Dans sa thèse de 2014, L'autofiction en question : une relecture du roman arabe à travers les uvres de Mohamed Choukri, Sonallah Ibrahim et Rachid El-Daïf, Darouèche HILALI BACAR cite les propos de Choukri sur le rapport du Pain nu au réel. Mohamed Choukri présente son livre comme un document sociologique car il contribue à faire connaitre la société marocaine de son temps : « Quand j'ai dit faire de mon autobiographie Le pain nu un document plus sociologique que littéraire, je voulais dire par là que j'ai effectué un travail documentaire sur un groupe social défavorisé ou marginalisé, dont ma famille et moi-même. Une uvre littéraire telle que le roman, la nouvelle, le théâtre, la poésie est plus condensée, codifiée et contraignante. En d'autres termes, une grande distance doit être mise entre l'auteur et les évènements qu'il raconte. Ceci ne veut pas dire que l'autobiographie ne peut pas être une uvre littéraire à part entière, mais j'introduisais des réflexions mêlant philosophie et psychologie comme l'ont fait, entre autres exemples, Jean Paul Sartre dans Les Mots (1963), James Joyce dans Portrait de l'artiste en jeune homme (1916) et Colin Wilson dans Voyage au début (1968). Évidemment, il y en a beaucoup d'autres anciens et modernes à commencer par Cicéron, Saint-Augustin, Jean-Jacques Rousseau, Goethe, Somerset Maugham, Jean Genet dans Journal du voleur (1949) et Pablo Neruda dans J'avoue que j'ai vécu (1974). Ceux-là et des dizaines d'autres ont écrit leur autobiographie sans gommer les références culturelles de leur famille et de leur milieu. Quant à mes personnages et à moi-même dans Le Pain nu, je n'ai pas forcé les traits culturels sauf ceux qui définissent leur position sociale. » (1986, références données p. 266 dans la thèse) « Pour revenir au Pain nu, il s'agit d'une ''autobiographie romanesque'' qui fut considérée au moment de sa parution comme un document social et historique : l'enfance, l'adolescence dans leur relation à la famille et à la société. » (2011, p. 283 dans la thèse) « Je pense que l'écriture naît du rapport conflictuel entre le réel et la fiction. À travers ce que nous visons et ce que nous imaginons, l'écriture traduit la vision de toute création d'un monde de l'excès et la réalisation des choses. Si je ne peux pas vivre la chose, l'attraper par la pensée et la représenter dans mon esprit en même temps qu'elle se produit. En d'autres termes, il n'y a pas ici de correspondance certaine. Donc, tout est paradoxe. » (1986, p. 283 dans la thèse) Propos reproduits dans L'autofiction en question : une relecture du roman arabe à travers les uvres de Mohamed Choukri, Sonallah Ibrahim et Rachid El-Daïf, Darouèche HILALI BACAR, thèse présentée le 15 décembre 2014, Université Lumière Lyon II. |