Appropriation culturelle (suite) Extrait
d'une interview dans Le Monde Ecrivaine guadeloupéenne, Simone Schwarz-Bart, 82 ans, n'a de cesse de défendre la mémoire de son mari André, juif d'origine polonaise, Prix Goncourt 1959 pour Le Dernier des Justes, injustement conspué pour avoir voulu, toute sa vie, rapprocher les histoires et souffrances de la Shoah et celles de l'esclavage. Elle
publia Pluie
et vent sur Télumée Miracle en 1972 (lu dans le
groupe en 1992) -
Simone Schwarz-Bart : Ce fut affreux, stupide, injuste. Des Antillais
ont osé prétendre qu'un homme blanc ne pouvait honnêtement
écrire sur les Noirs ! Des intellectuels proches des indépendantistes
n'ont pas supporté que le grand livre de résistance à
l'esclavage soit écrit par un juif ! André en a été
meurtri, et moi, je me suis sentie trahie par les miens. Pas une voix
ne s'est élevée pour le défendre. Pas un coup de
fil pour soutenir sa volonté de relier les hommes, et son droit
de parler des Noirs comme des siens. On avait affaire à des rapetisseurs
de têtes, des cuiseurs de cervelle lamentables, alors qu'André
visait l'universel. Cette incompréhension l'a brisé. Il
a rompu tous liens avec le milieu littéraire. Il a continué
d'écrire chaque jour des dizaines de feuillets, mais il jetait
tout à la poubelle. Son désespoir me dévastait. La
vérité, c'est que son livre était paru trop tôt
et qu'aujourd'hui, Solitude, l'héroïne de son histoire, est
revendiquée par toute la Guadeloupe. Des rues, des écoles,
des statues, des institutions la célèbrent. Le petit juif
André Schwarz-Bart fait bel et bien partie du patrimoine antillais. Voir
l'interview
intégrale dans la série "Je ne serais pas arrivée
là si
" : Voix
au chapitre
a programmé Joyce Carol Oates le 16 octobre 2020 |