Le
rôle de la revue Roman Gallimard
publie en 1956 le premier livre de Dagerman après sa mort en 1954.
Karin Dahl montre dans La
réception de l'uvre de Stig Dagerman en France le
rôle de la revue Roman en 1951 puis en 1955, avant la publication
du roman. « Le terrain avait cependant été préparé par Célia Bertin et sa revue littéraire ROMAN. En effet, avant la publication du premier roman de Dagerman en France, un autre événement dagermanien avait eu lieu, grâce à une revue littéraire intitulée ROMAN ayant opéré durant quelques années à Saint-Paul de Vence, en Provence (1951-55). Cette revue, qui fut fondée et dirigée par Célia Bertin (1921-1983) et Pierre de Lescure (1891-1963) (également cofondateur des Éditions de Minuit) et dont la couverture fut illustrée par Henri Matisse, était consacrée à l'art romanesque et s'intéressait aussi bien à la littérature française qu'à la littérature étrangère. On y note un intérêt particulier pour la littérature suédoise*. » En
1951
L'article
de Runnquist respire une fraîcheur et une légèreté
qui fait exception dans la réception de Dagerman en France. Cela
est naturellement dû en grand partie au fait qu'il échappe
aux expressions de condoléances que les critiques venus après
lui ont dû formuler après le suicide de l'auteur. Karin
Dahl En 1955 (n° 12, juillet 1955) «
L'article
de Célia Bertin, qui devait avoir beaucoup d'impact sur l'accueil
de L'Enfant brûlé, fut le premier à paraître
sur Dagerman en France. Il parut dans le magazine littéraire ROMAN
sous le titre "Visite à un ami mort". Célia Bertin
y esquisse un portrait à la fois de la Suède et de Dagerman
et crée autour de l'auteur une ambiance de mystère. C'est
en effet un récit de voyage, et comme c'est souvent le cas pour
ce genre de récits, il est fortement empreint d'exotisme. Le voyage
de Célia Bertin avait lieu peu de temps après la mort de
Dagerman. Ayant décidé de rendre visite à sa veuve,
Anita Björk, qui était aussi son amie, Célia Bertin
raconte ses souvenirs de voyage de façon détaillée.
Elle prend un taxi pour se rendre dans l'archipel de Stockholm, où
habitait le couple Dagerman-Björk. Bertin donne de la Suède
l'image d'un pays civilisé : le taxi roule sur "une admirable
route". La nature est très présente et elle compare
le paysage à celui de la Bretagne : "Comme ce pays est
beau, magique autant que la Bretagne, avec une vraie grandeur qui bouleverse
!". Il fait mauvais, "les vitres de la voiture sont pailletées
de pluie", mais surtout "il fait nuit". L'obscurité
est omniprésente dans l'article et les verbes "illuminer"
et "éteindre" ne cessent d'apparaître et
de réapparaître. Elle boit du xérès avec Anita
Bjôrk sous l'éclairage modeste d'une lampe à pétrole
et "on [sent] la nuit et les arbres au-delà des vitres".
Elle cite le chauffeur de taxi : "on ne s'habitue pas à
vivre dans le mauvais temps et l'obscurité. Aujourd'hui, il n'a
pas fait jour". Il fait sombre, il pleut, mais ce n'est tout
de même pas une description négative que Bertin veut faire
de la Suède, elle veut plutôt en donner une image mystérieuse.
La description de la maison où a vécu Dagerman contribue
à créer cette impression de mystère : "J'avais
déjà pensé que la maison était d'une étrange
beauté, simple. Une maison dans laquelle on aimerait vivre à
cause de sa situation parmi les arbres, de son mystère un peu féerique".
C'est une présentation attrayante que Bertin fait de ce jeune écrivain étranger. L'article a sans doute préparé le terrain pour la publication de L'Enfant brûlé en France et peut-être même influencé la décision de publier le livre un an plus tard. De toute manière, nous allons voir dans l'étude présente que l'article de Bertin a beaucoup influencé les critiques. Ses images de l'obscurité nordique et son concept d'une "étrange beauté" resurgiront dans plusieurs articles sur Dagerman. On peut d'ailleurs se demander si, dans le cas où Bertin aurait effectué son voyage non pas en novembre mais en juin, avec une lumière nordique permanente, cela n'aurait pas sensiblement changé ses impressions sur la Suède, et donc indirectement une bonne partie de celles des critiques : en effet, comme la plupart d'entre eux ne s'étaient jamais rendus en Suède, il était naturel qu'ils s'appuient sur le témoignage de Bertin, leur collègue française. L'insistance sur l'"étrangeté" et l'idée d'utiliser l'adjectif "étrange" en combinaison avec un adjectif plus "positif", que l'on retrouvera sous la plume de plusieurs critiques et sur la quatrième de couverture du livre ("cet étrange et beau roman"), portent sans doute la marque de Célia Bertin. » Karin
Dahl *« Cela se voit particulièrement dans des articles tels que "Gide et le roman suédois" par Vilgot Sjöman (1951, n° 5, p. 454-458) ; "Langage écrit et parlé en Suède" dans le reportage "Signes et faits romanesques par l'équipe de ROMAN" (1951, n° 1, pp. 82-83). » => Retour à la page L'enfant brûlé de Stig DAGERMAN |