QUELQUES
INFOS autour du livre et de l'auteure
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À propos d'Ursula
L. Le Guin
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- Sa fiche wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ursula_K._Le_Guin
- Un site officiel : ursulakleguin.com
(The Ursula K. Le Guin Foundation)
- Un documentaire : Les mondes d'Ursula K. Le Guin, d'Arwen
Curry (2018) ici
en vod (3,91€), bande annonce ici.
- Un timbre : 33e timbre à rejoindre en 2021 la série
"Literary Arts", celui consacré à Ursula K. Le
Guin salue aussi son roman La Main gauche de la nuit...
- Des préfaces ou postfaces à La main gauche de
la nuit :
- Une émission récente sur France Culture
: dans la série "Les
romans qui ont changé le monde", La main gauche de
la nuit est un de ces 20 romans retenus, par Mathias Énard,
17 août 2023.
On retrouve les auteures de la préface et la postface du livre
:
- Catherine
Dufour, écrivaine de science-fiction, auteure également,
à propos d'Ursula K. Le Guin, de "Une
pionnière sous les étoiles", Le Monde diplomatique,
mai 2018
- Stéphanie
Nicot, spécialiste de science-fiction, directrice d'une collection
de SF, mais aussi auteure de Changer
de sexe : identités transexuelles, éd. Le Cavalier
bleu, 2006 (née Stéphane, trans et ex-présidente
de la Fédération LGBT)
- Fabrice Colin,
scénariste, auteur de fantasy.
- Une émission de radio avec l'accent québecois
: "La
main gauche de la nuit
: science-fiction et fluidité des genres en 1969", Radio
Canada, 18 mars 2021, avec Karoline Georges et Samuel Archibald, 14 min.
- Une série d'articles dans Libération par
Frédérique Roussel, dont voici quelques extraits :
La Main gauche de la nuit est souvent présenté
comme progressiste
Elle y fait des propositions audacieuses, qui permettent de revoir
le déterminisme genré et la régulation normée
des rapports sociaux. Le "kemma" fait par exemple de la sexualité
une expérience, vécue par tout un chacun de manière
cyclique, plutôt qu'une condition naturelle subie socialement et
plus ou moins acceptée. En revanche, certains éléments
imaginaires pourraient être (et ont été) perçus
comme allant à rebours d'une vision progressiste, dans la mesure
où le binarisme traditionnel n'est pas véritablement remis
en question. Il semble même qu'une forme de masculinisme y prévale,
puisque le neutre, la condition hermaphrodite, est implicitement assimilée
au masculin et désignée par le pronom "he". Elle
reviendra par la suite sur cet aspect, prônant cette fois un usage
varié des pronoms correspondant à des identités diversifiées
qui n'effacent pas le féminin par défaut.
Un vaisseau spatial avec à son bord de gentils
habitants de la quatrième planète d'Altaïr se pose
sur Terre. Le commandant dit : "Nous avons de la place pour un
passager ; voulez-vous nous confier un seul être humain, afin que
nous conversions à loisir durant notre long voyage de retour, et
apprenions de cet individu représentatif de votre espèce
tout ce qu'il y a à en savoir ?" La majorité des
gens lui conseillerait d'embarquer un jeune homme courageux, cultivé
et sportif. Ursula Le Guin non, elle recommanderait d'opter pour une vieille
dame, "en tout cas de plus de soixante an" dénichée
dans le magasin du coin. "Justement parce que seul peut représenter
fidèlement l'humanité un être ayant ressenti, accepté
et mis en actes la totalité de l'expérience humaine, dont
la principale caractéristique est le changement."
(...)
Quand elle se retrouve invitée à faire un
discours à des remises de diplômes, elle prend invariablement
le parti des femmes présentes, raillant notamment les toges "
qui vont si bien aux hommes et donnent aux femmes des airs de champignon
ou de cigogne enceinte. Car la tradition intellectuelle est masculine".
On le voit, Ursula Le Guin, ardemment féministe (voir entretien
ci-dessus), ne mâchait pas ses mots. Arrivée dans les années
60 dans le milieu exclusivement masculin de la science-fiction, elle a
combattu à la fois la misogynie de ses membres et les stéréotypes
du genre qui présentaient les femmes comme des "poupées
qui couinent tandis qu'elles se font violer par des monstres ; ou comme
de vieilles scientifiques célibataires, devenues asexuées
suite à l'hypertrophie des organes intellectuels ; ou, au mieux,
comme les épouses dévouées ou les maîtresses
fidèles du grand héros".
Le succès vient avec la publication en 1969 de
la Main gauche de la nuit, appartenant à l'Ekumen,
couronné par les deux plus grands prix du genre, le hugo et le
nebula (elle recevra au total cinq hugos, six nebulas et 19 locus). La
planète Gethen, où se situe l'histoire, diffère peu
de la Terre, sauf par son climat glaciaire, mais les êtres qui la
peuplent sont asexués, sauf en période de reproduction.
"Elle y développe une idée entièrement originale
et fort intelligemment féministe, écrivait dans une
préface l'éditeur Gérard Klein, qui l'a publiée
et largement fait connaître en France, celle d'une humanité
androgyne dont les individus peuvent arborer tour à tour les caractéristiques
primaires et secondaires de nos deux sexes. [
] Mais c'est en réintroduisant
l'utopie dans la science-fiction, qui avait surtout cultivé l'anti-utopie,
qu'elle affirme son ambition : faire ou plutôt refaire de la science-fiction
une littérature expérimentale sur le terrain social et renouer
par là avec la tradition de H.G. Wells." C'est une "expérience
de pensée" pour explorer la nature des sociétés
humaines, en disait-elle. "J'ai éliminé le genre
pour savoir ce qui restait", a-t-elle expliqué au Guardian.
Reconnue depuis les années 90 comme une autrice
majeure aux Etats-Unis où elle a reçu un National Book Award
pour son uvre en 2014 (son nom a circulé longtemps dans les
pronostics pour le Nobel de littérature), Ursula K. Le Guin a encore
beaucoup de choses à nous dire. "Ses textes font écho
avec notre temps au point quon a limpression quils ont
été écrits il y a quelques mois, poursuit David
Meulemans. Il y a une dimension écologique, féministe,
transgressive chez elle." Car si ses chefs-duvre
du Cycle de lEkumen comme la Main Gauche de la Nuit, les
Dépossédés ou le Nom du monde est Forêt
ont pour cadre lespace dans des planètes lointaines avec
des sociétés utopistes, elle y fait fructifier des thématiques
ethnologiques, féministes, politiques, anarchistes, psychologiques.
"En fait, je songe depuis un certain temps à
un livre qui mettrait en scène, entre autres choses, une société
dans laquelle les rôles sexuels occidentaux stéréotypés
seraient à peu près inversés la domination
féminine et, bien que cette idée ne soit certainement
pas nouvelle, elle na pas fait lobjet dun traitement
sérieux, et par moments, je me sens vraiment découragée.
Mais ensuite, jai pensé : The Female Man écoute
bébé, peut-être que cest exactement ce que Joanna
est en train de faire ?" Ce courrier, comme dautres échangés
avec Monique Wittig, Alice B. Sheldon ou Dorothy Allison, sont rassemblés
avec des essais, critiques, entretien, dans lExoplanète
féministe de Joanna Russ.
- Des articles universitaires dans le numéro consacré
à Ursula K. Le Guin de la revue ReS Futurae, n° 13,
2019 :
- La traduction : celle de
Jean Bailhache (1971) a été "révisée"
par Sébastien
Guillot (2021). Voici pour les amateures de quoi comparer le premier paragraphe
:
1969 : I'll make my report as if I told
a story, for I was taught as a child on my homeworld that Truth is a matter
of the imagination. The soundest fact may fail or prevail in the style
of its telling: like that singular organic jewel of our seas, which grows
brighter as one woman wears it and, worn by another, dulls and goes to
dust. Facts are no more solid, coherent, round, and real than pearls are.
But both are sensitive.
1971 : Je donnerai à mon rapport la
forme d'un récit romancé. C'est ce que l'on m'a appris lorsque
j'étais petit, sur ma planète natale, que la Vérité
est affaire d'imagination. Un fait irréfutable peut être
accepté ou refusé suivant le style dans lequel il est présenté
- tel cet étrange joyau organique de nos mers dont l'éclat
s'avive ou se ternit selon la personnalité de la femme qui le porte
: ne peut-il même tomber en poussière ? Les faits ne sont
pas plus solides, cohérents, réels. Mais, comme les perles,
ils ont une sensibilité.
2021 : Je vais donner à mon rapport
la forme d'un récit romancé. C'est qu'on m'a appris lorsque
j'étais petit, sur ma planète natale, que la Vérité
est affaire d'imagination. Un fait irréfutable peut faire long
feu ou s'imposer selon la manière dont on le présente, tel
cet étrange joyau organique de nos mers dont l'éclat s'avive
ou se ternit jusqu'à tomber en poussière, en fonction de
la femme qui le porte. Les faits ne sont pas plus solides, cohérents,
réels que des perles. Mais tous ont leur sensibilité.
Et
voici NOS RÉACTIONS sur le livre
|
- Lirelles et la SF
Dans le groupe, en 16 ans, nous avons
programmé seulement deux livres relevant des littératures
dites "de l'imaginaire" :
- Pour les nulles ? Pour les rétives ?
À amender par les spécialistes, voici quelques repères
sur la science-fiction qui regroupe 4 sous-genres :
- le space opera avec le folklore de la science-fiction (voyages
spatiaux)...
- l'uchronie (que se serait-il passé si... ?), comme Le
Maître du Haut Château de Philip K. Dick qui imagine
que les nazis ont été victorieux en 1945
- le roman post-apocalyptique : le monde est ravagé par
une catastrophe planétaire, des humains essaient de survivre,
comme dans La
route de Cormac McCarthy ou Station
eleven d'Emily St. John Mandel que Lirelles avait programmé
- le roman d'anticipation ou dystopie souvent "engagé"
et ne s'appuyant pas forcément sur des innovations scientifiques
: La
servante écarlate
de
Margaret Atwood, et parmi de grands classiques : 1984
de George Orwell, Fahrenheit
451 de Ray Bradbury ; le livre que nous
avons lu semble faire plutôt partie de cette catégorie.
Quant à la fantasy, elle peut flirter avec la science-fiction,
introduisant des éléments magiques, des êtres surnaturels,
genre Tolkien.
- La main gauche en
numérique ou pas ?
Les lectrices du groupe ont lu l'une ou l'autre de ces trois versions
:
- le livre de poche avec la "vieille"
traduction de 1971, sans préface :
- la VO avec une préface
d'Ursula K. Le Guin elle-même (traduite
ici par Google et révisée par Brigitte)
- la version numérique avec une traduction
révisée (à juste titre) et publiée en 2021,
ainsi qu'une préface
et une postface s'il vous plaît.
Ce
24 mars 2024, nous étions 13 à
réagir sur le livre :
- en direct (10) : Anne, Aurore, Brigitte, Claire Bi, Claire Bo, Flora,
Joëlle L, Laetitia, Nelly, Patricia
- par zoom (1) : Agnès
- par écrit (2) : Marie-Yasmine, Nathalie
- prises ailleurs (7) : Felina, Joëlle M,
Muriel, Nelly, Sandra, Stéphanie, Véronique.
- L'état des lieux au départ :
- une partie des lectrices pratique la SF
- l'autre partie la méconnaît et/ou ne l'apprécie
pas.
- Mais à l'arrivée, une majorité d'aimantes
ou de non aimantes a été déçue par ce chef-d'uvre.
- L'ouverture fut pourtant fort positive avec une aficionada de la
SF Marie-Yasmine
et une a priori anti SF Nathalie,
toutes deux conquises, en dépit de réserves.
Joëlle L fut encore assez positive, mais pas franchement
enthousiaste.
Brigitte réussit à n'être pas trop critique
en parlant finalement assez peu du roman lui-même...
- Et rivalisèrent dans la déception
(9 sur 13) : Agnès,
Anne, Aurore,
Claire Bi, Claire Bo,
Flora, Laetitia, Nelly,
Patricia.
- En conclusion paradoxale, personne ne regretta le choix du livre,
même les plus détestantes.
Marie-Yasmine
Voici mon avis à défaut de pouvoir être là
!
Je n'ai pas fini le livre, absolument pas par manque d'envie, mais malheureusement
par manque de temps. Je vais le finir dès que j'en aurai l'opportunité.
J'ai immédiatement accroché à l'histoire que je trouve
très bien écrite. Les descriptions sont très réussies
et je m'imagine sans effort cette planète étrange.
L'intrigue politique est passionnante, pour l'instant également.
J'ai eu un grand débat avec ma femme, mais n'ayant pas fini le
livre je n'ai pu le trancher. J'ai hâte de lire vos avis pour savoir
qui de nous deux a raison : je trouve que le livre est rempli de poncifs
sur les femmes, c'est bien la peine d'imaginer un monde intersexe et d'avoir
une auteure pour finir par écrire des horreurs pareilles sur les
caractéristiques supposées féminines. Ma femme me
soutient que c'est pour dénoncer les a priori sexistes du narrateur
terrien. Je n'ai pas perçu de recul qui sous entendrait cela, mais
peut être que ça vient plus tard.
Pour
finir, j'ai retrouvé tout ce que j'aime dans la science-fiction
dans ce roman : une perte de repères qui nous dévoile petit
à petit un monde étrange, mais qui sert de prétexte
à réfléchir sur notre monde et à remettre
en perspective nos codes sociaux.
Bonne réunion à toutes et j'espère à très
bientôt.
Nathalie
Voici certaines de mes impressions.
Au commencement il y a mes doutes, mes apriori... je vais m'emmerder pensais-je
car, je l'avoue, je n'aime pas les romans de science-fiction.
À la fin il y a une évidence : Ursula K Le Guin est une
autrice prodigieuse, érudite, intelligente, humaniste. Elle nous
propose une réécriture du monde, une nouvelle Genèse
qui efface, transcende les différences, les genres, les clivages,
les frontières. Elle crée un nouveau mythe. Elle nous livre
une réflexion profonde aux aspects philosophiques, poétiques,
sociologiques, anthropologiques...
J'ai aimé :
- son écriture
- l'idée de se rendre en terra incognita
- le récit à deux voix ainsi que l'alternance des narrateurs
- l'insertion de contes ou légendes
- la réflexion menée sur l'altérité, l'écologie.
Ce qui m'a agacée :
- tous ces noms et mots imprononçables
- la longueur, la lenteur sur la première partie du roman
- le manque d'intrigues, de péripéties, il ne se passe pas
grand-chose
- l'idée de dégenrer les êtres, de les rendre asexués
- l'accouplement mensuel visant à assurer la reproduction de l'espèce.
Quid du plaisir dans une telle société ?
Je suis curieuse de savoir comment ce livre a été perçu
lors de sa parution. Les thèmes qu'il aborde sont d'une extraordinaire
actualité, mais qu'en était-il à l'époque
?
Flora
Je
vais rebondir sur ce qui précède : ce n'est pas que je pense
l'inverse, mais pour moi l'écriture n'est pas réussie.
Je n'ai pas fini et ayant lu sur la liseuse, je ne sais pas trop où
j'en suis : le roi donne naissance à un enfant, vers la moitié.
Il ne se passe rien. Je n'arrive pas à m'imaginer l'univers. Et
pourtant j'utilise des jeux vidéo. Je ne vois pas où elle
veut en venir.
Les thématiques sont très modernes, j'en étais bluffée.
Mais c'est une question d'écriture. Si en termes d'écriture
je ne suis pas captée, je ne vais pas aller jusqu'au bout.
J'ai apprécié la préface
qui situe le livre dans un contexte. On comprend ainsi pourquoi elle parle
des femmes comme ça.
Mais l'écriture est poussive. Je suis déçue. Tout
en étant contente qu'on l'ait choisi.
Aurore
Je lis, mais je ne comprends pas où on se situe. Il me manque ce
qu'il y avait avant, puisque ce n'est pas le premier livre du cycle. Il
me manque le contexte.
Pour ma part, j'ai trouvé le livre très bien écrit
et traduit.
Mais je ne suis pas assez avancée dans le livre concernant les
changements de genre.
Je suis déçue de passer à côté.
J'aime bien le style de ce que j'ai lu. Mais tout est déconstruit
pour moi.
Je n'aime pas trop la science-fiction. Je n'éprouve pas de plaisir
à cette perte de repères.
Claire
Bi
De mon côté j'aime beaucoup la science-fiction,
la bascule dans un autre univers dès les premières lignes,
les termes étranges, inconnus mais familiers car ils répondent
à des codes de SF que je connais et qu'Ursula a peut-être
participé à diffuser. Je lisais Dune
de Frank Herbert juste avant de commencer La main gauche, et la
comparaison est dure pour La main. Je n'ai "vu" ni les
décors de cette planète rude et glacée, qui auraient
dû cingler la peau à la lecture comme le désert de
Franck Herbert ou les tempêtes de La
Horde du Contrevent de Damasio, ni les personnages que j'ai trouvés
vraiment peu incarnés, qu'il s'agisse de l'Envoyé, le Roi,
Estraven ou d'autres. Les dialogues sonnent pédagogiques, donc
factices et ennuyeux, la plupart ne provoquant pas grand-chose et ne faisant
pas avancer l'intrigue, comme lors de la scène de dîner avec
les notables de la ville que je comparais malgré moi avec celle
pleine de tensions qui précède l'attaque de la Maison
Atréides dans Dune.
Je n'ai vraiment pas accroché avec l'écriture, au point
de me demander s'il y avait un problème de traduction car l'autrice
m'avait été recommandée par deux connaissances amatrices
du genre, en tout cas du cycle
Terremer. Il y a quand même un passage qui m'a plu dans le tiers
à peu près que j'ai lu, c'est celui des Devins, quand l'Envoyé
soumet sa question au Tisseur et assiste à la montée de
la transe collective. J'ai enfin "vu" là la scène
évoquée, ce qui m'a relancée dans la lecture.
Le fil genre/sexualité est bien peu exploité alors qu'il
y avait matière à aller dans des dizaines de directions
et à jouer avec différents niveaux de lecture. Dès
le début, elle ne fait pas grand-chose de l'hermaphrodisme qu'elle
a prêté à ses personnages. La langue française
est très "genrée" en l'absence de tournures épicènes,
j'ai eu l'impression que c'étaient des hommes gays qui vivaient
sur cette planète. Le deuxième fil intéressant était
celui des cycles de désirs passagers, sortes de ruts qui auraient
pu poser là aussi de nombreuses pistes de réflexion que
la SF peut explorer, sur les liens entre désir et violence, domination
et organisation des sociétés, qui sont sous-exploités
dans le livre - mais cela dit je ne l'ai pas terminé avant de venir.
Brigitte
N'aimant
pas la science-fiction, en général, j'ai commencé
à lire The
Left Hand of Darkness avec peu d'enthousiasme, mais avec curiosité
vu l'enthousiasme qu'il suscite ici et là, y compris chez des gens
très sérieux. Il date de 1969 et il a fait d'Ursula Le Guin
la grande prêtresse américaine de la science-fiction au féminin
!
J'ai trouvé la lecture peu captivante dans l'ensemble, mais apprécié
certains choix narratifs, comme l'alternance de narrateurs et l'insertion
de pseudo-légendes. Bien aimé aussi les descriptions de
paysages ou de villes, derrière lesquelles se profilent aussi bien
le désert de Gobi que les étendues glacées de Sibérie.
La description du transfert des prisonniers en convoi fermé vers
le camp (chap. 13) est très réaliste, rappelant, entre autres,
les mémoires de Evguenia Guinzburg (Le
Vertige et Le
Ciel de la Kolyma), le camp lui-même étant calqué
sur le goulag ou les camps de
laogai chinois, avec, trait de réalisme supplémentaire,
le fait que les uns comme les autres n'avaient pas besoin d'être
bien gardés, toute évasion étant impossible dans
les étendues désertiques, loin de tout, où ils se
trouvaient - ce qui explique l'aisance avec laquelle Estraven réussit
à faire évader Genly Aï.
Certaines remarques m'ont paru subtiles : le fait, par exemple, que le
froid demande tant d'énergie pour pouvoir survivre que les hommes
n'ont plus la force ni le désir de faire la guerre. La folie du
roi Argaven m'a paru emblématique d'autres folies dictatoriales,
celles de Hitler, de Staline ou de Mao
En revanche, la longue, très
longue traversée du désert de glace au milieu de blizzards
obligeant régulièrement à l'inaction m'a profondément
ennuyée, de même que la problématique de ces êtres
asexués qui n'apporte pas grand-chose. Quant à la fin, avec
l'arrivée du vaisseau spatial, elle est attendue et convenue, la
seule surprise étant la généalogie d'Estraven, mais
à peine esquissée.
Partagée entre intérêt et ennui, j'ai eu envie d'en
savoir plus sur l'auteure. J'ai alors découvert une écrivaine
fascinante, bien meilleure, à mon goût, dans la non-fiction,
et qui, en outre, s'est passionnée pour le Daodejing (Le
Livre de la voie et de la vertu), l'un des grands classiques du
taoïsme ; elle a raconté l'avoir découvert enfant parce
que son père en lisait l'une des premières traductions en
anglais, datant de 1898. On en trouve des échos dans toute son
uvre, dans le cycle de fantasy Earthsea (Terremer),
mais aussi dans The Left Hand of Darkness, ne serait-ce que dans
le titre : elle en donne l'explication dans un poème au chapitre
16 :
Le jour est la main gauche de la nuit,
et la nuit la main droite du jour.
Deux font un, la vie et la mort
enlacés comme des amants en kemma
comme deux mains jointes,
comme la fin et le moyen.
et précise un peu plus loin (chap. 19) qu'il est inspiré
de l'idée du yin et du yang, par la voix du narrateur terrien Genly
Aï :
Sur la feuille blanche collée à
lintérieur de la couverture noire du carnet je traçai
un cercle contenant une double courbe, puis emplis de noir la moitié
yin de ce symbole.
Connais-tu cela ? demandai-je à mon compagnon en lui
rendant sa tablette. Il étudia longuement mon croquis, comme
avec perplexité, puis :
Non.
On le trouve sur Terre, mais aussi sur Hain-Davenant, et sur
Chiffewar. Cest le yin et le yang. Le jour est la main gauche
de la nuit
jai oublié la suite. Jour, nuit. Peur,
courage. Froid, chaud. Femelle, mâle. Cest toi-même,
Therem, double et unique. Une ombre sur la neige.
L'une
des couvertures présente le fameux schéma du double
cercle du yin et du yang :
Ursula K. Le Guin a même écrit sa
propre version du Daodejing dans laquelle je vais maintenant
me plonger, au détriment de la littérature islandaise au
prochain programme de Lirelles
Agnès
D'emblée,
je dirais que je me suis beaucoup ennuyée avec cette lecture :
trop d'intrigues politiques et de marche forcée dans la neige
Que c'était long. Mon intérêt s'est éveillé
quand, à la fin du roman, un sentiment amoureux naît entre
Genly Aï et Estraven, mais... il reste platonique (pourquoi ?!) et
Estraven meurt (pourquoi !?). Enfin, un peu d'action se mêle alors
à la narration jusqu'à l'arrivée du vaisseau spatial.
J'ai lu la préface du roman,
le roman en entier, la postface
et j'ai écouté l'émission
de France Culture consacrée à l'autrice. Par ailleurs, je
suis plutôt bonne cliente en ce qui concerne ce genre de littérature,
mais je lis plus volontiers des dystopies (comme La
servante écarlate
de Margaret Atwood) ou des romans post-apocalyptiques (Station
eleven d'Emily St John Mandel ou
The
road de Cormac Mc Carthy). En ce qui concerne la SF pure ou l'anticipation,
j'ai lu les classiques, les romans de Barjavel,
La
guerre des mondes de Wells, Le
meilleur des mondes d'Huxley, Ray Bradbury (Fahrenheit
451 et Les
chroniques martiennes), 1984
d'Orwell.
Tout ça pour dire que je suis loin d'être allergique au genre,
mais là, encore une fois, je me suis ennuyée et je suis
passée à côté de ce livre que beaucoup considèrent
comme un chef-d'uvre.
Je reconnais tout à fait que le livre est important dans l'histoire
du genre et qu'Ursula K. Le Guin aborde de nouveaux thèmes dans
ce domaine très masculin, à une époque encore plus
machiste qu'aujourd'hui. Je ne remets pas du tout en question sa légitimité,
son talent, son génie, sa clairvoyance.
Par ailleurs, le thème du genre est éminemment passionnant.
Il est vrai que le modèle que propose Ursula K. Le Guin peut paraître
séduisant. Ces êtres sont donc non binaires et asexués,
sauf pendant une courte période appelée kemma qui
est une sorte de période de chaleurs animale ou de rut où
ces êtres sont aléatoirement homme ou femme.
De prime abord, on peut trouver la situation enviable, car puisqu'il n'y
a plus ni d'hommes ni de femmes, il n'y a plus de discrimination liée
au genre. Il n'y a pas de viol (car sans consentement, le coït est
impossible sur cette planète, on aimerait en savoir plus), pas
de guerre (ce qui sous-entend qu'elle serait causée par la binarité,
on aimerait en savoir plus).
L'envers de médaille, c'est que cette période de chaleurs
est vouée à la reproduction, ce qui abolit l'existence d'une
sexualité pour le plaisir et qu'il n'y a pas d'homosexualité
(ce qui n'est pas un détail).
Et comme le roman (ou la traduction) ne fait preuve d'aucune inventivité
au niveau du genre des pronoms, ces êtres non binaires sont genrés
au masculin, ce qui fait que j'ai eu l'impression de lire un livre avec
presque 100% de personnages masculins (à part une femme à
la toute fin). La révolution annoncée n'était pas
au rendez-vous.
Claire
Bo
J'étais très contente que nous ayons
choisi cette grande figure de la science-fiction. J'avais entendu le rejet
de Nelly, et j'étais arc-boutée sur un désir d'aimer
: moi aussi je veux aimer ça et trouver que c'est un chef-d'uvre
; "géniaaaale", avait-dit la libraire superbement tatouée
des Mots à la bouche.
Malheureusement mon ennui a été complet. Je n'ai ressenti
aucun intérêt.
Le début du premier chapitre est vraiment un pensum :
"Tout commence le 44e diurne
de lan 1491. En Karhaïde, une nation de la planète
Nivôse, cétait Odharhahad Tuwa, le 22e jour du troisième
mois de printemps de lAn I. Cest toujours lAn I, ici.
Seule la datation des années passées et futures se voit
modifiée à chaque retour du Nouvel An, le chiffre qui
les désigne augmentant ou diminuant dune unité selon
quil sagit du passé ou de lavenir. Nous étions
donc au printemps de lAn I à Erhenrang, capitale de Karhaïde."
Impression d'un cirque, d'un folkore qu'il va falloir
se farcir. La rencontre avec le roi Aï est particulièrement
mortelle. J'ai eu l'impression d'être dans un univers un peu puéril,
ou du moins pour des ados. J'exagère un peu bien sûr, mais
pas tellement...
J'étais particulièrement intéressée par la
fiction relative aux genres et j'ai lu avec grand intérêt
l'unique chapitre en fait. Le livre m'est tombé des mains de plus
belle. J'ai essayé de comprendre ce qui peut se passer dans les
couples, puisqu'il y en a. Or l'homosexualité n'existe pas ; comment
ça se passe quand les deux partenaires sont hommes ou femmes en
même temps ? C'est pas prévu apparemment...
"En théorie", j'ai pourtant trouvé l'idée
- l'hypothèse - intéressante. Et que les viols et les violences
n'existent pas ; mais posé sans plus, je rejoins Agnès,
sans relief, de façon ennuyeuse. Idem pour le complexe d'dipe
qui n'existe pas..., serait-ce anecdotique ?... Ne parlons pas de l'inceste,
interdit mais permis. Pour ce qui du rôle dit "typiquement
féminin", fait de "charme, tact, manque de substance,
superficialité, finasserie", je ne me suis pas trop inquiétée
comme Marie-Yasmine...
Je n'ai pas eu l'impression qu'il était indispensable d'avoir lu
les livres précédents du cycle. Comme l'ennui était
envahissant et pour me repérer, je me suis référée
à un tableau très bien fait,
résumant en une ligne chaque chapitre en précisant le narrateur.
L'écriture m'a paru banale. Quand l'auteure se risque à
une comparaison, c'en devient comique : à quatre reprises,
on se tape une loutre... :
"le roi aussi maussade qu'une loutre
en cage" (chapitre 3)
"Il tourna vers moi son impénétrable regard de loutre"
(ch. 15)
"Et sur ce il se leva, la bouche toujours pleine, enfila son hieb
et son anorak, mit ses chaussures, et telle une loutre
se glissa hors de la tente par sa porte étanche à fermeture
automatique." (dans la même page !)
"Mon ami esquissa son sourire de loutre."
(ch. 19)
Je suis allée sur des sites genre Babelio pour essayer de comprendre
les raisons de l'enthousiasme des lecteurs, nombreux à s'extasier.
Par exemple, la traversée du désert glacé est signalée
comme un moment remarquable : je l'ai lu avec attention. L'ennui était
de nouveau au rendez-vous. Le chapitre qui
clôt le livre est le clou de l'ennui : comment faire pire ?
Quant aux préface et postface
de spécialistes, elles m'ont semblé également ennuyeuses,
décidément ; pourtant, l'auteure de la préface
est une "grande" de la science-fiction française, Catherine
Dufour (dont nous avions lu et pas aimé avec Aurore au club
de lecture de Violette & co Le
Goût de l'immortalité).
Par contre et tant mieux, Ursula K. Le Guin m'a semblé extrêmement
sympathique et intéressante à voir et écouter.
Joëlle
L
J'ai beaucoup lu la SF dans ma jeunesse.
Principalement des auteurs américains. Plus tard, j'ai lu La
Main gauche de la nuit, que j'ai relue pour cette séance.
Et ça n'a pas été facile : en tant que lectrice,
je n'avais plus mes repères :
- comme lectrice de SF, parce que pour moi trop de temps avait passé
- comme lectrice d'aujourd'hui, parce que cette histoire en apparence
classique (une intrigue, un héros, une quête) est très
différente dans la psychologie des personnages, les enjeux, les
retournements de situation
Quelque chose me résiste dans
ce livre, et je n'arrive pas bien à déterminer quoi. Il
y a une étrangeté permanente, dans l'histoire et dans la
manière de la raconter.
En prime, on débarque en plein milieu d'un cycle : on ne sait pas
ce qu'on devrait savoir pour organiser les événements qui
nous arrivent dessus.
Donc la lecture a été plus ardue que je ne prévoyais.
En outre, je n'étais pas aidée par les noms compliqués
parmi lesquels il faut naviguer (gens, lieux, sentiments, calendrier
)
et dans les inventions de l'autrice. Par exemple : l'ansible, dont
je suis allée chercher la définition et qui était
un dispositif présent dans les précédents épisodes.
La question du genre : une promesse alléchante, mais en lisant,
j'avais le sentiment que les protagonistes étaient tous des hommes
et non des êtres neutres. C'est sans doute lié en grande
partie à la binarité de la langue. Parce que les allusions
à l'ambiguïté des personnages existent bien. L'émissaire
émet souvent des jugements sur les comportements supposés
plus ou moins féminins de ses interlocuteurs. Il y a aussi le moment
(intéressant !) où Estraven entre en kemma pendant
leur périple polaire et le trouble des deux qui en découle.
J'ai admiré la clairvoyance écologique, très en avance
sur les connaissances de son époque et bien sûr l'approche
des questions de genre, pas du tout posées non plus au moment où
elle écrit le livre.
En conclusion : c'était un peu plus difficile à lire que
je ne l'avais anticipé. Mais je ne regrette pas ma lecture, dont
je garde une impression très positive. Et je me demande si je ne
devrais pas lire tout le cycle de l'Ekumen (Le
Livre de Hain).
Laetitia
Cette lecture m'a demandée beaucoup d'efforts, j'ai eu du mal !
Mon rapport à la science-fiction : j'avais beaucoup aimé
Station
eleven
comme Agnès, et j'apprécie les dystopies en général.
Je préfère cependant la science-fiction en BD ou en films
(Minority report
adapté d'une nouvelle de Philip K. Dick ; Le
Seigneur des anneaux
) car avec l'image, c'est immédiat,
on est tout de suite plongé dans un autre univers.
Je n'ai pas trouvé cela à travers l'écriture de La
Main gauche de la nuit que j'avais commencée dans le cadre
du club de lecture des Front Runners : je m'étais arrêtée
au bout d'un chapitre, n'étant pas du tout entrée dans le
livre.
La première difficulté est sans doute liée au fait
que le livre fasse partie d'un "Cycle" ; oui, on peut lire le
livre seul, mais on passe certainement en partie à côté.
Le chapitre 1 déroule, de façon classique, tous les marqueurs
de la science-fiction : noms des planètes, des lieux, des personnages,
calendrier spécifique. Au fil des pages, les déplacements
dans les contrées ne me déplaisaient pas, à l'image
de ceux dans Le Seigneur des anneaux, même si je les ai trouvés
trop longs. Ce qui m'a perturbée, ce sont les changements de narrateur
avec également des contes intercalés. Quant à l'écriture,
à noter de nombreux rythmes ternaires, un peu trop systématiques.
Pour ce qui est du fond, il y a certes les changements de genre, plutôt
novateurs. Mais déjà chez Tolkien,
on rencontrait des elfes androgynes. Les femmes sont les grandes absentes
de ce livre, dommage ! L'aspect humaniste, politique, philosophique, écologique
(réflexion sur les énergies), qui interroge notre place
dans l'univers, est riche mais noyé dans beaucoup trop de digressions.
J'ai été plutôt étonnée de lire des
critiques dithyrambiques sur ce livre. Je n'ai ainsi pas tellement envie
d'entrer dans un autre ouvrage. Je regarderai plutôt le film d'animation
de G. Miyazaki, Terremer,
adapté d'un autre Cycle de cette auteure. Au final, même
si je n'ai pas été très séduite, je suis cependant
contente d'avoir cette fois dépassé le premier chapitre
et d'avoir découvert ce grand nom.
Anne
J'ai lu 75 pages. J'avais envie d'aimer le livre. Je ne connais pas bien
la science-fiction, ma curiosité ne me poussant pas vers ce genre.
Dès la rencontre des noms, j'ai eu du mal. J'aurais aimé
aller jusqu'au bout mais j'étais débordée.
Comme Marie-Yasmine, je pense que les éléments misogynes
ne sont peut-être pas du second degré, mais visent sans doute
à mettre en lumière la situation d'alors.
La science-fiction ce n'est pas pour moi. Je vois aussi la passion que
suscite les jeux de rôle, de plateau. Le
Seigneur des anneaux ne m'a pas accrochée. Mais j'aime
Star Wars. J'ai
lu La
servante écarlate ; une dystopie me
parle davantage.
Nelly
Nous
avions programmé ce livre au club de lecture des Front Runners.
J'ai tenté de le lire jusqu'à la page 100, bien que s'agissant
de science-fiction j'avais des doutes, et... je ne comprenais rien ; puis
avec la lassitude due à cet effort pour rentrer dans l'histoire,
selon l'expression appropriée : le livre m'est tombé des
mains. Je n'ai pas souhaité en reprendre la lecture pour Lirelles.
Quand j'aborde un livre, il faut que je sois accrochée tout de
suite, que je sente un fil conducteur. Sinon la lecture est comme un exercice.
En général au bout de cinq minutes, je sais si j'aime ou
pas, et là je n'aime pas. Parfois on peut être inspirée
pour émettre des réserves sur un livre qui ne nous a pas
plu, mais là ce n'est pas le cas. Rien que l'idée de devoir
s'accrocher à ce livre hermétique ne m'inspire que du découragement.
Patricia
Pour ma part, je n'étais pas très enthousiaste avant de
commencer la lecture car je n'aime pas la science-fiction, même
si j'avais beaucoup aimé Station
eleven lu à l'époque
dans le cadre de Lirelles.
Ici, dès les premières pages, je n'ai pas accroché
du tout. Je n'avais pas voulu lire la
préface avant, pour ne pas me laisser influencer.
En fait, je n'ai rien compris au début du premier chapitre, ni
où l'auteur voulait en venir, ni vu le fil conducteur, je n'avais
pas compris que ce livre faisait partie d'un cycle de plusieurs livres.
J'ai essayé de parcourir en diagonale les autres chapitres, mais
c'est resté très hermétique. Je n'ai pas insisté
et j'ai eu raison, vu le peu d'enthousiasme des lectrices de Lirelles...
Joëlle M
(débordée, un mois plus tard)
Je n'ai pas encore pu finir de lire La main gauche de la nuit.
Du peu que j'ai pu lire du livre, j'ai apprécié et surtout
il me semble que c'est la première fois depuis que je suis à
Lirelles qu'on lise de la science-fiction, j'espère qu'on
le refera.
Claire
Oui ! Nous avions lu en effet (seulement) La
servante écarlate
de Margaret ATWWOD en 2018 et Station
eleven d'Emily ST. JOHN MANDE en 2017.
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