À
REBOURS : extrait
du chapitre 9 Il se leva et, mélancoliquement, ouvrit une petite boîte de vermeil au couvercle semé daventurines. Elle était pleine de bonbons violets ; il en prit un, et il le palpa entre ses doigts, pensant aux étranges propriétés de ce bonbon praliné, comme givré de sucre ; jadis, alors que son impuissance était acquise, alors aussi quil songeait, sans aigreur, sans regrets, sans nouveaux désirs, à la femme, il déposait lun de ces bonbons sur sa langue, le laissait fondre et soudain, se levaient avec une douceur infinie, des rappels très effacés, très languissants des anciennes paillardises. Ces bonbons inventés par Siraudin et désignés sous la ridicule appellation de « Perles des Pyrénées » étaient une goutte de parfum de sarcanthus, une goutte dessence féminine, cristallisée dans un morceau de sucre ; ils pénétraient les papilles de la bouche, évoquaient des souvenances deau opalisée par des vinaigres rares, de baisers très profonds, tout imbibés dodeurs. Dhabitude, il souriait, humant cet arome amoureux, cette ombre de caresses qui lui mettait un coin de nudité dans la cervelle et ranimait, pour une seconde, le goût naguère adoré de certaines femmes ; aujourdhui, ils nagissaient plus en sourdine, ne se bornaient plus à raviver limage de désordres lointains et confus ; ils déchiraient, au contraire, les voiles, jetaient devant ses yeux la réalité corporelle, pressante et brutale. En tête du défilé des maîtresses que la saveur de ce bonbon aidait à dessiner en des traits certains, lune sarrêta, montrant des dents longues et blanches, une peau satinée, toute rose, un nez taillé en biseau, des yeux de souris, des cheveux coupés à la chien et blonds. Cétait miss Urania, une Américaine, au corps bien découplé, aux jambes nerveuses, aux muscles dacier, aux bras de fonte. Quand
Voix au chapitre lit Huysmans : |