"Ismaïl
Kadaré en liberté auto-surveillée" CINÉMA-LETTRES Piccoli et Mastroianni tiennent les rôles principaux du film tiré de son livre Général de l'armée morte actuellement en cours de montage. Avec la prudence d'un écrivain d'État qui a connu des problèmes avec le parti, il s'est expliqué sur ses conditions de travail en Albanie. Ismaïl Kadaré est à Paris, et c'est déjà une bonne nouvelle. Au printemps dernier, le bruit avait en effet circulé que le grand écrivain albanais, le seul à être mondialement connu, se voyait inquiété dans son pays, taxé publiquement de "traitement subjectiviste des éléments historiques", menacé dans ses fonctions de député de Tirana et de directeur de la revue de l'Union des écrivains. L'intéressé dément. On nous avait dit qu'il parlait sous surveillance, toujours chaperonné... Nous l'avons vu seul (il parle français). Évidemment, il n'en dit pas plus qu'il ne faut. La raison de sa présence en France est qu'il a été invité à voir les "rushes" du film tiré de son premier succès en Occident, le Général de l'armée morte. L'histoire de ce général italien, venu, flanqué d'un aumônier, récupérer à Tirana les corps des soldats de Mussolini vaincus, cependant que l'armée albanaise au complet parade dans la ville, a été adaptée pour l'écran par Jean-Claude Carrière. Michel Piccoli joue l'aumônier, Marcello Mastroianni le général. Le metteur en scène est Lucciano Tovoli. Kadaré est aussi à Paris pour superviser la publication, chez Fayard, de la première anthologie de la littérature albanaise, à laquelle ce chantre de la culture albanaise attache beaucoup d'importance. "Inquiété ?" Kadaré rit. Mais pas du tout. Je ne comprends pas. J'ai été critiqué, comme il est normal qu'un écrivain le soit, comme les écrivains le sont chez vous. C'est naturel. Ce n'était pas la première fois que ça m'arrivait. Depuis que j'écris, j'ai été alternativement apprécié, critiqué, apprécié, critiqué... LE
QUOTIDIEN.
- Mais dans quelles conditions s'est exprimée
cette critique-ci, et sur quoi portait-elle ? Comment
avez-vous réagi ? Comment
vivent les écrivains en Albanie ? Comment vivez-vous ? Que
voulez-vous dire ? Vous
étiez député, tout de même. Comment
l'union sélectionne-t-elle ceux des écrivains qu'elle rémunère
? Combien
y a-t-il d'écrivains "libres" ? Quelle
est la liberté des écrivains, et des artistes en général,
en Albanie ? Écrivez-vous
ce que vous voulez ou y a-t-il une censure ? Quels
sont vos projets, maintenant ? Ce
livre-ci est donc terminé. Et ensuite ? (1) Le Pont aux trois arches et Avril brisé, parus en français chez Fayard en 1982, et aussi Qui a ramené Doruntine ?, non encore traduit. Quand Voix au chapitre lit Ismail Kadaré : http://www.voixauchapitre.com/archives/2019/kadare.htm
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