L'avis de Laetitia
sur :
Le Consentement de Vanessa Springora |
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Le Consentement : un choix de livre "actuel" opéré par notre groupe de lecture, qui me paraît important dans le contexte de la dénonciation des violences faites aux femmes. Selon moi, l'intérêt principal réside dans le projet double de lecture. En premier lieu, un projet personnel. Ainsi, Vanessa Springora, à travers l'écriture, opère-t-elle une véritable "catharsis". Elle s'éloigne peu à peu de cette histoire d'emprise en la décrivant, étape par étape, en la dépersonnalisant à travers le fait de ne jamais mentionner totalement "GM", son prédateur. Elle décrit les faits, sans jugement aucun, en plaçant de la distance entre elle et lui à travers l'écriture. Avec subtilité, ce projet est clairement énoncé dès la fin du Prologue : "prendre le chasseur à son propre piège, l'enfermer dans un livre" (p. 10). L'auteure va jusqu'à citer "GM" en tête de la troisième partie (extrait du livre Les Moins de seize ans). Dans la dernière partie "Écrire", elle a atteint son but : "si je voulais étancher une bonne fois pour toutes ma colère et me réapproprier ce chapitre de mon existence, écrire était sans doute le meilleur des remèdes" ; "Parce qu'écrire, c'était redevenir le sujet de ma propre histoire. Une histoire qui m'avait été confisquée depuis trop longtemps" (p. 202) Ce livre, paru en 2020, dans la lignée du mouvement #metoo, s'inscrit par ailleurs dans un projet collectif, et donc plus global : l'auteure représente l'ensemble des autres personnes agressées. A travers un témoignage tout à fait personnel, la "victime" (le mot n'est jamais prononcé), adolescente à l'époque, dénonce toute la violence d'un système, d'un milieu, notamment celui de l'édition parisienne, qui a fermé les yeux sur l'agression puis le harcèlement d'une jeune fille devenue adulte. Ce livre nous interroge également sur plusieurs aspects. Quelques exemples :- La pathologie du "prédateur sexuel", du "pervers narcissique", qui ne peut exister que dans une relation toxique, que dans la jouissance à faire souffrir l'autre, sans aucun affect. On peut relever un champ lexical de la souffrance à travers tout le livre. Le conte de fées initial vire ainsi au cauchemar absolu. - Le rôle des parents : son père, sa mère sont "convoqués" et analysés. - La question de l'homme et de l'écrivain, de l'attribution des prix littéraires : faut-il séparer l'homme de l'uvre ? - La question de l'évolution historique des mentalités, des années 70 à nos jours. J'ai apprécié l'écriture fluide, précise,
voire explicite, mais qui ne tombe jamais dans le sordide. Les
citations, au début de chaque partie, sont toutes très
choisies (avec une mention spéciale pour celle qui débute
en deuxième partie : une définition du terme-titre
"consentement"). |
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