"Pourquoi
ça marche : La Petite-fille, culture et fractures" Lécriture familière de Bernhard Schlink aborde la question de la transmission de lhistoire allemande à travers les générations. Un jour nous avons découvert lauteur allemand Bernhard Schlink, peut-être était-ce grâce à son premier roman policier Brouillard sur Mannheim (Série Noire, 1987), son écriture nous est très vite devenue familière. Le grand public la découvert avec le Liseur (Gallimard, 1996), best-seller mondial adapté au cinéma avec Kate Winslet dans le rôle principal. Une formidable histoire damour entre un adolescent et une femme plus âgée qui se révélera être une ancienne gardienne du camp dAuschwitz. Depuis lors, les romans de Schlink ont un public fidèle, touché par sa façon bien à lui de décrire la société allemande par la force dune image ou dune atmosphère. Son dernier, la Petite-fille (Gallimard), revient sur la Shoah et la difficile transmission de cette tragédie aux nouvelles générations. Pourquoi ce livre est politiquement important ? Parce quil brosse un tableau effroyable de cette partie de la jeunesse allemande qui, perméable aux pires théories du complot, tend à considérer les nazis comme des victimes et non des bourreaux. Kaspar est libraire à Berlin. A la mort de sa femme, il découvre que celle-ci avait une fille et une petite-fille. Parti à leur recherche, il saperçoit que celle quil considère désormais comme SA petite-fille est élevée dans les milieux volkisch (nationalistes ethnicistes) qui inspirèrent les nazis. Et quelle subit un véritable lavage de cerveau. Elle a malgré tout une fraîcheur et une vivacité desprit qui lattache à elle, surtout quand elle lappelle « grand-père ». Peut-on rééduquer un être par les livres et la musique ? Cest ce que Kaspar va tenter pour ouvrir sa petite-fille à un autre monde, lui faire oublier les chants à la gloire du Reich et les livres contestant la véracité du Journal dAnne Franck, lui apprendre quun compositeur vous émeut ou pas, et peu importe quil soit juif, musulman ou chrétien. Il va lemmener à lopéra et lendormir en lui faisant écouter Bach, Mozart ou Brahms. « Quand jécoute Bach, jai le sentiment que la musique contient tout, le léger et le lourd, le beau et le triste, et quil les réconcilie », lui dit-il. Et il va lui acheter le Livre de la jungle, lîle au trésor, Robinson Crusoé, Oliver Twist, les Quatre Filles du docteur March et le Seigneur des anneaux. Tant pis si elle ne les lit pas, au moins elle saura quils existent. Comment séduire en racontant le quotidien ? Cest la grande force de Schlink, savoir raconter linaction, le désuvrement mais aussi la petitesse et le vertige dune vie avec un nuage de tristesse et beaucoup de poésie ou de délicatesse. « Là, il ne faisait rien dautre quobserver les gens, et il prit conscience du nombre de vies qui passaient devant lui, des vies qui avaient leur travail et leur logis, leur famille ou leur solitude, leur bonheur ou leurs soucis, qui sétaient accommodés de leur monde ou lincriminaient. » Sous la plume de Schlink, lesprit ne cesse de vagabonder, pour le meilleur et pour le pire. Bernhard Schlink, la Petite-fille, Bernhard Schlink, traduit de lallemand par Bernard Lortholary. Gallimard, 337 pp., 23 € (ebook : 16,99 €). |
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