Borderline «
C'est, par moments, terrible d'être seul à ce point. Je n'ai
que vous pour amis », disait-elle à ma femme, au téléphone,
la dernière fois. Elle était forte, enfin, et très
faible, comme on peut l'être, de cette idée qui toujours
avait été la sienne, mais dans laquelle je ne l'avais que
trop entretenue, à laquelle je ne l'avais que trop aidée
à donner le pas sur les autres : à savoir que la liberté,
acquise ici-bas au prix de mille et des plus difficiles renoncements,
demande à ce qu'on jouisse d'elle sans restrictions dans le temps
où elle est donnée, sans considération pragmatique
d'aucune sorte et cela parce que l'émancipation humaine, conçue
en définitive sous sa forme révolutionnaire la plus simple,
qui n'en est pas moins l'émancipation humaine à tous égards,
entendons-nous bien, selon les moyens dont chacun dispose, demeure la
seule cause qu'il soit digne de servir. Nadja était faite pour
la servir, ne fût-ce qu'en démontrant qu'il doit se fomenter
autour de chaque être un complot très particulier qui n'existe
pas seulement dans son imagination, dont il conviendrait, au simple point
de vue de la connaissance, de tenir compte, et aussi, mais beaucoup
plus dangereusement, en passant la tête, puis un bras entre les
barreaux ainsi écartés de la logique, c'est-à-dire
de la plus haïssable des prisons. » André
Breton, Nadja Voix
au chapitre a programmé André Breton en janvier 2021
http://www.voixauchapitre.com/archives/2020/breton.htm |