Les traductrices de Louise Erdrich La
traductrice de La Sentence
Les
autres traductrices Échange avec Isabelle Reinharez Le 16 novembre 2023 Bonjour, Vos livres
traduits : Le 19 novembre 2023 Bonjour Claire, Mille mercis pour ce message qui m'a beaucoup émue, m'a fait du bien, et a même caressé mon petit ego de traductrice dans le sens du poil, ce qu'il ne trouve jamais désagréable ! Bravo pour votre club de lecture qui semble très actif, et votre intérêt à toutes pour la traduction. C'est assez rare, il me semble. Pour répondre à votre question "Pourquoi ? Pourquoi ?", il me faut vous dévoiler un peu de ma vie familiale. En 2020 est paru aux États-Unis The Night Watchman, il fallait donc que je m'attelle dès que possible à la traduction. Mais on venait de diagnostiquer un myélome à ma mère, veuve et âgée de 93 ans, habitant à 800 km de chez moi. Ses mois étaient comptés. J'ai évidemment décidé d'accompagner sa fin de vie, qui s'annonçait très douloureuse. Loin de chez moi à plein temps, il m'était donc impossible d'entreprendre une traduction de cette ampleur. Consciente que je mettrais certainement du temps à me remettre de cette épreuve, et qu'il faudrait également assurer les démarches longues, pénibles et chronophages qui suivent un décès, j'ai alors pris le parti de passer carrément la main, car Louise ne cesse d'écrire et je craignais de ne pouvoir suivre son rythme. C'était en partie par respect pour son lectorat français, afin d'éviter autant que possible des allers et retours entre deux traductrices, deux écritures inévitablement un peu différentes, et aussi parce que, comme vous l'avez si délicatement suggéré, ma jeunesse est un souvenir lointain. La décision a été très difficile. J'avais passé des années de bonheur dans l'univers de Louise ! J'en ai été marquée de bien des façons. Mais bon, c'est la vie. Louise m'a soutenue, et notre amitié, bâtie peu à peu au fil du temps, est toujours là. Pour moi, Louise aurait dû recevoir le Femina étranger bien plus tôt. Pour Dans le silence du vent, en 2013, ou LaRose, en 2018. Mais les jurés des prix sont toujours à la traîne*. Il a fallu que The Night Watchman (Celui qui veille) remporte le prix Pulitzer pour que la presse française s'intéresse enfin sérieusement à Louise. Et puis la parution en français de The Sentence pour qu'un roman de Louise apparaisse sur la liste d'un prix littéraire ! J'aurais aimé vivre ces événements à 100%, mais une fois encore, la vie est comme ça, et je me réjouis de ce succès pour l'autrice, son fidèle éditeur, et Sarah Gurcel, la nouvelle traductrice, quelqu'un de très bien. Pour ce qui est des livres que j'ai retraduits, ils étaient parus chez un autre éditeur. Francis Geffard, chez Albin Michel, n'aimait pas du tout ces traductions et il n'était pas question pour lui de les publier en l'état. J'ai donc tout repris à zéro. Je n'ai jamais lu ces premières traductions. Si votre club de lecture ou ses lectrices décidaient de lire d'autres romans de Louise Erdrich, à part les deux que j'ai cités plus haut, j'ai adoré l'extraordinaire Dernier Rapport sur les miracles à Little No Horse. Et les deux recueils de nouvelles, aussi (La Décapotable rouge et Femme nue jouant Chopin). Ces livres-là sont pleins de folie. Voilà. Si vous avez d'autres questions, je me ferai un plaisir de vous répondre. Cordialement, *
Pour les choix trop tardifs des Prix littéraires, je repense à
Claudie Hunzinger, prix Fémina en 2022 pour Un
Chien à ma table. Autant j'avais été éblouie
par La
Survivance, parue en 2012 (et déjà sur la liste
du Fémina), autant ce titre-là m'a déçue.
J'ai souvent l'impression que les jurés tentent de se rattraper
in extremis, au moment où leur manque d'audace devient quasiment
une faute de jugement. (Précision
: j'ai ajouté dans la réponse |