Lirelles

Nous avons lu pour le 8 septembre 2024

des livres sur le voyage au choix et un livre commun :

Elles ont conquis le monde : les Grandes Aventurières, 1850-1950

d'Alexandra LAPIERRE et Christel MOUCHARD, Arthaud

      Découvrez NOS RÉACTIONS sur ce livre et NOS LECTURES

• Présentation du livre commun
Ses auteures
Le thème du voyage
Livres au choix


Présentation du livre Elles ont conquis le monde


Relié (2007), broché (2009), ou en poche (2015) mais sans les photos
publié en allemand, en anglais et en espagnol

Le livre, illustré de nombreuses photographies, présente 31 portraits d'aventurières, des Françaises, des Anglaises, une Ecossaise, une Irlandaise, des Américaines, une Espagnole, une Hollandaise, une Autrichienne, une Hongroise, une Suisse, une Jamaïcaine, et aussi une Péruvienne-Française et même une Suisse-Russe-Française... D'autres femmes sont évoquées qui n'ont pas de portrait spécifique, mais que nous avons déjà rencontrées... : Vita Sackville, Annemarie Schwarzenbach.
Le livre comporte 4 parties, correspondant à des périodes caractérisées par l'évolution des modalités de voyage de ces aventurières, et est ponctué par des questions dont la première vaut pour toutes les périodes : POURQUOI PARTENT-ELLES ?

Avant 1850 : des "curiosités"
Les voyageuses étaient considérées comme des étrangetés de la nature. Isabel Godin des Odonais réussit à survivre dans une nature hostile, pendant que Catalina de Erauso s'habille en homme ou qu'Aphra Behn change d'amant comme de frontière.
Catalina de Erauso -
Espagnole, née en 1592
Isabel Godin des Odonais
- Anglaise, née en 1640
Aphra Behn
- Péruvienne-Française, née en 1727

1850-1890 : l'ère des crinolines
À peine entrées dans l'ère des crinolines, les aventurières se veulent désormais honnêtes femmes. Corset, jupe longue et chapeau, tout dans leur costume témoigne de cette volonté de voyager non pour l'amour, mais pour la science.
COMMENT SURVIVENT-ELLES ?

Ida Pfeiffer
- Autrichienne
Alexine Tinne
- Hollandaise
Mary Seacole
- Jamaïcaine
Florence Baker
- Hongroise
Isabella Bird - Ecossaise
May French Sheldon
- Américaine
Marianne North
- Anglaise
Jane Dieulafoy - Française
Fanny Stevenson
- Américaine
Mary Kingsley
- Anglaise
Fanny Bullock Workman
- Américaine
1890-1918 : entre deux mondes
De la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les voyageuses partagent les rêves de leurs homologues masculins. Seule importe la confrontation au risque ou au désir.
POURQUOI ECRIVENT-ELLES ?

Gertrude Bell
- Anglaise
Margaret Foutaine
- Anglaise
Daisy Bates
- Irlandaise
Nelly Bly
- Américaine
Isabelle Eberhardt
- Suisse-Russe-Française
Chramian Kittredge - Américaine
Alexandra David-Néel
- Française
1918-1950 : des femmes libres
Rattrapées par le romantisme, les voyageuses aiment comme elles voyagent, c'est-à-dire librement. La sensibilité féminine de leur regard, qui imprègne leurs reportages photographiques, garantit le succès de leurs écrits.
COMMENT AIMENT-ELLES ?
Freya Stark - Anglaise
Karen Blixen - Danoise
Evelyn Cheesman - Anglaise
Rosita Forbes - Anglaise

Margaret Mead
- Américaine
Ella Maillart - Suisse
Osa Johnson
- Américaine
Odette Puigaudeau - Française
Anita Conti
- Française
Emily Hahn
- Américaine

Les auteures du livre

Les auteures, qui ont toutes deux publié sur l'histoire des femmes, ont un rôle différent dans le livre :

Christel Mouchard, qui a dirigé l'ouvrage, a publié plus particulièrement sur les voyages au féminin, par exemple :
- Gertrude Bell, archéologue, aventurière, agent secret, Tallandier, 2015, prix spécial du jury Simone Veil, Livre de poche 2017
- L'aventurière de l'Etoile : Jeanne Barret, passagère, Tallandier, 2020, Pocket 2022.

Voir ›le blog de Christel Mouchard L'aventure au féminin

Alexandra Lapierre, qui présente le livre, a publié de nombreux livres sur des femmes, y compris des romans historiques, par exemple :
- Je te vois reine des quatre parties du monde, Flammarion 2013, Pocket 2014 (sur Dona Isabel Barreto, conquistadora des Mers du sud)
- Moura, la mémoire incendiée, Flammarion 2016, Pocket 2017 (sur Moura Budberg, agent double).

Voir › le site d'Alexandra Lapierre.

On peut les entendre dans l'émission Si loin si proche de Ludovic Dunod, RFI sur "Les grandes voyageuses du monde", 8 mars 2014, 45 min.

Le thème du voyage

Le voyage renvoie à l'idée de trajectoire ou de cheminement.

Le voyage au sens propre
Il s'agit d'un déplacement choisi, généralement sur une longue distance :
- pour des raisons professionnelles politiques, économiques, scientifiques, militaires, ou religieuses...
- dans un but d'agrément, de loisirs, de dépaysement, de découverte.

Il peut s'agir aussi d'un déplacement "imposé" :
- pour les personnes sans domicile fixe, les migrants, les gens du voyage
- pour les animaux mus par l'instinct lors des migrations.

Le voyage au sens figuré
La métaphore se décline abondamment :
- La vie est un voyage
- Le voyage dans l'au-delà, le grand voyage, la mort
- Voyage dans le temps, dans la quatrième dimension.
- Voyage au pays des songes
- Voyage en soi
- Voyage chamanique
- Trip, état d'hallucination provoqué par la drogue, notamment le L.S.D.
- Changer de genre est-il un voyage ?
- Et plonger dans un livre, n'est-ce pas parfois un voyage ?

Les livres au choix : quelques exemples

Tous les genres peuvent être concernés. Voici juste quelques exemples. Mais l'intérêt sera de découvrir avec surprise ce que les unes et les autres auront déniché...

• Portraits de voyageuses
dans la continuité du livre commun que nous lisons
- Femmes des pôles : dix aventurières en quête d'absolu, Benoît Heimermann, éd. Paulsen, 2015, 200 p.

Récits de voyage autobiographiques d'aventurières figurant dans le livre :
- Le Tour du monde en 72 jours, Nellie Bly, trad. Hélène Cohen, éd. Points Documents, 2017, 216 p. (publié en 1890)
- Voyage d'une parisienne à Lhassa, Alexandra David-Neel, Pocket, 384 p. (paru en 1927)
- Où est la terre des promesses ? Avec Ella Maillart en Afghanistan (1939-1940), Annemarie Schwarzenbach, trad. de l'allemand Nicole Le Bris, Petite bibliothèque Payot, 2019, 499 p.

Récits de voyages sur les traces de voyageuses
- À la vie à la mort sur la route de Thelma et Louise, Catherine Faye, Marine Sanclemente, éd. Paulsen, 2024, 256 p. : les autrices, journalistes, ont sillonné les États-Unis en reprenant exactement l'itinéraire du film de Ridley Scott. Elles étaient auparavant parties sur les traces du voyage en 1933 d'Odette du Puigaudeau et Marion Sénones en Mauritanie : L'Année des deux dames, 2020, 352 p.
- Je te suivrai en Sibérie, Irène Frain, J'ai lu, 480 p. : biographie romancée de Pauline Geuble que l'écrivain suit depuis sa naissance en 1880 en France, jusqu'à la Moscou et la Sibérie.

Journaux
- L'Amérique au jour le jour : 1947, Simone de Beauvoir, Folio, 560 p.
- Journal d'Arizona et du Mexique (janvier - juin 1982), Chantal Thomas, Seuil, 2024, 192 p.

Lettres
- Lettres d'un voyageur, George Sand, Flammarion, 320 p. (publié en 1837). Et aussi En voyage avec George Sand, Marianne et Gilles Miclon, éd. Labouinotte, 776 p.

Essais
- Les femmes aussi sont du voyage : l'émancipation par le départ, Lucie Azema, éd. Points Féministe, 2022, 256 p.
- Méfiez-vous des femmes qui marchent, Annabel Abbs, trad. de l'anglais Béatrice Vierne, Arthaud 2021 ; Pocket, 2023, 432 p.

BD
- La jeune femme et la mer,
Catherine Meurisse, Dargaud, 2021, 116 p.
- Gold Star Mothers, Catherine Grive, Fred Bernard, Delcourt, 2017, 120 p.

Romans ou récits littéraires
- Americanah, Chimamanda Ngozi Adichie, trad. de l'anglais (Nigéria) Anne Damour, Folio,
704 p.
- Wild, Cheryl Strayed, trad. Anne Guitton, 10/18, 504 p.
- De pierre et d'os, Bérengère Cournut, Le Tripode, 2019, 219 p.
- Les rives de la mer Douce, Laura Alcoba, Mercure de France, 2023, 160 p.
- La passagère du silence, Fabienne Verdier, 320 p.
- Le quai de Ouistreham, Florence Aubenas, Points Récits, 264 p. : un voyage dans une autre peau. Ces deux derniers livres ont été programmés jadis à Lirelles, en 2013 et 2010.

Nouvelles
- Amours nomades, Isabelle Eberhardt, Folio, 144 p.
- Voyages sans bagages, Tove Jansson, trad. du suédois Catherine Renaud, La Peuplade, 280 p.


Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre commun et NOS LECTURES sur le voyage
ainsi que notre RAPPORT AUX VOYAGES


La rentrée olympique

C'est la rentrée, suite à un été sous le signe, pour certaines, entre autres, des Jeux olympiques, susceptibles de donner un goût de l'ailleurs, avec des athlètes de plus de 200 nations.
Parmi les 10 statues de femmes de la cérémonie d'ouverture, il y avait outre la grande Simone Veil, Louise Michel, Gisèle Halimi, la cinéaste Alice Guy, la sportive Alice Milliat, la philosophe et poète Christine de Pizan, Olympe de Gouges (sur qui nous avons lu un livre), la chère Simone de Beauvoir et Paulette Nardal (sur qui nous allons bientôt lire un livre) — celle de Jeanne Barret, pionnière de l'exploration scientifique, qui a réalisé le tour du monde en se déguisant en homme pour accompagner une expédition botanique au XVIIIe siècle.

Les lectrices

Ce 8 septembre 2024, c'était donc notre rentrée littéraire. Qui était là ?
- en direct (7) : Anne, Claire Bi, Claire Bo, Felina, Laetitia, Marie-Yasmine, Patricia
- par zoom (3) : Agnès, Joëlle L, Sandra.
Étaient ailleurs et qui sait, peut-être en voyage (9) : Aurore, Joëlle M, Nathalie, Sophie, Véronique ; quelques échos des voyages nous viennent de Flora, Muriel, Nelly, Stéphanie.

Les lectures

Le livre commun Elles ont conquis le monde : les Grandes Aventurières, 1850-1950 a-t-il conquis les lectrices ? On va le voir... L'édition du livre lu a joué un rôle, selon qu'il ait été relié (édition de 2007), broché (2009, avec un format plus petit et des caractères parfois minuscules) ou en poche (2015, des pages très lisibles, mais sans photos).

Outre ce livre, voici la dizaine de livres lus cet été par les lectrices, en rapport avec les voyages :
- la Suisse Ella Maillart, choisie par deux lectrices :
       • Ti-Puss : trois ans en Inde avec ma chatte
       
Oasis interdites : de Pékin au Cachemire, une femme à travers l'Asie centrale en 1935
- des Américaines :
        Nellie Bly :
Les Fabuleuses Aventures de Nellie Bly
        Edith Wharton : La France en automobile

- l'Australienne Hannah Kent : Les incandescantes
, lu par deux lectrices
- la Japonaise Mori Kaoru : Brides stories
- des Françaises
        Anne Berest : La carte postale
        Macha Sery : Sur le mur d'Hadrien : voyage aux confins de l'Empire romain
        Juliette Morice : Renoncer aux voyages.

                  

                       

                        

La succession des avis sur le livre commun,
sur d'autres livres sur les voyages, sur la relation aux voyages

Puisque de voyages il s'est agi, nous en avons profité pour préciser notre rapport aux voyages : diversité de points de vue, là encore...

Flora

Je suis à la cérémonie de clôture des Paralympiques. De plus, je n'ai pas beaucoup lu cet été, encore moins un livre sur le voyage.
Mais je peux dire que pour moi, les voyages sont une façon de se couper du quotidien, partager/découvrir de nouvelles cultures et se créer de beaux souvenirs.

Muriel
Les voyages pour moi ? C'est du plaisir, plaisir de la découverte d'autres cultures et d'autres langues.
J'ai fait de grands voyages, par exemple deux mois au Mexique et Guatémala, et des petits du genre Barbizon un week-end.
Jamais seule, et me reposant toujours sur les autres pour l'organisation...


Stéphanie

Les voyages représentent pour moi une expérience incontournable.
Ils n'ont pas besoin d'être lointains pour être dépaysants (j'ai été tout autant émerveillée de la douceur du paysage sur le Mont Pélion à 200km de ma ville natale, qu'au parc Torres del Paine à 13000 km). Et j'ai parfois trouvé tout autant de différences culturelles au bout du monde qu'aux villages d'à côté de chez moi.
Mes voyages peuvent être courts, le temps d'un week-end dans une ville européenne dont on découvre les chemins secrets, que longs.
Parfois aussi longs qu'ils se confondent avec la vie : comme mon séjour de bientôt 20 ans à Paris, qui a commencé dans un esprit de voyage adolescent.
Enfin, je ne peux pas dissocier les voyages de l'apprentissage des langues qui est une passion pour moi. Impossible d'aller quelque part sans me livrer quelques mois avant à une étude, ne serait-ce que rudimentaire, de la langue locale. Il y a le désir d'aller vers l'autre pour échanger quelques mots chaleureux (ce qui est réaliste), mais aussi le fantasme d'accéder dans sa vision du monde (ce qui est illusoire mais moteur). D'ailleurs, à l'inverse, combien de fois n'ai-je voyagé (faute de moyens) que par l'apprentissage d'une langue (initiations de tamoul, d'arabe, de swahili)...
Et bien sûr, ça paraît banal de le dire, mais il faut : nous voyageons par ce qui nous réunit ici, la littérature et la lecture en général !

Nelly
Je ne suis pas en voyage pour ma part, mais simplement retenue par un autre groupe. Je regrette de ne pouvoir être dans deux lieux à la fois.
Bien des choses peuvent être dites du voyage dont le sens a probablement bien dérivé depuis l'époque de nos exploratrices du siècle dernier.
J'avais en mémoire cette phrase que je pensais avoir une portée philosophique : On ne voyage pas, on se déplace. J'y voyais une signification sur notre rapport à nos pensées personnelles : peu importe où nous allons, nous transportons inévitablement nos soucis, nos peurs, nos problèmes, ou plus positivement nos espoirs ou nos projets pour l'avenir.
Mais en recherchant la citation, je me suis aperçue que je l'avais amputée de quelques mots, ce qui en change complètement le sens.
C'est Alexandra David Néel qui a dit : Celui qui voyage sans rencontrer l'autre ne voyage pas il se déplace.
Rencontrer l'autre, voilà ce qui devait avoir un sens pour ces vraies aventurières que Lirelles a choisi de mettre en lumière aujourd'hui.
Quel rapport avec le tourisme actuel, sans même aller jusqu'au tourisme de masse proposé par certains tour-operateurs ?
Et puis après tout, nous sommes toujours le touriste de quelqu'un s'il faut en accepter la connotation péjorative.
Je suis comme beaucoup, j'adore partir, j'adore m'imaginer me procurer des frissons en terre étrangère alors que je suis totalement sécurisée, et j'adore aussi revenir et raconter des anecdotes de voyage.
Je n'aurais jamais eu l'audace de nos héroïnes d'hier quoique... bien accompagnée... le monde n'est plus aussi effrayant !

Sandra
Les voyages et moi

Sur le voyage, beaucoup de choses ont été dites.
Pour moi, c'est un ressenti, un état d'esprit.
Pourquoi part-on ?
J'aime voyager.
J'ai voyagé plus jeune. Mais en vieillissant, je me suis rendu compte que voyager ne suppose pas de faire des milliers de kilomètres.
C'est une question de bien-être, de découvertes, qui peuvent être effectuées à proximité de chez soi.
Il s'agit de découverte de monuments, d'environnements, de rencontres.
Oui, j'aime bien voyager, c'est important pour ouvrir son horizon, et j'aime le faire, même seule, ce qui donne une dimension introspective.

Mon avis sur Elles ont conquis le monde
Ce livre, du fait de son format, pèse très lourd. De sorte que je ne l'ai pas emporté avec moi.
Au début, je l'ai feuilleté car j'ai besoin du contact du livre avant tout début de lecture.
Même s'il est lourd et grand, c'est un bel objet. Un objet qui donne envie je trouve, de par ses photos, cartes et illustrations.
Sur la forme, j'ai aimé ces courts portraits. C'est fait habillement, c'est succinct, et je les ai tous lus, appréciant qu'ils soient courts.
En effet, j'avais une crainte qu'ils soient longs et donc de m'ennuyer si je n'aimais par le portait dressé. Le fait qu'ils soient courts, permet si nous avons envie d'en connaître davantage sur la femme, de faire des recherches par la suite.
Quant au contenu, j'ai accroché. J'ai lu rapidement. Je lisais à chaque fois quatre, cinq portraits.
J'ai aimé la présentation, l'écrit simple à lire, mais qui donne assez de détails afin de savoir si nous voulons creuser ou pas.
Toutes ces femmes sont différentes. Chaque femme est unique.
Elles veulent découvrir ce qui est ailleurs. Et j'ai aimé leurs découvertes. Certes, il y a Lévi-Strauss et autres scientifiques, intellectuels, qui ont contribué au renouvellement de la pensée ; mais elles ont apporté leur part à la science.
J'ai appris beaucoup sur leur façon de voyager. Certaines gardent d'ailleurs leur glamour.
J'ai apprécié leur liberté et leur besoin d'écrire.
La conclusion est formidable, avec cette ouverture sur les autres femmes "inconnues" mais tout autant aventurières et importantes pour l'histoire, ainsi que cette pensée que les femmes sont "increvables".
Je n'ai pas eu de préférence sur une de ces personnalités, je dirai qu'Anita Conti se détache, car elle est une des rares à ne voyager que sur les mers.

Sur le thème des voyages, j'ai lu et beaucoup aimé La carte postale d'Anne Berest (Patricia acquiesce).
C'est un triple voyage :
- voyage dans une histoire familiale
- voyage dans l'Histoire (pas que Auschwitz, mais dans d'autres pays dont la France)
- voyage dans la mémoire de l'auteure.
C'est une enquête qui amène à se poser des questions sur soi.
C'est haletant, on ne s'ennuie pas, et oui c'est une autre forme de voyage(s) mais tout aussi indispensable à effectuer.

Felina
Mon avis sur Elles ont conquis le monde
Conquise par le thème des aventurières, j'ai été un peu déçue par le résultat final. L'édition avec les photos était magnifique, j'ai beaucoup apprécié. Cependant, le format broché s'est révélé peu commode.
La galerie de portraits est fascinante : une trentaine de femmes aux parcours exceptionnels. J'ai aimé découvrir ces figures courageuses, téméraires et libres. Sur le papier, tout y était. Pourtant, je ne me suis pas sentie complètement embarquée dans leurs aventures. Les auteures ont peut-être voulu trop synthétiser, ce qui m'a frustrée. J'aurais préféré lire un roman entier sur chacune d'entre elles.
Certains commentaires, notamment dans les introductions chronologiques, m'ont semblé un peu datés. Des remarques sur les aventurières et l'amour, par exemple, n'ont pas leur place dans un recueil de ce type. De plus, les portraits sont très lisses, presque idéalisés. C'est une lecture agréable, mais mitigée.

Les voyages et moi
J'ai grandi entre l'Italie et la France, bercée par le balancement d'un train de nuit qui me transportait d'une culture à l'autre. Chaque été, dès les début des grandes vacances, nous les trois enfants on partaient seules avec notre mère pour rejoindre nos grands-parents en France, pendant un mois. C'était le moment que j'attendais toute l'année.
Notre périple commençait toujours par le même rituel : la gare de Venise, le soir, d'où nous prenions le train de nuit. C'était un temps suspendu, une parenthèse enchantée où les rêves se mêlaient au roulement du train. Le matin, en ouvrant les yeux, on découvrait un paysage nouveau, Paris qui scintillait à l'horizon et un mois de pur bonheur qui s'annonçait.
C'est les Venise-Paris, qui ont forgé mon amour pour les voyages et pour la sensation de temps suspendu qu'ils créent.
Le temps s'étire en voyage, chaque journée semble une éternité. Au retour d'un voyage d'une semaine ou deux, j'ai souvent l'impression d'avoir passé six mois loin de chez moi.
J'aime autant partir seule qu'accompagnée.
Quand je voyage en solitaire, mon côté organisé prend le dessus. J'aime préparer mes voyages minutieusement, établir un itinéraire précis. Ce cadre sécurisant libère mon esprit, qui peut alors vagabonder à loisir, me perdre dans mes pensées, mes impressions et sensations de voyage.
J'ai pour habitude d'emporter un livre, créant ainsi une alchimie unique entre la fiction et la réalité. Les atmosphères du livre lu dans ma chambre d'hôtel, associé aux paysages découverts, aux rencontres faites, se mêlent pour former des souvenirs inoubliables.
Dès que je rentre de voyage j'oublie, je me replonge dans mon quotidien. Ce n'est qu'après quelques temps que des souvenir refont surface comme s'ils avaient besoin de temps pour se déposer, se structurer. C'est comme si le voyage devait sédimenter en moi.


Agnès
Le thème du voyage évoque pour moi un déplacement vers un lieu assez éloigné géographiquement, dans le but de découvrir une autre façon de vivre et de nouveaux paysages, dans la perspective au final d’un retour au lieu d’origine. Cela a beaucoup à voir avec un dépaysement, momentané. Mais cela peut être un exil, un voyage sans retour, ou un voyage immobile, dans sa tête et son imagination, ou dans le temps…
Actuellement, je suis dans l’état d’esprit qu’a bien décrit Natalie C. Barney : "Je voyage aussi mal qu’un panier de framboises". Par ailleurs, les préparatifs et les contingences matérielles m’ennuient par avance.
J’ai donc résolu l’équation en déménageant et en venant habiter sur mon lieu de villégiature.
Mais j’ai beaucoup aimé voyager quand j’étais adolescente et jeune adulte. Les deux voyages qui m’ont le plus marquée sont : un séjour de trois semaines aux États-Unis quand j’étais lycéenne et qui m’ont montré qu’une autre existence, un futur, étaient possibles et trois autres semaines passées dans le désert dans des conditions assez aventureuses. Sans compter les 6 mois, après le bac, où j'ai vécu à Londres.
Plus tard, j’aimerais faire des séjours, plutôt que des voyages, dans des maisons d’écrivaines (grand fantasme) ou sur une île bretonne.

Mon avis sur Elles ont conquis le monde : les grandes aventurières 1850-1950
D’emblée, le thème du voyage m’a plu, il colle parfaitement à l’idée d’été, de vacance du temps, à l’envie d’évasion. Par ailleurs, découvrir des femmes qui ont bravé les interdits et les stéréotypes liés à leur genre est tout à fait intéressant. D’ailleurs, sur les 31 aventurières décrites, je n’en connaissais que 9. Ce livre m’a donc permis de faire des découvertes.

En revanche, j’ai été assez déconcertée quand j’ai reçu l’ouvrage :
- Le titre tout d’abord "à côté de la plaque", Elles ont conquis le monde… C’est un verbe qui fleure mauvais le colonialisme* et une vision patriarcale et martiale du déplacement vers un autre pays. Je ne pense pas qu’aucune soit partie dans cet état d’esprit et si elles ont conquis quelque chose, c’est sans doute leur liberté et leur estime d’elle-même.
      *J’ai d’ailleurs plusieurs fois été mise mal à l’aise par des expressions sur le même thème (par exemple, il est question sans guillemets de "courage civilisateur" page 65).
- La photographie de 1ère de couverture qui présente une image totalement colonialiste, il ne manque plus que le casque sur la tête de la femme à la place d’un chapeau. En plus, il s’agit de la photographie de l’aventurière la moins intéressante des 31 femmes présentées (à mes yeux), Osa Johnson, qui réalisait avec son mari des films sensationnalistes dans un but mercantile, sans montrer le moindre respect pour leur environnement.
- La couleur rose qui fait tellement cliché (il est question de femmes).
- Les pages peu lisibles (trop petits caractères, paragraphes blancs sur fond foncé).

À part cette mise en bouche difficile, j’ai apprécié cette lecture pour la diversité des parcours présentés — de nombreuses nationalités, des femmes issues de différents milieux, aristocrates fortunées, bourgeoises, femmes très modestes — la richesse des destinées que j’ai découvertes, souvent heureuses (elles vivent jusqu’à un très grand âge), quelquefois tragiques.
Si beaucoup de femmes partent pour fuir le couvent ou une famille conventionnelle et un destin étriqué et tout tracé, nombreuses sont celles qui ont un réel goût pour l’ailleurs et des objectifs scientifiques. D’autres partent pour le commerce, ou dans un but thérapeutique (après un deuil). Plusieurs ont des objectifs féministes.
C’est un ouvrage qui fait voyager dans le monde entier et ces femmes forcent l’admiration. J’ai également aimé la richesse des illustrations.
J’ai été surprise de constater qu’elles écrivaient presque toutes, avant de me rendre compte que je prenais les choses à l’envers : sont dans ce livre celles qui ont laissé des traces écrites, les autres nous resteront inconnues. D’ailleurs, c’est le sujet de la conclusion que j’ai beaucoup aimée, comme Sandra (hommage à ces femmes).
Mes préférées sont (sans surprise) Odette du Puigaudeau et Marion Sénones. Et j’ai aussi un faible, pour un couple femme-homme cette fois, mais très atypique, Jane Dieulafoy en costume masculin, et son mari. J’ai également une sidération mêlée d’effroi pour l’expédition menée par Isabel Godin des Odonais au travers de la forêt amazonienne, que je connaissais pour avoir écouté une émission à son sujet sur France Inter.
En conclusion, on sent que les autrices ont essayé de s’éloigner comme elles pouvaient de la "tradition coloniale du voyageur riche et blanc" (expression reprise d’un article de Télérama sur Sylvain Tesson), en présentant des femmes tout d’abord de différentes cultures (bien que très fortement occidentales, anglophones, blanches, à part Mary Seacole qui était jamaïcaine) et de milieux sociaux très différents. Toutefois, mêlé à l’admiration que je peux ressentir à l’égard de ces grandes voyageuses, il me reste également un certain malaise.

J'ai vu deux documentaires sur France TV Le siècle des explorateurs : "En route vers la Terra Cognita" et "Sur terre et dans les cieux", avec le plaisir de retrouver certaines grandes voyageuses, Nellie Bly, Alexandra David-Néel, Anita Conti et de les voir dans des films d’époque, encore mieux que sur une photographie.

J'ai lu un roman : Incandescentes d’Hannah Kent, que Joëlle nous avait recommandé.
Et je comprends maintenant pourquoi, après l’avoir lu : attention, chef-d’œuvre ! J’ai été happée et bouleversée par cette histoire et le style de l’autrice, poétique et tellement évocateur. À partir de la description du voyage proprement dit, en bateau, de la Prusse jusqu’en Australie, au XIXe siècle, d’une communauté villageoise protestante rigoriste, j’ai lu ce livre en immersion et les yeux embués de larmes. Les héroïnes, Hanne et Thea et leur histoire d’amour, sont inoubliables.

Claire Bi
Les voyages pour moi ont commencé à 20 ans. Mes parents ne voyageaient pas avec nous, on faisait du camping tous les été près de l'immense et beau Lac Léman.
Mon premier voyage date de la fac, où j'avais eu une bourse Erasmus pour finir ma licence d'histoire au Mexique. Ça a été une année extraordinaire, le dépaysement total, où j'ai ressenti physiquement que j'étais partie vivre un temps sur un autre continent. Beaucoup de rencontres et d'expériences, dont l'apprentissage d'autres façons d'étudier et de raconter l'Histoire. Ça a été fondateur pour moi, et un fil que j'ai voulu continuer à tirer à mon retour en partant m'installer cinq ans dans les Balkans les années suivantes, après un passage à Montpellier qui était aussi un petit dépaysement bien agréable, une bulle.
J'ai la chance de pouvoir associer le "voyage" à la légèreté, parce que mon passeport me le permet, et que je n'ai jamais eu l'obligation de partir. C'est aussi une source de réflexions infinie.
J'aime par ailleurs lire ou entendre celles des autres, à condition que les écueils (folklorisme, centrage uniquement sur soi, jugements à l'emporte-pièce) soient évités (pas facile !).
Mais ça ne remplace pas les sensations physiques qui me saisissent — la distance de mon Europe natale depuis l'Amérique latine ou l'Afrique subsaharienne pendant une visite à mon frère installé à Dakar, la sensation étrange de familiarité au bord de l'immense et beau lac qui sépare l'Albanie de la Macédoine du Nord, ou au contraire d'aventure quand je vais passer quelques jours à Hendaye.


Concernant le livre Elles ont conquis le monde
Je ne l'ai pas lu. J'ai feuilleté une fois, deux fois. Un truc me déplaisait : un côté mal vieilli ? Colonial ? Des expressions ? Des images ? La construction ? Des textes trop courts, en particulier sur Ella Maillart...

Sur le thème des voyages, j'ai en effet lu Oasis interdites : de Pékin au Cachemire, une femme à travers l'Asie centrale en 1935 d'Ella Maillart, qui elle aussi a vécu au bord du Lac Léman... Elle raconte son périple à travers des provinces en soulèvement avec un collègue journaliste, Peter Fleming, par une route millénaire qui est en 1935 prise dans des conflits politiques à l'issue incertaine. Sauf un ou deux échos coloniaux lamentables ("ce sont de grands enfants", etc.) dont elle sort heureusement vite, l'écriture m'a beaucoup plu. C'est très maîtrisé, fluide à lire, exigeant, drôle aussi, d'un humour britannique, sans tourner en dérision, avec justesse.
J'ai été époustouflée par l'entreprise dans laquelle elle s'était lancée, qui n'était pas dénuée de dangers (prison, balle perdue, chute en montagne...), d'autant plus que je ne connais pas l'Asie centrale, j'en ai très peu d'images ou de connaissances historiques ou culturelles. Ça n'a pas gêné la lecture, j'aimais bien me référer de temps en temps à la carte insérée au début du livre. Les paragraphes plus géopolitiques peuvent sembler touffus, dans ce cas en sauter la lecture n'empêche pas de suivre, et elle a réservé à la fin un chapitre propre à l'histoire de la région aussi exigeant qu'accessible, que j'ai trouvé passionnant à lire.
J'ai aimé la rugosité du voyage en caravane, dont elle a un savoir pratique indispensable dans la steppe, le désert ou en montagne. On plonge dans ce quotidien ralenti, la géographie des lieux traversés, le caractère des guides, le froid, les provisions qu'il leur reste, le plaisir des jours de répits etc. : "Jour après jour, notre existence se déroule selon la règle immuable des siècles. Avant l'aube, sans heurt ni bruits inutiles, 250 chameaux, une trentaine de chevaux et environ 80 êtres humains se disposent au départ. Les chameaux, qui restent bâtés la nuit, ont dormi accroupis en demi-cercles près des ballots de leurs propriétaires, jonchant le sol de petites crottes rondes et noires comme de grandes olives : avec la cendre des feux, c'est toute la trace que laissera notre passage. Et sans les restes analogues des caravanes précédentes, nous n'aurions pu faire cuire notre soupe."
Les interactions avec les groupes qu'elle rencontre sont très intéressantes, entre autres des femmes, même si elle est lucide sur la barrière de la langue et des vies qui les séparent, des scènes fugitives, d'intérêt mutuel, de trocs de bijoux, de rires etc. Idem pour le récit des aléas politiques asiatiques et locaux, qu'elle maîtrise très bien, comme le marchandage et l'esbroufe pour obtenir des denrées, des laissez-passer, pour trouver des chevaux etc. Elle n'est pas imperméable aux incertitudes et aux craintes des habitants des régions qu'elle traverse, comme c'est trop souvent le cas dans les récits de voyage. Elle ne prétend pas résumer, d'un trait de plume et d'esprit, des ethnies ou des civilisations. Son recul sur les conflits et les frontières est d'une acuité qui fait du bien à lire. Elle en assez dit peu sur elle-même, mais émaille son récit de vrais étonnements, et de quelques phrases qui laissent deviner son tempérament et sa soif d'absolu : "La joie aiguë, l'ivresse de faire moi-même ma trace, la fierté d'avoir su me débrouiller seule (...) à des milliers de km de tout ce que je connaissais, submergée par une Asie à laquelle je m'intégrais."
Je sens que je vais relire Où est la terre des promesses, de son amie Anne-Marie Schwarzenbach, qui raconte leur départ de Suisse en voiture en 39 jusqu'à l'Afghanistan.

Anne
Les voyages et moi

J'ai pas mal voyagé entre 15 et 25 ans. Et cela m'a énormément apporté.
Le voyage, c'était à l'époque pour moi aller loin de chez moi. J'ai des souvenirs très forts.
Il y a une prise de risque quand on sort de son confort, cela m'a fait grandir.
En voyage, j'ai l'impression de découvrir une partie de ma personnalité : par exemple, je vais beaucoup plus volontiers vers l'autre. Voyager, c'est donc aussi des rencontres.
Je me suis aussi gavée de découvertes culturelles avec Interrail : certes on ne reste que deux jours à Berlin, Prague et Vienne, mais quelle chance à 18 ans de voir tant de choses ! Tout était hyper intense.
Aujourd'hui, j'ai pas mal remis en cause les voyages lointains pour des raisons écologiques et je peux découvrir la France et l'Europe en train, et voyager autrement.
Depuis deux ans, j'ai découvert la randonnée seule : où il n'y a rien d'autre à faire que marcher, s'émerveiller de choses simples, en étant aussi dépaysée. Quel beau voyage également !


Le livre Elles ont conquis le monde : je ne l'ai pas lu, si ce n'est trois, quatre portraits.
Je ne suis pas à l'aise avec le format, entre l'écrit et l'image.
Par contre, le sujet m'a beaucoup intéressée. Cela me rappelle Les Culottées, avec ses brefs portraits, et Mythes et Meufs, mais ces derniers sous forme de BD !

Sur le thème des voyages, j'ai lu certaines des Fabuleuses Aventures de Nellie Bly avec intérêt.
Dans ce livre, il y a sa traversée du monde en 72 jours pour défier le personnage de Jules Verne. Un beau récit de voyage.
Dans le livre, un autre récit m'a beaucoup marquée, celui de son internement volontaire dans un asile de femmes de New York : elle est une pionnière du journalisme d'investigation.
Nellie Bly est une figure que j'ai trouvée très intéressante, féministe, et se battant pour les démunis. Elle est aussi très drôle.
Le voyage autour du monde en courant après la montre me gênerait aujourd'hui, mais là c'était une autre époque.
J'ai aimé la rencontre avec Jules Verne et sa femme pour qui Nelly Bly décrit un grand coup de cœur.
Je recommande chaleureusement ce livre qui, en plus d'être bien écrit, nous apprend des choses intéressantes.


Joëlle L
Mon avis sur Elles ont conquis le monde

Ça ne s'est pas très bien passé... D'abord, j'ai eu des soucis avec le livre-objet : prise en main difficile (format, côté mou à cause de la couverture souple) + maquette sans cohérence perceptible par moi.
Maquette : je ne me retrouve pas dans les sections, les chapitres, graphiquement c'est confus. On dirait que tout dépend des ressources iconographiques : quand il y en a beaucoup, on s'étale, quand on n'a pas grand-chose, on resserre. Donc je ne trouve pas le rythme.
Iconographie : j'ai été déçue. Les images ne sont pas de très bonne qualité, les légendes ne sont pas toujours précises.
Typographies : c'est le morceau le plus difficile à avaler ! Le texte principal est microscopique, avec quelques fois des lignes beaucoup trop longues (p. 28, p. 104, p. 164...). La pagination est quasi-invisible. Entre le texte courant et les hors texte et chapôs divers, c'est très disproportionné. Un ensemble déséquilibré qui ne m'a pas aidée.
Je n'ai pas non plus compris le plan. Plus ou moins chronologique ? Thématique ? Thématique un peu gratuite, à mon avis.
Après, il y a le propos. Et ça ne s'arrange pas pour moi : le texte, un long malaise...
Je suis très mal à l'aise avec ces pratiques à sens unique. L'implicite pour moi, c'est des civilisées légitimes par rapport aux sauvages (ou exotiques) sans légitimité. Même si, bien sûr, il y a des exceptions. Mais elles sont rares.
Ça commence avec le titre "Elles ont conquis le monde" (rapport de domination), associé à la photo de couverture : une femme blanche tout habillée, un homme noir tout nu et tenant un bouclier et une lance. On n'est pas loin de Tintin au Congo.
Ces voyages sont pour moi une forme de colonialisme (Catalina de Erauso, qui ferait mieux de s'en prendre à sa famille que d'aller génocider chez les Indiens d'Amérique, Karen Blixen qui ferait mieux de s'en prendre à son mari qui lui a refilé une sale maladie plutôt que de squatter chez les Africains et de trucider les lions), et/ou d'appropriation culturelle (Isabelle Eberhardt, Alexandra David-Néel...).
Je vois des Occidentales, plutôt éduquées, éventuellement fortunées, qui recherchent des sensations fortes. L'Afrique et l'Orient sont leur terrain de jeu, leurs habitants sont des pions. Quelquefois, les pions se révoltent et elles payent le prix fort, mais c'est l'exception.
En outre c'est raconté d'une manière assez convenue, à base de clichés : la détermination est forcément "farouche", on se jette "à corps perdu" dans une activité, et s'il y avait du champagne, je parie qu'il "coulerait à flots"...

Sur le thème des voyages...
Je préfère vous parler de Incandescentes, le dernier roman de Hannah Kent : c'est l'histoire d'un grand voyage, de la Prusse orientale à l'Australie, et une histoire d'amour entre deux jeunes filles. Le voyage n'a rien d'un voyage d'agrément, c'est une migration contrainte.
On est au XIXe siècle, d'abord en Prusse orientale, au sein d'un village luthérien très pieux, enclave dans un pays calviniste. Puis les villageois sont autorisés à partir (ou mis dehors) et ils vont organiser un voyage par la mer jusqu'à l'Australie. Le roman se déroule en 3 parties à peu près égales :
- la vie au village en Prusse orientale
- le voyage
- l'installation en Australie, les relations avec les Aborigènes.
Le voyage vers l'Australie dure 6 mois. Les conditions de vie à bord, la précarité, les violences, sont très évocatrices de ce qu'on peut imaginer aujourd'hui pour tous les migrants qui s'embarquent sur la Méditerranée ou la Manche. Si la traversée dont il question ici a lieu dans de meilleures conditions, elle dure aussi beaucoup plus longtemps.
Au cours du voyage, un événement se produit qui est un coup de théâtre narratif, obligeant à réexaminer toute la lecture antérieure et créant un beau suspense pour la suite. Je me demandais comment la narration allait s'en tirer après ça et j'ai beaucoup aimé me faire chambouler de cette manière.
L'histoire entre les deux jeunes filles est vraiment puissante et prenante. Le livre est écrit dans une langue claire et sobre. Ce n'est pas du tout un roman expérimental, ni un roman à l'eau de rose non plus.
Hannah Kent est Australienne. Elle est née en 1985. Elle est mariée à une femme et elles ont deux enfants (ou peut-être davantage maintenant, l'information date de 2017).
Le livre a été traduit par Sarah Tardy et publié en France en janvier 2024. Il fait 578 pages, mais on ne les voit pas passer. Les quelques retours que j'en ai eus par des personnes de mon entourage à qui je l'avais signalé ont été ultra-positifs.

Les voyages et moi
Je ne suis pas une grande voyageuse, je ne l'ai jamais vraiment été.
Le décalage horaire me pose de sérieux problèmes. Déjà, le passage à l'heure d'été me perturbe au moins pendant une semaine.
Je me méfie de l'exotisme, je n'ai pas envie de devenir touriste, c'est-à-dire une spectatrice qui regarde sans forcément comprendre. Je pense que les civilisations différentes me resteront opaques, et qu'un séjour d'une durée forcément contrainte ne me permettra pas de percer à jour ces mystères.
En outre, je me plais bien chez moi et je sais utiliser les outils informatiques style Google Maps si j'ai envie de voir de près un morceau d'un pays. Après, il y a aussi la littérature et le cinéma de ces pays où je n'irai pas.
Néanmoins, il m'arrive de voyager, en Europe, et généralement pour des sauts de puce (aller-retour dans la journée, quand c'est possible), avec pour objectif de visiter une expo ou un musée. Ce qui veut dire que je me limite aux villes. Amsterdam, Barcelone, Bruxelles, Genève, voilà à peu près mon périmètre actuel. Londres depuis le Brexit n'est plus aussi accessible, Athènes, Lisbonne, Madrid, Malaga, Rome, Venise... que j'ai connues il y a plus ou moins longtemps sont maintenant trop loin, malcommodes, voire impossibles d'accès en train.
Le train est mon moyen de transport préféré et j'espère ne plus avoir à prendre l'avion, que je n'ai jamais aimé et qui me paraît aujourd'hui à bannir pour les motifs environnementaux que nous savons.
Mais par le passé je suis aussi allée à Istanbul et autres lieux de Turquie, en Tunisie et au Maroc, dans de nombreuses îles grecques, en Sardaigne, en Sicile, aux Baléares, aux îles Éoliennes, et même aux Antilles françaises (Guadeloupe, Martinique) et carrément en Floride (mon voyage le plus étranger). Tous ces voyages correspondaient à des périodes de vacances, j'ai surtout voyagé en été.
À présent, j'aime beaucoup passer du temps en France, dans des régions pas forcément très touristiques, j'apprécie de changer d'air et d'atmosphère, mais je reviens toujours avec plaisir chez moi.

Marie-Yasmine (qui pour chaque séance concocte une douceur à goûter en rapport avec les lectures, cette fois des ghribas)
Concernant le voyage
, pour moi c'est une expérience intérieure, je suis d'accord avec Proust : "Le vrai voyage ce n'est pas de chercher des nouveaux paysages mais un nouveau regard".
La préparation est aussi importante que le voyage, et je ne m'imagine pas voyager dans un pays dont je ne parle pas la langue ou sans quelqu'un capable de tout me traduire, car j'ai besoin d'être immergée dans une expérience et d'en ressentir toute l'intensité.
J'ai aussi besoin de confort, sans lequel je ne peux pas avoir l'état d'esprit nécessaire à la découverte.

Mon avis sur Elles ont conquis le monde
Je n'ai malheureusement pas réussi à le lire en entier, sans doute à cause du format d'un récit court par aventurière qui fait un peu catalogue. J'ai été un peu noyée, car il y a beaucoup de portraits et ils sont très denses en informations.
Il s'agit plus d'un livre "coffee table", que l'on feuillette de temps en temps à mon sens, qu'un livre à lire d'un trait, et je vais continuer de le feuilleter ainsi pour le finir.
Les textes de présentation et de transition sont pour la plupart intéressants avec d'inspirantes citations et des réflexions parfois pertinentes.
C'est tout de même un joli panorama qui nous est proposé et j'ai particulièrement apprécié sa diversité. Cela permet de montrer qu'il n'existe pas "la femme", mais des femmes toutes différentes et qu'elles ne sont pas toutes des héroïnes vertueuses, mais sont aussi sujettes au désir de conquête et capables du pire et du meilleur.
J'ai aussi été frappée par l'évolution du port du pantalon. Les aventurières, des femmes que l'on ne peut pourtant soupçonner de succomber à la pression du conformisme, refusent longtemps d'abandonner la jupe, même au bout du monde, même pataugeant dans des marais ou défiant des sommets enneigés, car cela constitue un élément de leur identité et de leur respectabilité. C'est assez symbolique du manque de recul sur l'absurdité des convenances sociales que l'on peut avoir à chaque époque, et m'a poussée à m'interroger sur les limitations intériorisées de notre époque. Quelle serait notre jupe aujourd'hui ?
Un livre que je trouve nécessaire pour transmettre l'histoire de ces femmes, très diverses mais toutes audacieuses à leur façon.

(Méditation collective concernant la question "quelle serait notre jupe aujourd'hui ?" : le téléphone ?)

Et voici ma lecture sur le thème du voyage qui est aussi une proposition : le manga Brides stories de la managaka Kaoru Mori.
La publication de ce manga a commencé en 2008, compte à ce jour 14 tomes et est encore en cours de parution. Il a gagné deux prix : au Japon le grand prix du manga ou Manga Taisho en 2014 et le prix inter-générations du festival d'Angoulême en 2012.
Il se déroule au XIXe siècle, dans un petit village de la région de la mer Caspienne, sur la route de la soie. L'héroïne, Amir, vient d'être donnée en mariage dans un village lointain et découvre que son époux a 12 ans, soit 8 ans de moins qu'elle. Le traitement de cette différence d'âge est assez bien réalisé à mon sens et cela permet d'aborder le sujet des mariages arrangés.
Une partie de la famille de l'héroïne est sédentaire et une autre encore nomade, ce qui enrichi le récit et permet d'en apprendre plus sur les traditions de cette région. Le récit, riche en rebondissements, y mêle de très jolies scènes de la vie quotidienne.
La mangaka est passionnée par les arts de l'Asie centrale, et les dessins de broderies et sculptures sur bois sont magnifiques. Le dessin est d'une très grande qualité, chaque page est très soignée.
Le récit mêle très bien la grande aventure et les grands sentiments, ce qui est assez rare pour être noté.
Il se range dans la catégorie seinen, c'est à dire les mangas pour un public adulte.
Les personnages sont très attachants, et même les personnages secondaires sont soignés dans leur écriture.
Je crois que Lirelles n'a jamais lu de manga, celui-ci serait une belle entrée en matière !

Laetitia
Les voyages et moi
Comme Marie-Yasmine, j'aime bien préparer les voyages. J'adore faire du repérage, lire des guides, y compris de destinations où je ne suis pas encore allée...
J'aime prendre l'avion : en quelques heures on peut se retrouver ailleurs, loin, c'est magique !
Certes l'empreinte carbone... (je vous recommande l'exposition "Urgence climatique" à la Cité des sciences et de l'industrie, cela déculpabilise un peu malgré tout).
Les voyages cultivent aussi mon intérêt pour la cuisine.
Je pense également que l'on peut voyager autrement, à travers une exposition, un roman, un film, une pièce de théâtre, etc. !

Le livre Elles ont conquis le monde
m'a beaucoup intéressée.
J'ai trouvé que c'était un bon choix pour Lirelles, avec l'évocation de femmes déjà croisées : Nellie Bly (portrait dans Les Culottées), Ella Maillart que nous avions vue dans la biographie d'Annemarie Schwarzenbach, Karen Blixen dont nous avions lu des nouvelles, et d'autres totalement méconnues, surprenantes — par exemple la photo de Jane Dieulafoy ! — ou tombées dans l'oubli.
Il y a certes ce qu'ont dit Agnès et Joëlle ; le verbe "conquérir" dans le titre, associé à la photo de couverture, pose question.
Pour ce qui est de la brièveté des portraits, j'ai pris le livre comme un début, comme le fait Pénélope Bagieu dans Les Culottées, comme une sorte de "teasing". C'est un livre qui n'est certes pas facile à lire en continu, on le feuillette, on y revient, il donne envie ; je ne l'ai donc pas trouvé frustrant car on peut aller ainsi vers d'autres livres ; je me suis d'ailleurs procuré en complément Une histoire des grandes exploratrices.
J'ai porté un intérêt particulier sur Anita Conti, la "dame de la mer", première femme océanographe française qui faisait déjà preuve d'une conscience écologique — et qui est l'objet d'une forte actualité : biographie à paraître à travers un nouveau roman graphique de Catel et Bocquet dans le cadre d'une série de femmes pionnières, BD déjà existante dans une autre série "Pionnières", exposition en cours à Fécamp, documentaire sur la 5...

Claire Bo (qui aurait quand même pu faire plus court...)
Pour Elles ont conquis le monde, j'avais la chance d'avoir l'édition grand format reliée et non celle brochée, qui souffre comme l'a dit Joëlle d'une mauvaise lisibilité. J'ai vraiment apprécié d'avoir des photos, qui ont un effet de réalisme choc, même si la qualité fait parfois défaut : voir en images ces femmes et leur contexte est vraiment un plus.
J'ai trouvé toutes ces "héroïnes" stupéfiantes et leurs vies romanesques à souhait : pour chacune, je m'exclamais "oh non !"
. J'ai aimé qu'elles aient pu quitter l'invisibilité parce qu'elles ont écrit et qu'y recourir doublait leur émancipation grâce au voyage.
Le nombre important de voyageuses présentées (31) fait que l'on ne peut entrer dans les détails : tout en ne souhaitant pas qu'il y ait plus de texte, j'aimerais avoir des détails sur leur psychologie, leurs motivations voire leur vocation ; j'aimerais savoir comment on utilisait sa fortune au bout du monde (il n'y avait pas de carte bancaire). Des détails auraient fait du livre un pavé indigeste ou pour spécialistes, alors qu'il nous permet juste de beaux voyages admiratifs et une grande diversité que vous avez soulignée. J'ai beaucoup aimé l'épicière, noire (la seule), Mary Seacole, qui va d'aventure en aventure, mue par son sens du commerce. Et celle qui a horriblement mal au dos, Isabella Bird, à qui son médecin conseille un petit voyage : miracle ! Et elle n'arrêtera plus de sillonner le globe. Et Marianne North qui ne peint que des fleurs, se fichant du lieu où elle est à l'extrémité de la planète...
J'ai trouvé l'assassinat du livre par Joëlle convaincant, mais je ne boude pas le plaisir que j'ai eu. Oui, des questions voire un malaise viennent au sujet du colonialisme, du féminisme et du vêtement, qui a une importance incroyable. Et puis, sauf exceptions, elles font partie de l'élite sociale. Les deux auteures ne marquent pas de distance critique, collent à l'époque de ces femmes : ainsi, à propos de ce qu'Agnès dénonce, parce que sans guillemets et donc effectivement choquant ("courage civilisateur" p. 65), est évoqué le fondateur de l'"État libre" du Congo, cette fois entre guillemets : de cette façon "May se donne pour nouvelle entreprise d'égaler celui qu'elle considère comme le parangon du courage civilisateur de cette fin de siècle" : alors qu'elle n'y adhère sans doute pas, l'auteure s'efface pour mettre en avant l'idéologie de May — et on peut lui reprocher.
Pour ajouter une réserve, si j'ai apprécié la composition de chaque ensemble consacré à une femme (photos, citations, récit, avec l'aspect "beau livre", et le mien est dédicacé par les autrices...), j
'ai trouvé plus discutable la séparation en quatre grandes parties :
Avant 1850 : des "curiosités" — 1850-1890 : l'ère des crinolines — 1890-1918 : entre deux mondes — 1918-1950 : des femmes libres. Et j'ai trouvé trompeurs les quatre chapitres, insérés chacun dans une des parties, qui en fait concernent toutes les femmes et pas seulement celles de la partie concernée : Pourquoi partent-elles ? Comment survivent-elles ? Pourquoi écrivent-elles ? Comment aiment-elles ? (Voir =>ici) Je pense que le but est de rompre la succession de portraits, mais bon...
Contrairement à Felina, la vie amoureuse m'intéressait et j'ai attendu des portraits de lesbiennes, mais elles se sont faites rares, je ne vois guère qu'Odette de Puigandeau ; Margaret Mead a juste eu une petite aventure. Dans le domaine des transgressions, j'aurais aimé en savoir plus concernant Isabelle Eberhardt au comportement fort "libre"... : "quand elle voyait un homme qu'elle désirait, elle le prenait. Elle lui faisait signe et ils partaient ensemble". J'aurais voulu également en savoir beaucoup plus sur le couple Dieulafoy (qui découvrent la célèbre Frise des archers qui est au Louvre) avec le look d'enfer de Jane Dieulafoy (pas récente : 1851-1916) qui jette "définitivement sa robe aux orties" et voyage avec son mari, habillée en homme... ; des biographies existent (Jane Dieulafoy : une vie d'homme, Le destin fabuleux de Jane Dieulafoy, Une amazone en Orient) ou des études sur son travestissement comme mode de vie, y compris dans les salons parisiens... (comme Rosa Bonheur elle obtint du préfet de Paris une "autorisation de travestissement"). Avant la galerie des 31 portraits, on peut lire ceci, en regard de la stupéfiante photo :

"Merveilles lorsqu'elles s'habillaient en homme. Personnage éternel et fantasmatique que celui de la femme en costume de page. On peut citer des noms par dizaines, de faux soldats, faux marins, faux cow-boys... De ces transfuges, la plupart resteront inconnues à jamais. L'explorateur Stanley rappelle dans ses Mémoires que, alors qu'il était lui-même un enfant vagabond débarquant à la Nouvelle-Orléans, il avait partagé la chambre d'un jeune homme qu'il découvrit être une jeune fille. Kit Carton, le trappeur légendaire, raconte une anecdote similaire survenue lors de sa première traversée des Grandes Plaines. Beaucoup ont franchi le pas par nécessité, pour survivre, pour fuir ou pour suivre un homme. Certaines, cependant, le firent par goût, refus de leur corps de femme — curieusement, elles furent plutôt mieux acceptées."

Il y a voyage et voyage : depuis plus de 50 ans, j'ai beaucoup voyagé, mais pas dans le même état d'esprit, pour reprendre l'expression de Sandra.
- Ce qui fut d'abord prégnant sur moi, c'est toute une mythologie soixante-huitarde, hippie, babacool, peace and love, c'est l'époque du Festival de Woodstock, de Jimi Hendrix... ; avec les amphétamines, la fumette et le séchage du lycée, je me demande comment j'ai pu réussir mon bac en 1969 ; au désespoir de mes parents, ce n'était pas les études qui me motivaient mais partir, partir, partir, "la route", c'était l'époque des chemins de Katmandou (le film date de 1969) ; après avoir travaillé quelques mois dans un drugstore, je suis partie avec une collègue que je connaissais à peine, nous partions "pour les Indes" (où je suis arrivée plus tard...) : le voyage était fondé uniquement sur la rencontre, nous n'avons jamais déboursé un centime pour dormir ; je n'avais aucun guide, je n'ai tiré aucune connaissance de l'histoire, voire de la géographie, encore moins de la politique de la Syrie, du Liban, de l'Irak... ; il s'agissait de voyager pour voyager, pour l'aventure, pour la rencontre, et avec l'idée importante de ne pas savoir quand je reviendrai. Cette manière a duré plusieurs années ; je me droguais pas mal et le voyage a eu un effet formateur au sens large, et "thérapeutique" indéniable aussi : oui, cela fait grandir, comme dit Anne.
- Ensuite, j'ai déclaré (à moi-même...) que voyager ne permet pas de connaître un pays ; pour cela il faut y rester, donc y travailler. Je suis partie enseigner au Cameroun, seule blanche dans un collège de brousse — l'aventure était là aussi. Et j'étais toujours dans l'ignorance "documentaire" du pays où j'étais. De retour à Paris, j'ai travaillé pour de bon et j'ai continué les voyages "aventureux" seule (par exemple remonter de la Côte d'Ivoire à la France, traversée du Sahara compris) ou avec deux copines en Tanzanie et Uganda.
- Ensuite, j'ai connu en 1977 une expérience (unique pour moi à ce jour) de "voyage d'étude" en Chine, alors non ouverte au tourisme, avec les Amitiés franco-chinoises : nous rencontrions des responsables des différentes institutions du pays (santé, éducation, arts, agriculture...) et avions l'impression de comprendre comment il fonctionnait. Je regrette que ce type de voyage n'existe pas "sur le marché". Dans un domaine nettement plus étroit, j'ai apprécié ultérieurement de faire des voyages (organisés)à thématique littéraire : avec rencontres d'écrivains, visite d'institutions et lieux littéraires.
J'ai fait aussi un voyage professionnel au Nouveau-Brunswick qui avait son lot d'étonnements.
- Depuis longtemps, j'ai rejoint la pratique du tourisme où il s'agit pour moi que prenne réalité ce qui n'était qu'un nom (Ispahan, Séoul), avoir des surprises, saisir des différences, apprendre (la motivation est forte concernant l'histoire, le fonctionnement) ; la rencontre (des gens sur place) me semble un leurre (comme derrière une vitre) et finalement n'est plus trop un objectif (et je dois me sentir visée par la phrase citée par Nelly : "Celui qui voyage sans rencontrer l'autre ne voyage pas il se déplace"...). Le confort n'est pas exclu (avec les risques de l'uniformité des lieux). Ce sont des voyages sans autre ambition que l'intensité — je reprends ce mot que plusieurs ont employé — l'expérience privilégiée : y être est vraiment unique (contrairement aux images et descriptions) ; est en jeu avant tout le plaisir de découvrir (les yeux courbaturés pour voir) et comprendre (admettant la frustration de saisir des bribes), loin de l'habitude : partir est pour moi une déchochottisation, très utile, qui me fait "bouger"...
- Je ferai un régime particulier à la marche seule (on se croisera peut-être avec Anne), que j'inclus dans les voyages.
J'ajoute que feuilleter des catalogues de voyage est un plaisir, tout comme les récits ou documentaires de voyage. J'étais étonnée que Flora dise que voyager c'est une façon de se créer de beaux souvenirs ; les voyages passés, je ne me les remémore pas, ni le reste d'ailleurs. Or depuis que j'ai installé Google photos, je suis agréablement surprise de voir apparaître des photos de choses vues... qui ressuscitent un instant.

Mes lectures sur le voyage
- Quand j'ai cherché un livre commun pour le groupe sur ce thème, j'ai pensé à Les Femmes aussi sont du voyage de Lucie Azema, qui propose une analyse béton féministe des différents aspects de la question : parfait, il en faut, c'est impeccable, mais vraiment fatiguant et austère pour l'été...
- En complément de notre livre, j'ai retrouvé Le Roman des voyageuses françaises du XIXe siècle de Françoise Lapeyre (qui gère le site Le roman des voyageuses "pour faire connaître des femmes volontairement engagées dans un double processus d’émancipation par le voyage et par l’écriture"), lui aussi dédicacé — je devais alors courir les présentations sur ce thème
, aux analyses plus poussées que dans notre livre, et sans ambiguïté sur la question coloniale.
- Côté périodiques, j'ai constaté que le numéro de Lire magazine que je me suis procurée, entièrement consacré à notre thème, titré "Le voyage de Montaigne à Le Clézio", ne comporte que deux femmes : George Sand et Valérie de Gasparin — vraiment nul ! J'ai aimé découvrir Le 1 des libraires au format vraiment spécial, en une page pliée en quatre, sur l'art de voyager.
Les livres que j'ai vraiment lus et découverts cet été, tous deux sortis cette année, sont :
-
Sur le mur d'Hadrien : voyage aux confins de l'Empire romain de Macha Sery : c'est une randonnée le long du mur par une journaliste littéraire, pleine d'humour, constituant une enquête sur ce mur étonnant auprès de toute une série de personnages et spécialistes qu'elle rencontre : léger, drôle et instructif, d'un genre littéraire original. Je brûle de faire à mon tour la randonnée...
- Renoncer aux voyages de Juliette Morice : c'est un livre d'une philosophe, mais facile à lire, plein d'esprit et surtout de paradoxes ; le titre est trompeur, même si le renoncement de certains aux voyages est un des aspects du rapport aux voyages qu'elle examine sous toutes les coutures, y compris concernant l'histoire du rapport aux voyages. Vraiment stimulant et d'une écriture incisive.


Patricia
Le livre Elles ont conquis le monde
Je l'ai commandé en poche chez mon libraire de quartier ; il se trouve qu'il n'a pas les photos des autres éditions : cela ne m'a pas gênée.
J'ai trouvé la lecture fluide et j'ai apprécié les chapitres courts, ce qui permet de faire connaissance avec une trentaine de femmes toutes différentes, ayant des motifs différents à chaque fois, parmi les dizaines de milliers d'anonymes qui ont voyagé entre 1750 et 1950, qui voyageaient seules ou accompagnées. Ni trop, ni trop peu. Le livre montre la diversité de ces femmes connues car écrivaines, journalistes ou ayant laissé un héritage. A posteriori, les photos auraient été bienvenues pour connaître encore plus toutes ces femmes.
J'ai aimé cette liste de femmes, car on voit que, en dehors de celles qui ont décidé de changer de vie, de découvrir l'inconnu, voyager pour le voyage, et qui relatent leurs expériences dans des lettres ou des livres, il y a d'autres motivations :

a) Car même si on peut mourir de voyager car risqué, le voyage peut aussi soigner (il aurait fallu prescrire des voyages aux hystériques de Freud) :
- Isabella Bird, écossaise, née en 1831, à 40 ans, souffreteuse et vieille fille, se voit prescrire un voyage… qui ira jusqu'aux rocheuses en Californie..., en mer, à cheval…, elle tombe amoureuse d'un desperado..., puis Hokkaido, la Malaisie, elle se marie, puis veuve repart en Asie…
- Quant à Fanny Stevenson, américaine, née en 1841, elle aura 2 maris, suivra les 2 : à Panama, avec sa fille de 5 ans, quitte son mari et part en Europe avec ses 3 enfants, puis épouse Robert Louis Stevenson, perpétuel malade qui a besoin de soleil pour se soigner, poète et écrivain, ils vont dans les mers du sud, à l'Ile d'Upolu, Stevenson meurt 15 ans plus tard. Elle aura d'autres jeunes amants...

b) Le voyage est bon pour les collectionneurs :
- Marianne North, Anglaise née en 1830, peindra des fleurs lors de ses voyages, des centaines (832), réunies à North Gallery du Kew Garden de Londres. Beaucoup portent son nom : "North…".
- Margaret Fountaine, Anglaise née en 1862, laisse un coffre rempli de carnets, à ouvrir près de 40 ans après sa mort en 1978 : sa collection comprend 22000 papillons...
- Mary Kingsley, Anglaise ethnographe, née en 1852, voyage d'abord dans la bibliothèque de son père ; à la mort de ses parents, à 30 ans, elle parcourt l'Afrique, rapporte poissons et reptiles. Elle sera par ailleurs infirmière dans des camps de prisonniers en Afrique du Sud.

c) Le voyage est bon pour dénoncer les crimes et injustices, et aussi soigner les malades et victimes viols, choléra, guerre :
- Mary Seacole, Jamaïcaine, née en 1805, fait d'abord des voyages de commerce d'épices. Puis 15 ans après (mort de son vieux mari), elle part au Panama où elle tient un hôtel pour chercheurs d'or. Puis dans la médecine (épidémie de choléra). Puis croquemort et chercheuse. Puis infirmière en Crimée, avec Florence Nightingale, elle crée un mess pour les soldats malades.
- Daisy Bates, Irlandaise née en 1863, 40 ans parmi les aborigènes d'Australie, partie lors d'une mission. Infirmière, puis anthropologue, contre le viol des jeunes filles par les blancs… Après sa mort, évacuation des aborigènes pour des essais nucléaires…
- Nelly Bly, Américaine née en 1864, fait le tour du monde en 72 jours ; journaliste, elle démissionne et part pour le Mexique, enquête sur la corruption et la pauvreté, puis dans un asile de femmes aliénées, publie un billet par jour, fait faillite avec l'usine qu'elle a héritée de son mari.


Mes lectures sur le voyage :
- Ti-Puss : trois ans en Inde avec ma chatte d'Ella Maillart : elle y parle de sa chatte qui l'accompagne en Inde et qu'elle observe, et avec qui elle échange, tout en faisant le parallèle avec la sagesse hindouiste. D'ailleurs quand je l'ai lu, j'ai appelé mon chat O-Puss en référence (c'était l'année des O). Je vais sûrement le relire et comparer avec Mia...
- La France en automobile d'Edith Wharton : elle détaille plusieurs itinéraires, en décrivant la nature, les villes et leurs monuments, de façon assez juste et détaillée. Cependant, elle parle peu des rencontres qu'il y fait, sauf des rencontres très superficielles.

Mon rapport au voyage
Pour moi le voyage est synonyme de vacances, et a toujours été guidé par les rencontres.
Il y a eu trois périodes dans ma vie (d'une vingtaine d'années chacune) :

a) L'enfance et vie étudiantes (jusqu'à 23 ans) : j'ai surtout voyagé avec mes parents et mes frères et sœurs. On partait tous les ans à 7 dans la 403 en Corrèze chez mes grands-parents, cousins, cousines : c'était la fête et les grandes tables dans les jardins et des mets en abondance. J'ai aussi un excellent souvenir d'un séjour en colonie de vacances (à 8 ans) car j'y avais une bonne amie et aussi une grande admiration pour la jeune monitrice...
Mes parents n'étaient pas du tout des voyageurs (d'origine paysanne).

b) Les 25 années qui suivirent : tous mes longs voyages (dans les différents continents) étaient malgré moi dus aux rencontres faites lors de cette période. À cette époque, on prenait facilement un mois de vacances d'affilée, contrairement à maintenant. Mon meilleur ami a beaucoup été travailler à l'étranger, dans les îles, en Afrique et au Maroc, où je suis allé le voir à chaque fois. Ensuite plusieurs voyages au Brésil, en Asie, Québec sont dus aux connaissances ou amours que j'ai eues ; il en va de même pour beaucoup de pays d'Europe. Il y a aussi la visite de mes frères, sœur et nièce qui vivaient à l'étranger (USA, Argentine, Londres, Allemagne).
Dans ces pays lointains, j'avais, étant très jeune, une certaine nostalgie de la France et surtout une certaine culpabilité d'avoir laissé mes parents.
Ce sont les vacances qui m'ont laissé les meilleurs souvenirs, car j'étais vraiment immergée dans la vie des gens et leur gastronomie, et accueillie à chaque fois chaleureusement et généreusement. C'était très intense comme période.

c) La troisième période : ce furent des voyages pour le tourisme, mais moins loin, plutôt en France et dans les pays frontaliers. Je n'ai plus envie d'aller loin et surtout de prendre l'avion.

J'ai aussi beaucoup apprécié voyager seule, car en réalité c'est beaucoup plus facile de faire des connaissances : j'ai rencontré des gens très intéressants, dont je me souviens encore.
En revanche, je n'aime pas les voyages organisés. Je préfère les chemins détournés.
Mais je ne suis pas non plus attirée par l'aventure, qui évoque pour moi un certain danger, bien que j'aie adoré le trek fait en Thaïlande à la frontière birmane avec un guide, logée chez l'habitant, mais effectivement dangereux car j'ai déclaré là-bas une hernie discale (à cause du mauvais état des routes) qui m'a laissée alitée pendant deux mois. Il y a aussi des précautions à prendre avec l'eau, les fruits, se faire vacciner, etc.
En conclusion :
- pour l'avenir, plus du tout les pays lointains, sauf peut-être l'espoir de faire un road trip jusqu'en Turquie en voiture
- un seul regret, ne pas avoir connu Israël, l'Inde et la Chine.


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