Kadaré
évoque la "contre-créativité" de l'écrivain,
sa "créativité négative", Je
vais tâcher d'expliquer ma pensée plus simplement. Dans notre
cerveau gisent, comme en dépôt, de nombreuses uvres,
ou des moitiés, des ébauches d'uvres. Pour diverses
raisons, l'écrivain ne doit pas ou n'a pas le temps d'écrire
la plupart. Son premier don consiste à discerner ce qu'il doit
sacrifier parmi ce troupeau. Car il est contraint d'en détruire
une partie. Vous demanderez peut-être : qu'est-ce qui l'oblige à
le faire ? Ne peut-il pas les laisser là, engrangées dans
son cerveau, sa remise ? Facile à dire ! Car une uvre comprimée
en vous, que vous ne laissez pas jaillir, vous incommode, vous pèse.
Vous êtes forcé de vous en occuper. Autrement dit, de vous
en débarrasser. Mais détruire un roman requiert un certain
temps. Si, pour l'écrire, il vous faudrait, disons, six mois, pour
vous en défaire, il vous faudrait au moins trois semaines (dès
lors que vous voudriez vous en délivrer totalement). Ismaïl Kadaré Quand Voix au chapitre lit Ismail Kadaré : http://www.voixauchapitre.com/archives/2019/kadare.htm
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