Écrivains d'en haut, écrivains d'en bas



Il faut bien reconnaître que l'ennui en littérature s'intensifie de manière effrayante. L'observateur attentif du marché de l'édition est tout simplement sidéré par le nombre de livres qui augmente d'année en année, livres qui sont, avec la meilleure volonté du monde, illisibles. Et parfois, les œuvres conseillées justement par la critique comme des "réussites" littéraires, se révèlent, en pratique, tout à fait insupportables à cause de l'ennui affreux qu'elles dégagent. Le lecteur se trouve dans une situation inconfortable, car, à vrai dire, tout dans un tel livre est impeccable : le style, la profondeur, l'esprit et l'effort fourni ; en théorie, une œuvre de grande envergure, où toutes les exigences artistiques ont été satisfaites, et même avec surplus ; mais, dans la pratique, après trois pages, on s'ennuie beaucoup et l'on s'ennuie de plus en plus jusqu'au moment où, avec les mots "très bien écrits", on abandonne l'ennuyeux ouvrage, ne pouvant plus continuer. Cependant, c’est la position de l’auteur qui est ici la plus pénible. Chacun parle de lui avec la plus grande considération, alors que lui, le pauvre (...)*

Witold Gombrowicz
Extrait de Varia
repris dans La patience du papier, Christian Bourgois, 2019

 

*note de lectrice interrompant l'auteur : on ne va pas le plaindre en plus non mais...


Quand Voix au chapitre lit Gombrowicz : http://www.voixauchapitre.com/archives/2019/gombrowicz.htm