NE PAS CONFONDRE Ito Ogawa avec Yôko
OGAWA que nous avions programmée il y a (déjà)
12 ans.
- Ito Ogawa est née en 1973 à Yamagata.
- Études de japonais classique à l'université
de Tokyo.
- Elle écrit d'abord des poèmes et des chansons pour
le groupe musical "Fairlife"
sous le pseudonyme de Shunran.
- En 2008, succès avec son premier roman, Le restaurant
de l'amour retrouvé, adapté au cinéma par
Mai Tominaga en 2010 sous le titre Rinco's
Restaurant, publié en 2013 aux éditions Philippe
Picquier, suivi d'une série de romans qui connaissent également
le succès.
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LIVRES
TRADUITS en français
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Ses livres sont tous publiés chez Picquier, tous traduits par
Myriam Dartois-Ako, sauf le
dernier. Les voici dans l'ordre de publication au Japon
:
- 2008 :
Le Restaurant de l'amour retrouvé, 2013 ; poche 2015 ;
collector 2020
- 2013
: Le
Jardin arc-en-ciel, 2016 ; poche 2018
- 2013 : Le
Ruban, 2014 ; poche 2016
- 2016 : La
papeterie Tsubaki, 2018 ; poche 2021
- 2017 : La
République du bonheur 2020 ; poche 2023
- 2019 : Le
goûter du lion, 2022, trad. Déborah Pierret-Watanabe.
LA
TRADUCTRICE de 5 de ses 6 livres traduits en français
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Sa présentation personnelle
Née en 1972, Myriam Dartois-Ako a grandi en Seine-Saint-Denis,
qui n'était pas encore le 9-3. Elle bénit aujourd'hui encore
son professeur d'anglais du collège qui lui donnait des versions
supplémentaires à faire parce qu'elle aimait ça.
Après l'allemand et le latin, qui lui ont donné des boutons,
elle a plongé avec délices dans le japonais, langue qui
la mènera à l'aéroport de Roissy avec un billet pour
Tokyo en poche et un séjour de dix-huit mois à la clé.
Autant d'années plus tard, elle n'est toujours pas rentrée
au bercail. L'amour du roman noir a sauté une génération
dans la famille (elle ne cesse de remercier son papy pour ses Conan Doyle)
et se décline maintenant en japonais, avec la traduction de Rendez-vous
dans le noir (Otsuichi, Karasu), Le
Diable chuchotait (Miyabe Miyuki, Picquier) et Pickpocket
(Nakamura Fuminori, Picquier). Sombre aussi, mais pas pour les mêmes
raisons : Lettres d'Iwojima
(Kakebayashi Kumiko, Les Arènes). Et Myriam aime bien faire des
incursions dans d'autres domaines, comme l'anime (Dans
le studio Ghibli, Suzuki Toshio, Kana) ou le bouddhisme (Ikkyû,
l'impertinence au service de la foi, Yamada Sôshô, AnimaViva
multilingue).
Cette présentation fort personnelle est extraite de bedetheque.com.
Ses responsabilités
Myriam Dartois-Ako a fondé le site nouvellesdujapon.com,
destiné à ouvrir la littérature japonaise à
un large public, faire découvrir de nouveaux auteurs et tisser
une communauté de traducteurs du japonais vers le français.
Depuis 2021, elle dirige le Bureau
des Copyrights Français au Japon, agence littéraire
spécialisée dans les échanges entre la France et
le Japon - une responsabilité de taille !
Ses traductions
Voir l'imposante liste=> ici
(On notera qu'il n'est pas fait mention
dans ces deux interviews du Jardin-arc-en-ciel...)
Comment trouvez-vous lélément principal autour duquel
va se construire votre livre ? Un oiseau pour le Ruban, un restaurant
pour Le restaurant de lamour retrouvé, une maison
dhôtes dans Le jardin arc-en-ciel, une papeterie dans
La papeterie Tsubaki. Est-ce que ce sont des lieux que vous avez
fréquentés, des personnes que vous avez croisées
qui vous inspirent ?
Pour les lieux, j'imagine des lieux qui me plairaient, pour les personnes
des gens que j'aimerais rencontrer. Ce sont des lieux et des gens idéaux,
dans mon imaginaire. Je choisis des lieux et des gens qui, s'ils existaient,
seraient importants pour les gens, pourraient les aider.
Les petites filles que l'on croise dans vos livres
sont toujours sages et très matures pour leur âge (dans Le
Ruban ou La papeterie Tsubaki par exemple). Quelle petite fille
étiez-vous ?
Je vivais dans la nature, avec laquelle je communiquais, j'aimais
cela. J'étais souvent seule aussi ; les amies de ma grand-mère
étaient aussi mes amies.
Les personnes âgées sont bienveillantes et "sages"
(la grand-mère du Ruban, la voisine Madame Barbara dans
la Papeterie Tsubaki, qui conseille à l'héroïne
de se répéter "Brille, brille" en fermant les
yeux pour voir apparaître les étoiles à l'intérieur
de son corps). Avez-vous un modèle pour créer ces vieilles
dames inspirantes ?
Je ne mets pas en scène une personne précise, mais je m'inspire
des gens dans mon entourage, en me demandant ce que ces personnes feraient
ou comment elles agiraient dans telle ou telle situation.
Quelle est la place des anciens dans la société japonaise
actuelle ?
Autrefois, les grands-parents vivaient la plupart du temps avec leur
famille, mais aujourd'hui on trouve de plus en plus de familles nucléaires.
Les grands-parents vivent loin, seuls, et ils voient leurs petits-enfants
quelques jours de temps à autre. La sagesse, les expériences
qu'ils ont accumulées sont moins facilement transmissibles, ce
qui me semble dommage.
Les hommes ont des rôles secondaires dans vos livres. Est-ce plus
difficile d'écrire sur les hommes que sur les femmes ?
Les hommes vivent des expériences beaucoup plus stéréotypées
dans beaucoup de cas. La vie des femmes est plus libre, plus souple ;
elles sont davantage en mesure de vivre comme elles l'entendent. De ce
point de vue, il m'est plus facile d'écrire sur les femmes.
Vous avez une passion pour la cuisine. D'où vous vient-elle ? Est-ce
que cuisiner c'est transmettre de l'amour ? J'ai l'impression que cette
transmission d'amour par la nourriture est très forte au Japon :
les mamans qui préparent les bento de leurs enfants, les
cadeaux (Omiyage) qu'on rapporte d'un voyage sont essentiellement
culinaires.
Pour transmettre ses sentiments, on peut bien sûr les dire ou écrire
une lettre, il existe différentes façons de le faire. Mais
cuisiner c'est offrir à quelqu'un quelque chose qu'il va ingérer,
qui va nourrir directement son existence. Je trouve plus facile de transmettre
mes sentiments de cette façon. Par exemple, un enfant qui mange
tous les jours des plats tout prêts et un enfant qui mange des plats
cuisinés pour lui, je pense que, sur le long terme, l'amour ainsi
transmis est différent.
Dans La papeterie Tsubaki, vous écrivez qu'une lettre est
l'incarnation d'une personne. Pensez-vous qu'un plat préparé
par une personne puisse aussi incarner cette personne ? Quel plat vous
"représenterait" le mieux ?
Cuisiner, pour moi, c'est effectivement donner un peu de moi à
celui qui mangera ce que j'ai préparé. Quand j'ai des invités,
je prépare des onigiris ; ils disparaissent toujours
très vite. Ces onigiris faits à la main, en serrant le riz
entre mes paumes, transmettent sans doute toute ma chaleur, ils sont un
peu de moi-même.
Vos livres mettent en avant l'importance de l'écoute, du partage,
de la consolation. Est-ce que cela manque dans nos sociétés
modernes ?
Je pense en effet que ces qualités manquent à nos sociétés
modernes, beaucoup de gens manquent d'amour. Ils sont souvent irritables,
ils souffrent d'un manque, sont tristes. Il me semble que beaucoup de
gens vivent avec ce manque en eux.
Vos descriptions font souvent appel à la cuisine (la grand-mère
du Ruban qui a des joues comme des manju, la comparaison dans ce même
livre entre l'homme et un daifuku à la fraise). Aurons-nous bientôt
la chance de lire un de vos ouvrages qui se déroulerait dans une
pâtisserie ?
Les pâtisseries sont encore différentes de la nourriture
en général ; elles ne sont pas indispensables à la
vie, mais les sucreries nous aident à surmonter la tristesse et
les moments difficiles. Je crois qu'elles recèlent bien des possibilités
littéraires, bien des histoires.
Je trouve que vos livres et la sensibilité dont ils regorgent sont
les frères de ceux de la regrettée Mayumi
Inaba. La
péninsule aux 24 saisons et Le
restaurant de l'amour retrouvé ont tous deux des pages
magnifiques sur la nature. Vous sentez-vous proche de cette auteure ?
Quelle est votre relation quotidienne à la nature ?
Je n'ai pas lu Mayumi Inaba, il m'est donc difficile de vous répondre.
Le temps s'écoule plus vite de nos jours, me semble-t-il, mais
l'humain est lui aussi un élément qui fait partie de la
nature. Vivre en accord avec les rythmes naturels me semble naturel. Je
m'efforce de me coucher et de me lever avec le soleil.
("Ito
OGAWA : la douceur du quotidien", par Alice Monard, Journal
du Japon, 4 juin 2018)
La papeterie Tsubaki semble autant l'histoire
de Poppo qu'un hommage à la ville de Kamakura. Est-ce le cas ?
En effet. Kamakura est une ville relativement proche de Tôkyô,
et c'est une ville où la nature règne en maître, avec
à la fois la mer, la montagne, et aussi une certaine douceur de
vivre. J'ai pensé à tout un tas de lieux où situer
la papeterie Tsubaki. Puis je me suis décidée pour Kamakura.
Et je pense avoir réussi à restituer l'atmosphère
qui y règne.
Le roman évoque des traditions ancrées
dans le quotidien. Est-ce un Japon fantasmé ou encore bien réel
?
Ce Japon existe encore. Une minorité de personnes vit ainsi, mais
il demeure des gens qui préfèrent vivre à l'ancienne,
c'est un effort qu'ils aiment faire. À Kamakura, on croise des
messieurs en kimono, à l'image du personnage du Baron dans le roman.
On constate que de plus en plus de jeunes reviennent aussi à ce
vêlement traditionnel, toutefois ils le portent de manière
informelle, comme ils le feraient avec d'autres habits. C'est plutôt
une mode, une nouvelle forme d'élégance.
Pourquoi avoir souhaité faire de votre héroïne
un écrivain public ?
Au départ, mon idée était
d'écrire sur l'activité épistolaire, puis finalement
j'ai trouvé intéressant d'orienter mon sujet sur quelqu'un
qui écrirait pour les autres, pour tous ceux qui n'arrivent pas
à écrire. C'est une sorte d'idéal car en réalité
ce métier n'existe pas au Japon, tout du moins pas de cette manière.
Les écrivains publics ne rédigent pas le contenu de la lettre
à votre place.
Peut-on y voir un lien avec votre métier d'écrivain ?
Oui, je pense qu'il y a des points communs entre ces deux activités.
En tant qu'écrivain, j'écris en quelque sorte de longues
lettres destinées à mes lecteurs. On retrouve cette possibilité
d'exprimer ses sentiments, ses pensées par le biais de l'écriture.
Dans vos romans, revient l'importance de trouver l'âme sur.
Pourquoi ce thème vous est-il si cher ?
Le lien entre les gens, c'est ce qui me tient à cur. Et dès
l'instant qu'on vit en société, on ne peut y échapper.
La chaleur humaine est essentielle, on ne peut pas vivre relié
à un ordinateur, dans un monde virtuel. C'est le contact humain
qui compte.
Trouver l'amour, est-ce une vraie difficulté dans le Japon actuel
?
Ce n'est pas si compliqué de trouver l'amour, malgré tout
il y a une vraie difficulté, je crois, à établir
des liens concrets, opposés aux liens virtuels de plus en plus
prégnants. On note une difficulté à communiquer,
à établir un lien de personne à personne. C'est un
problème que les jeunes rencontrent de plus en plus. J'ai le sentiment
qu'avec la multiplication des outils de communication, réseaux
sociaux, etc., il y a justement une dispersion de la communication. On
échange avec beaucoup de personnes, mais de façon superficielle.
D'autre part, les Japonais ont tendance à s'adapter au rythme du
groupe, à faire comme les autres, regarder autour d'eux et marcher
du même pas. Cela renforce cette tendance à la superficialité.
Votre écriture installe une atmosphère paisible, enveloppante.
Avez-vous ce souci plus pour vos personnages ou pour le lecteur ?
Un peu les deux... Mais, à la réflexion, peut-être
plus pour le lecteur. Quand vous écrivez et que les gens vous lisent,
vous monopolisez leur temps, donc il faut souhaiter qu'ils en retirent
quelque chose de positif. Ce bénéfice, c'est un moment de
détente, plonger quelques heures dans un univers doux, et qui reste
une fois la lecture terminée.
("Rencontre
avec Ito Ogawa", Planète Japon, n° 41, 2018)
La vie d'un couple de deux femmes vivant avec des
enfants décrite dans Le
Jardin arc-en-ciel d'Ito
Ogawa est-elle (ir)réaliste ?
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Le magazine Tempura
consacré au Japon, présente un dossier sur les "Fiertés
japonaises". Ce reportage, très bien fait, évoque
de façon personnalisée et vivante :
- les transgenres : on peut changer le koseki, le registre
d'état civil, à condition d'avoir subi "une
opération de retrait des attributs sexuels" ; et l'on
observe "un surcroît de motivation à celles qui
sont lassées du patriarcat et qui se sentent hommes" ;
en 2023, la Cour suprême a donné raison à une
femme transgenre d'utiliser les toilettes pour femmes dans son entreprise
;
- un couple lesbien avec enfants milite pour que le mariage entre
couples du même sexe advienne au Japon, le pays étant
le dernier du G7 à ne pas le proposer ;
- un groupe de quatre hommes gays de J-pop mise sur leur impact d'idoles
pour susciter la tolérance ; |
- un journaliste français vivant au Japon, a créé la
branche locale de Pride at Work, une ONG défendant l'égalité
pour les personnes LGBT+ dans le monde du travail ; il explique que dans
ce pays c'est moins contre le tabou religieux ou le harcèlement qu'il
faut lutter comme dans d'autres pays, mais contre une "homophobie
internalisée et un état d'esprit lié aux valeurs de
la famille traditionnelle qui perdure encore" ; il évoque
les cas de ces familles qui interdisent aux personnes LGBT d'assister aux
funérailles de leur conjoint.e.
L'arrondissement de Tokyo de Shibuya
en 2015 a reconnu une attestation pour les couples de même sexe
qui facilite la vie quotidienne matérielle ; la ville d'Akashi
a institué en 2020 un partenariat conjugal permettant aux couples
de même sexe et à leurs enfants de former une famille.
Enfin, sont présentés les travaux en anthropologie d'une
universitaire, Aline Henninger, sur les femmes lesbiennes et la question
du mariage pour les couples de même sexe au Japon.
Par ailleurs, on peut l'entendre interviewée dans un podcast en
deux parties, très développé sur la question, de
Japon
en perspective animé par Grégoire Sastre, maître
de conférences en civilisation japonaise : "Mariage,
et communauté LGBT au Japon" puis "Union
de même sexe au Japon" avec Aline Henninger, maîtresse
de conférences à l'université d'Orléans. C'est
long, mais c'est très intéressant.
Et les informations données en 2021 dans l'interview, très
vivante, sont mises à jour par rapport à un article de 2015
d'Aline Henninger, plus prise de tête : "Des
recherches sur la question féminine aux études queer : un
tournant épistémologique", Cipango : cahiers
d'études japonaises, n° 22, 2015
Et
voici NOS RÉACTIONS sur le ou les livres
Dans le groupe, en 16 ans, nous avons programmé
(seulement) trois livres de Japonaises :
- une Japonaise vivant au Japon : Yôko OGAWA (livre
au choix)
- une Japonaise devenue canadienne écrivant en français,
langue qu'elle a apprise à 40 ans : Aki SHIMAZAKI (Fuki-no-tô,
un court roman d'un cycle de cinq)
- une Américaine d'origine japonaise : Julie OTSUKA (Certaines
n'avaient jamais vu la mer).
Nous étions 17
à formuler nos réactions
:
- en direct (10) : Anne,
Brigitte, Claire Bo, Flora, Joëlle
L, Laetitia, Marie-Yasmine, Muriel, Nelly, Véronique
- par zoom (3) : Agnès,
Felina,
Sandra
- par écrit (4)
: Joëlle
M, Nathalie, Patricia,
Sophie.
Prises ailleurs (3) : Aurore, Claire Bi, Stéphanie.
Les réactions furent moins contrastées que parfois, lorsque
l'éventail va de l'adoration à la détestation...
Sophie, dans son avis écrit, a rempli la
balance des pour et des contre, la première sur la longue liste
des dites mitigées...
- Mais Marie-Yasmine
a vite ouvert le bal des enthousiastes
: allait-elle être suivie ? Joëlle M
eut une seule phrase, mais prometteuse, Muriel
a accroché, Laetitia
a aimé, Nelly
itou. Donc un petit tiers d'élogieuses.
- Il y eut maintes mitigées, donc. Des mitigées
douces : Anne,
Claire
Bo,
Felina, Flora,
Nathalie,
Patricia,
Sophie,
Véronique.
- Et des mitigées bien moins douces
: Agnès,
Brigitte,
Sandra.
- Nous eûmes un cas : Joëlle L, assaillie
de questions dues à un Japon bien trop étrange à
son goût - alors que plus d'une se sent attirée vers cet
Orient ou s'est déjà rendue au Japon (Anne, Muriel, Claire,
Félina tout récememment et Sophie lors d'une résidence
d'artiste).
Sophie
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