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Nous avons lu pour le 12 janvier 2025
un manga de Kaoru MORI

trad. du japonais Yohan Leclerc, Bride stories, éd. Ki-oon, 192 p.
Nous avons lu le premier tome, mais il y en a 15...

Bande annonce du manga=>ici (20 s)

Découvrez NOS RÉACTIONS sur ce livre

Les débuts de Kaoru Mori au Japon
Les débuts de Kaoru Mori en France

Qui est son éditeur
?
Interviews de Kaoru Mori, presse
En savoir un peu plus sur le manga ?

Les débuts de Kaoru Mori au Japon
Née en 1978 à Tokyo. Kaoru Mori rêve tout d’abord d’être artiste peintre, puis elle change petit à petit de voie pour s’orienter vers des études d’architecture. Le manga prend une place dans sa vie et, au lycée, elle se met à réaliser des doujinshi sous le pseudonyme de Fumio Agata, ayant pour thème central des domestiques (des maids, femmes de chambre de l'Angleterre victorienne) et qui seront ensuite publiés sous le titre de Shirley. Elle est repérée par l'éditeur Enterbrain et publie en 2001 Emma, son premier manga en tant que professionnelle.
La série Bride Stories a débuté en 2008 dans le magazine Fellows ! devenu Harta ensuite, et le premier volume relié est sorti un an plus tard en 2009.

Aviez-vous une passion pour le dessin ou la bande dessinée ?
J'ai toujours eu une passion pour le dessin, dès mon plus jeune âge. Je pense que dès que j'ai eu un crayon entre les mains j'ai commencé à dessiner. (...)

Qu’est-ce qui vous a amenée sur la voie du manga et du dessin ?
A partir du collège, j'ai commencé à lire beaucoup de mangas, de façon plutôt intensive. Les années ont passé, je suis arrivée au lycée, et à force de continuer à lire des mangas, l'envie m'est venue d'en dessiner moi-même, d'où mes tentatives amatrices avec des doujinshi. À cette époque je n'avais pas pour objectif de devenir une mangaka professionnelle, dessiner restait surtout pour moi un loisir et une passion de fan, et ça s'est couplé à une envie de créer mes propres histoires.
La suite, vous la connaissez : c'est mon éditeur, Enterbrain, qui m'a repérée et m'a affirmé que j'avais ce qu'il fallait pour devenir mangaka professionnelle. (...)

Vous disiez avoir commencé dans le doujinshi avant d'être repérée par votre éditeur. Est-ce que la transition entre amateurisme et professionnalisme a été facile ?
La plus grande difficulté au début a été de m'adapter au format des planches professionnelles, qui sont plus grandes. Il faut donc augmenter le niveau de détails, sinon on a l'impression que le dessin est assez vide. Il y avait aussi ma technique d'encrage au stylo, que je ne maîtrisais pas aussi bien qu'aujourd'hui. Quand j'y repense, à l'époque je n'étais vraiment pas douée (rires). (Manga-news, avril 2014)

Les débuts de Kaoru Mori en France
En 2012, Kaoru Mori et son manga Bride Stories reçoivent le prix Intergénérations au Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, qui récompense une bande dessinée transcendant les catégories d’âge.
Pourtant, il s’agissait d’un titre auquel aucun éditeur français ne croyait : ses précédents mangas, Emma et Shirley, publiés aux éditions Kurokawa, avaient été des échecs commerciaux ; de ce fait, il était plus compliqué pour l'éditeur de défendre un titre inédit sans s’appuyer sur un précédent succès de l’auteure. Et pourtant, Ki-oon publie de nouveau Kaoru Mori, convaincu de son potentiel.

Qui est son éditeur français ?
La version française est éditée par Ki-oon en 2011, d'abord en petit format, puis en grand format dans la collection "Latitudes".
C'est Ahmed Agne, fils d’un Sénégalais installé en France, qui a créé Ki-oon, premier éditeur indépendant de mangas en France. Oui, il parle japonais ! Le Monde fait son portrait :

En 2003, ce trentenaire qui a grandi à Trappes a cofondé Ki-oon, une maison d'édition spécialisée dans les mangas. Grâce à une stratégie audacieuse, le succès est au rendez-vous. Deux de ses productions sont sélectionnées pour le Festival d'Angoulême.
Cinq millions et demi d'euros de chiffre d'affaires en 2015. La maison d'édition Ki-oon, spécialisée dans le manga et installée dans 230 mètres carrés de bureaux au cœur du 9e arrondissement de Paris, se porte bien. Du chemin a été parcouru depuis la cité HLM de Trappes dont Ahmed Agne, le directeur, est originaire. "Ceux qui disent : 'Regardez-le, quand on veut, on peut' se trompent, coupe court le presque quadragénaire. Je ne suis pas un exemple, plutôt le résultat d'une équation où la motivation a été l'un des facteurs. Mais pas le seul."
Première donnée de ce calcul : son père, ouvrier mécanicien arrivé du Sénégal dans les années 1970. "On n'avait pas d'argent, mais il m'a donné une arme fabuleuse : une carte de bibliothèque", aime-t-il raconter. Tintin, romans, mythologie égyptienne... Dans la chambre qu'il partage avec ses cinq frères et sœurs, Ahmed dévore tout.
Puis viennent les années1990. À la télé, le "Club Dorothée" diffuse de nouveaux dessins animés venus du Japon. "Avec Olive et Tom ou Les Chevaliers du zodiaque, on pouvait enfin s'identifier à des personnages qui vivaient les mêmes choses que nous : premières amours, amitiés trahies..."

Un séjour de deux ans au Japon
Il passe des heures à noircir des cahiers de silhouettes aux grands yeux. Sa passion pour l'animation nippone aurait pu s'arrêter là. Mais une nouvelle variable entre dans l'équation : son père insiste pour qu'il intègre un collège à quelques kilomètres de Trappes. "J'y ai découvert la mixité sociale en côtoyant des fils de médecins, d'artistes... Mon horizon s'est ouvert."
Au lycée, il achète ses premiers mangas et les décrypte en VO muni d'une méthode Assimil. La fac de japonais s'impose. À la faveur d'un programme d'échanges, il passe même deux ans au Japon. Là-bas, ce grand Peul de 1,90 mètre détonne. "Le premier jour, le chauffeur de bus, effrayé, ne s'est pas arrêté", se souvient-il amusé.
De retour en France, bardé d'un diplôme de maîtrise et de lettres de recommandation, il déchante vite. Deux cents candidatures, aucun entretien. Parallèlement, avec Cécile Pournin, une amie de fac, ils assistent à l'explosion du manga en librairie. À l'époque, l'offre se limite à des shônen, des BD pour jeunes garçons type Dragon Ball, et les deux passionnés ne s'y retrouvent pas. Progressivement, l'idée leur vient d'éditer des seinen, des œuvres pour adultes.

Des choix éditoriaux novateurs
En 2003, ils se lancent. Le marché du manga en France consiste à racheter des licences aux éditeurs japonais. Ahmed et Cécile ont une autre stratégie : tous les deux bilingues, ils se rapprochent directement d'auteurs indépendants, méconnus au Japon. Nuit blanche après nuit blanche, ils construisent leur catalogue. Pendant cinq ans, Ki-oon se résume à un canapé et deux ordinateurs dans le studio d'Ahmed, à Trappes. Puis, ils se versent enfin un salaire et embauchent leur premier employé. "Leur force, c'est leur passion, mais surtout leur vision marketing, pointe Christophe Lenain, libraire spécialisé. Ils ont été les premiers à proposer des extraits en ligne ou à organiser des rencontres entre fans et auteurs."
Ahmed Agne fait aussi preuve d'audace éditoriale. Il mise à la fois sur une valeur sûre, la science-fiction, et sur des sujets plus controversés pour attirer un nouveau lectorat. Son dernier pari en date, A Silent Voice, mêle handicap et harcèlement à l'école. Et ça marche. Avec des séries dont les ventes dépassent 600 000 exemplaires, Ki-oon est aujourd'hui le quatrième éditeur de mangas en France - et le premier indépendant - et représente 10 % de parts de marché.
Consécrations, l'une de leurs productions a été vendue dans dix pays, dont le Japon, et deux sont nominées au Festival d'Angoulême (du 28 au 31 janvier). Mais à titre personnel, Ahmed savoure une autre victoire : "Ma mère a enfin arrêté de dire à ses copines que son fils faisait du chinois." ("Ahmed Agne, éditeur de mangas à la force du poignet", Corinne Soulay, Le Monde, 11 janvier 2016).

Montrant l'importance de cet éditeur, Carole Fabre consacre son master 2 à "L’évolution du marché du manga en France à travers une nouvelle génération d’éditeurs : le cas des éditions Ki-oon (Université Paris Nanterre, Pôle Métiers du livre, 2020, 164 p.).

Dans l'article sur l'éditeur, apparaissent les termes suivant relevant de catégories de mangas liés au public visé : shônen et seinen. Quelques précisions lexicales :

- Kodomo : pour un public d'enfants, quel que soit son genre.
- Shônen : pour un public masculin jeune.
- Shôjo : pour un public féminin jeune.
- Seinen : pour un public masculin jeune et adulte.
- Josei : pour un public féminin jeune et adulte.
- Seijin : pour un public adulte et plus.

Rencontres avec Kaoru Mori sur son travail et sur Bride stories

- "Bride Stories : taillé à la steppe", Marius Chapuis, Libération, 26 avril 2014. Extraits :

On s'attendait donc à rencontrer une auteure timide, discrète. C'est une femme très apprêtée et bavarde qu'on découvre dans le salon d'un hôtel parisien, vêtue d'un élégant furisode noir et fleuri, l'un des kimonos les plus nobles. Comme ses héroïnes, Mori sensei écrase la salle de sa présence.
On cherche à comprendre d'où une Japonaise de 35 ans tire une telle connaissance des steppes. "C'est beaucoup de lectures. Malheureusement, je ne suis jamais allée là-bas. Je travaille avec énormément de documentation : des romans, des recueils de photos, des essais, des travaux universitaires, d'ethnologie notamment. Je me suis beaucoup inspirée de l'Ouzbékistan et des traditions tadjikes, mais je reste volontairement vague sur les lieux afin de pouvoir prendre quelques libertés. Le principe même de Bride Stories est de rencontrer différentes cultures."
Kaoru Mori s’était déjà illustrée par son habileté à reproduire l’atmosphère de l’Angleterre de Jane Austen avec sa première série, Emma, une femme de chambre vivant à l’époque victorienne. Avec Bride Stories, sa précision devient envoûtante, au point de conduire le lecteur à faire des recherches sur les tenues en feutre des Kirghizes.
Afin de mieux saisir la minutie de son travail, on demande à l'auteure de nous commenter quelques planches. Son choix s'arrête sur une double page du second volume. La scène (voir dessin ci-dessous) représente Tileke, la jeune sœur de Karluk, saisie sur le vif à l'intérieur d'une yourte. Emmitouflée dans un drap, elle doit apprendre à broder des animaux totems.

"Il y avait plein de paramètres à prendre en compte pour ne pas étouffer le dessin. Il fallait que je fasse attention à la gestion des éclairages, à l'équilibre entre les zones sombres et claires. C'était important qu'il n'y ait pas des motifs absolument partout, il faut toujours se garder un espace de respiration autour du personnage, pour qu'il ne finisse pas noyé sous les détails. C'est pour ça que je me suis concentrée sur les drapés au premier plan tout en aérant autour de Tileke. Ça a été un long travail de recherche technique afin de reproduire correctement les broderies, notamment pour trouver la bonne façon d'orienter les traits, les lignes croisées, horizontales, les hachures. Le gros du boulot est au niveau des angles. Enfin, le trait qui démarque le premier plan de celui sur lequel se trouve le personnage est plus appuyé, pour créer du contraste." Ces jeux d'arabesques et d'entrelacs mettent en valeur les étoffes, qui jouaient à l'époque un rôle quasi chamanique, par exemple en protégeant des maladies. Ce travail méticuleux semble incompatible avec les délais de production imposés par l'industrie du manga, où les éditeurs attendent un chapitre d'une vingtaine de pages toutes les deux semaines. "C'est vrai que je devrais passer deux semaines par épisode... Mais en réalité, il me faut souvent un mois."

Derrière Kaoru Mori, un homme d'une trentaine d'années, jusqu'alors resté très discret, s'esclaffe. Il s'agit de Keisuke Okamoto, son tantô (responsable éditorial). Une personne clé, chargée d'assister l'auteure tout en jouant les intermédiaires avec la maison d'édition. "On fait énormément de réunions ensemble. Avant de travailler sur le scénario, on confronte nos idées, ce que je veux faire et ce que mon éditeur voudrait voir. Puis je me consacre au nemu [un story-board, ndlr] et mon tantô m'explique ce qu'il faut modifier. C'est là que la plupart des changements se font, puisque j'ai encore le temps d'ajouter des pages, de modifier le scénario ou de changer la composition des planches. S'il juge que ce n'est pas bon, je recommence tout. Il peut y avoir plusieurs allers-retours. Ça arrive qu'on me dise OK du premier coup, mais c'est rare [rires]. Il a toujours plein de choses à redire. Il me demande souvent de mieux soigner les personnages. Mais son aide est précieuse pour le découpage. Par exemple, pour la première page de Bride Stories, je voulais montrer les personnages le plus vite possible, histoire de créer un lien avec Amir. Mon tantô était d'accord, mais il m'a fait ajouter une double page afin de remettre du contexte, de mieux décrire la région. Lors du dessin proprement dit, j'ajuste le placement de quelques bulles pour que ce soit plus lisible mais je ne touche quasiment plus au découpage. Les dernières étapes sont l'encrage, le gommage."

Pour tenir les délais, les auteurs s'entourent d'assistants, souvent aspirants mangakas. Ces travailleurs de l'ombre sont généralement en charge des décors ou des arrière-plans. Kaoru Mori, elle, n'en emploie que deux et leur boulot ne doit pas être des plus réjouissants. "Ils sont chargés des finitions. Je leur demande d'ajouter du noir pour redonner du peps à l'encre qui a souffert lors du gommage. Et encore... Je m'en charge de plus en plus. J'aime bien mettre plein de noir partout. Ils s'occupent aussi des trames." Spécificité du manga, la pose des trames permet de fignoler l'éclairage d'une scène. Il s'agit d'une simple feuille adhésive transparente sur laquelle sont imprimés différents motifs de points plus ou moins denses. Une fois collée, la trame est grattée afin de ne conserver le gris que sur les zones où l'on veut un effet d'ombre.

Rare entorse à sa traditionnelle discrétion médiatique, Kaoru Mori a laissé une équipe du site Comic Natalie la filmer lors de la confection d'une planche, en 2008. Une demi-heure hypnotique. Quelques coups de crayon dans le vide pour trouver le geste juste et ce qui ressemblait à des lignes éparses prend un souffle épique : Amir chevauchant dans la steppe. Le niveau de certitude dans le trait est bluffant. Tout du long, l'auteure reste hors-champ, mais un détail interpelle : elle porte des gants blancs. Une coquetterie pour ne pas s'abîmer les mains ? "Pas du tout, s'amuse-t-elle. C'est pour éviter que la sueur ne dégrade l'encre. Et puis c'est comme pour un chirurgien : une fois les gants enfilés, on passe en mode "sérieux"."
(On peut la voir dessiner =>ici avec ses gants blancs en 2008)

- Interview réalisée lors du même séjour à Paris, lors du Salon du Livre en mars 2014, propos recueillis par Nicolas Penedo, Manga-news, avril 2014. Extraits :

Vos deux séries évoquent des amours assez particuliers, assez atypiques (un fils de bonne famille avec une domestique dans Emma, et une femme de 20 ans avec un garçon de 13 ans dans Bride Stories), et des histoires de mariage assez diverses, l’amour pur de vos héros devant faire face aux pressions familiales et aux volontés de mariage d’intérêt. De ce fait, quelle est votre vision de l’amour et du mariage ?
En vérité, je ne suis pas si intéressée que ça par les histoires d'amour, au début c'était même un genre avec lequel je n'étais pas à l'aise (rires).
Dans le déroulement des histoires, moi je souhaite avant tout me centrer sur les relations unissant les personnages, mais ce que les gens ont avant tout envie de lire ce sont apparemment les histoires centrées sur l'amour, et c'est comme ça que j'en suis arrivée au résultat d'Emma et Bride Stories, en écoutant plutôt les désirs des lecteurs.

Ce qui ne vous empêche pas de vous intéresser aux relations qui vous tiennent tant à cœur ! Au niveau des familles mais aussi des communautés, il y a beaucoup de vie dans vos séries. Les scènes de danse et de fête dans Emma ou lors des mariages de Bride Stories sont très marquantes, par exemple. Il y aussi les enfants très vivants, les anciens qui veillent sur les plus jeunes et leur apprennent leur art, les cousins et autres personnages hauts en couleur comme Pariya… Il y a une vraie ambiance de communauté, des relations précieuses entre générations.
C'est vraiment quelque chose qui me tient beaucoup à cœur, merci de le remarquer. Au Japon, aujourd'hui il n'y a plus cet esprit de communauté, cet esprit de grande famille qui s'organise autour d'une maison ou d'un lieu. Ce type de vie disparaît, ce que je regrette un peu, et du coup je me suis dit que ce serait vraiment intéressant de raconter tout ça.
De plus, dans beaucoup d'œuvres, on a souvent des histoires de famille où les querelles dominent, au contraire des histoires, plus rares, où on met en avant la vie de famille en communauté de manière plus pacifique, en montrant le quotidien. Je trouvais ça un peu dommage, et je voulais donc montrer qu'on peut aussi faire de belles histoires avec des choses plus simples. Et j'adore ce principe de grande famille mêlant les générations.

De ce fait, vos mangas ont beau se passer à des grandes époques de l’Histoire, vous vous intéressez plus à vos personnages et à leur quotidien plutôt qu’aux faits historiques, même si ceux-ci sont véridiques. Surtout dans Bride Stories, vous dépeignez la culture, le contexte social… Votre démarche est proche de celle d’un anthropologue, or on dit souvent que Bride Stories est un manga historique. Qu’en pensez-vous ? Vous, comment qualifieriez-vous votre œuvre ?
Pour moi cela reste une forme de récit historique. Bride Stories est une histoire d'époque, mais plutôt que de raconter une sorte de fresque géopolitique avec les grands événements principaux comme dans un cours d'Histoire, je préfère m'intéresser aux gens de l'époque, à leur façon de vivre, leur coutumes, leurs habitudes... Je souhaite montrer la vie des gens à l'époque, car notre vie aujourd'hui n'est plus comme ça. À mes yeux ça reste historique. Je pense que l'Histoire, ce n'est pas que des dates, des grands faits, des guerres et de la géopolitique.
Ce que j'adorerais par-dessus tout, c'est que si les gens de l'époque pouvaient lire mon manga, ils se disent que leur vie était effectivement comme ça.

Vous aimeriez nous dire de ne pas oublier comment était la vie à l'époque et comment elle a évolué depuis ? Faire une sorte de devoir de mémoire ?
Mon idée principale était de faire découvrir une culture différente, parce qu'il y a toujours un intérêt à découvrir des choses qui sont différentes de ce que l'on connaît, à sortir des terrains connus pour prendre connaissance d'autres modes de vie et d'autres traditions. C'est vraiment dans ce but que j'écris Bride Stories. La série reste avant tout un divertissement et n'a pas d'objectif scientifique, elle cherche juste à raconter la vie de personnages différents et des coutumes qui ont existé.

Dans vos postfaces d’Emma et Shirley on apprenait que pour dessiner Dorothea vous vous étiez inspirée de Maria Callas, pour le marchand de farine dans Shirley de John Belushi, pour Nelly de Marilyn Monroe… Y a-t-il ce type d’inspirations pour certains personnages de Bride Stories ?
Ce sont des clins d'œil à des personnalités que j'aime beaucoup (rires). En ce qui concerne Bride Stories, je n'ai pas fait ce genre de petites références à des personnes célèbres. Par contre, je me suis basée sur une photo d'époque d'un inconnu pour dessiner le père de Karluk.

Ce qui frappe aussi dans vos œuvres, c’est une forte mise en avant des femmes fortes ! Dans Emma l’héroïne fait face à son amour avec courage, idem pour Eleanor quelque part. Dans Bride Stories Amir sait presque tout faire, est une mariée très attentive et une incroyable chasseuse, et la grand-mère Balkish a le dessus sur bien des hommes ! Vous aimez aussi les présenter de façon charmante et un peu affriolante comme la bunny dans votre tanpenshu , mais elles restent toujours classes, plutôt fières et savent remettre les hommes à leur place ! Bref, les exemples ne manquent pas... D’où vient ce goût pour les femmes aussi belles et fortes, pour cette sorte de "girl power" ?
Je pense que le héros ou l'héroïne d'une histoire doit être un personnage auquel on a envie de s'attacher, dont on a envie de se rapprocher, un peu comme un objectif à atteindre. C'est pour ça que j'ajoute souvent ces touches de charisme supplémentaire, cette force de caractère, car ça rend les personnages encore plus attirants.
Du coup, je ne sais pas si on peut parler de "girl power", ou alors c'est un peu inconscient de ma part (rires). C'est surtout que mes personnages principaux sont la plupart du temps des femmes, et que j'ai une admiration pour les femmes fortes. Et si l'on me demande pourquoi des femmes, je dirais que c'est parce que j'adore les dessiner ! Leurs cheveux, leurs mains, leurs courbes... Ce sont des choses que je prends énormément de plaisir à croquer, que ce soit dans des vêtements de maid, des costumes d'époque ou des tenues de bunny (rires). (...)

Quand on lit vos mangas, on se rend compte que votre style graphique n'est pas du tout-venant. Vous avez un trait particulier, une façon extrêmement précise et minutieuse de dessiner, notamment, les tapisseries, les motifs ou les costumes dans Bride Stories. Cela vient-il d'une influence particulière ?
Je pense que le souci du détail vient de mon côté plutôt borné (rires). J'ai envie de tout dessiner très précisément, de la façon la plus correcte possible. Et j'aime beaucoup dessiner les tapisseries et autres éléments de ce type, où l'on trouve des motifs très denses. C'est un type de dessin qui me plaît beaucoup, à moi qui ai toujours tendance à vouloir rajouter beaucoup de choses. (...)

Pouvez-vous nous expliquer comment vous travaillez sur un manga ? Nous présenter votre emploi du temps et les différentes étapes des nemu, des débuts du storyboard jusqu'à l'encrage final et au manuscrit adressé à votre éditeur.
J'ai une deadline d'un mois, que j'essaie de diviser en différentes parties.
En général, j'essaie de la diviser en deux : deux semaines de recherches, de documentation et de création de scénario, et deux semaines sur le dessin.
Au début de la première semaine, je rencontre mon éditeur et on discute de façon très légère de ce qu'on va faire. On discute de mes propositions et de l'orientation du chapitre à venir. Ensuite je m'attelle à la construction du nemu, où l'on retrouve de façon très simple et crayonnée le chapitre au complet. C'est une étape très importante, car c'est le premier pas vers la finition du manga. Pour faire le nemu d'une chapitre de 24 pages, cela me prend généralement quatre jours. Ensuite je l'amène à mon éditeur et on discute de ce qu'on va faire, des endroits qu'il faut couper, de ce qu'il pense que je devrais enlever, ajouter ou déplacer. Et une fois que tout est ok, je peux commencer le travail sur les planches. Quand les crayonnés des planches sont finis, je passe à l'encrage au stylo. Généralement, c'est ce qui me prend le plus de temps. Ensuite, il faut gommer les restes de crayonnés, repasser sur qui a été perdu au niveau de l'encre, et faire les aplats sur les zones qui doivent être complètement noircies. C'est à partir de cette étape que je fais appel à mes deux assistants, qui procèdent avec moi à ces finalisations. Après ça, on passe aux trames, des calques spécifiques qu'on applique pour retranscrire des motifs récurrents. Cette dernière étape prend environ 2 ou 3 jours.

Quelle est l'étape que vous préférez sur la création d'un manga ?
J'adore tout (rires). Je pense que je me sens vraiment bien et plus légère quand le nemu est approuvé par mon éditeur, c'est toujours un instant de soulagement. Après ça, il n'y a plus qu'à dessiner, alors d'un coup ça va beaucoup mieux. Dessiner, c'est toujours un plaisir. (...)

Quel est votre personnage préféré dans Bride Stories, et pourquoi ?
Évidemment, c'est Amir, parce que c'est le personnage qui me demande le plus de travail, et c'est donc celui auquel je me suis le plus attachée.

Vos deux œuvres phares, Emma et Bride Stories, se passent toutes deux loin du Japon, au 19ème siècle. Pourquoi ces choix ?
Ce sont des endroits qui m'ont toujours passionnée, et je pense que si j'ai pu aborder ces thèmes, c'est grâce à mon éditeur qui est très libre là-dessus, là où beaucoup d'éditeurs ne souhaitent justement pas publier des histoires trop éloignées des lecteurs. J'ai eu le feu vert pour faire les histoires qui m'intéressaient, et j'ai donc pu faire ce que je voulais. Je pense qu'il y a beaucoup d'auteurs qui voudraient aussi faire des mangas autour d'autres pays que le Japon, mais qui sont peut-être limités par le magazine de prépublication pour lequel ils travaillent.

Qu'est-ce qui vous attire dans les tribus d'Asie centrale de Bride Stories, dans cet environnement culturel peu abordé ?
J'aime beaucoup lire, et j'ai lu beaucoup de récits de voyage sur ces régions du monde. Plus j'en lisais, plus j'avais envie de découvrir ces régions. Je me suis intéressée pas seulement aux livres, mais aussi aux recueils de photographies où l'on retrouvait la vie de l'époque dans ces régions. C'est une passion qui est née il y a longtemps, et qui a grandi au fil du temps. (...)

On a une relation très étonnante entre Amir et Karluk puisque l'une a 20 ans et que l'autre est de 8 ans son cadet. D'où vous est venue cette idée de créer une relation amoureuse entre une jeune femme et un très jeune homme ?
Ce que je voulais faire en premier lieu, c'était retranscrire une réalité de l'époque, montrer que la notion de couple pouvait être ainsi en Asie Centrale à cette époque, où ce n'était pas forcément une question d'âge comme dans notre vision moderne du couple.
Et cette différence d'âge était aussi un bon moyen de piquer la curiosité du lecteur et de lui donner envie de lire les aventures de ces personnages.(...)

Une scène du premier tome de Bride Stories m'a beaucoup touché : celle où un artisan est en plein travail et où un enfant l'observe. On voit à cet instant un travail très précis sur la façon dont cet artisan crée son œuvre et sur le regard émerveillé de l'enfant. Est-ce que ce travail d'artisanat est pour vous une façon de mettre en scène votre propre travail de dessin ? Et en quoi considérez-vous qu'il y a une valeur spirituelle de transmission de savoir-faire du vieil homme à un enfant ?
Je suis passionnée par tout ce qui est artisanat et création, c'est quelque chose qui me tient à cœur, et j'avais envie de rendre hommage à cette culture dans la fabrication, la découpe du bois, la gravure, la couture, les tissus... Tout part de l'Asie centrale, et c'est quelque chose que je souhaite vraiment mettre en avant dans mon manga, parce que c'est quelque chose que j'adore et que je trouve vraiment magnifique. (...)

Dans Bride Stories, chaque personnage a des costumes différents. Est-ce qu'il y a eu de la documentation pour chaque cas ?
Pour Amir, j'ai utilisé plusieurs costumes traditionnels de différentes régions que j'ai arrangés et un peu mêlés. Par contre, pour les autres personnages comme les jumelles ou Thalas, ça a été fait à partir de la documentation sur les costumes d'époque dans la région concernée. (...)

Vous êtes non seulement très douée pour ce qui concerne les relations amoureuses et le travail de l'artisanat, mais on a aussi droit dans Bride Stories à des scènes d'action spectaculaires dignes de blockbusters américains. D'où vient votre inspiration pour ces scènes ? Comment travaillez-vous pour mettre en scène ces séquences d'affrontements ?
Difficile de répondre en ne citant que quelques exemples, car c'est l'accumulation de tout ce que j'ai pu voir ou lire dans le genre qui m'a apporté une expérience dans ce genre de scène.
Mais je peux quand même dire que les cavaliers, c'est quelque chose que j'adore. Je me suis retenue le plus longtemps possible de mettre des scènes de combat à cheval, mais pour le sixième volume je voulais changer un peu l'ambiance dans l'histoire, qui jusque-là était assez paisible et beaucoup plus centrée sur les personnages féminins. Je ne vais pas dire que c'était du fan-service pour les hommes, mais un petit peu quand même (rires). J'avais envie de faire ça depuis le début, et avec surprise ça a aussi beaucoup plu aux dames.

Concernant Bride Stories, avez-vous reçu des messages de personnes habitant cette région du monde et ayant lu votre manga ?
Oui, j'ai eu des commentaires de personnes vivant dans cette région. Depuis le début ça me faisait peur, et au final ils m'ont dit que c'était quand même un peu éloigné de la vérité historique sur certains éléments, mais que c'était vraiment une histoire passionnante et intéressante. Donc dans mon sens j'ai atteint mon objectif, parce que ce que je voulais avec cette histoire, c'était que les gens originaires de cette région prennent du plaisir à la lire. J'étais contente et soulagée. (...)

Quelle importance donnez-vous à l'écriture de vos postfaces, qui sont toujours agréables à lire ?
Je le fabrique comme je fabrique le manga, avec les mêmes étapes. Il est fait avec amour, comme le manga (rires). Et quand je trouve quelque chose d'intéressant à y mettre, je peux prendre plusieurs jours juste pour ça. (...)

Dans vos postfaces, votre avatar est amusant, dépareillé, avec les cheveux hirsutes. Pourquoi ?
Quand j'étais lycéenne, je m'entraînais devant le miroir à me dessiner, et ça donnait ça (rires). (...)

(Extraits de l'interview, réalisée lors du Salon du Livre en mars 2014, publiée par Manga-news. Les mangakas préfèrent qu'on connaisse leur avatar sur les réseaux sociaux plutôt que leur visage dans la vie réelle. Voici quand même celui de Kaoru Mori...
Aussi, les Japonaises Fei Fong Wong et Kaoru Mori ont-elles refusé de donner une photographie d'elles-mêmes pour le programme officiel. Et, lors des séances de dédicaces, des agents de sécurité sont chargés de veiller à ce qu'aucun fan ne puisse faire de selfie à leur côté, afin de préserver leur anonymat visuel...)

- Voir une vidéo sur le salon du livre de 2014, avec en particulier à partir d'1min45 Kaoru Mori qui dessine en même temps qu'elle parle (il y a des sous-titres). Voir aussi Kaoru Mori dessiner le visage de son héroïne =>ici

- D'autres rencontres à propos de Bride Stories :

Le scénario, c’est un peu un prétexte pour présenter la région. L’Asie centrale, c’est grand, c’est même très grand, et le fil conducteur de tout ça, c’est une sorte de voyage qui va faire découvrir le pays au travers des personnages qui y vivent. (...)
J’aime tout ce qui est costume traditionnel, peu importe le pays. Ce sont toujours des choses magnifiques et très intéressantes à étudier, à reproduire. (...)
Jj’ai des modèles. J’ai accumulé énormément de documentation, de photos, de livres, des détails sur cette époque précise, que je regarde attentivement pour tenter d’y rester fidèle. (Kaoru Mori, talentueuse mangaka : l’interview !", Sarah Bocelli, Madmoizelle, 26 mars 2014)

Quand je prépare le manga, l’image et l’histoire sont indissociables, je visualise les deux ensemble. (...)
En fait si on dessine des personnages masculins, cela génère des attentes vers plus de batailles, plus de politique, des intrigues qui sont plus globales, alors que je voulais dessiner du quotidien, présenter la culture de tous les jours et comment vivent les populations. Les personnages féminins permettent, en quelque sorte, d’éviter les attentes qui vont avec les personnages masculins… Je peux présenter la vie ordinaire des gens, ce qu’ils mangent etc., sans bousculer les codes ou habitudes de lecture. (...)
Les cavaliers c’est quelque chose que j’adore et je me suis retenue jusqu’ici de ne pas mettre de scènes de combats à cheval. L’histoire était plutôt calme et reposée, centrée sur les personnages féminins, mais pour le 6e tome j’ai pu insérer des scènes de combats entre cavaliers, ce qui était mon rêve depuis très longtemps, depuis les débuts de l’histoire. Ce genre de scène devait faire logiquement plaisir au public masculin mais j’ai pu voir que le public féminin lui aussi a apprécié ce volume, donc je suis très contente. ("Kaoru Mori : rencontres avec une mangaka passionnée", Oaul Ozouf, Journal du Japon, mai 2014)

Les articles sur les mangas ne sont pas très fréquents dans la presse généraliste. Outre la double page remarquable citée ci-dessus de Libération et un article sur l'éditeur dans Le Monde ou dans Le Figaro, citons une critique de Bride Stories dans Télérama (TTT Très Bien) :

Asie centrale, fin du XIXe siècle. Dans les steppes du Caucase, les modes de vie se transforment. Les nomades s'effacent peu à peu, les "peuples du mouton" découvrent les semailles, aux yourtes succèdent des maisons en dur. Mais les mentalités, elles, n'évoluent guère. Si elles occupent un rôle crucial dans ces clans familiaux où coexistent plusieurs générations, les femmes ne sont pas maîtresses de leur destin. Elles servent les intérêts politiques des chefs, font figure de monnaie d'échange, scellent des alliances et, surtout, doivent faire beaucoup d'enfants. Témoin la belle Amir, donnée en mariage au fils aîné d'un clan voisin, Karluk. Elle a 20 ans, il en a 12...
Fresque sociale et historique haute en couleur, Bride Stories est transcendé par les dessins magnifiques de Kaoru Mori. Fascinée par la beauté des tenues traditionnelles, ces entrelacs complexes de parures, de bijoux et d'étoffes, la mangaka a mis un point d'honneur à en restituer le moindre détail. Idem avec les intérieurs, où tapis et marqueterie rivalisent en motifs complexes. Une minutie archi documentée et un rien névrotique, qui donne lieu à de véritables scènes de genre qui n'auraient pas déplu à Pierre Loti ou au peintre pompier Jean Léon Gérôme. Mais cet orientalisme stylisé n'est pas l'intérêt principal de la saga. Déjà remarquée avec Emma, une série à succès où elle narrait les tribulations sentimentales d'une jeune femme de chambre dans l'Angleterre victorienne (!), Kaoru Mori dépeint ici, à petites touches sensibles et sans mélo, la naissance d'un amour supposé impossible. Une carte du Tendre, version Tarass Boulba...
| Ed. Ki-oon | 192 p., 7,5 EUR. (Stéphane Jarno, Télérama, 4 juin 2011 )

Au fait, le village de Karluk est dans l'actuel Ouzbékistan, celui d'Amir est nomade et se situe dans la steppe kazakh ou kirghiz. Dans le manga, chaque cheval a un nom : Sulkik pour celui d'Amir, Arakala pour celui de Karluk. Voir =>la suite du tome 1 sans lire les 14 autres tomes...

En savoir un peu plus sur le manga ?
Les néophytes souhaitant mieux appréhender le genre, peuvent :
- écouter et regarder le dynamique exposé en images de Maxime Gendront, jeune conférencier spécialisé en manga, fondateur de la chaîne Youtube l'Archipel Otagee : "l'histoire du manga : la genèse d'un art", illustrée, 2021, 15 min
- écouter, de façon plus classique, France Culture : "D'Hokusai à Dragon Ball, la longue histoire du manga", Xavier Mauduit, Le Cours de l'histoire, avec deux universitaires spécialistes, 16 mai 2024, 59 min
- ou encore plus classique, lire la fiche wikipédia "manga".


Et voici NOS RÉACTIONS sur le livre


Les lectrices

Ce 12 janvier 2025, nous étions 14 à réagir sur le livre :
- en direct (11) : Anne, Claire Bo, Felina, Flora, Joëlle L, Laetitia, Marie-Yasmine, Nelly, Patricia, Véronique, Sophie (nouvelle lectrice)
- par zoom (3) : Agnès, Joëlle M, Sandra
Prises ailleurs (4) : Aurore, Claire Bi, Stéphanie, Sophie de Nice.

Une première, quant au genre..., heureusement guidées

Lirelles a déjà programmé des BD (Pénélope BAGIEU, Alison BECHDEL, Chloé CRUCHAUDET, Julie MAROH) ou récit graphique (Jacqueline DUHÊME).
Mais lire un manga était une première pour le groupe.
Sur 14 lectrices, 11 étaient des néophytes - proportion impressionnante.
Marie-Yasmine, férue de mangas et auteure du choix, n'est pas venue les mains dans les poches.
Outre des castella Cake dont elle partage la recette
, elle nous a apporté des exemples de mangas de différents genres :

- shôjo (pour jeunes filles, et lu pas que par des très jeunes) : Chobits, de Clamp
- shônen (pour garçons ados, mais aussi pour adultes) :
Demon Slayer, de Koyoharu Gotouge
- yuri (centré sur les relations intimes entre filles) : Love my life, de Ebine Yamaji
- yaoi (équivalent masculin, mais lu par des filles) : Iberico Pork, de Shoowa

- seinen (pour adultes, plutôt des hommes) : pour des hommes, mais le lectorat est plus large ; la preuve, c'est le manga que nous avons lu, Bride stories. Parmi les évolutions du genre, Marie-Yasmine signale "un souffle féminin dans le seinen manga"...

Suite aux remarques sur les grands yeux, elle nous propose des réponses : "Pourquoi les personnages de mangas ont-ils de grands yeux ?", Les Pourquoi ?, Philippe Vandel, France Info, 30 juin 2013, 4 min.

Les tendances concernant le livre

Flora et Laetitia, pratiquantes, avaient leurs points de comparaison, avec une assurance dont les néophytes, plus timides, manquaient. Elles ont découvert un seinen qu'elle ne connaissait pas.
Marie-Yasmine
,
nous ayant fait la proposition du livre, reste bien entendu aficionada.
Joëlle M et
Nelly ont été nettement récalcitrantes.
Agnès
, Anne,
Claire Bo, Felina, Joëlle L, Patricia, Sandra
, Véronique ont émis leurs impressions positives (la qualité du dessin les a toutes ralliées) et leurs réserves (la narration statique a parfois laissé sur sa faim)
. La découverte a été de toute manière au rendez-vous !

La succession des avis

Agnès
Cette lecture d'un manga était une première pour moi.
J'ai trouvé que le dessin était très maîtrisé et minutieux (dans les scènes de poursuite, de chasse, rendu très expressif des mouvements) et esthétique (beauté et richesse des costumes, mignonnerie des personnages avec leurs grands yeux).
J'ai été sensible au fait que le personnage central de l'histoire soit une jeune femme, de plus active et téméraire, et intéressée par l'évocation de la condition des femmes au sein de cette communauté au XIXe siècle.
La courte postface dans laquelle l'autrice explique sa démarche ajoute un plus à la compréhension de cet univers.
Voilà pour les points positifs que je soulignerais.
En revanche, j'ai trouvé très malaisante la scène de séduction au lit entre l'héroïne et son époux mineur âgé de 12 ans (bon, pour une fois, ce n'est pas une petite fille qui se retrouve dans cette situation, mais cela n'en est pas moins choquant).
Sinon, j'avais bien compris que l'on devait commencer par "la fin", mais j'ai été perdue pour retrouver un sens logique de lecture à chaque page (je l'ai lu avant l'envoi par Claire d'un plan explicatif). J'ai tout de même compris l'histoire et ne souhaite pas le relire de toute façon.
Par ailleurs, certains caractères sont vraiment trop petits.
Je n'ai pas grand-chose à en dire. Ce fut une découverte, mais je n'ai pas envie de poursuivre la lecture de cette série.

Anne
Pour moi c'est aussi une découverte, même si, enfant, j'ai lu quelques mangas ; mais je ne me souviens plus lesquels.
J'étais très enthousiaste à l'idée d'en lire un ici, car je n'aurais pas pris cette initiative de mon côté. Avec les dessins, je comprends que tu aies choisi celui-ci, Marie-Yasmine. Ils sont très beaux, j'ai aimé l'originalité des gros plans sur les paysages, et la précision des costumes, du bois travaillé, super beau.
J'ai été un peu perdue pour le sens de lecture au début, mais ensuite je m'y suis faite assez vite.
Quant au contenu de l'histoire, le mari qui a 12 ans, oui c'est un peu dur. Mais le fait de découvrir une communauté paysanne, dans un environnement inconnu, ça m'a bien plu. L'intrigue avance assez doucement, ce qui m'a un peu déroutée, mais ça donne aussi un aspect poétique au livre.
On entre peu dans la psychologie des personnages j'ai trouvé, et je crois que j'aurais aimé lire directement plusieurs mangas de la même série pour en savoir un peu plus sur ces derniers.
En conclusion je suis très contente de l'avoir lu, mais je ne sais pas encore si j'en lirai d'autres.

Véronique
C'est la première fois que je lis un manga, je ne savais pas du tout comment ça se lit, j'ai demandé à un collègue.
J'ai bien aimé le fait qu'il ait deux femmes assez fortes, la grand-mère et la jeune fille.
Le dessin est très beau.
Les grands yeux, j'aime pas trop ça me rappelle Candy.
Ça fonctionne car à la fin j'aurais aimé avoir la suite.
Tout ce qui a trait au dessin du bois, des maisons, c'est très chouette.
L'histoire en elle-même, je ne sais pas. C'est excessivement court, il faudrait lire plusieurs tomes. Je reste sur ma faim, mais c'est une belle découverte car je n'en avais jamais lu.

Sophie (une double première pour Sophie : première séance dans le groupe et...)
Mon premier manga.
L'entrée dans le livre a été compliquée. Je savais dans quel sens il fallait tourner les pages mais pas dans quel ordre lire les vignettes sur une page. J'ai vérifié le mode d'emploi sur Google... Les premières pages ont été difficiles à lire. J'étais concentrée sur le sens de lecture, pas vraiment sur l'histoire ou les dessins.
Et quand j'ai commencé à entrer dans l'histoire, ça n'a pas été un coup de cœur : la vie quotidienne de la famille, les courses, le ménage… Le visage des personnages, leurs grands yeux m'ont fait penser aux dessins animés japonais que je n'aimais pas regarder à la télé quand j'étais jeune. Donc ça démarrait mal…
Et puis après quelques pages, il y a la séquence de la chasse au lièvre. Et là, j'ai soudain été captivée par la scène, le découpage des dessins, comme un storyboard de film, les plans larges, les zooms sur des détails. La façon dont l'autrice restitue l'action, la vitesse, les mouvements, les onomatopées… Je suis entrée dans le livre à partir de là.
J'ai commencé à regarder plus précisément le dessin, le graphisme. J'ai beaucoup aimé le chapitre "Le Talisman", cette rencontre inattendue entre l'enfant et le vieil ébéniste. C'est contemplatif, on découvre et on savoure le savoir-faire de l'homme et les dessins sont somptueux, avec une précision incroyable. Le temps s'arrête. Les cadrages sont cinématographiques, la scène est poétique. L'oiseau qui vient voler un copeau de bois pour faire son nid, c'est inattendu et joli.
La suite du livre ne m'a pas procuré ce même plaisir. J'ai continué d'apprécier la finesse et la précision du dessin, l'originalité du cadrage, les détails, la place de la nature, mais l'histoire elle-même ne m'a pas vraiment embarquée.
Certes, Amir est une femme exceptionnelle, pleine de talents, courageuse, émancipée… et donc féministe, mais le décalage d'âge entre Amir et Karluk m'a posé problème. J'ai été gênée par le fait qu'un enfant de 12 ans se retrouve dans la situation d'être le mari. La scène où Amir laisse entrevoir son désir m'a mise mal à l'aise.
Et puis, au-delà de la qualité du dessin, j'ai été frustrée par les textes, les dialogues. Je les ai trouvés un peu pauvres, un peu plats.
Je me suis demandé à quelle cible s'adresse ce type de manga. Jeune adulte ? Quel âge ? Plutôt homme ? Femme ?
La postface est intéressante. On change de registre. Il y a du second degré, de l'humour.
J'ai fini le livre sans vraiment avoir envie d'enchaîner avec les 14 tomes suivants.
Mais consciente d'avoir lu un manga de grande qualité sur le plan graphique et artistique.

Laetitia
Je me suis intéressée il y a quelques années, dans les années 2000-2010, aux "yuri", les mangas lesbiens. Et notamment à l'auteure Ebine Yamaji, l'une des premières mangaka de yuri édités en France (éditeur Asuka) : Love my life (Asuka, 2004), Sweet loving baby (Asuka, 2004), Sur la nuit (Asuka, 2005), Free Soul (Asuka, 2005) :

Deux autres yuri lus à la même époque : Entre les draps de Erica Sakurazawa et Blue de Kiriko Nananan :

Mon avis sur Bride Stories (tome 1) : positif mitigé.
Les points de réserve
- Tout d'abord, j'ai vu que cette proposition de manga n'était pas un "yuri" (une histoire avec des femmes, mais pas forcément d'histoires entre femmes), .mais un "seinen" (cf. inscription sur la couverture). J'ai été un peu déçue, puis intriguée, car je ne connaissais pas ce type de manga "seinen".
- Une habitude est à (re)prendre concernant le sens de la lecture et l'enchaînement des vignettes ; cela n'est quelquefois pas très fluide et on peut perdre le sens.
- Le noir et blanc revêt certes une forme d'élégance ; la couverture m'a donné envie d'avoir davantage de couleurs à l'intérieur.
- Certains caractères dans les bulles sont vraiment trop petits ; et un "grand format" serait plus confortable.
- Certains personnages se ressemblent et cela crée de la confusion : par exemple Amir et la grande sœur de Karluk.
Les points positifs
- Les 5 chapitres sont équilibrés avec une alternance entre des scènes de la vie quotidienne et des scènes d'action.
- La "manga postface" ainsi que le schéma résumant les principaux personnages constituent une aide à la lecture.
- La précision du dessin, les détails minutieux : robes, bijoux, tissus, gravures, tapis, décorations dans les maisons (un article de Télérama évoque un "orientalisme stylisé"), nature (arbres, animaux…)
- On est plongé dans les steppes d'Asie centrale (certainement au 19e siècle), on découvre les mœurs, traditions et coutumes. L'auteure s'est beaucoup documentée, on découvre une culture différente.
- L'humour : par exemple la scène avec la grand-mère et son arc, chapitre 4.
- Le personnage d'Amir : très bonne chasseuse, elle a par ailleurs de nombreuses qualités.
- L'aspect intergénérationnel, des femmes fortes.
- L'aspect féministe et la dénonciation de la condition des femmes : un mariage arrangé ; on veut récupérer Amir comme une marchandise ; les commentaires sur son âge ; la violence envers les femmes ; les femmes qui servent les intérêts politiques des chefs.
En conclusion, je dirais que c'était une lecture originale pour notre groupe - un manga historique - avec deux intérêts majeurs : la précision des dessins et l'aspect géopolitique que l'on devine, mais la lecture du tome 1 ne suffit pas à s'en rendre compte.
J'aimerais découvrir un autre manga de Kaoru Mori, celui avec lequel elle s'est fait connaître : Emma (2002-2006) et qui se déroule en Angleterre à l'époque victorienne.

Sandra
Cette lecture fut une découverte de ce monde des mangas. Marie-Yasmine, tu mentionnais Dragon au club Dorothée que je regardais, j'adorais les dessins animés. Mais je ne suis pas vraiment "bandes dessinées", donc je ne me suis pas penchée sur les mangas. Mais dans mon entourage; j'ai des gens qui adorent, dont des enfants de moins de 10 ans, donc je sais que c'est un univers bien plus complexe qu'on ne le croit.
Donc je te remercie, Marie-Yasmine, car j'ai pu lire ainsi mon premier. Et ce fut une lecture très courte.
Ce qui est très positif, c'est la qualité des dessins. Avec la minutie du trait, du détail, je rentrais dans les scènes. Par exemple avec l'ébéniste (chapitre "Le Talisman"), c'est comme si j'y étais, il y a une puissance du dessin.
Mais le gros écueil, c'est côté narratif qui manque. Il y a peu de dialogues. Ça pêche de ce côté-là.
Durant la lecture, je me demandais à chaque fois : "Que veut dire l'auteure ? Que veut-elle nous expliquer ?". Je me disais qu'elle voulait davantage nous montrer une culture, une façon dont vivent les gens. Je ne voyais pas la trame narrative. En tout cas j'ai vécu la découverte d'une culture. Mais il y a trop de choses, trop de détails sur la vie quotidienne. Ça, j'ai moins aimé. C'était plus une succession d'épisodes qu'un récit.
Certes l'héroïne est exceptionnelle, mais peut-être un peu trop. Peut-être apprend-on par la suite qu'elle a des défauts ?

Marie-Yasmine
Je n'en ai vu aucun jusqu'ici....

Sandra
Il me manque quelque chose dans l'histoire. Par exemple, le journaliste Smith, on ne sait pas pourquoi il est là. Trop de détails sur les personnages et pas assez de narration. Je pense que je ne lirai pas plus de mangas. Mais c'est une belle découverte que ce manga, que je vois davantage comme un support de beaux dessins.

Joëlle L
C’est pas mal. En fait, c’est sûrement bien pour, par exemple, se détendre après une dure journée, parce que ce qu’on lit n’est pas très très impliquant mais en même temps pas trop navrant.
Les dessins sont très réussis, le découpage est très bien organisé, notamment pour donner les sensations de vitesse, de mouvement d’une manière générale.
Mais il y a quand même pour moi, en tant que lectrice, plusieurs problèmes :
- La lecture à l’envers. Ça ne se limite pas à tourner les pages dans le mauvais sens (le sens qui ne m’est pas habituel), il faut en plus lire les cases en allant de droite à gauche. Je m’en suis aperçu au bout d’un moment, je ne comprenais pas grand' chose aux dialogues…
- Les visages sont globalement assez peu expressifs. Quand ils expriment quelque chose, je ne m’y retrouve pas forcément. Il y a des expressions d’étonnement ou d’amusement que j’interprète spontanément comme de la colère ou de l’énervement. Il faut rectifier en fonction du contexte et des dialogues éventuels, ce qui ralentit la lecture et freine la compréhension d’ensemble.
- Il y a aussi le problème des yeux de lémurien auxquels j’ai du mal à m’adapter.
- Enfin, il y a l’histoire, globalement, qui est tout de même un petit peu légère, la narration est très anecdotique.
Donc, c’est sûr que c’est bien à lire en sortant d’une dure journée.

Felina
Je n'avais jamais lu de mangas auparavant. Et je l'ai lu avec plaisir.
J'ai bien aimé comme toutes les dessins.
Avec le mariage arrangé, j'ai un peu tiqué. Mais j'étais contente que ce soit le garçon qui soit plus jeune.
C'est le dessin essentiellement que j'ai retenu : certes, c'est un peu lent, mais j'ai aimé l'aspect méditatif. J'aimais bien le regard par exemple de l'enfant ébahi.
Je m'attendais à un youri...
J'ai eu du plaisir et je ne dis pas que je ne continuerai pas.

Patricia
En fait, n'étant pas de la génération manga - je suis trop vieille - je n'en ai jamais lu. De plus comme je n'ai jamais été très BD, je n'ai jamais eu la curiosité ni l'idée de m'y intéresser.
Pourtant, j'avais un collègue de travail, grand gaillard de 32 ans, qui était un passionné des mangas et du Japon
: il allait fréquemment au Japon et sa petite amie était japonaise, avec qui il avait une relation à distance. Pour moi c'était un extra-terrestre car il ne vivait que pour ça. C'est là que j'ai appris qu'il pouvait y avoir des mangas pour adultes.

Pour lire ce petit manga, j'ai eu un certain temps d'adaptation, d'abord pour comprendre dans quel sens et dans quel ordre des images ça se lisait. Ensuite il faut avoir une bonne vue, et plutôt regarder les dessins avant de lire le texte. En effet, il y a très peu de texte, et donc beaucoup de l'histoire est suggérée plus par les dessins.
Le livre se lit très vite. Les dessins sont vraiment trop mignons, et très aboutis, d'une minutie et précision incroyables, et aussi très beaux, notamment, les habits, les décors, et le travail sur bois du talisman. J'ai beaucoup aimé le petit garçon qui regarde le talisman, incroyablement mignon.
L'histoire se découvre au fur et à mesure, il n'y a pas de lourdeur, beaucoup de délicatesse, de bienveillance, un peu contemplatif. L'histoire tourne surtout autour d'Amir qui est une jeune femme forte que les autres admirent, elle sait chasser, elle trouve une solution aux problèmes, elle utilise un arc, tout comme la grand-mère chez qui elle est recueillie. J'ai beaucoup aimé ces deux femmes prêtes à tout pour protéger leur famille. Je me dis que c'est forcément un livre écrit par une femme, tellement c'est délicat.
En écoutant les autres du groupe de lecture, j'ai été surprise de voir tout ce qui avait été suggéré et perçu dans ce tout petit livre.
En conclusion, j'ai bien aimé ce petit manga qui est le premier tome, et j'aurais bien aimé savoir la suite de l'histoire. Merci à Marie-Yasmine pour cette découverte.

Claire Bo
Je faisais partie des néophytes, ayant fait une tentative avortée à l'époque où j'avais une secrétaire enjaponéisée (elle faisait hôtesse à Japan expo...) qui avait une bibliothèque de 500 mangas : je lui avais demandé de me faire une petite sélection de mangas d'autrices, mais j'avoue que cela fit flop... je restai empotée. Ma motivation devait être faible, contrairement à aujourd'hui...
Ayant le mode d'emploi :
j'ai pris le pli des yeux qui fonctionnent à l'envers pour lire. Par contre, j'ignorais qu'une des caractéristiques des mangas était justement les yeux et me demandais mais pourquoi donc fait-elle ces yeux démesurés !...

Ce tome 1, rapidement lu, m'a donné envie d'en savoir plus : c'est où le tome 2 de Bride Stories que je demande perdue à une libraire de la FNAC. Bride Stories ! s'exclame-t-elle transportée d'enthousiasme. Qu'est-ce que vous appréciez ? lui demandé-je fine mouche pour enrichir mon avis... Historiquement, artistiquement, féministement, elle ne tarit point d'éloges. Du coup, j'ai pris le tome 3 aussi.

Mes réactions rejoignent celles qui ont été formulées à propos de la qualité du dessin - j'ai aimé les perspectives dans les décors, les mouvements notamment des chevaux -, la compagnie d'une super héroïne, et en contrepoids des arrêts trop longs, par exemple à la cuisine, sans dynamique narrative. En lisant une des interviews de l'auteure, j'ai compris que l'intrigue n'est pas ce qui l'intéresse, prétexte à déployer son art du dessin documenté. J'ai moi aussi confondu des personnages. L'Européen ne m'a pas semblé très crédible, un peu vite installé au village. Les onomatopées, censées être expressives j'imagine, m'ont semblé incompréhensibles ou invisibles...
Pour ce qui est de la relation maritale, je n'étais pas particulièrmeent choquée, car ILS S'AIMENT ! J'ai trouvé apparemment paradoxales cette société patriarcale et cette super woman championne de tir à l'arc et d'équitation, vivant en tout cas fort librement avec son mini-mari.
En tout cas, je suis très contente de cette expérience de lecture : merci, Marie-Yasmine.

Nelly
Eh bien comme souvent quand j'ai l'impression d'être passée à côté d'un livre ou de ne pas l'avoir trop apprécié, je préfère écouter vos commentaires avant d'intervenir, car c'est ce qui m'intéresse le plus. Cela me permet aussi de nuancer ou de me conforter dans mes impressions.
Je dois admettre qu'en prenant ce livre en main j'ai grogné dès le début. Je pensais être dans un club de lecture ! BD ou mangas ne me rebutent pas, mais je préfère développer mon ressenti autour d'une écriture, d'un style, d'une histoire "classique", plutôt que de dessins.
Rien ne m'a accrochée quand j'ai commencé ce manga ; alors j'ai simplement feuilleté sans m'attarder, sachant que ma lecture était superficielle.
Oui, c'est contemplatif, comme il a été remarqué ; on admire le graphisme, mais il n'y a rien qui explicite les scènes et quand je lis, j'aime avoir une sorte de fil conducteur ou des suggestions qui confirment ce que je soupçonnais. Évidemment, ce n'est pas comme lorsqu'on lit un vrai livre
Du côté de l'histoire : d'accord elle est peu conventionnelle, puisque c'est la fille qu'on marie à un plus jeune garçon ; l'héroïne est une fille forte, aventurière etc., mais je n'ai pas pour autant senti d'empathie envers elle ni les autres personnages. Il n'y a pas d'insolence, je ne vois pas où est l'argumentaire qui appuierait la dénonciation comme j'ai entendu. Amir (l'héroïne) chasse, elle est bonne cavalière, mais dites donc au passage... la cavalière chasseresse, ce n'est pas très végan pour des lesbiennes véganes(houle non végétarienne dans l'assistance...).
Par ailleurs, cela ne va pas assez vite, il y a des scènes que je trouve répétitives et que je ne comprends pas du tout ou qui sont interminables.
Comme le livre est court, je ne suis quand même pas arrivée jusqu'à l'ennui, mais je confirme, j'ai dû passer à côté.

Joëlle M
Je n'avais jamais lui de mangas, moi non plus.
J'ai été déroutée, je ne savais pas qu'il fallait commencer dans le sens inverse. Donc, en commençant le livre j'ai vu "À bientôt"... Bon, j'ai fini par comprendre, j'ai pris le livre à l'envers, je suis tombée sur le sommaire, je me suis dit c'est bon. Mais comment faut-il le lire ? De bas en haut, de gauche à droite, de droite à gauche... : à chaque page, je me disais est-ce que tu lis dans le bon sens ?...
Les images sont très belles, il y a peu de dialogue hélas.
Je n'ai pas accroché aux personnage, même si Amir aurait pu m'intéresser.
Je l'ai lu d'une façon superficielle, j'avais les 12 autres empruntés à la bibliothèque. Que je rendrai sans les avoir lus...
Hormis le graphisme, je suis passée complètement à côté.

Flora
J'ai lu beaucoup de mangas. J'ai été très surprise en lisant Bride Stories car ce n'est pas le genre que je lis. Je lis des shônen comme Demon Slayer ou comme - et Flora sort ses livres - One piece ou Bleach :
    
Mais je suis très contente d'avoir découvert autre chose.
Deux points positifs sont pour moi d'une part l'héroïne : car pour la première fois la femme n'est ni sexualisée ni femme enfant, comme dans les shônen de garçon One Piece, avec des auteurs masculins. Et d'autre part l'aspect culturel d'autre part : les dessins sont magnifiques, j'ai beaucoup appris.
Malgré ces deux points positifs, je ne souhaite pas poursuivre ma lecture, car à l'instar de Nelly et Sandra je trouve qu'il manquait un fil conducteur à ce manga. Dans ce que j'aime, on sait tout de suite où on va.
Mais avec Bride Stories, je suis contente d'avoir découvert autre chose. Merci beaucoup Marie-Yasmine.

Marie-Yasmine
Je lis des mangas depuis très longtemps, enfant, ado, je ne sais plus.
Je lis surtout des shôjo, des mangas pour filles, avec beaucoup de lycéennes, des triangles amoureux, globalement des histoire cucul ; mais j'y trouve aussi autre chose, et notamment beaucoup de femmes fortes, qui font face à des situations difficiles avec courage (harcèlement par exemple). On taxe trop de sexiste l'aspect girly, on dit ce sont des trucs de filles avec des rubans dans les cheveux, et la culture féminine est souvent dévalorisée et considérée futile. Je défends l'idée d'une culture féminine forte, qui n'a pas besoin de copier les valeurs masculines pour être intéressante et puissante.
J'avais lu des seinen aussi, mais plutôt très sombres et je n'ai pas accroché, et je me suis mise aux shônen récemment. Bride Stories est le premier seinen que j'apprécie vraiment, d'ailleurs on y retrouve des codes du shôjo, avec une héroïne inspirante, forte, courageuse, toujours souriante même dans les difficultés, c'est une super héroïne. La dimension de découverte d'une époque et d'une culture est aussi très bien réalisée et documentée ; à chaque tome, il y a un passage qui se concentre sur un aspect particulier, la broderie, le pain, les rites du mariage, etc.
Je déteste pourtant les BD et les comics, à part Boule & Bill ou Astérix ; mais je ne sais pas pourquoi, les mangas j'adore ça, je rentre plus facilement dans les dessins, on est dans une atmosphère, j'adhère beaucoup plus qu'aux BD.
L'histoire est lente mais intéressante. Le premier tome sert surtout à poser le contexte, et les personnages sont plus approfondis au fil des tomes. Il y a beaucoup de personnages différents, y compris féminins, chacun avec ses particularités.
Je lis aussi des webtoon coréens, ils sont principalement créés pour être lus en scrollant sur un mobile, et sont colorés, mais les plus appréciés sont ensuite édités dans un format plus grand que les mangas, sur papier glacé et en couleurs.


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