Le texte de Kourouma a été refusé en première instance par les nombreuses maisons d'édition auxquelles l'auteur s'était adressé en 1966, y compris par les Éditions du Seuil et Présence Africaine. C'est un peu par hasard que, l'année suivante, Kourouma a appris dans la presse algérienne qu'une revue canadienne, Études françaises, cherchait des manuscrits francophones. Il a décidé de tenter sa chance et a soumis son roman au scrutin de l'éditeur. La réaction de celui-ci, Georges-André Vachon, sera décisive. Cet universitaire de carrière, sans doute moins influençable par des considérations commerciales et politiques que les lecteurs professionnels parisiens, s'enthousiasme pour les qualités littéraires du roman tout en exprimant quelques réserves : "le texte doit être épuré". Kourouma n'hésite pas et accepte volontiers l'invitation de Vachon à faire un déplacement à Montréal, tous frais payés, pour mener à bien ce travail. Les trois semaines que Kourouma passera chez Vachon au cours de l'été 1967 seront employées à transformer la version originale du roman, devenue en l'occurrence l'avant-texte, en un texte abrégé qui sera publié l'année suivante sous le titre Les Soleils des indépendances. C'est cette version "épurée" qui gagnera le prix de la Francité en 1968 et qui, grâce en grande partie au soutien que continue de lui apporter Vachon, sera rachetée pour le prix symbolique d'un franc par les Éditions du Seuil en 1969.
Patrick Corcoran et Jean-Francis Ekoungoun |