Chapitre quatrième
XXXIII
Chut ! un Caton de la critique
Crie aux collègues rimailleurs
D'abandonner le pathétique
Des élégies pour voir ailleurs (1).
"Mais allez-vous cesser de geindre,
De pleurnicher et de vous plaindre
Sur un passé, lointain, perdu ?....
Sortez de vos sentiers battus !
"
- Est-ce à cela que tu exhortes,
Au cor, au masque, au coutelas (2),
Pour ranimer le souffle plat,
Le capital des idées mortes :
T'ai-je compris ? "Non, justes cieux !
Faites des odes, chers messieurs,
XXXIV
Comme au grand siècle on fit des odes,
Selon lusage du vieux temps
Le pur sublime ? Pas commode,
Et puis, arrête : est-ce important ?
Pense au poète satirique !
Tu trouves le sournois lyrique
Des Mots dautrui moins immoral
Quun rimailleur sentimental (3) ?
Dans lélégie, tout est futile ;
Son but est vain, il fait pitié ;
Lode poursuit un but altier
Et noble
Assez délans stériles :
Je me demande bien sil faut
Brouiller lancien et le nouveau.
1. Allusion à Wilhelm Küchelbecker (1797-1846),
ami de Pouchkine depuis le Lycée de Tsarskoïé-Sélo,
poète archaïsant et membre des cercles décembristes.
Arrêté en 1826, il allait mourir en Sibérie après
avoir passé près de vingt ans en forteresse.
2. Les attributs de Melpomène, la muse de la poésie tragique.
- Rappelons que Pouchkine, tout en travaillant à ce passage d'Onéguine,
était en train d'écrire son drame historique, Boris Godounov.
3. Allusion à une longue satire du poète Ivan Dmitriev (1760-1837)
contre les auteurs dodes.
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