Nous
avons lu pour le 12 janvier 2025
un
manga de Kaoru MORI
trad. du japonais
Yohan Leclerc, Bride
stories,
éd. Ki-oon,
192 p.
Nous avons lu le premier tome, mais il y en a 15...
Bande
annonce du manga=>ici
(20 s)
Les débuts de Kaoru
Mori au Japon
Née en 1978 à Tokyo. Kaoru Mori rêve tout dabord
dêtre artiste peintre, puis elle change petit à petit
de voie pour sorienter vers des études darchitecture.
Le manga prend une place dans sa vie et, au lycée, elle se met
à réaliser des doujinshi
sous le pseudonyme de Fumio Agata, ayant pour thème central des
domestiques (des maids, femmes de chambre de l'Angleterre victorienne)
et qui seront ensuite publiés sous le titre de Shirley.
Elle est repérée par l'éditeur Enterbrain et publie
en 2001 Emma, son premier manga en tant que professionnelle.
La série Bride Stories a débuté en 2008 dans
le magazine Fellows !
devenu Harta ensuite, et le premier volume relié est sorti
un an plus tard en 2009.
Aviez-vous une passion pour le dessin ou la bande
dessinée ?
J'ai toujours eu une passion pour le dessin, dès mon plus jeune
âge. Je pense que dès que j'ai eu un crayon entre les mains
j'ai commencé à dessiner. (...)
Quest-ce qui vous a amenée sur la voie
du manga et du dessin ?
A partir du collège, j'ai commencé à lire beaucoup
de mangas, de façon plutôt intensive. Les années
ont passé, je suis arrivée au lycée, et à
force de continuer à lire des mangas, l'envie m'est venue d'en
dessiner moi-même, d'où mes tentatives amatrices avec des
doujinshi. À cette époque je n'avais pas pour objectif
de devenir une mangaka professionnelle, dessiner restait surtout pour
moi un loisir et une passion de fan, et ça s'est couplé
à une envie de créer mes propres histoires.
La suite, vous la connaissez : c'est mon éditeur, Enterbrain,
qui m'a repérée et m'a affirmé que j'avais ce qu'il
fallait pour devenir mangaka professionnelle. (...)
Vous disiez avoir commencé dans le doujinshi
avant d'être repérée par votre éditeur. Est-ce
que la transition entre amateurisme et professionnalisme a été
facile ?
La plus grande difficulté au début a été
de m'adapter au format des planches professionnelles, qui sont plus
grandes. Il faut donc augmenter le niveau de détails, sinon on
a l'impression que le dessin est assez vide. Il y avait aussi ma technique
d'encrage au stylo, que je ne maîtrisais pas aussi bien qu'aujourd'hui.
Quand j'y repense, à l'époque je n'étais vraiment
pas douée (rires). (Manga-news, avril 2014)
Les débuts de Kaoru
Mori en France
En 2012, Kaoru Mori et son manga Bride Stories reçoivent
le prix Intergénérations au Festival international de la
bande dessinée dAngoulême, qui récompense une
bande dessinée transcendant les catégories dâge.
Pourtant, il sagissait dun titre auquel aucun éditeur
français ne croyait : ses précédents mangas, Emma
et Shirley, publiés aux éditions Kurokawa,
avaient été des échecs commerciaux ; de ce fait,
il était plus compliqué pour l'éditeur de défendre
un titre inédit sans sappuyer sur un précédent
succès de lauteure. Et pourtant, Ki-oon publie de nouveau
Kaoru Mori, convaincu de son potentiel.
Qui est son éditeur
français ?
La version française est éditée par Ki-oon en 2011,
d'abord en petit format, puis en grand format dans la collection "Latitudes".
C'est Ahmed Agne, fils dun Sénégalais installé
en France, qui a créé Ki-oon, premier éditeur indépendant
de mangas en France. Oui, il parle japonais ! Le Monde fait son
portrait :
En 2003, ce trentenaire qui a grandi à Trappes
a cofondé Ki-oon, une maison d'édition spécialisée
dans les mangas. Grâce à une stratégie audacieuse,
le succès est au rendez-vous. Deux de ses productions sont sélectionnées
pour le Festival d'Angoulême.
Cinq millions et demi d'euros de chiffre d'affaires
en 2015. La maison d'édition Ki-oon, spécialisée
dans le manga et installée dans 230 mètres carrés
de bureaux au cur du 9e arrondissement de Paris, se porte bien.
Du chemin a été parcouru depuis la cité HLM de
Trappes dont Ahmed Agne, le directeur, est originaire. "Ceux
qui disent : 'Regardez-le, quand on veut, on peut' se trompent,
coupe court le presque quadragénaire. Je ne suis pas un
exemple, plutôt le résultat d'une équation où
la motivation a été l'un des facteurs. Mais pas le seul."
Première donnée de ce calcul :
son père, ouvrier mécanicien arrivé du Sénégal
dans les années 1970. "On n'avait pas d'argent, mais
il m'a donné une arme fabuleuse : une carte de bibliothèque",
aime-t-il raconter. Tintin, romans, mythologie égyptienne...
Dans la chambre qu'il partage avec ses cinq frères et surs,
Ahmed dévore tout.
Puis viennent les années1990. À
la télé, le "Club Dorothée" diffuse de
nouveaux dessins animés venus du Japon. "Avec Olive
et Tom ou Les Chevaliers du zodiaque, on pouvait enfin s'identifier
à des personnages qui vivaient les mêmes choses que nous
: premières amours, amitiés trahies..."
Un séjour de deux ans au Japon
Il passe des heures à noircir des cahiers de silhouettes
aux grands yeux. Sa passion pour l'animation nippone aurait pu s'arrêter
là. Mais une nouvelle variable entre dans l'équation :
son père insiste pour qu'il intègre un collège
à quelques kilomètres de Trappes. "J'y ai découvert
la mixité sociale en côtoyant des fils de médecins,
d'artistes... Mon horizon s'est ouvert."
Au lycée, il achète ses premiers mangas et les décrypte
en VO muni d'une méthode Assimil. La fac de japonais s'impose.
À la faveur d'un programme d'échanges, il passe même
deux ans au Japon. Là-bas, ce grand Peul de 1,90 mètre
détonne. "Le premier jour, le chauffeur de bus, effrayé,
ne s'est pas arrêté", se souvient-il amusé.
De retour en France, bardé d'un diplôme de maîtrise
et de lettres de recommandation, il déchante vite. Deux cents
candidatures, aucun entretien. Parallèlement, avec Cécile
Pournin, une amie de fac, ils assistent à l'explosion du manga
en librairie. À l'époque, l'offre se limite à des
shônen, des BD pour jeunes garçons type Dragon Ball,
et les deux passionnés ne s'y retrouvent pas. Progressivement,
l'idée leur vient d'éditer des seinen, des uvres
pour adultes.
Des choix éditoriaux novateurs
En 2003, ils se lancent. Le marché du manga en France consiste
à racheter des licences aux éditeurs japonais. Ahmed et
Cécile ont une autre stratégie : tous les deux bilingues,
ils se rapprochent directement d'auteurs indépendants, méconnus
au Japon. Nuit blanche après nuit blanche, ils construisent leur
catalogue. Pendant cinq ans, Ki-oon se résume à un canapé
et deux ordinateurs dans le studio d'Ahmed, à Trappes. Puis,
ils se versent enfin un salaire et embauchent leur premier employé.
"Leur force, c'est leur passion, mais surtout leur vision marketing,
pointe Christophe Lenain, libraire spécialisé. Ils ont
été les premiers à proposer des extraits en ligne
ou à organiser des rencontres entre fans et auteurs."
Ahmed Agne fait aussi preuve d'audace éditoriale. Il mise à
la fois sur une valeur sûre, la science-fiction, et sur des sujets
plus controversés pour attirer un nouveau lectorat. Son dernier
pari en date, A Silent Voice, mêle handicap et harcèlement
à l'école. Et ça marche. Avec des séries
dont les ventes dépassent 600 000 exemplaires, Ki-oon est aujourd'hui
le quatrième éditeur de mangas en France - et le premier
indépendant - et représente 10 % de parts de marché.
Consécrations, l'une de leurs productions a été
vendue dans dix pays, dont le Japon, et deux sont nominées au
Festival d'Angoulême (du 28 au 31 janvier). Mais à titre
personnel, Ahmed savoure une autre victoire : "Ma mère
a enfin arrêté de dire à ses copines que son fils
faisait du chinois." ("Ahmed
Agne, éditeur de mangas à la force du poignet",
Corinne Soulay, Le Monde, 11 janvier 2016).
Montrant l'importance de cet éditeur, Carole Fabre consacre son
master 2 à "Lévolution
du marché du manga en France à travers une nouvelle génération
déditeurs : le cas des éditions Ki-oon (Université
Paris Nanterre, Pôle Métiers du livre, 2020, 164 p.).
Dans l'article sur l'éditeur, apparaissent les termes suivant
relevant de catégories de mangas liés au public visé
: shônen et seinen. Quelques précisions lexicales
:
- Kodomo
: pour un public d'enfants, quel que soit son genre.
- Shônen : pour un public masculin jeune.
- Shôjo : pour un public féminin jeune.
- Seinen : pour un public masculin jeune et adulte.
- Josei : pour un public féminin jeune et adulte.
- Seijin : pour un public adulte et plus.
Rencontres avec Kaoru
Mori sur son travail et sur Bride stories
- "Bride Stories
: taillé à la steppe", Marius Chapuis, Libération,
26 avril 2014. Extraits :
On s'attendait donc à rencontrer une auteure
timide, discrète. C'est une femme très apprêtée
et bavarde qu'on découvre dans le salon d'un hôtel parisien,
vêtue d'un élégant
furisode noir et fleuri, l'un des kimonos les plus nobles.
Comme ses héroïnes, Mori sensei écrase la
salle de sa présence.
On cherche à comprendre d'où une Japonaise de 35 ans tire
une telle connaissance des steppes. "C'est beaucoup de lectures.
Malheureusement, je ne suis jamais allée là-bas. Je travaille
avec énormément de documentation : des romans, des recueils
de photos, des essais, des travaux universitaires, d'ethnologie notamment.
Je me suis beaucoup inspirée de l'Ouzbékistan et des traditions
tadjikes, mais je reste volontairement vague sur les lieux afin de pouvoir
prendre quelques libertés. Le principe même de Bride Stories
est de rencontrer différentes cultures."
Kaoru Mori sétait déjà illustrée par
son habileté à reproduire latmosphère de
lAngleterre de Jane Austen avec sa première série,
Emma, une femme de chambre vivant à lépoque
victorienne. Avec Bride Stories, sa précision devient
envoûtante, au point de conduire le lecteur à faire des
recherches sur les tenues en feutre des Kirghizes.
Afin de mieux saisir la minutie de son travail, on demande à
l'auteure de nous commenter quelques planches. Son choix s'arrête
sur une double page du second volume. La scène (voir dessin ci-dessous)
représente Tileke, la jeune sur de Karluk, saisie sur le
vif à l'intérieur d'une yourte. Emmitouflée dans
un drap, elle doit apprendre à broder des animaux totems.
"Il
y avait plein de paramètres à prendre en compte pour ne
pas étouffer le dessin. Il fallait que je fasse attention à
la gestion des éclairages, à l'équilibre entre
les zones sombres et claires. C'était important qu'il n'y ait
pas des motifs absolument partout, il faut toujours se garder un espace
de respiration autour du personnage, pour qu'il ne finisse pas noyé
sous les détails. C'est pour ça que je me suis concentrée
sur les drapés au premier plan tout en aérant autour de
Tileke. Ça a été un long travail de recherche technique
afin de reproduire correctement les broderies, notamment pour trouver
la bonne façon d'orienter les traits, les lignes croisées,
horizontales, les hachures. Le gros du boulot est au niveau des angles.
Enfin, le trait qui démarque le premier plan de celui sur lequel
se trouve le personnage est plus appuyé, pour créer du
contraste." Ces jeux d'arabesques et d'entrelacs mettent en
valeur les étoffes, qui jouaient à l'époque un
rôle quasi chamanique, par exemple en protégeant des maladies.
Ce travail méticuleux semble incompatible avec les délais
de production imposés par l'industrie du manga, où les
éditeurs attendent un chapitre d'une vingtaine de pages toutes
les deux semaines. "C'est vrai que je devrais passer deux semaines
par épisode... Mais en réalité, il me faut souvent
un mois."
Derrière Kaoru Mori, un homme d'une trentaine d'années,
jusqu'alors resté très discret, s'esclaffe. Il s'agit
de Keisuke Okamoto, son tantô (responsable éditorial).
Une personne clé, chargée d'assister l'auteure tout en
jouant les intermédiaires avec la maison d'édition. "On
fait énormément de réunions ensemble. Avant de
travailler sur le scénario, on confronte nos idées, ce
que je veux faire et ce que mon éditeur voudrait voir. Puis je
me consacre au nemu
[un story-board, ndlr] et mon tantô m'explique ce qu'il
faut modifier. C'est là que la plupart des changements se font,
puisque j'ai encore le temps d'ajouter des pages, de modifier le scénario
ou de changer la composition des planches. S'il juge que ce n'est pas
bon, je recommence tout. Il peut y avoir plusieurs allers-retours. Ça
arrive qu'on me dise OK du premier coup, mais c'est rare [rires].
Il a toujours plein de choses à redire. Il me demande souvent
de mieux soigner les personnages. Mais son aide est précieuse
pour le découpage. Par exemple, pour la première page
de Bride Stories, je voulais montrer les personnages le plus
vite possible, histoire de créer un lien avec Amir. Mon tantô
était d'accord, mais il m'a fait ajouter une double page afin
de remettre du contexte, de mieux décrire la région. Lors
du dessin proprement dit, j'ajuste le placement de quelques bulles pour
que ce soit plus lisible mais je ne touche quasiment plus au découpage.
Les dernières étapes sont l'encrage, le gommage."
Pour tenir les délais, les auteurs s'entourent d'assistants,
souvent aspirants mangakas. Ces travailleurs de l'ombre sont généralement
en charge des décors ou des arrière-plans. Kaoru Mori,
elle, n'en emploie que deux et leur boulot ne doit pas être des
plus réjouissants. "Ils sont chargés des finitions.
Je leur demande d'ajouter du noir pour redonner du peps à l'encre
qui a souffert lors du gommage. Et encore... Je m'en charge de plus
en plus. J'aime bien mettre plein de noir partout. Ils s'occupent aussi
des trames." Spécificité du manga, la pose des
trames permet de fignoler l'éclairage d'une scène. Il
s'agit d'une simple feuille adhésive transparente sur laquelle
sont imprimés différents motifs de points plus ou moins
denses. Une fois collée, la trame est grattée afin de
ne conserver le gris que sur les zones où l'on veut un effet
d'ombre.
Rare entorse à sa traditionnelle discrétion médiatique,
Kaoru Mori a laissé une équipe du site Comic Natalie la
filmer lors de la confection d'une planche, en 2008. Une demi-heure
hypnotique. Quelques coups de crayon dans le vide pour trouver le geste
juste et ce qui ressemblait à des lignes éparses prend
un souffle épique : Amir chevauchant dans la steppe. Le niveau
de certitude dans le trait est bluffant. Tout du long, l'auteure reste
hors-champ, mais un détail interpelle : elle porte des gants
blancs. Une coquetterie pour ne pas s'abîmer les mains ? "Pas
du tout, s'amuse-t-elle. C'est pour éviter que la sueur
ne dégrade l'encre. Et puis c'est comme pour un chirurgien :
une fois les gants enfilés, on passe en mode "sérieux"."
(On peut la voir dessiner
=>ici avec
ses gants blancs en 2008)
- Interview réalisée lors
du même séjour à Paris, lors du Salon du Livre en
mars 2014, propos recueillis par Nicolas Penedo, Manga-news,
avril 2014. Extraits :
Vos deux séries évoquent des amours
assez particuliers, assez atypiques (un fils de bonne famille avec une
domestique dans Emma, et une femme de 20 ans avec un garçon
de 13 ans dans Bride Stories), et des histoires de mariage assez
diverses, lamour pur de vos héros devant faire face aux
pressions familiales et aux volontés de mariage dintérêt.
De ce fait, quelle est votre vision de lamour et du mariage ?
En vérité, je ne suis pas si intéressée
que ça par les histoires d'amour, au début c'était
même un genre avec lequel je n'étais pas à l'aise
(rires).
Dans le déroulement des histoires, moi je souhaite avant tout
me centrer sur les relations unissant les personnages, mais ce que les
gens ont avant tout envie de lire ce sont apparemment les histoires
centrées sur l'amour, et c'est comme ça que j'en suis
arrivée au résultat d'Emma et Bride Stories,
en écoutant plutôt les désirs des lecteurs.
Ce qui ne vous empêche pas de vous intéresser
aux relations qui vous tiennent tant à cur ! Au niveau
des familles mais aussi des communautés, il y a beaucoup de vie
dans vos séries. Les scènes de danse et de fête
dans Emma ou lors des mariages de Bride Stories sont très
marquantes, par exemple. Il y aussi les enfants très vivants,
les anciens qui veillent sur les plus jeunes et leur apprennent leur
art, les cousins et autres personnages hauts en couleur comme Pariya
Il y a une vraie ambiance de communauté, des relations précieuses
entre générations.
C'est vraiment quelque chose qui me tient beaucoup à cur,
merci de le remarquer. Au Japon, aujourd'hui il n'y a plus cet esprit
de communauté, cet esprit de grande famille qui s'organise autour
d'une maison ou d'un lieu. Ce type de vie disparaît, ce que je
regrette un peu, et du coup je me suis dit que ce serait vraiment intéressant
de raconter tout ça.
De plus, dans beaucoup d'uvres, on a souvent des histoires de
famille où les querelles dominent, au contraire des histoires,
plus rares, où on met en avant la vie de famille en communauté
de manière plus pacifique, en montrant le quotidien. Je trouvais
ça un peu dommage, et je voulais donc montrer qu'on peut aussi
faire de belles histoires avec des choses plus simples. Et j'adore ce
principe de grande famille mêlant les générations.
De ce fait, vos mangas ont beau se passer à
des grandes époques de lHistoire, vous vous intéressez
plus à vos personnages et à leur quotidien plutôt
quaux faits historiques, même si ceux-ci sont véridiques.
Surtout dans Bride Stories, vous dépeignez la culture,
le contexte social
Votre démarche est proche de celle dun
anthropologue, or on dit souvent que Bride Stories est un manga
historique. Quen pensez-vous ? Vous, comment qualifieriez-vous
votre uvre ?
Pour moi cela reste une forme de récit historique. Bride Stories
est une histoire d'époque, mais plutôt que de raconter
une sorte de fresque géopolitique avec les grands événements
principaux comme dans un cours d'Histoire, je préfère
m'intéresser aux gens de l'époque, à leur façon
de vivre, leur coutumes, leurs habitudes... Je souhaite montrer la vie
des gens à l'époque, car notre vie aujourd'hui n'est plus
comme ça. À mes yeux ça reste historique. Je pense
que l'Histoire, ce n'est pas que des dates, des grands faits, des guerres
et de la géopolitique.
Ce que j'adorerais par-dessus tout, c'est que si les gens de l'époque
pouvaient lire mon manga, ils se disent que leur vie était effectivement
comme ça.
Vous aimeriez nous dire de ne pas oublier comment
était la vie à l'époque et comment elle a évolué
depuis ? Faire une sorte de devoir de mémoire ?
Mon idée principale était de faire découvrir une
culture différente, parce qu'il y a toujours un intérêt
à découvrir des choses qui sont différentes de
ce que l'on connaît, à sortir des terrains connus pour
prendre connaissance d'autres modes de vie et d'autres traditions. C'est
vraiment dans ce but que j'écris Bride Stories. La série
reste avant tout un divertissement et n'a pas d'objectif scientifique,
elle cherche juste à raconter la vie de personnages différents
et des coutumes qui ont existé.
Dans vos postfaces dEmma et Shirley
on apprenait que pour dessiner Dorothea vous vous étiez inspirée
de Maria Callas, pour le marchand de farine dans Shirley de John
Belushi, pour Nelly de Marilyn Monroe
Y a-t-il ce type dinspirations
pour certains personnages de Bride Stories ?
Ce sont des clins d'il à des personnalités que j'aime
beaucoup (rires). En ce qui concerne Bride Stories, je
n'ai pas fait ce genre de petites références à
des personnes célèbres. Par contre, je me suis basée
sur une photo d'époque d'un inconnu pour dessiner le père
de Karluk.
Ce qui frappe aussi dans vos uvres, cest
une forte mise en avant des femmes fortes ! Dans Emma lhéroïne
fait face à son amour avec courage, idem pour Eleanor quelque
part. Dans Bride Stories Amir sait presque tout faire, est une
mariée très attentive et une incroyable chasseuse, et
la grand-mère Balkish a le dessus sur bien des hommes !
Vous aimez aussi les présenter de façon charmante et un
peu affriolante comme la bunny dans votre tanpenshu , mais elles restent
toujours classes, plutôt fières et savent remettre les
hommes à leur place ! Bref, les exemples ne manquent pas... Doù
vient ce goût pour les femmes aussi belles et fortes, pour cette
sorte de "girl power" ?
Je pense que le héros ou l'héroïne d'une histoire
doit être un personnage auquel on a envie de s'attacher, dont
on a envie de se rapprocher, un peu comme un objectif à atteindre.
C'est pour ça que j'ajoute souvent ces touches de charisme supplémentaire,
cette force de caractère, car ça rend les personnages
encore plus attirants.
Du coup, je ne sais pas si on peut parler de "girl power",
ou alors c'est un peu inconscient de ma part (rires). C'est surtout
que mes personnages principaux sont la plupart du temps des femmes,
et que j'ai une admiration pour les femmes fortes. Et si l'on me demande
pourquoi des femmes, je dirais que c'est parce que j'adore les dessiner
! Leurs cheveux, leurs mains, leurs courbes... Ce sont des choses que
je prends énormément de plaisir à croquer, que
ce soit dans des vêtements de maid, des costumes d'époque
ou des tenues de bunny (rires). (...)
Quand on lit vos mangas, on se rend compte que votre
style graphique n'est pas du tout-venant. Vous avez un trait particulier,
une façon extrêmement précise et minutieuse de dessiner,
notamment, les tapisseries, les motifs ou les costumes dans Bride
Stories. Cela vient-il d'une influence particulière ?
Je pense que le souci du détail vient de mon côté
plutôt borné (rires). J'ai envie de tout dessiner
très précisément, de la façon la plus correcte
possible. Et j'aime beaucoup dessiner les tapisseries et autres éléments
de ce type, où l'on trouve des motifs très denses. C'est
un type de dessin qui me plaît beaucoup, à moi qui ai toujours
tendance à vouloir rajouter beaucoup de choses. (...)
Pouvez-vous nous expliquer comment vous travaillez
sur un manga ? Nous présenter votre emploi du temps et les différentes
étapes des nemu, des débuts du storyboard jusqu'à
l'encrage final et au manuscrit adressé à votre éditeur.
J'ai une deadline d'un mois, que j'essaie de diviser en différentes
parties.
En général, j'essaie de la diviser en deux : deux semaines
de recherches, de documentation et de création de scénario,
et deux semaines sur le dessin.
Au début de la première semaine, je rencontre mon éditeur
et on discute de façon très légère de ce
qu'on va faire. On discute de mes propositions et de l'orientation du
chapitre à venir. Ensuite je m'attelle à la construction
du nemu, où
l'on retrouve de façon très simple et crayonnée
le chapitre au complet. C'est une étape très importante,
car c'est le premier pas vers la finition du manga. Pour faire le nemu
d'une chapitre de 24 pages, cela me prend généralement
quatre jours. Ensuite je l'amène à mon éditeur
et on discute de ce qu'on va faire, des endroits qu'il faut couper,
de ce qu'il pense que je devrais enlever, ajouter ou déplacer.
Et une fois que tout est ok, je peux commencer le travail sur les planches.
Quand les crayonnés des planches sont finis, je passe à
l'encrage au stylo. Généralement, c'est ce qui me prend
le plus de temps. Ensuite, il faut gommer les restes de crayonnés,
repasser sur qui a été perdu au niveau de l'encre, et
faire les aplats sur les zones qui doivent être complètement
noircies. C'est à partir de cette étape que je fais appel
à mes deux assistants, qui procèdent avec moi à
ces finalisations. Après ça, on passe aux trames, des
calques spécifiques qu'on applique pour retranscrire des motifs
récurrents. Cette dernière étape prend environ
2 ou 3 jours.
Quelle est l'étape que vous préférez
sur la création d'un manga ?
J'adore tout (rires). Je pense que je me sens vraiment bien et
plus légère quand le nemu est approuvé par
mon éditeur, c'est toujours un instant de soulagement. Après
ça, il n'y a plus qu'à dessiner, alors d'un coup ça
va beaucoup mieux. Dessiner, c'est toujours un plaisir. (...)
Quel est votre personnage préféré
dans Bride Stories, et pourquoi ?
Évidemment, c'est Amir, parce que c'est le personnage qui me
demande le plus de travail, et c'est donc celui auquel je me suis le
plus attachée.
Vos deux uvres phares, Emma et Bride
Stories, se passent toutes deux loin du Japon, au 19ème siècle.
Pourquoi ces choix ?
Ce sont des endroits qui m'ont toujours passionnée, et je pense
que si j'ai pu aborder ces thèmes, c'est grâce à
mon éditeur qui est très libre là-dessus, là
où beaucoup d'éditeurs ne souhaitent justement pas publier
des histoires trop éloignées des lecteurs. J'ai eu le
feu vert pour faire les histoires qui m'intéressaient, et j'ai
donc pu faire ce que je voulais. Je pense qu'il y a beaucoup d'auteurs
qui voudraient aussi faire des mangas autour d'autres pays que le Japon,
mais qui sont peut-être limités par le magazine de prépublication
pour lequel ils travaillent.
Qu'est-ce qui vous attire dans les tribus d'Asie
centrale de Bride Stories, dans cet environnement culturel peu
abordé ?
J'aime beaucoup lire, et j'ai lu beaucoup de récits de voyage
sur ces régions du monde. Plus j'en lisais, plus j'avais envie
de découvrir ces régions. Je me suis intéressée
pas seulement aux livres, mais aussi aux recueils de photographies où
l'on retrouvait la vie de l'époque dans ces régions. C'est
une passion qui est née il y a longtemps, et qui a grandi au
fil du temps. (...)
On a une relation très étonnante entre
Amir et Karluk puisque l'une a 20 ans et que l'autre est de 8 ans son
cadet. D'où vous est venue cette idée de créer
une relation amoureuse entre une jeune femme et un très jeune
homme ?
Ce que je voulais faire en premier lieu, c'était retranscrire
une réalité de l'époque, montrer que la notion
de couple pouvait être ainsi en Asie Centrale à cette époque,
où ce n'était pas forcément une question d'âge
comme dans notre vision moderne du couple.
Et cette différence d'âge était aussi un bon moyen
de piquer la curiosité du lecteur et de lui donner envie de lire
les aventures de ces personnages.(...)
Une scène du premier tome de Bride Stories
m'a beaucoup touché : celle où un artisan est en plein
travail et où un enfant l'observe. On voit à cet instant
un travail très précis sur la façon dont cet artisan
crée son uvre et sur le regard émerveillé
de l'enfant. Est-ce que ce travail d'artisanat est pour vous une façon
de mettre en scène votre propre travail de dessin ? Et en quoi
considérez-vous qu'il y a une valeur spirituelle de transmission
de savoir-faire du vieil homme à un enfant ?
Je suis passionnée par tout ce qui est artisanat et création,
c'est quelque chose qui me tient à cur, et j'avais envie
de rendre hommage à cette culture dans la fabrication, la découpe
du bois, la gravure, la couture, les tissus... Tout part de l'Asie centrale,
et c'est quelque chose que je souhaite vraiment mettre en avant dans
mon manga, parce que c'est quelque chose que j'adore et que je trouve
vraiment magnifique. (...)
Dans Bride Stories, chaque personnage a des
costumes différents. Est-ce qu'il y a eu de la documentation
pour chaque cas ?
Pour Amir, j'ai utilisé plusieurs costumes traditionnels de différentes
régions que j'ai arrangés et un peu mêlés.
Par contre, pour les autres personnages comme les jumelles ou Thalas,
ça a été fait à partir de la documentation
sur les costumes d'époque dans la région concernée.
(...)
Vous êtes non seulement très douée
pour ce qui concerne les relations amoureuses et le travail de l'artisanat,
mais on a aussi droit dans Bride Stories à des scènes
d'action spectaculaires dignes de blockbusters américains. D'où
vient votre inspiration pour ces scènes ? Comment travaillez-vous
pour mettre en scène ces séquences d'affrontements ?
Difficile de répondre en ne citant que quelques exemples, car
c'est l'accumulation de tout ce que j'ai pu voir ou lire dans le genre
qui m'a apporté une expérience dans ce genre de scène.
Mais je peux quand même dire que les cavaliers, c'est quelque
chose que j'adore. Je me suis retenue le plus longtemps possible de
mettre des scènes de combat à cheval, mais pour le sixième
volume je voulais changer un peu l'ambiance dans l'histoire, qui jusque-là
était assez paisible et beaucoup plus centrée sur les
personnages féminins. Je ne vais pas dire que c'était
du fan-service pour les hommes, mais un petit peu quand même (rires).
J'avais envie de faire ça depuis le début, et avec surprise
ça a aussi beaucoup plu aux dames.
Concernant Bride Stories, avez-vous reçu
des messages de personnes habitant cette région du monde et ayant
lu votre manga ?
Oui, j'ai eu des commentaires de personnes vivant dans cette région.
Depuis le début ça me faisait peur, et au final ils m'ont
dit que c'était quand même un peu éloigné
de la vérité historique sur certains éléments,
mais que c'était vraiment une histoire passionnante et intéressante.
Donc dans mon sens j'ai atteint mon objectif, parce que ce que je voulais
avec cette histoire, c'était que les gens originaires de cette
région prennent du plaisir à la lire. J'étais contente
et soulagée. (...)
Quelle importance donnez-vous à l'écriture
de vos postfaces, qui sont toujours agréables à lire ?
Je le fabrique comme je fabrique le manga, avec les mêmes étapes.
Il est fait avec amour, comme le manga (rires). Et quand je trouve
quelque chose d'intéressant à y mettre, je peux prendre
plusieurs jours juste pour ça. (...)
Dans vos postfaces, votre avatar est amusant, dépareillé,
avec les cheveux hirsutes. Pourquoi ?
Quand j'étais lycéenne, je m'entraînais devant le
miroir à me dessiner, et ça donnait ça (rires).
(...)
(Extraits de l'interview,
réalisée lors du Salon du Livre en mars 2014, publiée
par Manga-news. Les mangakas préfèrent qu'on connaisse
leur avatar sur les réseaux sociaux plutôt que leur visage
dans la vie réelle. Voici quand même celui de Kaoru Mori...
Aussi,
les Japonaises Fei Fong Wong et Kaoru Mori ont-elles refusé de
donner une photographie d'elles-mêmes pour le programme officiel.
Et, lors des séances de dédicaces, des agents de sécurité
sont chargés de veiller à ce qu'aucun fan ne puisse faire
de selfie à leur côté, afin de préserver
leur anonymat visuel...)
- Voir une vidéo
sur le salon du livre de 2014, avec en particulier à partir d'1min45
Kaoru Mori qui dessine en même temps qu'elle parle (il y a des sous-titres).
Voir aussi Kaoru Mori dessiner le visage de son héroïne =>ici
- D'autres rencontres à propos de Bride Stories :
Le scénario, cest un peu un prétexte
pour présenter la région. LAsie centrale, cest
grand, cest même très grand, et le fil conducteur
de tout ça, cest une sorte de voyage qui va faire découvrir
le pays au travers des personnages qui y vivent. (...)
Jaime tout ce qui est costume traditionnel, peu importe le pays.
Ce sont toujours des choses magnifiques et très intéressantes
à étudier, à reproduire. (...)
Jjai des modèles. Jai accumulé énormément
de documentation, de photos, de livres, des détails sur cette
époque précise, que je regarde attentivement pour tenter
dy rester fidèle. (Kaoru
Mori, talentueuse mangaka : linterview !", Sarah
Bocelli, Madmoizelle, 26 mars 2014)
Quand je prépare le manga, limage et lhistoire
sont indissociables, je visualise les deux ensemble. (...)
En fait si on dessine des personnages masculins, cela génère
des attentes vers plus de batailles, plus de politique, des intrigues
qui sont plus globales, alors que je voulais dessiner du quotidien,
présenter la culture de tous les jours et comment vivent les
populations. Les personnages féminins permettent, en quelque
sorte, déviter les attentes qui vont avec les personnages
masculins
Je peux présenter la vie ordinaire des gens,
ce quils mangent etc., sans bousculer les codes ou habitudes de
lecture. (...)
Les cavaliers cest quelque chose que jadore et je me suis
retenue jusquici de ne pas mettre de scènes de combats
à cheval. Lhistoire était plutôt calme et
reposée, centrée sur les personnages féminins,
mais pour le 6e tome jai pu insérer des scènes de
combats entre cavaliers, ce qui était mon rêve depuis très
longtemps, depuis les débuts de lhistoire. Ce genre de
scène devait faire logiquement plaisir au public masculin mais
jai pu voir que le public féminin lui aussi a apprécié
ce volume, donc je suis très contente. ("Kaoru
Mori : rencontres avec une mangaka passionnée", Oaul
Ozouf, Journal du Japon, mai 2014)
Les articles sur les mangas ne sont pas très fréquents
dans la presse généraliste. Outre la double page remarquable
citée ci-dessus de Libération
et un article sur l'éditeur dans Le Monde
ou dans Le
Figaro, citons une critique de Bride Stories dans Télérama
(TTT Très
Bien) :
Asie centrale, fin du XIXe siècle.
Dans les steppes du Caucase, les modes de vie se transforment. Les nomades
s'effacent peu à peu, les "peuples du mouton" découvrent
les semailles, aux yourtes succèdent des maisons en dur. Mais
les mentalités, elles, n'évoluent guère. Si elles
occupent un rôle crucial dans ces clans familiaux où coexistent
plusieurs générations, les femmes ne sont pas maîtresses
de leur destin. Elles servent les intérêts politiques des
chefs, font figure de monnaie d'échange, scellent des alliances
et, surtout, doivent faire beaucoup d'enfants. Témoin la belle
Amir, donnée en mariage au fils aîné d'un clan voisin,
Karluk. Elle a 20 ans, il en a 12...
Fresque sociale et historique haute en couleur, Bride Stories est
transcendé par les dessins magnifiques de Kaoru Mori. Fascinée
par la beauté des tenues traditionnelles, ces entrelacs complexes
de parures, de bijoux et d'étoffes, la mangaka a mis un point
d'honneur à en restituer le moindre détail. Idem avec
les intérieurs, où tapis et marqueterie rivalisent en
motifs complexes. Une minutie archi documentée et un rien névrotique,
qui donne lieu à de véritables scènes de genre
qui n'auraient pas déplu à Pierre Loti ou au peintre pompier
Jean Léon Gérôme. Mais cet orientalisme stylisé
n'est pas l'intérêt principal de la saga. Déjà
remarquée avec Emma, une série à succès
où elle narrait les tribulations sentimentales d'une jeune femme
de chambre dans l'Angleterre victorienne (!), Kaoru Mori dépeint
ici, à petites touches sensibles et sans mélo, la naissance
d'un amour supposé impossible. Une carte du Tendre, version Tarass
Boulba...
| Ed. Ki-oon | 192 p., 7,5 EUR. (Stéphane Jarno, Télérama,
4 juin 2011 )
Au fait, le village de Karluk est dans l'actuel Ouzbékistan, celui
d'Amir est nomade et se situe dans la steppe
kazakh ou kirghiz. Dans le manga, chaque cheval a un nom : Sulkik
pour celui d'Amir, Arakala pour celui de Karluk. Voir =>la
suite du tome 1 sans lire les 14 autres tomes...
En
savoir un peu plus sur le manga ?
Les
néophytes souhaitant mieux appréhender le genre, peuvent
:
- écouter et regarder le dynamique exposé en images de Maxime
Gendront, jeune conférencier spécialisé en manga,
fondateur de la chaîne Youtube l'Archipel Otagee : "l'histoire
du manga : la genèse d'un art", illustrée,
2021, 15 min
- écouter, de façon plus classique, France Culture : "D'Hokusai
à Dragon Ball, la longue histoire du manga", Xavier Mauduit,
Le Cours de l'histoire, avec deux universitaires spécialistes,
16 mai 2024, 59 min
- ou encore plus classique, lire la fiche wikipédia "manga".
Et
voici NOS RÉACTIONS sur le livre
Ce
12 janvier 2025, nous étions 14
à réagir sur le livre
:
- en direct (11) : Anne, Claire Bo, Felina, Flora, Joëlle
L, Laetitia, Marie-Yasmine, Nelly, Patricia, Véronique, Sophie
(nouvelle lectrice)
- par zoom (3) : Agnès, Joëlle M, Sandra
Prises ailleurs (4) : Aurore, Claire Bi, Stéphanie, Sophie de Nice.
Une première,
quant au genre..., heureusement guidées
|
Lirelles a déjà programmé des BD (Pénélope
BAGIEU, Alison
BECHDEL, Chloé
CRUCHAUDET, Julie
MAROH) ou récit graphique (Jacqueline
DUHÊME).
Mais lire un manga était une première pour le groupe.
Sur 14 lectrices, 11 étaient des néophytes - proportion
impressionnante.
Marie-Yasmine, férue de mangas et auteure du choix, n'est pas venue
les mains dans les poches.
Outre
des castella
Cake dont elle partage la
recette, elle nous a apporté des exemples de mangas
de différents
genres
:
- shôjo
(pour jeunes filles, et lu pas que par des très jeunes) :
Chobits, de Clamp
- shônen
(pour garçons ados, mais aussi pour adultes) : Demon
Slayer, de Koyoharu Gotouge
- yuri (centré
sur les relations intimes entre filles) : Love my life, de Ebine
Yamaji
- yaoi (équivalent
masculin, mais lu par des filles) : Iberico Pork, de Shoowa
- seinen
(pour adultes, plutôt des hommes) : pour des hommes, mais le lectorat
est plus large ; la preuve, c'est le manga que nous avons lu, Bride
stories. Parmi les évolutions du genre, Marie-Yasmine signale
"un
souffle féminin dans le seinen manga"...
Suite aux remarques
sur les grands yeux, elle nous propose des réponses : "Pourquoi
les personnages de mangas ont-ils de grands yeux ?", Les Pourquoi
?, Philippe Vandel, France Info, 30 juin 2013, 4 min.
Les tendances concernant
le livre
|
Flora
et Laetitia, pratiquantes,
avaient leurs points de comparaison, avec une assurance dont les néophytes,
plus timides, manquaient. Elles ont découvert un seinen
qu'elle ne connaissait pas.
Marie-Yasmine,
nous ayant fait la proposition du livre, reste bien entendu aficionada.
Joëlle M et
Nelly
ont été nettement récalcitrantes.
Agnès, Anne, Claire
Bo, Felina, Joëlle L,
Patricia, Sandra,
Véronique ont émis leurs impressions
positives (la qualité du dessin les a toutes ralliées)
et leurs réserves (la narration statique a parfois laissé
sur sa faim).
La découverte a été de toute manière au rendez-vous !
Agnès
Cette
lecture d'un manga était une première pour moi.
J'ai trouvé
que le dessin était très maîtrisé et minutieux
(dans les scènes de poursuite, de chasse, rendu très expressif
des mouvements) et esthétique (beauté et richesse des costumes,
mignonnerie des personnages avec leurs grands yeux).
J'ai été sensible au fait que le personnage central de l'histoire
soit une jeune femme, de plus active et téméraire, et intéressée
par l'évocation de la condition des femmes au sein de cette communauté
au XIXe siècle.
La courte postface dans laquelle l'autrice explique sa démarche
ajoute un plus à la compréhension de cet univers.
Voilà pour les points positifs que je soulignerais.
En revanche, j'ai trouvé très malaisante la scène
de séduction au lit entre l'héroïne et son époux
mineur âgé de 12 ans (bon, pour une fois, ce n'est pas une
petite fille qui se retrouve dans cette situation, mais cela n'en est
pas moins choquant).
Sinon, j'avais bien compris que l'on devait commencer par "la fin",
mais j'ai été perdue pour retrouver un sens logique de lecture
à chaque page (je l'ai lu avant l'envoi par Claire d'un plan explicatif).
J'ai tout de même compris l'histoire et ne souhaite pas le relire
de toute façon.
Par ailleurs, certains caractères sont vraiment trop petits.
Je n'ai pas grand-chose à en dire. Ce fut une découverte,
mais je n'ai pas envie de poursuivre la lecture de cette série.
Anne
Pour moi c'est aussi une découverte, même si, enfant, j'ai
lu quelques mangas ; mais je ne me souviens plus lesquels.
J'étais très enthousiaste à l'idée d'en lire
un ici, car je n'aurais pas pris cette initiative de mon côté.
Avec les dessins, je comprends que tu aies choisi celui-ci, Marie-Yasmine.
Ils sont très beaux, j'ai aimé l'originalité des
gros plans sur les paysages, et la précision des costumes, du bois
travaillé, super beau.
J'ai été un peu perdue pour le sens de lecture au début,
mais ensuite je m'y suis faite assez vite.
Quant au contenu de l'histoire, le mari qui a 12 ans, oui c'est un peu
dur. Mais le fait de découvrir une communauté paysanne,
dans un environnement inconnu, ça m'a bien plu. L'intrigue avance
assez doucement, ce qui m'a un peu déroutée, mais ça
donne aussi un aspect poétique au livre.
On entre peu dans la psychologie des personnages j'ai trouvé, et
je crois que j'aurais aimé lire directement plusieurs mangas de
la même série pour en savoir un peu plus sur ces derniers.
En conclusion je suis très contente de l'avoir lu, mais je ne sais
pas encore si j'en lirai d'autres.
Véronique
C'est la première fois que je lis un manga, je ne savais pas du
tout comment ça se lit, j'ai demandé à un collègue.
J'ai bien aimé le fait qu'il ait deux femmes assez fortes, la grand-mère
et la jeune fille.
Le dessin est très beau.
Les grands yeux, j'aime pas trop ça me rappelle Candy.
Ça fonctionne car à la fin j'aurais aimé avoir la
suite.
Tout ce qui a trait au dessin du bois, des maisons, c'est très
chouette.
L'histoire en elle-même, je ne sais pas. C'est excessivement court,
il faudrait lire plusieurs tomes. Je reste sur ma faim, mais c'est une
belle découverte car je n'en avais jamais lu.
Sophie
(une
double première pour Sophie : première séance dans
le groupe et...)
Mon premier manga.
L'entrée dans le livre a été compliquée. Je
savais dans quel sens il fallait tourner les pages mais pas dans quel
ordre lire les vignettes sur une page. J'ai vérifié le mode
d'emploi sur Google... Les premières pages ont été
difficiles à lire. J'étais concentrée sur le sens
de lecture, pas vraiment sur l'histoire ou les dessins.
Et quand j'ai commencé à entrer dans l'histoire,
ça n'a pas été un coup de cur : la vie quotidienne
de la famille, les courses, le ménage
Le visage des personnages,
leurs grands yeux m'ont fait penser aux dessins animés japonais
que je n'aimais pas regarder à la télé quand j'étais
jeune. Donc ça démarrait mal
Et puis après quelques pages, il y a la séquence de la chasse
au lièvre. Et là, j'ai soudain été captivée
par la scène, le découpage des dessins, comme un storyboard
de film, les plans larges, les zooms sur des détails. La façon
dont l'autrice restitue l'action, la vitesse, les mouvements, les onomatopées
Je suis entrée dans le livre à partir de là.
J'ai commencé à regarder plus précisément
le dessin, le graphisme. J'ai beaucoup aimé le chapitre "Le
Talisman", cette rencontre inattendue entre l'enfant et le vieil
ébéniste. C'est contemplatif, on découvre et on savoure
le savoir-faire de l'homme et les dessins sont somptueux, avec une précision
incroyable. Le temps s'arrête. Les cadrages sont cinématographiques,
la scène est poétique. L'oiseau qui vient voler un copeau
de bois pour faire son nid, c'est inattendu et joli.
La suite du livre ne m'a pas procuré ce même plaisir. J'ai
continué d'apprécier la finesse et la précision du
dessin, l'originalité du cadrage, les détails, la place
de la nature, mais l'histoire elle-même ne m'a pas vraiment embarquée.
Certes, Amir est une femme exceptionnelle, pleine de talents, courageuse,
émancipée
et donc féministe, mais le décalage
d'âge entre Amir et Karluk m'a posé problème. J'ai
été gênée par le fait qu'un enfant de 12 ans
se retrouve dans la situation d'être le mari. La scène où
Amir laisse entrevoir son désir m'a mise mal à l'aise.
Et puis, au-delà de la qualité du dessin, j'ai été
frustrée par les textes, les dialogues. Je les ai trouvés
un peu pauvres, un peu plats.
Je me suis demandé à quelle cible s'adresse ce type de manga.
Jeune adulte ? Quel âge ? Plutôt homme ? Femme ?
La postface est intéressante. On change de registre. Il y a du
second degré, de l'humour.
J'ai fini le livre sans vraiment avoir envie d'enchaîner avec les
14 tomes suivants.
Mais consciente d'avoir lu un manga de grande qualité sur le plan
graphique et artistique.
Laetitia
Je me suis intéressée il y a
quelques années, dans les années 2000-2010, aux "yuri",
les mangas lesbiens. Et notamment à l'auteure Ebine
Yamaji, l'une des premières mangaka de yuri édités
en France (éditeur Asuka) : Love my life (Asuka, 2004),
Sweet loving baby (Asuka, 2004), Sur la nuit (Asuka, 2005),
Free Soul (Asuka, 2005) :
Deux autres yuri lus à la même époque : Entre les
draps de Erica Sakurazawa et Blue de Kiriko
Nananan :
Mon avis sur Bride Stories (tome 1) : positif mitigé.
Les points de réserve
- Tout d'abord, j'ai vu que cette proposition de manga n'était
pas un "yuri" (une histoire avec des femmes, mais pas forcément
d'histoires entre femmes), .mais un "seinen" (cf. inscription
sur la couverture). J'ai été un peu déçue,
puis intriguée, car je ne connaissais pas ce type de manga "seinen".
- Une habitude est à (re)prendre concernant le sens de la lecture
et l'enchaînement des vignettes ; cela n'est quelquefois pas très
fluide et on peut perdre le sens.
- Le noir et blanc revêt certes une forme d'élégance
; la couverture m'a donné envie d'avoir davantage de couleurs à
l'intérieur.
- Certains caractères dans les bulles sont vraiment trop petits
; et un "grand format" serait plus confortable.
- Certains personnages se ressemblent et cela crée de la confusion
: par exemple Amir et la grande sur de Karluk.
Les points positifs
- Les 5 chapitres sont équilibrés avec une alternance entre
des scènes de la vie quotidienne et des scènes d'action.
- La "manga postface" ainsi que le schéma résumant
les principaux personnages constituent une aide à la lecture.
- La précision du dessin, les détails minutieux : robes,
bijoux, tissus, gravures, tapis, décorations dans les maisons (un
article de Télérama évoque
un "orientalisme stylisé"), nature (arbres, animaux
)
- On est plongé dans les steppes d'Asie centrale (certainement
au 19e siècle), on découvre les murs, traditions et
coutumes. L'auteure s'est beaucoup documentée, on découvre
une culture différente.
- L'humour : par exemple la scène avec la grand-mère et
son arc, chapitre 4.
- Le personnage d'Amir : très bonne chasseuse, elle a par ailleurs
de nombreuses qualités.
- L'aspect intergénérationnel, des femmes fortes.
- L'aspect féministe et la dénonciation de la condition
des femmes : un mariage arrangé ; on veut récupérer
Amir comme une marchandise ; les commentaires sur son âge ; la violence
envers les femmes ; les femmes qui servent les intérêts politiques
des chefs.
En conclusion, je dirais que c'était une lecture originale pour
notre groupe - un manga historique - avec deux intérêts majeurs
: la précision des dessins et l'aspect géopolitique que
l'on devine, mais la lecture du tome 1 ne suffit pas à s'en rendre
compte.
J'aimerais découvrir un autre manga de Kaoru Mori, celui avec lequel
elle s'est fait connaître : Emma
(2002-2006) et qui se déroule en Angleterre à l'époque
victorienne.
Sandra
Cette lecture fut une découverte de ce monde des mangas. Marie-Yasmine,
tu mentionnais Dragon
au club Dorothée que je regardais, j'adorais
les dessins animés. Mais je ne suis pas vraiment "bandes dessinées",
donc je ne me suis pas penchée sur les mangas. Mais dans mon entourage;
j'ai des gens qui adorent, dont des enfants de moins de 10 ans, donc je
sais que c'est un univers bien plus complexe qu'on ne le croit.
Donc je te remercie, Marie-Yasmine, car j'ai pu lire ainsi mon premier.
Et ce fut une lecture très courte.
Ce qui est très positif, c'est la qualité des dessins. Avec
la minutie du trait, du détail, je rentrais dans les scènes.
Par exemple avec l'ébéniste (chapitre "Le Talisman"),
c'est comme si j'y étais, il y a une puissance du dessin.
Mais le gros écueil, c'est côté narratif qui manque.
Il y a peu de dialogues. Ça pêche de ce côté-là.
Durant la lecture, je me demandais à chaque fois : "Que
veut dire l'auteure ? Que veut-elle nous expliquer ?". Je me
disais qu'elle voulait davantage nous montrer une culture, une façon
dont vivent les gens. Je ne voyais pas la trame narrative. En tout cas
j'ai vécu la découverte d'une culture. Mais il y a trop
de choses, trop de détails sur la vie quotidienne. Ça, j'ai
moins aimé. C'était plus une succession d'épisodes
qu'un récit.
Certes l'héroïne est exceptionnelle, mais peut-être
un peu trop. Peut-être apprend-on par la suite qu'elle a des défauts
?
Marie-Yasmine
Je n'en ai vu aucun jusqu'ici....
Sandra
Il me manque quelque chose dans l'histoire. Par exemple, le journaliste
Smith, on ne sait pas pourquoi il est là. Trop de détails
sur les personnages et pas assez de narration. Je pense que je ne lirai
pas plus de mangas. Mais c'est une belle découverte que ce manga,
que je vois davantage comme un support de beaux dessins.
Joëlle
L
Cest pas mal. En fait, cest
sûrement bien pour, par exemple, se détendre après
une dure journée, parce que ce quon lit nest pas très
très impliquant mais en même temps pas trop navrant.
Les dessins sont très réussis, le découpage est très
bien organisé, notamment pour donner les sensations de vitesse,
de mouvement dune manière générale.
Mais il y a quand même pour moi, en tant que lectrice, plusieurs
problèmes :
- La lecture à lenvers. Ça ne se limite pas à
tourner les pages dans le mauvais sens (le sens qui ne mest pas
habituel), il faut en plus lire les cases en allant de droite à
gauche. Je men suis aperçu au bout dun moment, je ne
comprenais pas grand' chose aux dialogues
- Les visages sont globalement assez peu expressifs. Quand ils expriment
quelque chose, je ne my retrouve pas forcément. Il y a des
expressions détonnement ou damusement que jinterprète
spontanément comme de la colère ou de lénervement.
Il faut rectifier en fonction du contexte et des dialogues éventuels,
ce qui ralentit la lecture et freine la compréhension densemble.
- Il y a aussi le problème des yeux de lémurien auxquels
jai du mal à madapter.
- Enfin, il y a lhistoire, globalement, qui est tout de même
un petit peu légère, la narration est très anecdotique.
Donc, cest sûr que cest bien à lire en sortant
dune dure journée.
Felina
Je
n'avais jamais lu de mangas auparavant. Et je
l'ai lu avec plaisir.
J'ai bien aimé comme toutes les dessins.
Avec le mariage arrangé, j'ai un peu tiqué. Mais j'étais
contente que ce soit le garçon qui soit plus jeune.
C'est le dessin essentiellement que j'ai retenu : certes, c'est un peu
lent, mais j'ai aimé l'aspect méditatif. J'aimais bien le
regard par exemple de l'enfant ébahi.
Je m'attendais à un youri...
J'ai eu du plaisir et je ne dis pas que je ne continuerai pas.
Patricia
En fait, n'étant pas de la génération manga - je
suis trop vieille - je n'en ai jamais lu. De plus comme je n'ai jamais
été très BD, je n'ai jamais eu la curiosité
ni l'idée de m'y intéresser.
Pourtant, j'avais un collègue de travail, grand gaillard de 32
ans, qui était un passionné des mangas et du Japon
: il allait fréquemment au Japon et
sa petite amie était japonaise, avec qui il avait une relation
à distance. Pour moi c'était
un extra-terrestre car il ne vivait que pour ça. C'est là
que j'ai appris qu'il pouvait y avoir des mangas pour adultes.
Pour lire ce petit manga, j'ai eu un certain temps d'adaptation, d'abord
pour comprendre dans quel sens et dans quel ordre des images ça
se lisait. Ensuite il faut avoir une bonne vue, et plutôt regarder
les dessins avant de lire le texte. En effet, il y a très peu de
texte, et donc beaucoup de l'histoire est suggérée plus
par les dessins.
Le livre se lit très vite. Les dessins sont vraiment trop mignons,
et très aboutis, d'une minutie et précision incroyables,
et aussi très beaux, notamment, les habits, les décors,
et le travail sur bois du talisman. J'ai beaucoup aimé le petit
garçon qui regarde le talisman, incroyablement mignon.
L'histoire se découvre au fur et à mesure, il n'y a pas
de lourdeur, beaucoup de délicatesse, de bienveillance, un peu
contemplatif. L'histoire tourne surtout autour d'Amir qui est une jeune
femme forte que les autres admirent, elle sait chasser, elle trouve une
solution aux problèmes, elle utilise un arc, tout comme la grand-mère
chez qui elle est recueillie. J'ai beaucoup aimé ces deux femmes
prêtes à tout pour protéger leur famille. Je me dis
que c'est forcément un livre écrit par une femme, tellement
c'est délicat.
En écoutant les autres du groupe de lecture, j'ai été
surprise de voir tout ce qui avait été suggéré
et perçu dans ce tout petit livre.
En conclusion, j'ai bien aimé ce petit manga qui est le premier
tome, et j'aurais bien aimé savoir la suite de l'histoire. Merci
à Marie-Yasmine pour cette découverte.
Claire
Bo
Je faisais partie des néophytes, ayant fait une tentative avortée
à l'époque où j'avais une secrétaire enjaponéisée
(elle faisait hôtesse à Japan expo...) qui avait une bibliothèque
de 500 mangas : je lui avais demandé de me faire une petite sélection
de mangas d'autrices, mais j'avoue que cela fit flop... je restai empotée.
Ma motivation devait être faible, contrairement à aujourd'hui...
Ayant le mode d'emploi :
j'ai
pris le pli des yeux qui fonctionnent à l'envers pour lire. Par
contre, j'ignorais qu'une des caractéristiques des mangas était
justement les yeux et me demandais mais pourquoi donc fait-elle ces yeux
démesurés !...
Ce tome 1, rapidement lu, m'a donné envie d'en savoir plus : c'est
où le tome 2 de Bride Stories que je demande perdue à
une libraire de la FNAC. Bride Stories ! s'exclame-t-elle transportée
d'enthousiasme. Qu'est-ce que vous appréciez ? lui demandé-je
fine mouche pour enrichir mon avis... Historiquement, artistiquement,
féministement, elle ne tarit point d'éloges. Du coup, j'ai
pris le tome 3 aussi.
Mes réactions rejoignent celles qui ont été formulées
à propos de la qualité du dessin - j'ai aimé les
perspectives dans les décors, les mouvements notamment des chevaux
-, la compagnie d'une super héroïne, et en contrepoids des
arrêts trop longs, par exemple à la cuisine, sans dynamique
narrative. En lisant une des interviews de l'auteure, j'ai compris que
l'intrigue n'est pas ce qui l'intéresse, prétexte à
déployer son art du dessin documenté. J'ai moi aussi confondu
des personnages. L'Européen ne m'a pas semblé très
crédible, un peu vite installé au village. Les onomatopées,
censées être expressives j'imagine, m'ont semblé incompréhensibles
ou invisibles...
Pour ce qui est de la relation maritale, je n'étais pas particulièrmeent
choquée, car ILS S'AIMENT ! J'ai trouvé apparemment paradoxales
cette société patriarcale et cette super woman championne
de tir à l'arc et d'équitation, vivant en tout cas fort
librement avec son mini-mari.
En tout cas, je suis très contente de cette expérience de
lecture : merci, Marie-Yasmine.
Nelly
Eh bien comme souvent
quand j'ai l'impression d'être passée à côté
d'un livre ou de ne pas l'avoir trop apprécié, je préfère
écouter vos commentaires avant d'intervenir, car c'est ce qui m'intéresse
le plus. Cela me permet aussi de nuancer ou de me conforter dans mes impressions.
Je dois admettre qu'en prenant ce livre en main j'ai grogné dès
le début. Je pensais être dans un club de lecture ! BD ou
mangas ne me rebutent pas, mais je préfère développer
mon ressenti autour d'une écriture, d'un style, d'une histoire
"classique", plutôt que de dessins.
Rien ne m'a accrochée quand j'ai commencé ce manga ; alors
j'ai simplement feuilleté sans m'attarder, sachant que ma lecture
était superficielle.
Oui, c'est contemplatif, comme il a été remarqué
; on admire le graphisme, mais il n'y a rien qui explicite les scènes
et quand je lis, j'aime avoir une sorte de fil conducteur ou des suggestions
qui confirment ce que je soupçonnais. Évidemment, ce n'est
pas comme lorsqu'on lit un vrai livre
Du côté de l'histoire : d'accord elle est peu conventionnelle,
puisque c'est la fille qu'on marie à un plus jeune garçon
; l'héroïne est une fille forte, aventurière etc.,
mais je n'ai pas pour autant senti d'empathie envers elle ni les autres
personnages. Il n'y a pas d'insolence, je ne vois pas où est l'argumentaire
qui appuierait la dénonciation comme j'ai entendu. Amir (l'héroïne)
chasse, elle est bonne cavalière, mais dites donc au passage...
la cavalière chasseresse, ce n'est pas très végan
pour des lesbiennes véganes(houle non végétarienne
dans l'assistance...).
Par ailleurs, cela ne va pas assez vite, il y a des scènes que
je trouve répétitives et que je ne comprends pas du tout
ou qui sont interminables.
Comme le livre est court, je ne suis quand même pas arrivée
jusqu'à l'ennui, mais je confirme, j'ai dû passer à
côté.
Joëlle
M
Je
n'avais jamais lui de mangas, moi non plus.
J'ai été déroutée, je ne savais pas qu'il
fallait commencer dans le sens inverse. Donc, en commençant le
livre j'ai vu "À bientôt"... Bon, j'ai fini par
comprendre, j'ai pris le livre à l'envers, je suis tombée
sur le sommaire, je me suis dit c'est bon. Mais comment faut-il le lire ?
De bas en haut, de gauche à droite, de droite à gauche...
: à chaque page, je me disais est-ce que tu lis dans le bon sens
?...
Les images sont très belles, il y a peu de dialogue hélas.
Je n'ai pas accroché aux personnage, même si Amir aurait
pu m'intéresser.
Je l'ai lu d'une façon superficielle, j'avais les 12 autres empruntés
à la bibliothèque. Que je rendrai sans les avoir lus...
Hormis le graphisme, je suis passée complètement à
côté.
Flora
J'ai lu beaucoup de mangas. J'ai été très surprise
en lisant Bride Stories car ce n'est pas le genre que je lis. Je
lis des shônen comme Demon
Slayer ou comme - et Flora sort ses livres - One
piece ou Bleach
:
Mais je suis très contente d'avoir découvert autre chose.
Deux points positifs sont pour moi d'une part l'héroïne :
car pour la première fois la femme n'est ni sexualisée ni
femme enfant, comme dans les shônen de garçon One
Piece, avec des auteurs masculins. Et d'autre part l'aspect culturel
d'autre part : les dessins sont magnifiques, j'ai beaucoup appris.
Malgré ces deux points positifs, je ne souhaite pas poursuivre
ma lecture, car à l'instar de Nelly et Sandra je trouve qu'il manquait
un fil conducteur à ce manga. Dans ce que j'aime, on sait tout
de suite où on va.
Mais avec Bride Stories, je suis contente d'avoir découvert
autre chose. Merci beaucoup Marie-Yasmine.
Marie-Yasmine
Je lis des mangas depuis très longtemps, enfant, ado, je ne sais
plus.
Je lis surtout des shôjo, des mangas pour filles, avec beaucoup
de lycéennes, des triangles amoureux, globalement des histoire
cucul ; mais j'y trouve aussi autre chose, et notamment beaucoup de femmes
fortes, qui font face à des situations difficiles avec courage
(harcèlement par exemple). On taxe trop de sexiste l'aspect girly,
on dit ce sont des trucs de filles avec des rubans dans les cheveux, et
la culture féminine est souvent dévalorisée et considérée
futile. Je défends l'idée d'une culture féminine
forte, qui n'a pas besoin de copier les valeurs masculines pour être
intéressante et puissante.
J'avais lu des seinen aussi, mais plutôt très sombres et
je n'ai pas accroché, et je me suis mise aux shônen récemment.
Bride Stories est le premier seinen que j'apprécie vraiment,
d'ailleurs on y retrouve des codes du shôjo, avec une héroïne
inspirante, forte, courageuse, toujours souriante même dans les
difficultés, c'est une super héroïne. La dimension
de découverte d'une époque et d'une culture est aussi très
bien réalisée et documentée ; à chaque tome,
il y a un passage qui se concentre sur un aspect particulier, la broderie,
le pain, les rites du mariage, etc.
Je déteste pourtant les BD et les comics, à part Boule
& Bill ou Astérix ; mais je ne sais pas pourquoi,
les mangas j'adore ça, je rentre plus facilement dans les dessins,
on est dans une atmosphère, j'adhère beaucoup plus qu'aux
BD.
L'histoire est lente mais intéressante. Le premier tome sert surtout
à poser le contexte, et les personnages sont plus approfondis au
fil des tomes. Il y a beaucoup de personnages différents, y compris
féminins, chacun avec ses particularités.
Je lis aussi des webtoon
coréens, ils sont principalement créés pour être
lus en scrollant sur un mobile, et sont colorés, mais les plus
appréciés sont ensuite édités dans un format
plus grand que les mangas, sur papier glacé et en couleurs.
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