Un passage descriptif
du premier récit de Un héros de notre temps
avec les choix de 9 traducteurs
(les notes des traducteurs figurent)
Jean-Marie
Chopin, 1853
Le vent sifflait avec fureur, en s'engouffrant dans les cavités
de la montagne, et bientôt la croix disparut au milieu du brouillard,
dont les vagues toujours plus serrées et plus denses, accouraient
du côté du levant...
Albert
de Villamarie, 1884
Le vent s'enfonçait dans les défilés, hurlait et
sifflait comme un oiseau de proie et bientôt la crête rocheuse
se cacha au milieu des vapeurs, dont les ondes, devenant sans cesse plus
épaisses et plus obscures, s'amoncelaient vers l'Orient.
Marc
Chapiro, 1946
Le vent s'engouffrait en hurlant dans les défilés ; il en
ressortait avec des sifflements prolongés, de véritables
roulades qui faisaient penser à des oiseaux légendaires,
à quelque être géant régnant sur ce lieux sombres
et inaccessibles. (1)
(1) Ce passage a été légèrement adapté
dans notre version. Le texte russe était intraduisible à
cause d'une allusion à une vieille légende nationale.
Pierre
Josse, 1946
Le vent, engouffré dans la gorge, hurlait, sifflait comme un oiseau
de proie, et bientôt la croix de pierre se cacha dans le brouillard
qui, en vagues successives, de plus en plus rapprochées, accourait
rapidement de l'Ouest
Boris
de Schloezer, 1926
En s'engouffrant dans les défilés, le vent hurlait et sifflait,
et bientôt la croix de pierre disparut à nos yeux dans le
brouillard, dont les vagues de plus en plus denses nous arrivaient de
l'est.
Traduction
Boris de Schlzer, révisée par Jean-Claude Roberti
et Simone Sentz-Michel, 1998
En s'engouffrant dans les défilés, le vent hurlait et sifflait
comme le Rossignol-Brigand (1), et bientôt la croix de pierre disparut
dans le brouillard dont les vagues plus denses et plus serrées
les unes que les autres nous arrivaient de l'est
(1) Créature mythique
des contes russes.
Eulalie
Piccard, 1948
le vent, pénétrant dans les gorges, hurlait, sifflait comme
Rossignol le Brigand (1), et bientôt la croix de pierre disparut
dans le brouillard dont les vagues, l'une plus épaisse et plus
dense que l'autre, accourraient de l'est
(1) Rossignol le Brigand - être légendaire du folklore russe
Déborah
Lévy-Bertherat, 2003
Le vent, s'engouffrant dans les gorges, hurlait, sifflait comme Rossignol
le Brigand (1), et bientôt la croix de pierre disparut dans le brouillard
qui accourait de l'est pas vagues de plus en plus épaisses et denses
(1) Solovieï-Razboïnik,
figure de contes populaires russes : ce bandit de grand chemin est si
habile à imiter les cris des animaux qu'il peut mettre une armée
en déroute.
Michel
Tessier, 2019
S'engouffrant dans le défilé, le vent mugissait et sifflait
comme le Rossignol-Brigand (1), et bientôt la croix de pierre disparut
dans le brouillard, dont les vagues de plus en plus denses et resserrées
accouraient en venant de l'est
(1) Personnage des contes russes : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Rossignol-Brigand
Le
tout début de Un héros de notre temps
selon 9 traductions
(les notes du traducteur figurent)
Jean-Marie
Chopin, 1853
Je
quittais Tiflis. La charge de ma voiture de voyage était légère
; c'était tout simplement une valise, à moitié remplie
de notes sur la Géorgie. Heureusement pour le lecteur, la plupart
de ces notes se sont égarées ; et, plus heureusement pour
moi, la valise et les effets qu'elle contenait me sont restés intacts.
Comme j'entrais dans la vallée de Koïtaour, le soleil allait
disparaître derrière les crêtes neigeuses. L'Ossète
qui me conduisait pressait vivement ses chevaux pour arriver avant la
nuit à la montagne de Koïtaour, et chantait à s'égosiller.
Albert
de Villamarie, 1884
Je
partis de Tiflis en voiture de poste ; tout mon bagage se composait dun
seul petit porte-manteau, à moitié rempli de mes écrits
sur mes excursions en Géorgie. Par bonheur pour vous, ami lecteur,
une grande partie de ces écrits fut perdue, mais la valise qui
contenait les autres objets, par bonheur pour moi, resta tout entière.
Déjà le soleil commençait à se cacher derrière
les cimes neigeuses, lorsque jentrai dans la vallée de Koïchaoursk.
Le conducteur circassien fouettait infatigablement ses chevaux, afin de
pouvoir gravir avant la nuit la montagne, et à pleine gorge, chantait
ses chansons.
Marc
Chapiro, 1946
Je revenais de Tiflis. La chaise-poste dans laquelle j'avais pris place
emportait pour tout bagage une simple valise, de dimensions réduites,
à moitié bourrée de mes notes de voyage sur la Géorgie.
La plupart de ces notes se sont égarées, pour votre chance,
tandis que le reste de mes effets personnels sont demeurés intacts,
pour ma chance à moi.
Le soleil disparaissait déjà derrière les cimes neigeuses
lorsque je débouchai dans la vallée de Koïchaour. Le
cocher, un Ossète, pressait continuellement les chevaux, afin d'atteindre
le sommet avant la tombée de la nuit, tout en chantant à
pleine gorge.
Pierre
Josse, 1946
J'étais
parti de Tiflis en voiture de poste. Tout le bagage de ma télègue
consistait en un seul petit portemanteau à moitié rempli
de mes notes de voyage en Géorgie. Une grande partie d'entre elles,
par bonheur pour vous, fut perdue, mais la valise elle-même, avec
les autres objets, par bonheur pour moi, demeura sauve.
Le soleil commençait déjà à se cacher derrière
la chaîne neigeuse quand j'entrais dans la vallée de Koïchaour.
Le cocher ossète (1) poussait infatigablement ses chevaux afin
de gravir avant la nuit le mont Koïchaour, et chantait à gorge
déployée.
(1) Groupe ethnique,
le plus considérable du Caucase, établi au milieu de la
plaine centrale, à l'est et à l'ouest de Tiflis (N. du T.).
Boris
de Schloezer, 1926
Je venais en poste de Tiflis. Tout le chargement de ma voiture consistait
en une valise à moitié pleine de notes de voyage sur la
Géorgie. Heureusement pour vous, la plus grande partie de ces manuscrits
est perdue ; et heureusement pour moi, j'ai conservé la valise
avec les autres objets qu'elle contenait.
Le soleil disparaissait déjà derrière les cimes neigeuses
lorsque je pénétrai dans la vallée de Koïchaour.
Mon cocher, un Ossète, tout en chantant à gorge déployée,
ne cessait de presser ses chevaux afin d'atteindre avant la nuit le montagne
de Koïchaour.
Traduction
Boris de Schlzer, révisée par Jean-Claude Roberti
et Simone Sentz-Michel, 1998
J'allais de Tiflis en voiture de poste. Tout le chargement de ma voiture
consistait en une petite valise à moitié pleine de notes
de voyage sur la Géorgie. Heureusement pour vous, la plus grande
partie est perdue et, heureusement pour moi, la valise avec les objets
restant est intacte.
Le soleil commençait déjà à se cacher derrière
la chaîne neigeuse lorsque je pénétrai dans la vallée
de Koïchaour. Mon cocher, un Ossète, poussait sans répit
les chevaux afin de gravir avant la nuit le mont Koïchaour, et chantait
des chansons à pleine gorge.
Eulalie
Piccard, 1948
Je venais de Tiflis en changeant de chevaux aux relais. Tout le bagage
de ma voiture consistait en une valise de moyenne grandeur dont la moitié
était bourrée de notes de voyage sur la Géorgie.
La grande partie de ces notes est perdue, heureusement pour vous, mais
la valise avec le reste des choses est restée sauve, heureusement
pour moi.
Le soleil commençait déjà à se cacher derrière
la chaîne neigeuse quand je pénétrai dans la vallée
de Koïchaourskaïa. Le cocher ossiète pressait infatigablement
les chevaux, pour arriver avant la nuit au sommet de la montagne Koïchaourskaïa,
et chantait à tue-tête.
Déborah
Lévy-Bertherat, 2003
Je voyageais en poste depuis Tiflis (1). Tout le chargement de ma voiture
consistait en une petite valise, qui était remplie pour moitié
de notes de voyage sur la Géorgie. La majeure partie de ces notes,
heureusement pour vous, ont été perdues (2), mais la valise,
avec le reste des effets, heureusement pour moi, est restée intacte.
Le soleil commençait déjà à se cacher derrière
la chaîne enneigée quand je pénétrai dans la
vallée de Koïchaour. Le cocher ossète ne cessait de
fouetter les chevaux pour atteindre avant la nuit le mont Koïchaour,
et chantait à pleine gorge.
(1) L'itinéraire
du narrateur, qui retourne sans doute en Russie, suit la "route militaire
de Géorgie", traversant la chaîne d Grand Caucase, du
sud vers le nord, de Tiflis à Vladikavkaz, ce qui représente
une distance d'environ deux cents kilomètres, par des routes très
escarpées. Il suit d'abord le lit de la rivière Aragva,
entre dans la vallée de Koïchaour et, après le passage
du col de la Krestovaïa (2700 mètres), redescend vers les
villages de Kobi (2100 mètres), puis Kazbek et Lars, et atteint
la ville de Vladikavkaz. De là, il gagnera Ekaterinograd puis Stavropol.
Paradoxalement, le récit de voyage commence donc par l'évocation
d'un trajet de retour.
(2) Cette note humoristique n'est pas seulement une modestie d'auteur.
Elle participe au mystère qui entoure le premier narrateur. On
ignore pourquoi il a été envoyé au Caucase - un trait
qui le rapproche de Petchorine. Ces silences peuvent s'expliquer par la
prudence à l'égard de la censure.
Michel
Tessier, 2019
Venant
de Tiflis (1), je voyageais en voiture de poste. Tout le bagage de ma
télègue (2) consistait en une petite valise à moitié
bourrée de notes de voyage sur la Géorgie. Une grande partie
de ces notes, heureusement pour vous, sétait perdue, tandis
que la valise, heureusement pour moi, était demeurée intacte
avec le restant des affaires.
Le soleil commençait déjà à disparaître
derrière la crête enneigée lorsque jentrai dans
la vallée de Koïchaour. Chantant à tue-tête,
mon cocher ossète poussait sans répit les chevaux pour gravir
avant la nuit le mont Koïchaour.
(1) Tbilissi, de
nos jours
(2) Voiture rudimentaire à quatre roues.
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