Vitrine de la Librairie polonaise de Paris, mai 2020

Liste des œuvres publiées par Olga Tokarczuk
avec la date de la première publication et la présentation de l'éditeur

- 1996 (en Pologne) : Dieu, le temps, les hommes et les anges, trad. Christophe Glogowski, Robert Laffont, 1998 ; prix international Man Booker 2018 ; Pavillons poche, 2019, 416 p.
Antan a tout l’air de n’être qu’un paisible village polonais. L’existence y est ponctuée par le temps : le temps d’aimer, de souffrir puis de mourir. Antan est situé au centre de l’univers – cœur du monde, cœur des hommes, cœur de l’histoire.
Mais qui préside à son destin ? Dieu, qui du haut des cieux lui envoie les maux et les bonheurs dévolus aux humains, ou le châtelain Popielski,
envoûté par le Jeu du labyrinthe que lui a offert le rabbin et qui, d’un coup de dés, renverse peut-être l’ordre des choses ? Un homme se transforme en bête, les âmes des morts errent dans le bourg jusqu’à se croire vivantes, des animaux parlent à une vieille folle… Au cours ordinaire de la vie se substitue brutalement la guerre avec son cortège d’événements diaboliques.

- 1998 : Maison de jour, maison de nuit, trad. Christophe Glogowski, Robert Laffont, coll. "Pavillons. Domaine de l'Est", 2001, 300 p.
En Basse Silésie, aux confins de cette vieille Pologne, les paysages sont baignés dans un halo de brume grisâtre. La terre détrempée et boueuse se mêle au ciel bas et sans cesse pluvieux qui s'abat comme une chape de plomb sur des êtres sombres et presque sans vie. Tout ici semble avoir un goût âcre de terre. Dans cet univers où même les ténèbres sentent l'humidité et le purin, il est une saison unique : l'automne avec ses odeurs de moisi et d'alcool qui imprègnent les âmes. Les hommes d'ici, pareils à ces paysages obscurs, semblent traverser une nuit souterraine, froide et sans sommeil. Les quelques mots échangés parfois, l'alcool souvent, les rêves aussi, sont autant de rayons de soleil auprès desquels les cœurs se réchauffent.
À travers ces portraits banals et usés, parfois extraordinaires, avec cette langue brillante où l'ironie loufoque côtoie la poésie, Olga Tokarczuk attire son lecteur dans un abîme envoûtant pour se jouer de lui.

- 2004 : Récits ultimes, trad. Grazyna Erhard, ed. Noir sur blanc, Lausanne, 2007, 256 p.

Ida, Parka, Maya. Une femme mûre, une très vieille femme et une jeune mère, la femme d’aujourd’hui, affrontent chacune à sa manière le monstre du Temps. Elles sont la grand-mère, l’arrière-grand-mère et la mère d’un même petit garçon, mais la famille s’efface dans l’instant de pure solitude qui les confronte à la mort. Trois récits composent ce beau roman, où le mythe des trois Parques trouve un écho subtil.
Après un accident de voiture, Ida marche dans la nuit jusqu’à la maison d’un vieux couple. Elle y passera plusieurs jours à tourner en rond, incapable de se ressaisir. Découvrant une grange qui sert de mouroir aux animaux malades, elle songe à sa propre fin, à cette mort entrevue qui reviendra la prendre.

Sa mère, Paraskewia, dite Parka, est une Ukrainienne exilée en Pologne. Son mari vient de mourir, il neige, et leur maison est coupée du monde. Alors, sur le flanc de la montagne, elle trace avec ses pieds un message pour ceux d’en bas, en lettres immenses : PETRO EST MORT ! Lorsqu’elle achève le point d’exclamation, elle a déroulé en pensée le film de sa vie.
Enfin il y a Maya, la fille unique d’Ida, qui séjourne en Malaisie avec son garçon de onze ans. Elle est censée préparer une brochure touristique, mais son voyage ressemble davantage à une fuite, au contrecoup d’une blessure intime.

- 2007 : Les Pérégrins, trad. Grazyna Ehrard, ed. Noir sur blanc, 2010, 390 p. Prix Nobel de littérature 2018 - Man Booker International Prize 2018

"Alors, remue-toi, balance-toi, cours, file ! Si t’oublies ça, si tu t’arrêtes, il va t’attraper avec ses grosses pattes velues et faire de toi une marionnette. Il t’empestera de son haleine qui sent la fumée, les gaz d’échappement et les décharges de la ville. Il va transformer ton âme multicolore en une petite âme toute raplapla, découpée dans du papier journal."
La clocharde du métro de Moscou qui parle ici appartient aux Bieguny (les marcheurs ou pérégrins), une secte de l’ancienne Russie, pour qui le fait de rester au même endroit rendait l’homme plus vulnérable aux attaques du Mal, tandis qu’un déplacement incessant le mettait sur la voie du Salut.

En une myriade de textes courts, Les Pérégrins, sans doute le meilleur livre d’Olga Tokarczuk, compose un panorama coloré du nomadisme moderne. Routards, mères de famille en rupture de ban, conducteur de ferry qui met enfin le cap sur le grand large : qu’ils soient fuyards ou conquérants, les personnages sont aux prises avec leur liberté, mais aussi avec le temps. Et ce sont les traces de notre lutte avec le temps que relève l’auteur aux quatre coins du monde : depuis les figures de cire des musées d’anatomie jusqu’aux méandres de l’Internet, en passant par les cartes et plans.
À travers les lieux et les non-lieux de ses voyages, Olga Tokarczuk a rassemblé des histoires, des images et des situations qui nous éclairent sur un monde à la fois connu et absolument mystérieux, mouvant réseau de flux et de correspondances… Sans jamais nous laisser oublier que "le but des pérégrinations est d’aller à la rencontre d’un autre pérégrin".

- 2009 : Sur les ossements des morts, trad. Margot Carlier, ed. Noir sur blanc, Lausanne, 2012, 304 p. : ; Libretto poche, 2014, 288 p.
Janina Doucheyko vit seule dans un petit hameau au cœur des Sudètes.
Ingénieur à la retraite, elle se passionne pour la nature, l’astrologie et l’œuvre de William Blake.
Un matin, elle retrouve un de ses voisins mort dans sa cuisine, étouffé par un petit os.
C’est le début d’une longue série de crimes mystérieux sur les lieux desquels on retrouve des traces animales. La police enquête. Les victimes avaient toutes pour la chasse une passion dévorante. Quand Janina Doucheyko s’efforce d’exposer sa théorie sur la question, tout le monde la prend pour une folle... Car comment imaginer qu’il puisse s’agir d’une vengeance des animaux ?

- 2014 : Les Livres de Jacob, trad. Maryla Laurent, éd. Noir et Blanc, 2018, 1040 p.

Sa Hérétique, schismatique, Juif converti à l’islam puis au christianisme, libertin, hors-la-loi, magicien, tour à tour misérable et richissime, Jakób Frank a traversé l’Europe des Lumières comme la mèche allumée d’un baril de poudre. De là à se prendre pour le Messie, il n’y avait qu’un pas – et il le franchit allègrement. Le dessein de cet homme était pourtant très simple : il voulait que ceux de son peuple puissent, eux aussi, connaître la sécurité et le respect de tous.

La vie de ce personnage historique est tellement stupéfiante qu’elle semble imaginaire. Un critique polonais dit qu’il a fallu à Olga Tokarczuk une "folie méthodique"pour l’écrire.

On y retrouve les tragédies du temps, mais on y goûte aussi les merveilles de la vie quotidienne : les marchés, les petits métiers, les routes incertaines et les champs où l’on peine, l’étude des mystères et des textes sacrés, les histoires qu’on raconte aux petits enfants, les mariages où l’on danse, les rires et les premiers baisers.
Cette épopée universelle sur l’émancipation, la culture et le désir est une réussite absolue : elle illustre la lutte contre l’oppression, en particulier des femmes et des étrangers, mais aussi contre la pensée figée, qu’elle soit religieuse ou philosophique.
Ainsi que le dit le père Chmielowski, l’autre grand personnage de ce roman, auteur naïf et admirable de la première encyclopédie polonaise, la littérature est une forme de savoir, elle est "la perfection des formes imprécises". Extrait, début du livre ICI


- 2015 : Les enfants verts, trad. Margot Carlier, éd. La Contre Allée, Lille, 2016, 96 p.

Un petit conte philosophique et historique
Au XVIIe siècle, William Davisson, un botaniste écossais, devenu médecin particulier du roi polonais Jean II Casimir, suit le monarque dans un long voyage entre la Lituanie et l’Ukraine. Esprit scientifique et fin observateur, il étudie les rudesses climatiques des confins polonais et les coutumes locales. Un jour, lors d’une halte, les soldats du roi capturent deux enfants. Les deux petits ont un physique inhabituel : outre leur aspect chétif, leur peau et leurs cheveux sont légèrement verts…
Une réflexion subtile et non sans humour autour de la perception de l’autre et du rejet de l’inconnu.

Olga Tokarczuk s’interroge sur l’Europe par la voix de son narrateur, un étranger pris dans la tourmente de l’Histoire. Perçu comme un danger potentiel, l’autre fait peur. Mais que savons-nous de nos voisins, ceux surtout qui vivent en marge du monde qui nous est proche ? La notion du centre et de la périphérie est-elle la même pour tous ? Qu’en est-il aujourd’hui ? Les observations de William Davisson, l’Européen échoué dans une lointaine Pologne déchirée par les guerres, semblent toujours d’actualité.


- 2017 : Une âme égarée, trad. Margot Carlier, ill. Janna Concejo, 50 p. (album), éd. Format, 2018. Voir sur le site de l'illustratrice.
Prix : Bologna Ragazzi Award (mention spéciale), Prix de l’Union Internationale pour les Livres de Jeunesse (IBBY), The White Raven (IJB Munich), Lódz Design Festival Award.

Une âme égarée est un livre qui se lit autant avec les mots qu’avec les images.
C’est une histoire à deux voix, celle de la romancière polonaise Olga Tokarczuk (parmi les plus traduites au monde, lauréate du Man Booker International Prize) et de Joanna Concejo, qui a créé un univers narratif parallèle, merveilleusement illustré par ses dessins captivants et pleins de secrets.
Une réflexion profondément émouvante sur notre capacité de vivre en paix avec nous-mêmes, de rester patients, attentifs au monde… Cet album sublime, d’une rare finesse, ravira petits et grands.


Rayon Tokarczuk à la librairie du musée national de Varsovie, janvier 2020


A l'Odéon le 25 novembre 2019, en présence de Vera Michalski-Hoffmann, directrice des Editions Noir sur Blanc, une soirée animée par Oriane Jeancourt Galignani


Quand Voix au chapitre lit Olga Tokarczuk :
http://www.voixauchapitre.com/archives/2019/tokarczuk.htm