Des énumérations fréquentes « Et même si tout se sait dans pareils milieux, parce que la promiscuité, le désuvrement et le communautarisme débilitant qui uvrent en tenaille dans le sens de la mort lente et de la folie profonde, on ne le dit pas, jamais, la vérité ne sert à rien, on ne sait pas ce que cest, on préfère radoter, affabuler, flatter, calomnier, trahir, jurer ses grands dieux, témoigner en bande et accabler jusquà livresse, jusquà leffroi. » (p. 86) « Bariza insistait sur les détails et se régalait de les nommer par leurs mauvais noms, elle disait : "putain, roulure, poufïasse, bordel, cul, chatte, cochon, niquer, enculer, nichons, maquerelle, zeb, quiquette, couilles, merdouille" et elle le disait en arabe et en français » (p. 88) « Il se jouait dans la ville quelque chapitre grandiose et maléfique dune histoire sans fin, cela se lisait dans le ciel, se sentait dans lair, se voyait sur les visages, tout était tragique et passionné, brutal et trompeur, fascinant et rebutant, essentiel et insignifiant, mystérieux et tellement lamentable au bout du compte. On lappellera la bataille dAlger. » (p. 120) « On a couru à se péter le cur, à pied, en tram, en train, en stop, dune planque à lautre, dune boîte aux lettres à lautre, découvrant au passage la ville et ses beautés, ses laideurs et ses micmacs, ses coins et ses recoins encore plus étranges, ses balcons vertigineux et ses vues panoramiques, ses plages polluées par tant de vieux rêves brisés, on a approché ses peuples, des gens butés, intempérants, débris dempires fracassés, agglutinés par le hasard et de faux calculs, qui mangeaient le même pain, buvaient le même vin, traînaient la même envie de vivre et de mourir, mais pour leur malheur au même endroit. » (p. 122) Boualem SANSAL, Rue Darwin, Gallimard, coll. "Folio"
|