Préface
d'Anne Fontaine
à Gemma
Bovary
Posy Simmonds appartient à la catégorie rare des artistes
qui out reçu un double don. Sa plume et son crayon sont également
acérés. On est d'abord impressionné par la grande
précision du dessin. Et l'on réalise ensuite que l'extrême
caractérisation graphique des personnages est comme redoublée
par une écriture minutieuse.
Posy est à sa manière une cinéaste : image et texte
avancent de concert, s'éclairent mutuellement, et parfois se décalent
pour induire un sens nouveau, plus subtil, plus riche...
À cet égard, j'ai moins l'impression d'avoir adapté
son livre, au sens traditionnel du terme, que de l'avoir "poursuivi".
Mais il fallait sans doute que cette démarche soit initiée
par un auteur étranger. Un Français aurait-il pu réussir
une variation contemporaine aussi ludique, à la fois fidèle
et irrévérencieuse, sur le mythe de Madame Bovary ? Anglaise
jusqu'au bout de la tasse de thé, Pusy est également francophone
et francophile. Son regard sur les rapports de chien et chat que nous
entretenons avec nos meilleurs ennemis est empreint d'une ironie qui n'exclut
pas la tendresse. Ainsi du personnage de Joubert, le boulanger obsédé
jusqu'à l'absurde par le roman de Flaubert, et qui va infléchir
le destin de sa jeune voisine en la confondant avec son héroïne
fétiche...
Joubert occupe, dans le livre de Posy, une place d'écrivain. Pascal
Bonitzer et moi lui avons donc assigné un statut de metteur en
scène dans le film que j'ai eu envie de faire. Il vit son histoire
d'amour avec Gemma par une sorte de double procuration, par personnage
de fiction interposé.
À l'instar d'un Woody Allen normand, Joubert s'épanouit
dans le fantasme. J'ai essayé de préserver, malgré
les contraintes de réalisme propres au cinéma, ce mélange
de parodie et d'émotion que le livre opère constamment.
Posy Simmonds nous a aussi fait le plaisir de collaborer aux dialogues
anglais du film. Travailler avec elle est une expérience passionnante.
Son goût du détail, la lucidité et la curiosité
qu'elle manifeste pour chaque mini-névrose de chaque personnage,
sa capacité à moquer le politiquement correct avec une ironie
discrète et implacable... autant de moyens précieux pour
mieux comprendre et goûter le livre.
C'est précisément parce qu'elle ne laisse rien au hasard
que Posy a pu faire du hasard le dieu goguenard et tragique qui veille
sur Gemma Bovery.
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Posy Simmonds
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