"Les Yeux du Rigel, lodyssée
norvégienne"
Doù vient la beauté des Yeux du Rigel, dernier volume de la trilogie de Roy Jacobsen? Du caractère intègre de son héroïne, Ingrid, des descriptions tirées au cordeau de paysages et de gestes, et de labsence dun vocabulaire psychologique alors que cette odyssée met en relief la complexité (si partagée) des émotions et des réactions. La finesse des sous-entendus, la façon dont à travers deux ou trois mots souvre un horizon de pensées, en disent autant sur lintelligence et la sensibilité dIngrid que sur celles de lauteur, un colosse né en 1954 et célèbre en Norvège. A lété 1946, Ingrid quitte son île natale, Barrøy, dans lespoir de retrouver Alexander, un soldat soviétique quelle a sauvé deux ans plus tôt. Elle la découvert comme mort, seul sur le rivage. En cachette, parce que la Norvège était occupée par les Allemands, elle la soigné et aimé. Il laimait aussi. Puis elle la rendu à la mer, il voulait partir. Les amants ne parlaient pas la même langue mais cest bien une passion quils ont éprouvée. Une petite fille en est née, Kaja. Une valise à la main, Kaja sur le dos, Ingrid qui na jamais vu que son île, parcourt la Norvège daprès-guerre. Les Yeux du Rigel est une histoire de regards. Roy Jacobsen ne fait pas entrer Ingrid dans la capitale. Elle la contourne, longe « des champs de blé infinis », observe « un menuisier édifier une nouvelle grange sur les ruines dune ancienne ». Personne ne fait attention à elle, tout le monde est affairé. Ingrid prend le train et constate que le pays est à laube de son fulgurant enrichissement. Roy Jacobsen a conçu sa trilogie comme une saga familiale autant que comme une fresque historique. Il la entamée avec les Invisibles, roman situé au début du XXe siècle lorsque la Norvège est dune pauvreté extrême. Nous avons connu Ingrid toute petite. Mains brûlées Beaucoup demeurent taiseux, lun notamment parce quil est honteux de sêtre enrichi en faisant du commerce avec les Allemands. Traduit comme tous les romans de Jacobsen par lécrivain et éditeur Alain Gnaedig, les Yeux du Rigel enregistre les mouvements dune société en train de se métamorphoser. Plus Alexander échappe à Ingrid, plus elle avance vers le sud. « Il y a maintes façons de marcher, et Ingrid Marie Barrøy marchait léger. » Roy Jacobsen Les Yeux du Rigel, traduit du norvégien par Alain Gnaedig, Gallimard, 256 pp., 20 € (ebook: 14,99€). Paraît en Folio Mer blanche. => Retour à la page Jacobsen |