"Nous avions toutes remporté un concours organisé par un magazine de mode, en écrivant des essais, des poèmes, des histoires et des slogans publicitaires. Nos prix consistaient en un emploi pendant un mois à New York – tous frais payés, plus des monceaux de cadeaux : places réservées pour des spectacles de ballet, billets de faveur pour défilés de mode, bons gratuits pour se faire coiffer dans des salons célèbres et hors de prix, occasions de rencontrer des gens ayant réussi dans la branche de notre choix, également des conseils concernant le traitement de nos peaux respectives.

Je possède toujours la trousse de maquillage qu’ils m’ont donnée ; une trousse pour brune aux yeux bruns : une pastille oblongue de mascara brun avec une brosse minuscule, un godet rond avec de l’ombre bleue, juste assez grand pour pouvoir y tamponner le bout d’un doigt, trois bâtons de rouge à lèvres allant du rouge au rose, le tout encastré dans une petite boîte dorée équipée d’un miroir sur une des faces. J’ai aussi un étui à lunettes de soleil en plastique blanc avec des coquillages coloriés, des sequins et une étoile de mer en plastique vert, le tout cousu dessus.

Je comprenais bien que si nous ne cessions d’entasser tous ces cadeaux, c’était parce que cela représentait de la publicité gratuite pour les firmes concernées, mais je n’arrivais pas à être cynique. J’étais trop impressionnée par tous ces cadeaux gratuits qui nous dégringolaient dessus en avalanche. Pendant longtemps je les ai gardés cachés, mais plus tard, quand je me suis sentie bien, je les ai ressortis et je les ai toujours, dispersés dans toute la maison. Je me sers du rouge à lèvres de temps en temps, et la semaine dernière, j’ai découpé l’étoile de mer en plastique de l’étui à lunettes pour que mon bébé puisse jouer avec."

Sylvia Plath
La cloche de détresse, chapitre I


Voix au chapitre a programmé La cloche de détresse en septembre 2021
http://www.voixauchapitre.com/archives/2021/plath.htm