Et qui connaît celui de Hédi, le Belcourt des islamistes harangueurs assoifés de sang ? Nous l'avions fui ce Belcourt, nous nous étions retranchés au Champ de Manuvres, le quartier mitoyen, encore indemne, dans un appartement que nous avait laissé en garde une famille amie qui s'était exilée en France à la première offensive, au premier "Allah Akbar" des premiers contingents de tueurs. Nous entendions leurs mosquées tonner dans le lointain, à l'heure des crépuscules angoissants et des matins lamentables, et nous tremblions de peur, ils étaient dans leur transe, ils appelaient à la guerre sainte ou jubilaient autour de quelques malheureux captifs. Ils les brûleraient tantôt et leurs cris nous hanteraient le restant de nos jours. Pauvres de nous, qui croyions que fuir devant l'islamisme était la chose à faire, quand c'était la plus mauvaise, lui offrir l'espace pour se propager et massacrer plus de gens. C'est de la complicité à retardement dans un crime contre l'humanité à venir ; demain ou après-demain nous en rendrons compte. Les lâches paieront deux fois, pour n'avoir pas compris et pour avoir fui. On leur reprochera aussi de s'être tus. C'est un grand crime, le silence. Le plus grand de tous. Boualem SANSAL, Rue Darwin, Gallimard, coll. "Folio", p. 172 |