L'avis d'Agnès sur :

Le Consentement de Vanessa Springora


 

Les livres ont le mérite de nous permettre de nous évader et c'est une vertu réellement salvatrice en ce moment, en particulier quand on n'a pas accès à un carré de verdure et qu'on respecte un confinement strict !
Cette lecture du Consentement de Vanessa Springora n'a pourtant pas constitué une évasion de tout repos, pour ma part je l'ai trouvée très intense émotionnellement et également fort instructive.

Dans un premier temps, je me suis rappelé une anecdote au sujet d'un ouvrage de Matzneff dans lequel il parle d'une autre adolescente prise dans ses filets, dont il est question dans l'article que nous a adressé Sofie : "Longtemps contrainte au silence, la victime d’un écrivain pédophile témoigne enfin".
Ce livre, Ivre du vin perdu (je me souviens très bien de sa couverture, dont il est question dans l'article) m'avait été conseillé par une amie, jeune étudiante en 1ère année, éblouie (je la cite) par "cette merveilleuse histoire d'amour". Était-ce l'époque ? Était-ce son propre parcours qui l’entraînait à confondre traque pédophile et sentiment amoureux ? Je ne peux pas en reparler avec elle, puisque je l'ai perdue de vue depuis très longtemps.

Pour en revenir au livre de Vanessa Springora, je l'ai trouvé remarquable de justesse et d'analyse, très intelligemment construit, d'une grande maturité, sincère.

En prennent un grand coup derrière les oreilles, le "grand homme" (avec de nombreux guillemets), l'époque post-soixante-huitarde, la société, le milieu littéraire (vive l'écrivaine Denise Bombardier, quel courage et quelle lucidité !), les adultes qui entourent cette jeune fille. C'est une démission générale de toutes les figures d'autorité. Et Vanessa Springora la décrit très finement.
Les chapitres suivent le processus de captation et d'aliénation, Matzneff tel une araignée qui vide ces jeunes filles de leur substance vitale. Les derniers chapitres sont une vraie déflagration quand on comprend tous les dommages et traumatismes que cette relation a provoqués.
J'ai beaucoup aimé ce que l'autrice dit de l'écriture comme reprise en main de sa propre existence. L'écriture pour prendre au piège celui qui s'en est tant servi pour emprisonner ces adolescentes et s'autoglorifier (se glorifier d'un crime et d'une honte). La loi du boomerang.
J'espère que ce livre ouvrira les yeux si longtemps clos et qu'il apportera justice aux victimes et réconfort à celles qui n'ont pas pu s'exprimer. C'est déjà un soulagement de constater que ce témoignage a été sérieusement pris en considération (il n'a pas été nié ou moqué – 
réactions si souvent habituelles) et qu'il a enclenché une action en justice contre Matzneff.

 

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