Fin
de l'avant-dernier chapitre 56
Leur
affection était de celles, solides, qui surviennent (si elles surviennent
un jour) lorsque les deux êtres que l'on réunit commencent
par se heurter au départ sur les aspects les plus rugueux de la
personnalité de l'autre, au lieu des meilleurs qui ne révèlent
que plus tard, l'histoire d'amour naissant sur les interstices d'un bloc
de réalité prosaïque. Cette belle amitié, ou
camaraderie, intervenant généralement à la
faveur de quêtes similaires, vient malheureusement rarement se rajouter
à l'amour entre les sexes, parce que les femmes et les hommes ne
s'associent pas dans leur travail mais essentiellement dans leurs plaisirs.
Lorsque, néanmoins, d'heureuses circonstances permettent son développement,
ces sentiments mêlés donnent lieu au seul amour aussi fort
que la mort, cet amour que rien ne peut étancher, qu'aucune crue
ne peut venir submerger, et à côté duquel la passion
traditionnellement désignée sous ce nom est aussi évanescente
que de la vapeur. (CHAPITRE 56
:
LA BELLE SOLITAIRE.
AU BOUT DU COMPTE, trad. Sophie Chiari, Livre
de poche, 2023)
Theirs was that substantial affection which arises (if any arises at all)
when the two who are thrown together begin first by knowing the rougher
sides of each others character, and not the best till further on,
the romance growing up in the interstices of a mass of hard prosaic reality.
This good-fellowship camaraderie usually occurring
through similarity of pursuits, is unfortunately seldom superadded to
love between the sexes, because men and women associate, not in their
labours, but in their pleasures merely. Where, however, happy circumstance
permits its development, the compounded feeling proves itself to be the
only love which is strong as death that love which many waters
cannot quench, nor the floods drown, beside which the passion usually
called by the name is evanescent as steam. (CHAPTER
LVI : BEAUTY IN LONELINESS AFTER ALL)
Ils étaient pris par une de ces affections qui naissent parfois
entre deux êtres n'ayant d'abord été confrontés
qu'aux mauvais côtés de leur caractère, avant d'en
découvrir les meilleurs, les sentiments réciproques se développant
dans les interstices d'une réalité bien prosaïque.
Malheureusement, cette bonne camaraderie qui résulte d'ordinaire
de la poursuite d'un objectif commun vient rarement en complément
de l'amour entre les deux sexes ; hommes et femmes ne s'associent pas
dans leurs peines, mais uniquement dans leurs plaisirs. Quand d'heureuses
circonstances permettent son développement, ce double sentiment
est le seul amour qui soit aussi fort que la mort - cet amour qu'aucun
déluge ne saurait éteindre ou noyer, à côté
duquel ce qu'on appelle passion est aussi évanescent que la vapeur.
(Chapitre 56 : Beauté solitaire Après tout, trad.
Thierry Gillybuf, éd.
Sillage, 2011)
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