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Genèse
de Nadja
Le manuscrit
Une fois
le texte publié, lauteur reprend le manuscrit. Il y ajoute
des lettres, des dessins de Nadja, dautres éléments
encore qui témoignent de cette histoire. Puis il sen sépare
et l'offre à Henry-Louis Mermod, éditeur suisse, qui le
dépose dans un coffre-fort de sa villa lausannoise. Le manuscrit
reste pendant 70 ans dans la famille, avant dentrer dans la collection
de Pierre Bergé, puis dêtre acquis par la BnF.
Nadja
est écrit à partir d'une histoire vraie : celle de la rencontre
entre André Breton et Nadja. Longtemps, on a cru que Nadja était
une actrice, Blanche Derval, voire un être de fiction.
La connaissance de Nadja a été d'abord enrichie grâce
à un collectionneur alors anonyme qui a fait bénéficier
dimages et de textes inédits de Nadja les visiteurs de lexposition
"La
Révolution surréaliste" (Centre Pompidou, 2002).
Le manuscrit
avait été exposé partiellement en 2003 à l'occasion
de l'exposition de Vincent Gille, « Trajectoires du rêve
: du romantisme au surréalisme », du 7 mars au 7 juin
2003 au Pavillon des arts à Paris.
Mais des
découvertes et des ventes récentes de manuscrits, de lettres
et de carnets de Breton ont permis de redécouvrir la femme derrière
le récit, comme l'explique, à la Bibliothèque nationale
de France où est conservé le manuscrit original, Olivier
Wagner, conservateur chargé de collections au Service des Manuscrits
modernes et contemporains (voir l'émission de France Culture "La
véritable histoire de "Nadja" de Breton", par
Camille Renard, 9 janvier 2020, 5 min 40).
Pendant
des décennies, on croira le manuscrit perdu. Classé Trésor
national en 2016, il est acheté par la BnF en 2017.
Voici la
dernière page de Nadja :
Ce manuscrit est l'unique jet complet du roman publié en 1928.
La BnF l'a acquis auprès Pierre Bergé (le fameux collectionneur),
avant la vente aux enchères de la collection d'art du mécène
en 2015. Il était alors estimé entre 2,5 et 3,5 millions
d'euros. Il a été acquis par la BnF pour 2 millions d'euros,
a confié Mme Engel, directrice de la BNF à l'AFP. Le Fonds
du patrimoine a contribué pour la moitié de cette somme,
le reste étant à la charge "des généreux
mécènes" de la BnF (voir l'appel
au mécénat d'entreprise paru au JO...)
Composé
de 34 feuillets, écrits ou illustrés au recto et annotés,
il renseigne sur sa technique d'écriture de son auteur. Revu et
corrigé par André Breton en 1962, avec l'ajout de nouvelles
photographies, il comprend également des documents inédits
comme sept photographies légendées à la main par
l'écrivain et quatre documents autographes signés Léona
Delcourt, la jeune femme qui a inspiré le personnage de Nadja (voir
le détail ici). Il rejoint Champs magnétiques (1919)
et Vases communicants (1932), autres manuscrits de Breton conservés
au Département des Manuscrits de la BNF.
Le manuscrit
a été classé Trésor national en février
2016 : un trésor national est, en France, un bien culturel présentant
un intérêt majeur pour le patrimoine français du point
de vue de l'art, de l'histoire ou de l'archéologie. Il est officiellement
désigné ainsi lorsque ce bien a fait l'objet d'un refus
de certificat d'exportation qui empêche temporairement sa sortie
du territoire national.
Contexte amoureux : les coups de foudre de Breton, les Nadja
Georgina,
Simone, Lise, Léona, Suzanne, Jacqueline...
-
1920 : Breton vit à l'hôtel des Grands-Hommes ; liaison pendant
6 mois avec Georgina Dubreuil qui, dans une crise de jalousie, quitte
Breton après avoir brûlé des livres dédicacés
par Apollinaire et des dessins de Derain, Laurencin, Modigliani et Vaché...
- 1920 : rencontre de Simone Kahn, mariage l'année suivante
- 1924 à 1927 : cour aussi assidue qu'infructueuse auprès
de Lise Meyer la "Dame au gant bleu ciel", objet d'un coup de
foudre de Breton lorsqu'elle était venue au Bureau de recherches
surréalistes. Elle avait donné au bureau "un des étonnants
gants bleu ciel qu'elle porte."
- 1926 : rencontre avec Léona Delcourt, dite Nadja
- 1927 : rencontre avec Suzanne Muzard, maîtresse d'Emmanuel Berl,
coup de foudre
- 1928 : publication de Nadja
- 1930 : divorce avec Suzanne, sa femme, qui a pour amant d'ailleurs Max
Morise, artiste aussi
- 1934 : rencontre avec Jacqueline Lamba, au centre de L'Amour fou
; mariage
Les deux
Nadja
Née en 1902, Léona Delcourt est originaire dune famille
modeste de Lille. Ayant donné naissance en 1920 à une petite
fille, elle se rend à Paris vers 1923, comme le suggère
le livre, et mène une existence difficile, aux frontières
des emplois précaires, de la prostitution et du monde du spectacle.
Cest, pense-t-on, à l"étrange Nadja",
danseuse connaissant une certaine vogue dans les milieux de lésotérisme,
quelle emprunte le prénom sous lequel elle se présente,
excluant un "nom de famille".
Breton fera plus tard la connaissance de cette autre Nadja, strip-teaseuse
théosophe, par l'intermédiaire de l'artiste Claude Cahun
et correspondra avec elle : Nadja,
de son vrai nom Béatrice Wanger, danseuse américaine aux
seins nus, se produisait sur la scène du Théâtre
ésotérique.
Illustration
de Moore, pseudonyme de Suzanne Malherbe, compagne de Claude Cahun, représentant
la danseuse Nadja.
Quand Breton
rencontre Léona Delcourt, dite Nadja, le 4 octobre 1926, elle mène
une existence incertaine, "perdue" écrit-elle, au hasard
des rues et des cafés : les quelques jours dintimité
exaltée avec Breton sont suivies par une période de rencontres
plus espacées et déchanges de correspondance. Désargentée,
elle est secourue par Breton qui vend un tableau pour lui venir en aide.
Les signes de déséquilibre sintensifient. Le 21 mars
1927, le patron dun lhôtel de la rue Becquerel où
elle a échoué après plusieurs changements de domicile,
appelle la police qui la transporte à lInfirmerie spéciale
du dépôt, puis à lHospice Sainte-Anne. Trois
jours plus tard, elle est internée à lhôpital
de Perray-Vaucluse, près dÉpinay-sur-Orge et y reste
un an, jusquà ce que ses parents la fassent transporter dans
un hôpital psychiatrique du Nord de la France où elle meurt
en 1941.
Le contexte politique
Le Parti
communiste - exactement la "Section française de lInternationale
communiste", ce qui montre bien la dépendance par rapport
à Moscou - maintient linsurrection à son horizon.
Bien quayant attiré à lui divers militants, comme
les anarcho-syndicalistes, il reste un petit parti, voire un groupuscule
en certaines années (30 000 militants en 1930) ; ses publications,
comme Le Militant rouge, sont imprégnées desprit
révolutionnaire et dantimilitarisme.
Le gouvernement, quil sagisse du Cartel des gauches (1924-1926)
ou des gouvernements dUnion nationale (Poincaré, Tardieu),
n'hésite pas à réprimer : il en va ainsi avec les
nombreuses arrestations qui suivent les manifestations insurrectionnelles
daoût 1927 contre lexécution de Sacco et Vanzetti,
évoquées dans Nadja.
Si, malgré leurs réticences devant létroitesse
desprit de certains dirigeants, les surréalistes se tournent
pour quelques années vers le Parti communiste, cest quils
veulent rejoindre le groupement politique qui leur paraît au plus
près de limage quils se font de la Révolution.
Quand ils se retrouvent en 1925 et 1926 avec dautres organisations
de gauche dans un "Comité", leurs modèles vont
être le Comité de salut public ou la cellule révolutionnaire,
comme le montrent, dans les comptes rendus de séances qui ont été
conservés, un ton âpre de sommation, des interventions parfois
inquisitoriales et des procédures dexclusion.
La politique
affleure dans Nadja :
- à travers des réflexions désabusées
("Allons, ce nétaient pas encore ceux-là quon
trouverait prêts à faire la Révolution",
p.
71-72)
- dans des passages comme la tirade contre le travail aliénant
(Breton allant beaucoup plus loin que les théoriciens marxistes),
- dans lévocation même de Nadja, dont la pauvreté
réduit les perspectives davenir
- la phrase
"Elle sappelle Fanny Beznos" (p.
64) évoque une militante du Secours rouge, également
suffragette, rencontrée fortuitement aux puces de Saint-Ouen, qui
fréquentera le milieu surréaliste et à laquelle Breton
apportera son aide, facilitant son passage en Belgique. On la voit à
gauche sur la photographie du Marché aux puces, de dos. Elle sera
déportée pendant la guerre et mourra dans un camp.
Le contexte littéraire
Le puissant
malaise quil ressent vient certes du désastre de son aventure
individuelle, mais également des déchirements de laventure
collective du surréalisme.
Depuis le Manifeste (1924), qui proposait lécriture
automatique comme antidote au récit, le groupe sest délité
; il na pas résisté en 1926 à ladhésion
au PC de certains de ses membres, dont Breton. Soupault a été
exclu, Artaud a fait sécession, puis Desnos, Vitrac
Après deux ans presque exclusivement consacrés à
la critique et à la polémique, Breton envisage un livre
sur les mystérieuses possibilités que le hasard peut introduire
dans la vie quotidienne ; une uvre qui porterait témoignage
de la "clarification" et de "laffermissement du ton
surréaliste".
André Breton nous prévient dans son "Avant-dire"
: "l'abondante illustration photographique a pour objet d'éliminer
toute description celle-ci frappée d'inanité dans
le Manifeste du surréalisme". Reportons-nous à ce que
dit Le manifeste du surréalisme :
M. Paul Valéry
proposait dernièrement de réunir en anthologie un aussi
grand nombre que possible de débuts de romans, de linsanité
desquels il attendait beaucoup. Les auteurs les plus fameux seraient
mis à contribution. Une telle idée fait encore honneur
à Paul Valéry qui, naguère, à propos des
romans, massurait quen ce qui le concerne, il se refuserait
toujours à écrire : La marquise sortit à cinq
heures. Mais a-t-il tenu parole ?
Si le style dinformation pure et simple, dont la phrase précitée
offre un exemple, a cours presque seul dans les romans, cest,
il faut le reconnaître, que lambition des auteurs ne va
pas très loin. Le caractère circonstanciel, inutilement
particulier, de chacune de leurs notations, me donne à penser
quils samusent à mes dépens. On ne mépargne
aucune des hésitations du personnage: sera-t-il blond, comment
sappellera-t-il, irons-nous le prendre en été? Autant
de questions résolues une fois pour toutes, au petit bonheur;
il ne mest laissé dautre pouvoir discrétionnaire
que de fermer le livre, ce dont je ne me fais pas faute aux environs
de la première page. Et les descriptions ! Rien nest comparable
au néant de celles-ci; ce nest que superpositions dimages
de catalogue, lauteur en prend de plus en plus à son aise,
il saisit loccasion de me glisser ses cartes postales, il cherche
à me faire tomber daccord avec lui sur des lieux communs:
La petite pièce
dans laquelle le jeune homme fut introduit était tapissée
de papier jaune: il y avait des géraniums et des rideaux de mousseline
aux fenêtres; le soleil couchant jetait sur tout cela une lumière
crue
La chambre ne renfermait rien de particulier. Les meubles,
en bois jaune, étaient tous très vieux. Un divan avec
un grand dossier renversé, une table de forme ovale vis-à-vis
du divan, une toilette et une glace adossées au trumeau, des
chaises le long des murs, deux ou trois gravures sans valeur qui représentaient
des demoiselles allemandes avec des oiseaux dans les mains voilà
à quoi se réduisait lameublement. (Dostoïevski
: Crime et châtiment)
Que lesprit
se propose, même passagèrement, de tels motifs, je ne suis
pas dhumeur à ladmettre. On soutiendra que ce dessin
décole vient à sa place, et quà cet
endroit du livre lauteur a ses raisons pour maccabler. Il
nen perd pas moins son temps, car je nentre pas dans sa
chambre. La paresse, la fatigue des autres ne me retiennent pas. Jai
de la continuité de la vie une notion trop instable pour égaler
aux meilleures mes minutes de dépression, de faiblesse. Je veux
quon se taise, quand on cesse de ressentir. Et comprenez bien
que je nincrimine pas le manque doriginalité pour
le manque doriginalité. Je dis seulement que je ne fais
pas état des moments nuls de ma vie, que de la part de tout homme
il peut être indigne de cristalliser ceux qui lui paraissent tels.
Cette description de chambre, permettez-moi de la passer, avec beaucoup
dautres.
André Breton, Manifeste
du surréalisme, 1924
Si la phrase
de la marquise ne figure pas mot pour mot dans les écrits de Valéry,
on a pu relever des formulations proches, marquise incluse, comme ici
:"Romans. Larbitraire. La comtesse prit le train de huit
heures. La marquise prit le train de neuf heures. Or ce que je puis varier
ainsi indéfiniment dans le mou le premier imbécile
venu peut le faire à ma place le lecteur." (Cahiers,
p. 1162).
Composition
Breton rencontre
Nadja en 1926 soit dix ans après la naissance de Dada à
Zurich et seulement huit après la fin de la Première Guerre
mondiale. Lévénement vient tout juste après
linvention du "cadavre exquis", louverture de la
Galerie
surréaliste et précède de quelques mois ladhésion
de Breton au parti communiste en janvier 1927.
L'histoire donnant lieu au livre est courte :
-
octobre 1926 : rencontre de Nadja
- février 1927 : fin de l'histoire avec un message de Nadja. Breton
a rompu avec elle de façon absolue ; il refuse de la voir à
lasile psychiatrique où il apprend quelle est entrée.
Breton rédige
son livre en deux temps :
- les deux premières parties en août 1927 (en Normandie,
au manoir d'Ango, en quinze jours !)
- la troisième fin décembre à Paris, dans l'exaltation
de sa relation pourtant compliquée avec Suzanne Muzard.
Breton a d'ailleurs lui-même écrit l'historique de la rédaction
de Nadja pour l'éditeur d'art Louis Broder, probablement
en 1948, et on peut en lire de larges extraits dans l'ouvrage présenté
et réalisé par Henri Béhar, Potlatch
André Breton.
- Août
1927 : retiré seul à Varengeville-sur-Mer, installé
dans "un beau manoir de corsaire", le manoir dAngo. Il
lit Huysmans et réfléchit aux événements récents.
Il souhaite prendre ses distances avec son épouse Simone, clarifier
la passion unilatérale quil ressent pour Lise, et répondre
à linjonction de Léona D., cest-à-dire
Nadja ("André ? André ?... Tu écriras un
roman sur moi. Je tassure.")
Pour reconstituer les jours passés en compagnie de Nadja, Breton
compte sur sa très grande mémoire ; il a gardé par
ailleurs des notes dont certaines ont attristé Nadja, qui
ne sest pas reconnue dans la figure allégorique de "magicienne",
d"âme errante" que Breton a faite delle. Mais
son projet senlise.
- 22 août : "Lhistoire que jai entreprise,
écrit-il, me donne beaucoup de fil à retordre et je nen
suis encore quau préambule."
- Une semaine plus tard : "Ma petite histoire avance lentement."
Sil est le seul hôte du manoir, il y reçoit plusieurs
visites (Prévert, Duhamel
) et voit presque chaque jour Aragon
qui séjourne avec Nancy Cunard à quinze minutes de là.
La rapidité décriture de son camarade et son aisance,
en comparaison de sa lenteur, le démoralise. "[Le
Traité du style] quAragon écrit, et quil
me communique, me gêne assez pour écrire. Cest
tellement, tellement brillant : tu ne peux pas timaginer",
confie-t-il à Simone, lui affirmant quen revanche il pense
pouvoir écrire quelque chose de plus "humain" ;
il veut atteindre le "vital", le moteur de la "vraie
vie" faire un livre "battant comme une porte".
Il peine à "fixer le timbre" de ce texte auquel
il veut donner le ton dépassionné et objectif dune
étude clinique de Freud.
- 31 août : il en a écrit toutefois "deux parties
sur trois" et quitte le manoir pour Paris.
Il fait lecture à Éluard, Prévert et Masson de sa
"prose" qui nest ni un "roman"
ni un "récit". Les compliments quil reçoit
lencouragent.
-
16 septembre, Nadja est presque achevé. Breton écrit
à Lise :
"Je
vais publier l'histoire que vous connaissez en l'accompagnant d'une
cinquantaine de photographies relatives à tous les éléments
qu'elle met en jeu : l'hôtel des Grands Hommes, la statue d'Etienne
Dolet, et celle de Becque, une enseigne ''Bois-Charbons'', un portrait
de Paul Éluard, de Desnos endormi, (
) la femme du musée
Grévin. Il faut aussi que j'aille photographier l'enseigne ''Maison
Rouge'' à Pourville, le Manoir d'Ango. Me permettez-vous, Lise,
de faire photographier le gant de bronze et ne pouvez-vous, j'y tiendrais
essentiellement, tâcher d'obtenir une reproduction du tableau
de Mordal, vu de face et de profil. Vous savez que rien n'aurait de
sens sans cela. Voulez-vous me dire si c'est possible ? Je crois que
cela ferait un livre beaucoup plus troublant."
Édition
- Automne
1927 : une pré-publication a lieu dans la revue Commerce,
cahier XIII, "Nadja/Première partie". Or, entretemps,
la rencontre dune nouvelle femme est venue bouleverser son "paysage
mental", et donc léquilibre, la perspective de son
ouvrage.
- En
décembre 1927, il écrit une troisième partie, plus
lyrique, pour faire place à Suzanne.
- mars 1928 : un autre extrait est publié dans le n° 11
de La révolution surréaliste, "Nadja (fragment)",
avec la reproduction d'un tableau de Chirico qui ne figure pas dans l'édition
définitive. Le préambule de Nadja paraît en
anglais dans la revue publiée à Paris, Transition,
"Nadja, Opening Chapter". Hours Press, dont le propriétaire
n'est autre que Nancy Cunard, la maîtresse milliardaire de Louis
Aragon, finance la traduction et l'édition d'une version
intégrale.
- Breton espère une publication chez Gallimard le 1er avril. Elle
est repoussée au 25 mai : sortie donc de Nadja.
Réédition
Lors de
sa réédition en décembre 1963, Breton remanie Nadja.
Il juge
que cest la clé de voûte de son uvre, sa première
pièce entièrement narrative, la première aussi dune
tétralogie amoureuse, que compléteront Les
vases communicants (1933), L'amour
fou (1937) et Arcane
17 (1944).
Il lenrichit dun "Avant dire", rajoute des notes,
quatre photos, et opère sur le contenu plus de 300 corrections
stylistiques.
Voici quelques
modifications...
Il ôte
la mention d'une nuit avec Nadja. L'édition de 1928 contenait ce
passage, supprimé en 1963 : "Nous décidons
d'attendre le prochain train pour Saint-Germain. Nous y descendons, vers
une heure du matin, à l'hôtel du Prince-de-Galles."
Il restitue
le nom de Paulhan. Il supprime une réticence à légard
de Rimbaud.
Il supprime aussi une attaque contre Tzara. Le
théâtre nétait pas une production artistique
très prisée des surréalistes, car ils voyaient dans
la représentation dramatique, comme dans le concert, des cérémonies
bourgeoises qu'ils prenaient plaisir à parodier dans les soirées
dada, comme celle du Cur
à gaz, une pièce de Tristan Tzara, qui fut
représentée au Théâtre Michel (toujours existant
38, rue des Mathurins), le 6 juillet 1923, et à laquelle Breton
fit allusion dans lédition de 1928 de Nadja
: "M. Tristan Tzara préférerait sans doute qu'on
ignorât qu'à la soirée du Cur à
gaz', il nous donna, Paul Éluard et moi, aux agents."
; en effet, de violentes interruptions furent provoquées par Desnos,
Éluard, Péret et, surtout, Breton, qui monta sur la scène
et, de sa canne, cassa le bras dun des acteurs. Comme Tzara appela
la police, cette soirée marqua une rupture. Tzara en appelle à
la police. Cette soirée marque la rupture définitive entre
dadaïstes et surréalistes.
Comme ils se réconcilièrent (pour un temps !), la mention
fut supprimée !
En 1963,
deux ajouts augmenteront les quarante-quatre illustrations
de l'édition originale et certains clichés subiront un recadrage.
Les photos dans Nadja
Plus
du quart du livre est composé de photos. La référence
sera celle de l'édition Livre de poche : 176 pages de textes,
48 pages d'images, soit plus du quart...
De
photos de quoi ? De lieux, objets, statues, portraits, tableaux,
affiches, textes, dessins.
Voici le détail des 48 images dans Nadja
:
Des lieux extérieurs : hôtels, restaurants, boutiques,
théâtre, place, parc, château, manoir...
- Hôtel des Grands Hommes, p. 23
- Manoir d'Ango, le colombier, p. 24
- Boutique Bois-Charbons, p. 30
- Porte Saint-Denis, p. 37
- Scène de théâtre, p. 50
- Boutique du Marché aux puces de Saint-Ouen, p. 60
- La librairie de L'Humanité, p. 70
- Brasserie À la Nouvelle France, p. 86
- Place Dauphine, p. 95
- Jet d'eau aux Tuileries, p. 99
- Boutique des camées durs, p. 117
- Boulevard Magenta devant le Sphinx hôtel, p. 119
- Le Château de Saint-Germain, p. 129
- Les Aubes à Avignon, p. 178
Des objets
- Demi-cylindre blanc irrégulier trouvé aux Marché
aux puces, p. 61
- Gant de femme, p. 65
- Tiens Chimène, p. 150
- "Je t'aime, je t'aime", p. 152
Des statues
- Etienne Dolet, place Maubert, p. 27
- Buste d'Henri Becque, place Villiers, p. 170
- Mannequin du Musée Grévin, p. 174
Des portraits
photographiques
- Paul Éluard, p. 28 (photo de Man Ray)
- Benjamin Péret, p. 32 (photo de Man Ray)
- Robert Desnos, p. 34 (photomontage de Man Ray)
- Blanche Derval, p. 56 (photo Henri Manuel)
- Mme Sacco, voyante, 3, rue des Usines, p. 91
- Les yeux de fougère de Nadja, p. 127
- Professeur Claude à Sainte-Anne, p. 159 (photo Henri Manuel)
- André Breton, p. 170 (photo Henri Manuel)
Des tableaux
- Paolo Ucello, La Profanation de l'Hostie, détail, p. 108
- Braque, p. 148
- Chirico, L'Angoissant Voyage ou l'Énigme de la Fatalité,
p. 149
- Max Ernst, Mais les hommes n'en sauront rien, p. 151
À noter : L'Embarquement pour Cythère de Watteau
est cité, p. 126, mais non reproduit (voir l'article "Remarques
sur Watteau vu par Breton", par Harada Misao, Revue de l'Hiyoshi,
2014)
Des
affiches
- L'Étreinte de la Pieuvre, p. 39 (affiche du film)
- L'affiche lumineuse de "Mazda", p. 154
Des
textes
- Lettre de L. Mazeau à propos du Théâtre Moderne
p. 41 (recto) et p. 42 (verso)
- Troisième des Dialogues entre Hylas et Philonous, de Berkeley,
p. 101
- Histoire de la France illustrée, p. 112
Des
dessins de Nadja
- A l'exception du masque rectangulaire dont elle ne peut rien dire...,
p. 121
- La Fleur des amants, p. 137
- Un portrait symbolique d'elle et de moi, p. 139
- Le rêve du chat, p. 140
- De manière à pouvoir varier l'inclinaison de la tête...,
p. 142
- Qu'est-elle, p. 144
- Le
salut du diable, p. 144
- Un vrai bouclier d'Achille..., p. 145
- Au dos de la carte postale..., p. 146
- L'âme du blé, p. 160
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