour le développement des territoires du Nouveau Monde au Canada et les Micmacs étaient reçus a la cour du roi avec les honneurs.
D'autre part, payer les ouvriers avec des saumons était une pratique du Béarn dans la région des gaves. La révolte a grondé et les salariés ont exigé des sous à la place (fin XIXe siècle).
Taquawan a changé de prix et de table et les peuples premiers ont du mal à être bien considérés.
Avis de Magali sur 
Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau
J'ai déjà présenté assez longuement le livre de Michel Pastoureau lorsque je l'avais proposé à la lecture commune. Toutefois, j'en reprends quelques éléments pour les absents.
Michel Pastoureau (72 ans) est un anthropologue, sociologue, historien médiéviste.
Il grandit dans un milieu esthète et cultivé ; cousin de Lévi-Strauss, son père est un ami de Breton. En même temps, c'est un esprit libre qui aime bousculer la tradition. En 1972, quand il soutient sa thèse sur le bestiaire du Moyen-Âge, le sujet est considéré comme fantaisiste.
Le petit livre des couleurs :
- Un livre à la croisée de plusieurs genres, l'histoire, de la sociologie, de la sémiologie.
- Un livre que l on peut lire de façon désordonnée ; chaque chapitre est consacré à une couleur.
- Un livre qui nous apprend à voir, à regarder autrement le monde.
- La thèse de Pastoureau : "la couleur est une pensée" ; elle véhicule des codes, des tabous, des préjugés, alors que nous avons tendance à la considérer comme un simple phénomène optique. La perception des couleurs dépend des époques, des pays, de la classe sociale et surtout elle se traduit dans la langue,
- L'analyse de certaines couleurs est parfois édifiante, par exemple le bleu qui n'est pas perçu comme tel dans l'Antiquité. Le ciel n'est pas vu bleu ! Certains critiques en ont déduit que les Grecs ne voyaient pas le bleu.
- Ainsi, Pastoureau bouscule des évidences tout au long de son œuvre, signe d'un grand penseur.
- Le petit livre des couleurs est un cadeau qui peut plaire à beaucoup, y compris aux lecteurs très occasionnels.

Avis de Chantal sur 
Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau
    J'avais écouté il y a quelques mois sur France Inter une émission dont l'invité était Michel Pastoureau. Ce dernier avait captivé mon attention en présentant les couleurs comme un sujet mêlant histoire, anthropologie…
J'ai retrouvé le même intérêt dans ce petit livre, écrit sur le mode de l'entretien avec Dominique Simmonet, journaliste et écrivain.
Il permet de découvrir sans s'ennuyer l'histoire des couleurs. Car les couleurs ont une histoire, qui remonte à la nuit des temps et a laissé des traces jusque dans notre vocabulaire. Ne dit-on pas vert de peur, bleu de colère, blanc comme un linge… Les couleurs véhiculent des codes, des préjugés que l'auteur nous rappelle ou nous fait découvrir à travers des anecdotes passionnantes. On apprend par exemple que jusqu'au 19e siècle la couleur de la robe de mariée était le rouge, qui signifiait prospérité.
Ce survol des principales couleurs, fait de manière didactique, est très facile à lire, et donne à voir le monde… en couleurs.
Avis de Dominique sur Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau
  J'ai apprécié ce livre. Le lecteur y apprend une foule de choses sur le langage des couleurs : origines historiques, portée géopolitique, sens social, aspect technique, tout cela sans nous ennuyer. L'humour a la part belle, le style est plaisant et le contenu solide. L'organisation judicieuse de cette conversation érudite entre M. Pastoureau et D. Simonnet permet une lecture légère et divertissante. Chaque couleur est introduite par un commentaire amusé suivi d'un entretien où un interlocuteur avisé (D. Simonnet) laisse la parole au spécialiste (M. Pastoureau).
La place qu'occupe la symbolique des couleurs dans notre imaginaire se prête forcément au jeu des analogies et souvenirs et peut nous évoquer quelques textes célèbres. La mémoire vagabonde aisément en lisant cet ouvrage. Alors pourquoi ne pas s'offrir une promenade littéraire ?

L'auteur évoque la douceur des reflets mauves sur les cheveux des grands-mères.
Lorsque Proust entend le nom de la duchesse de Parme, il lui évoque ''L'huile essentielle de violette et parfum stendhalien.'' Autour d'un nom, surgit soudain l'odeur d'un bouquet mauve, La chartreuse de parme et l'Italie (Le côté de Guermantes.)

"Noir comme les peurs enfantines, les ténèbres, et donc la mort, le deuil"
A son nouveau domicile rue Hamelin, Proust, effrayé, appelle Céleste. Une imposante dame tout en noir est assise devant lui. Hallucination ? Délire ? Elle reviendra pourtant, ponctuelle, le visiter à l'heure de l'agonie : ''Elle est très grosse et très noire ! Elle est tout en noir, elle est affreuse, elle me fait peur...Oh ! non, n'y touchez pas, Céleste, nul ne peut la toucher… Elle est horrible.''
''Le rouge du pouvoir et de l'aristocratie… Le luxe, le spectacle, la fête.''
Lorsque Swann affaibli par la maladie vient annoncer à la duchesse de Guermantes sa mort prochaine, celle-ci se hâte vers un dîner mondain. Craignant un retard elle le rassure brièvement, le duc l'interrompt alors brutalement : ''Oriane, qu'est-ce que vous alliez faire, malheureuse. Vous avez gardé vos souliers noirs ! Avec une toilette rouge ! Remontez vite mettre vos souliers rouges, ou bien, dit-il au valet de pied, dites tout de suite à la femme de chambre de Mme la duchesse de descendre des souliers rouges. '' Comment congédier l'adieu d'un ami.
''Comme leur héros, le Werther de Goethe, les jeunes Européens s'habillent en bleu.''

L'habit bleu de Werther revêtu pour ouvrir le bal avec Charlotte et porté jusqu'à sa mort accompagne l'arrivée du romantisme en littérature. Barthes le cite dans ses Fragments d'un discours amoureux : '' Chaque fois qu'il met ce vêtement dans lequel il mourra Werther se travestit. En quoi ? En amoureux ravi. Il recrée magiquement l'épisode du ravissement, ce moment où il s'est trouvé sidéré par le souvenir.''
N'oublions pas l'habit bleu barbeau du Père Goriot avant sa déchéance, sa naïveté fleur bleue lorsque Balzac lui prêtait encore les traits d'un bourgeois prospère et joyeux.
''Le bleu est devenu un enjeu religieux… La vierge s'habille de bleu.'' Le bleu de la spiritualité. Pensons à "Sagesse". Dans sa prison Verlaine se recueille et cherche l'apaisement : ''Le ciel est, par-dessus le toit, /Si bleu, si calme !..''
L'Azur de Mallarmé, tendu vers la quête de l'Idéal dans l'angoisse douloureuse de la page blanche : ''De l'éternel azur la sereine ironie. . . l'Azur ! l'Azur ! l'Azur ! l'Azur !''

''Le vert est la couleur du hasard, de la jeunesse, du jeu, de la chance…''
Le vaudeville en un acte d'Alfred de Musset "L'habit vert" met en scène deux étudiants en mal de sorties festives. Ils mettent en gage leur vieil habit vert râpé et Marguerite, maline petite grisette, leur obtiendra une belle somme en séduisant un fripier cupide.
''Le blanc porte un peu de notre innocence perdue… Les anges sont également en blanc.''
Comment ne pas penser au chemin des aubépines cher au narrateur de La Recherche : ''La haie formait comme une suite de chapelles qui disparaissaient sous la jonchée de leurs fleurs amoncelées en reposoir. Leur parfum s'étendait aussi onctueux, aussi délimité en sa forme que si j'eusse été devant l'autel de la vierge.'' (Du côté de chez Swann).
Hors littérature, M.Pastoureau insiste sur l'aspect sain, frais, propre du blanc. Le bleu le rejoint car il a parfois une allure de maison chaleureuse et bien tenue. Les boules de bleu qui illuminaient la blancheur du linge, le cordon bleu et sa truite au bleu.
Quand il décrit l'humain l'adjectif blanc se décline curieusement dans l'intensité : pâle, blême, blafard, livide. Sans substantif référent ni suffixe (ici blanchâtre n'est pas approprié). Pâlot est le seul que j'ai trouvé. A vous de jouer !

Outre s'instruire on peut se promener, rêver, divaguer, se creuser la tête, et s'étonner, enfin passer un bon moment avec ce petit livre.
Avis de Christiane sur 
Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau
    J'ai apprécié ce petit livre, mais j'avoue être restée sur ma faim.
En tout cas il donne envie d'approfondir le sujet et d'aller voir de plus près les livres qu'il a déjà consacrés à une couleur unique. Donc c'est une très bonne introduction à son œuvre.
Avis de Janine sur 
Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau
  Un livre savoureux qui donne à voir et à ressentir différemment autour des couleurs, qui conduit à se poser des questions avec le sourire mais également, étonnement, sur l'influence symbolique des couleurs. Miroir de ce que nous sommes, de nos pensées, les couleurs ont eu des influences variables selon les époques elles évoluent, elles sont notre histoire, elles révèlent notre monde, "nos ambivalences. Elles sont de formidables révélateurs de l'évolution de nos mentalités".
Faut-il être sage et consensuel pour aimer le bleu, la Méditerranée nous inspire-t-elle ? Sommes-nous plus sensibles à l'histoire du pastel, richesse occitane, pays de cocagne, ou peut-on voyager avec le bleu de Prusse ou l'indigo ? Avec le bleu, on peut aimer la mélancolie, la poésie, avoir le blues, mais aussi se fonder dans la masse uniforme avec le jean… C'est paraît-il la couleur préférée, choisie par l'ONU, l'Unesco, l'Union Européenne, etc. Le bleu c'est le calme et la douceur.
Le rouge c'est le feu et le sang, assoiffé de pouvoir le rouge veut dominer, conquérir. C'est la couleur du diable, des crimes, de la suprématie. Partout on ne voit que le rouge, depuis le néolithique on exploite la garance, puis l'oxyde de fer, le sulfure de mercure… Dans l'Antiquité, le dieu Mars, les centurions, certains prêtres sont vêtus de rouge… le rouge est à la fois la vie et l'enfer, l'insolence. Au Moyen-Âge, il habillait les mariées. Le rouge est la Révolution. Aujourd'hui c'est le drapeau rouge de la Chine, de la Russie soviétique… Le rouge est la passion et l'érotisme.
À l'opposé du rouge est le blanc ; après la guerre vient la paix, le drapeau blanc. C'est la pureté et l'innocence, la vie, la lumière primale, l'origine du monde, l'innocence du nouveau né, mais c'est aussi la mort, les spectres, les fantômes, le linceul, le deuil dans certaines parties du monde (Afrique, Asie). Plus politique, le blanc est la couleur de la peau, le signe de reconnaissance, mais aussi de nos préjugés.
Comme Pastoureau, j'aime le vert, la nature, l'écologie, la propreté, la fraîcheur, par extension l'honnêteté. Mais le vert peut être changeant et trouble ; alors il devient inquiétant car dans la nature sont les quatre éléments…Aujourd'hui le vert est l'énergie, la sève, la renaissance, la liberté.
Le jaune n'est pas aimé, son histoire ne lui donne pas une bonne réputation. On l'associe aisément à la trahison, la tromperie, le mensonge. Le jaune ce sont les chevaliers félons, les Judas, les traîtres. Mais aussi le souffre qui dérange, l'ostracisme qui, au Moyen-Âge, invente l'étoile jaune. Pourtant le jaune est aimé des peintres, le jaune de Naples des peintres hollandais, des vitraux, des impressionnistes, de Van Gogh, des fauves, de l'art abstrait. Malgré le maillot jaune, on continue à "rire jaune". Pastoureau nous demande "les mots sont-ils des constructions purement intellectuelles ou correspondent-ils à des réalités plus tangibles ?"
Le noir est une couleur fortement symbolique, à la fois la peur, les ténèbres, la mort, le deuil, les épreuves, mais aussi l'humilité, l'austérité, la respectabilité, l'autorité. C'est la couleur de la Justice, des ecclésiastiques, des hommes d'État. Depuis la Renaissance, le noir est le signe du chic et de l'élégance. Dans l'histoire, le noir est la couleur de l'anarchie, des extrêmes. Le noir, souvent associé au blanc, a accompagné des découvertes fondamentales le papier, l'imprimerie et les techniques modernes de la photographie, du cinéma, de la télévision et que dire de la Série Noire !!!

Et ce ne sont là que les six couleurs de base qui se déclinent en de nombreuses nuances, on en ferait des poèmes tant elles sont infinies.
Ainsi chaque couleur démontre, qu'elle soit triste ou gaie, romantique ou pleine de fureur, innocente ou traîtresse, timide ou orgueilleuse, élégante ou rustre, changeante… "Elles ne sont, en somme, qu'une pure production de l'homme".

Avis de Renée sur 
Le petit livre des couleurs de Michel Pastoureau
 

Ce petit livre m'a intéressée, exactement comme la lecture d'un article de journal bien fouillé.
Il est léger, amusant par l'évolution des préférences au cours des siècles.
Je restais un peu sur ma faim : écrire un texte en noir et blanc sur les couleurs ????
Jusqu'à ce que le Louvre m'envoie un MOOC culturel sur les couleurs, appuyé souvent sur des textes de Pastoureau.
Là ce fut un régal car il y avait des IMAGES, des tableaux magnifiques pour illustrer les textes.
Bref, une lecture agréable, mais légèrement frustrante.

(Voir les conférences au Louvre de Michel Pastoureau en ligne : Les couleurs du Moyen-Âge)

   
   
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