Le grand plaisir de ce livre, c'est la langue et le style qui bousculent le lecteur et mêlent les langues dans un dosage explosif (p. 13, "pour moi, c'était une offense, comme une patada al culo, ma chérie !") : phrases interrompues, échanges vigoureux, création de mots entre le français et l'espagnol. On a l'impression d'assister à une danse Flamenco ou en tout cas à quelque chose de bouillonnant.
C'est aussi une étude de personnages bienveillante et très intéressante entre des egos qui s'affrontent pour des luttes de pouvoir ; des portraits de femmes, soumises ou rebelles ; la description d'une société en effervescence.

Le livre est, bien sûr, un travail de mémoire sur le passé de l'Espagne à cette époque. Ainsi, en parallèle, ou plutôt en entrelacs, l'auteure insère des passages consacrés à Georges Bernanos, également témoin des horreurs perpétrées par les nationaux. Son point de vue élargit la réflexion à un niveau plus général. De droite à l'origine, il a changé de combat en dénonçant les atrocités commises par les nationaux avec l'aide de l'Église, qu'il critique fortement.

Je dois avouer que, avec le même plaisir que j'avais plus jeune, j'ai sauté avec délectation ces passages plus historico-politiques, pour me centrer sur l'histoire familiale, que je trouvais bien plus parlante. Dans une seconde lecture, j'ai fait le contraire: c'est peut-être cela la richesse d'un livre ?