Songeant à mon père, de Yan Lianke
Annick L (avis transmis)

J'ai été très touchée par ce petit livre qui rassemble un petit ensemble de souvenirs d'enfance et de jeunesse de Yan Lianke autour de la figure admirable de son père, un paysan pauvre mais toujours digne qui s'est tué à la tâche pour élever ses enfants. Comme un hommage posthume rendu par ce fils "indigne" qui, lui, s'est engagé très jeune dans l'armée pour échapper à sa condition.
Le tableau qu'il compose par petites touches de la vie familiale et villageoise dans cette région reculée de la Chine (dans les années 60-70) est terrible : les paysans subissent non seulement les caprices de la nature mais aussi le contrecoup des réformes du régime communiste qui les dépossède de leurs terres (cf. l'une des nouvelles les plus tragiques : "Silhouette terrienne"). Mais son évocation est remarquable : quel talent pour camper les personnages (son père, sa mère, sa sœur, et les autres…), quelle plume ciselée (pour capter l'essentiel), imagée et souvent poétique (la campagne, les saisons…) !

Au-delà, ce livre est aussi l'occasion pour l'écrivain de nous livrer une réflexion très personnelle sur l'importance et la complexité des relations familiales. Une façon, tardive, de "payer sa dette" pour celui qui a tant admiré son père et qui se sent dépositaire des valeurs humaines qui lui ont été inculquées par ces gens simples, dans ce milieu où l'on n'avait pas les mots pour exprimer ses sentiments et où seuls les actes étaient la preuve de leur amour et de leur compréhension. Une façon de faire savoir à ses lecteurs aussi qu'il n'a pas oublié d'où il vient, malgré sa réussite sociale et sa renommée internationale. Et cette dimension-là a une portée universelle qui dépasse largement le contexte de la Chine communiste.

Cependant j'ai moins aimé la nouvelle-titre "Songeant à mon père" qui rompt avec le reste du recueil et où il m'a semblé que son propos se diluait un peu trop.

J'ouvre en grand.