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Certaines avaient pu assister le 8 mars, avant notre
séance, à la Maison de la poésie, à une SOIRÉE
GRISÉLIDIS RÉAL « CHAIRS VIVES »,
avec Nancy Huston, auteure du livre
que nous avions programmé, et Coraly Zahonero,
sociétaire de la Comédie-Française, qui avait antérieurement
créé, écrit et joué un spectacle à
la Comédie française ainsi quau Festival dAvignon
sur Grisélidis Réal (Grisélidis).
En parallèle au livre de Nancy
Huston publié juste deux mois avant notre séance, les éditions
Seghers réunissent pour la première fois en volume, les
poésies écrites par Grisélidis Réal tout au
long de sa vie (de treize ans à sa mort) : Chair
vive : poésies complètes, avec
une préface de Nancy Huston (à lire ici).
La vidéo de la soirée
est en ligne sur le site de la Maison de la poésie ici.
Lors de ce 10 avril 2022, nous étions 12
à avoir découvert ce livre de Nancy Huston et à exprimer
nos réactions :
- en direct (4) : Aurore, Brigitte,
Claire, Patricia
- en visio (5) : Agnès, Felina,
Joëlle L, Joëlle
M, Sandra
- par écrit (3) : Flora, Marion,
Sophie.
Étaient bien prises par ailleurs (10)
: Clara, Laetitia, Lucie, Marie-Claire, Mathilde, Muriel, Nelly, Nathalie,
Stéphanie, Véronique.
La pauvre Nancy Huston a été
par les deux tiers d'entre nous condamnée
à... n'être plus lue par les lectrices que nous sommes.
L'ont
heureusement épargnée : Flora,
Marion et, dans une certaine mesure, Patricia et Sophie.
Agnès, Aurore,
Brigitte,
Claire,
Felina, Joëlle L, Joëlle M, Sandra ont rivalisé pour
souligner les faiblesses et les travers de
ce livre très pénible à lire pour certaines.
La succession des
prises de parole
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Felina, si elle a lu avec intérêt
le début, si elle a admis que la vie de Grisélidis Réal
était extraordinaire, a lu jusqu'à la page 101, après
avoir enduré souffrances, horreurs et humiliations. La page 101
indiquant "le début d'une vraie dégringolade dans
ta vie, peut-être la plus accablante de tous", Felina a
pensé que c'était le bon moment pour s'arrêter...
Aurore en était à son troisième
Huston, après Instruments
des ténèbres qu'elle avait trouvé assez sombre
et Nord
perdu : elle l'a lu jusqu'au bout, sans grand intérêt.
Elle a trouvé forcés
les rapprochements entre la vie de
Grisélidis et la sienne, a préféré la façon
dont la prostitution est utilisée dans le roman lu dans le groupe,
Les Vilaines, a été dérangée par
la partie sur la pédophilie et, enfin, n'a pas aimé l'écriture
qui ne l'a pas été touchée quand elle aurait dû
l'être. Aurore est donc mesurée quand elle se dit... "mitigée"...
Joëlle L a aggravé bien plus nettement
la situation de Nancy Huston dont le tutoiement et le diminutif "Gri"
commencent par irriter. Voir son avis détaillé
qui assassine dans les grandes largeurs.
Claire a apprécié la sévérité
de Joëlle et
a insisté sur la façon tordue dont Nancy Huston traite Grisélidis
qui avait antérieurement fasciné Claire ; elle s'est mise
à détester Nancy Huston. Voir
son avis détaillé.
Brigitte en a rajouté une couche,
sous-entendant même un coup éditorial, et accusant presque
Nancy Huston de nous décourager d'aller lire les poèmes
de Grisélidis Réal. Voir
son avis détaillé.
Sandra a d'abord été sensible
au principe de la collection "Les Affranchis" qui fait cette
demande à l'auteur : "écrivez la lettre que vous
n'avez jamais été écrite". Et comme nombre
d'entre nous, elle est partie en terrain doublement inconnue, n'ayant
lu ni l'une ni l'autre. Comme Joëlle, elle a été gênée
par le tutoiement. Sur le fond, elle n'a pas du tout aimé. À
cette femme qu'elle semble idolâtrer, elle ne lui laisse pas une
seule once de bonheur : si une petite chose positive arrive à Grisélidis,
hop, elle l'enfonce. Ce n'est pas une lettre d'amour ou d'amitié.
Comme les détractrices précédentes, Sandra n'a pas
aimé non plus les similitudes, lorsqu'elle ramène à
elle des épisodes de la vie de G. Réal et qu'elle se met
en avant : elle parle finalement plus d'elle que de celle à qui
elle écrit. Elle ne décrit pas l'uvre de Grisélidis
Réal. Sandra voit beaucoup de thèmes intéressants
dans ce livre, par
exemple la maladie, l'écriture,
mais qui ne sont pas traités en profondeur. Aussi l'a-t-elle lu
rapidement, mais le livre ne l'a pas intéressée. Pire que
cela, aucune des deux femmes ne l'a attirée et ne lui a donné
envie d'en apprendre davantage sur elles. La fin est pour Sandra le summum
:
Grisélidis,
reine du réel.
Avant toi, me semble-t-il, personne navait embrassé avec
tant de lucidité le tout dune vie humaine, de la naissance
à la mort en passant par la sexualité, la nourriture,
la maladie, lenfantement, lart et le désespoir. Ni
Jésus ni Confucius ni Bouddha ni Sophocle ni Shakespeare ni Primo
Lévi ni Gary ni Césaire ni Arendt ni Lennon ni Beauvoir
ni Soyinka ni ni ni ni, car ces grands esprits navaient pas porté
dans leur corps et mis au monde plusieurs enfants, et vu mourir plusieurs
autres, noyés dans le sang dune presque-mais-pas-tout-à-fait
naissance. Ils navaient pas reçu dans leur lit et leurs
bras cent mille individus dissemblables, et cherché à
les comprendre dans le détail, ce détail fût-il
puant, délirant, sublime, fragile, chaud, infantile, débile.
Toi, si. Comme personne, ni avant toi ni depuis, tu as compris lhumain
tant dans sa matérialité que dans le miracle de son esprit,
tant dans sa laideur que dans sa beauté, tant dans la privation
que dans le partage. Compris aussi, jusquau bout, la maladie et
la mortalité.
Patricia, aucunement démobilisée
par cet océan de critiques, nous propose un tout autre son de cloche
: elle a apprécié le livre, MAIS elle avait antérieurement
lu un livre de Grisélidis Réal qu'elle avait en vain proposé
pour Lirelles : Suis-je
encore vivante ?, un journal de prison, qu'elle avait adoré.
En revanche, elle ne connaissait pas Nancy Huston qu'elle venait juste
de découvrir dans un
documentaire sur Anaïs Nin
de France 5 (à quand un livre d'Anaïs Nin programmé
à Lirelles ?) - assez ennuyeuse d'ailleurs quand elle a parlé
d'Anaïs Nin. Grisélidis, elle est lumineuse, y compris en
prison où elle vit une amitié amoureuse avec une détenue,
dont N. Huston parle d'ailleurs. Patricia a bien aimé le livre
et son écriture fluide, a beaucoup aimé les extraits de
Grisélidis cités dans le livre et a trouvé la fin
très forte quand elle se rapproche de sa mère.
Ce qui l'a énervée, c'est qu'à partir de cette femme
qui est son sujet, elle ramène tout à elle (c'était
le cas, d'après Patricia, de Marie Darrieusecq dans le livre que
nous avions lu Être
ici est une splendeur : vie de Paula M.Becker) ou quand elle la
rapproche de Simone de Beauvoir ! Patricia - elle n'est pas la seule -
a appris un nouveau mot : "ériphile" (amoureuse de la
colère). Elle n'avait pas remarqué que c'était une
lettre ! Grisélidis aurait-elle aimé recevoir cette lettre
?...
Agnès
annonce qu'elle ne sauvera pas Nancy Huston... Elle
avait des réticences, connaissait la vie de Grisélidis par
une émission
de France Culture
très intéressante où témoignaient ses enfants
qui mettaient en valeur leur mère, en dépit de ce qu'elle
leur avait fait vivre. Comme Brigitte, Agnès l'a lu par devoir
pour le groupe, en deux fois, jusqu'à la page 108, d'abord intéressée
par l'aspect biographique, puis de plus en plus vite pour souffrir le
moins possible. Ultérieurement, elle a regardé la transmission
de la soirée à la Maison de la poésie qui lui a remis
en mémoire le livre, spectacle qui comme par hasard... s'arrête
là où Agnès s'est arrêtée. Tout
en n'ayant rien "contre les personnes qui se prostituent",
la prostitution est un sujet qui rebute Agnès en raison "des
aspects glauquissimes de la sexualité masculine qui sont évoqués"
: des hommes par exemple demandent aux prostituées de déféquer
dans leur bouche... Au passage, dans le genre dur, Agnès cite
Le saut de l'ange de Maud Marin. Elle a également trouvé
le style lourd, heurté. Ne parlons pas de ces tu, tu, tu.... Bref,
une lecture désagréable pour elle. Alors qu'on attendait
une mise en lumière en tant que groupie de Grisélidis, c'est
sur elle-même qu'elle attire la lumière : enfantin ! Immature
!
Joëlle M elle non plus n'apportera
aucun répit à Nancy Huston. Elle n'est tout simplement pas
rentrée dans le livre et n'a pas atteint la page 50.
Elle n'a pas aimé la forme, l'écriture étant assez
lourde. Quant au sujet, il ne l'intéressait pas. La vie de Grisélidis
Réal n'a pas retenu son attention. Elle a vite abandonné
là l'affaire...
Sophie
Je
n'ai pas lu le livre mais j'ai assisté à la lecture de la
Maison de la
poésie.
Je ne connaissais que de nom Nancy Huston, notamment par l'intermédiaire
de Brigitte qui a lu beaucoup de ses livres et qui m'en parle après
lecture. C'est sympa car je vis l'histoire à travers les yeux et
les ressentis d'une autre.
J'ai apprécié la lecture, par l'émotion provoquée
par le fond et la forme.
Le fond : surprenant et curieux. D'écrire
à quelqu'une avec des renvois à sa propre histoire, j'aime
beaucoup. Et c'est souvent ce qui se passe dans l'écoute, même
la plus passive. Comment comprendre l'autre
sans que cela ne rebondisse sur sa propre histoire ? J'aime beaucoup aussi
ce pouvoir de l'analyse de ce qui se passe en nous et pourquoi ça
fait rebond.
Cette Grisélidis a eu une vie extraordinaire et remarquable en
horreurs, joies et créativité. Elle est admirable car tout
semble exacerbé et incroyable.
La forme : J'étais émue d'être
dans cette petite salle, très intimiste et de voir de si près
Nancy Huston. J'ai bien aimé sa lecture, son petit accent et ses
petits accrochages sur des mots. L'actrice était bien meilleure,
mais Nancy Huston restait émouvante.
Flora
J'ai bien aimé le livre, j'ai beaucoup aimé ce destin croisé
entre l'autrice et Grisélidis. Ce livre fait réfléchir
à la condition des travailleuses du sexe et comment elles sont
inclues dans les luttes féministes. Très contente de cette
découverte, merci de ne pas l'avoir retirée de nos lectures
!
Marion
Je ne connaissais
pas du tout Grisélidis Réal, ni comme écrivain ni
comme militante dans le domaine de la prostitution (il est vrai que la
prostitution est le cadet de mes soucis ; je serais plutôt abolitionniste,
tout en sachant que c'est impossible) : je suis donc contente d'avoir
fait sa connaissance, car j'ai lu, en plus du livre de Nancy Huston,
Noir est une couleur ("Jeune mère, Grisélidis
Réal s'enfuit en Allemagne avec ses enfants et Bill, son amant
noir américain, arraché à un asile psychiatrique
genevois.")
que j'ai
apprécié. Je suis sortie deux ans avec une Black et j'ai
retrouvé cet érotisme noir ; j'ai été très
intéressée tout en n'étant pas pour ma part entrée
dans ces eaux-là qu'elle raconte ; cela m'a rappelé aussi
que j'ai eu une copine qui fréquentait les prostituées (il
y a donc des prostituées lesbiennes, ai-je découvert).
Nancy Huston écrit bien, elle aussi. J'ai retrouvé une
interview très ancienne dans Lire magazine où
elle raconte qu'elle aussi est partie de chez elle.
Ces deux femmes écrivent très bien et soulèvent de
nombreux problèmes que j'aurais aimé détailler. Je
choisis juste une question que je retourne à toutes : Grisélidis
est-elle une femme libre ? (Il y a pour moi la question des enfants à
laquelle je suis très sensible - on ne fait pas d'enfant quand
on est prostituée car il ne faut pas compter sur les hommes...)
Joëlle
L
J'ai eu du mal. Le sujet ne m'intéressait pas trop, le style m'a
pas mal rebutée. Mais j'en suis venue à bout.
J'avais été à la
soirée à La Maison de la poésie et là,
j'avais bien aimé le duo avec Coralie Zahonero. Ça se passait
plutôt bien, je n'ai pas retrouvé le même élan
en lisant le livre.
Le thème : La prostitution
ne me fait pas du tout fantasmer. Comprendre la sexualité des hommes
? Pas concernée ! Pourtant, quand j'avais vu le spectacle
de Coralie Zahonero, j'avais été captivée, embarquée
dans l'univers de Grisélidis Réal. Et même, j'avais
le sentiment de comprendre sa démarche, de la trouver justifiée
ou au moins justifiable. Et j'avais trouvé le personnage sympathique.
Un peu barré, mais sympa. Là, non.
Le style : J'ai eu l'impression de lire une
traduction de mauvaise qualité. Une écriture à la
fois heurtée, cahotante, et parfois grandiloquente. J'ai lu je
ne sais plus où que N. Huston écrivait d'abord en anglais,
puis traduisait en français. Ça doit être vrai, c'est
vraiment ce que j'ai ressenti.
À partir d'une personne / personnage romanesque, j'ai lu un texte
désincarné. Sec et froid. Qui m'a laissé une impression
scolaire, de l'ennui.
L'approche : Qu'est-ce que c'est que cette
lettre ? Un monologue ? Une tentative de dialogue ? D'une manière
générale, je n'aime pas les diminutifs et ce "Gri"
m'agace particulièrement. Il y a une fausse familiarité,
entre le diminutif et le tutoiement qui m'a rebutée.
Les moments de comparaison entre elle et Grisélidis Réal
sont allusifs et ça m'a agacée. Qu'elle raconte sa vie si
elle veut, mais pas en vampirisant celle de Grisélidis Réal,
en se servant d'elle comme marchepied pour raconter ses propres malheurs,
puis décerner les bons et les mauvais points (là, je suis
d'accord avec toi, là tu exagères, etc.)
Conclusion : C'est mon premier livre de Nancy
Houston. Sauf imprévu, c'est aussi le dernier. Je remarque qu'elle
a beaucoup d'articles, d'interviews, que son livre fait vaguement événement.
Je pense qu'elle a, comme on dit, "la carte" : une fois pour
toutes, elle est bien vue des journalistes et des relais d'opinion. Mais
mon impression générale est celle d'une imposture : tout
a dû partir du spectacle de Coralie Zahonero. J'imagine que Nancy
Houston l'a vu et que ça lui a donné l'idée, qu'elle
n'aurait pas eue sinon, d'accrocher son wagon à la locomotive Grisélidis
Réal.
Claire
J'ai trouvé la forme originale : une biographie
sous forme d'une lettre. L'objet livre est très joli, très
réussi. Original est le fait d'écrire sur quelqu'un qu'on
n'aimait pas. Les citations sont habilement utilisées sans note
en bas de page. Mais je ne parle pas du livre lui-même pour l'instant.
Pour
ce qui est du sujet de la prostitution qui rebute ou n'intéresse
guère certaines : tout sujet ne peut-il pas devenir intéressant
selon ce que l'écriture en fait ? Ainsi, si l'on raconte Les
Vilaines, sur la prostitution des trans, on se dit que ça
ne doit pas être folichon, or nombre d'entre nous ont beaucoup aimé.
Intéressant a priori est le parallèle avec sa vie,
mais qui risque l'artifice si c'est trop fréquent (ça l'est),
qui risque le j'l'a ramène (c'est le cas) et qui passe sous silence
de réelles différences (pourquoi donc ?) : par exemple,
Nancy Huston ne mentionne pas ses mariages et ses réussites littéraires
; cependant la redondance du thème de la prostitution dans ses
propres uvres est convaincante pour un rapprochement avec la vie
de prostituée de son "sujet".
Contrairement à d'autres, j'ai trouvé le parallèle
ponctuel intéressant avec Simone de Beauvoir (p. 81) ou Duras (p.
98) : peut-être parce que les rapprochements faits n'étaient
pas avec Nancy Huston elle-même (quittant son nombrilisme), mais
avec des grandes, qu'on admire.
J'arrive à l'essentiel dans ma lecture : deux choses vont
au fur et à mesure me gêner, et de plus en plus :
- Grisélidis touche le fond plusieurs fois et Nancy Huston pourrait
vraiment résumer et nous épargner, d'autant que ça
n'ajoute rien ; cela devient vraiment insupportable ;
- d'autre part et surtout : Grisélidis Réal ne sort pas
grandie du livre, Nancy Huston s'acharne, l'accable et la sororité
qu'elle met en avant est un vain mot. Pourquoi avoir fait ce livre qui
se retourne contre son objet ? Son attitude me semble malsaine. Elle m'a
rappelé les haines entre féministes qui me navrent. J'ai
détesté son attitude.
Je suis d'accord avec ce qui a été dit de négatif
dans les avis tous plus sévères les uns que les autres...
Au sujet de Grisélidis Réal : j'avais écouté
une émission de France Culture, "Grisélidis
Réal, écrivain, peintre et prostituée" par
Martin Quenehen, Une vie une uvre, 13 juin 2015 (ou "Grisélidis
Réal (1925-2005), écrivain, peintre et prostituée",
13 août 2020), émission qui me l'avaient rendue fascinante.
Au sujet de Nancy Huston : quand on voit son
parcours - thèse avec Roland Barthes, uvre importante
et variée, engagement y compris féministe - on dit chapeau
!
J'avais lu son roman Une
adoration que je n'avais pas du tout apprécié et
l'essai autobiographique Nord
perdu que le club de lecture Violette and co avait
programmé, que j'avais un peu plus aimé.
Laure Adler a reçu Nancy Huston il y a quelques jours dans L'Heure
bleue sur France Inter, pendant une petite heure : j'ai écouté
l'émission
et je l'ai trouvée barbante (chichiteuse et se prenant au sérieux).
Même conclusion que Joëlle : sauf imprévu, c'est le
dernier livre que je lis d'elle...
Brigitte
En exergue, deux citations de Grisélidis ouvrent ainsi le
livre :
« Pour moi la fiction et le
réel sont indissociables.
Ils ne forment quun, un seul univers, un jardin des Délices,
un jardin des Supplices, ils sont entremêlés.
Pour moi, le réel EST la fiction, et la fiction EST réelle.
(...) »
D'où le titre, mais avec le commentaire de Nancy Huston expliquant
son choix :
« Deux citations de ta plume,
Grisélidis
,
et qui auraient pu être de la mienne. »
Et deux pages plus loin : "Longtemps je t'ai détestée,
Gri ", etc.
Cette lettre est ainsi une sorte d'excuse pour avoir méjugé,
mal compris, une femme finalement digne d'éloge. Mais le renversement
d'opinion s'est fait à travers un rapprochement qui va jusqu'à
l'empathie : tu as l'âge de mes parents, tu viens du même
milieu qu'eux, la bourgeoisie
L'auteure ne cesse de dresser des
parallèles : familles séparées, mort du père,
départ de la mère, parallèles de dates aussi (1950
grossesse de la mère de Nancy Huston, 1951 grossesse de Grisélidis).
Finalement se dessine une descente aux enfers, vers la prostitution sur
fond de tuberculose et les fausses couches à répétition,
prostitution pour vivre et nourrir les quatre enfants, la prison et l'hôpital
étant les refuges dorés où se refaire une santé,
mais pour mieux retomber ensuite sur le pavé et le trottoir.
Une bouffée d'air en 1969 quand une bourse pour écrire lui
évite un temps le trottoir, justement. Et puis c'est l'autre enfer,
pour tenter de se faire éditer. Et quand son roman est édité,
grosse déception, c'est un "pétard mouillé"
On croit qu'elle a touché le fond, mais non car elle découvre
la lutte des prostituées, la solidarité, et l'activisme
politique lui booste le moral et lui donne du peps. Elle va jusqu'à
se réinscrire sur la liste de TDS (Travailleuses Du Sexe) et en
fait un sacerdoce.
Son rêve, elle le réalise à 70 ans : ses écrits
sont publiés par Yves Pagès (éd.
Verticales).
Et tout au long du texte, Nancy Huston nous assène : moi aussi,
toi aussi
On a quand même du mal à suivre, à
se dire la même chose. Nancy Huston défend que l'écriture
sauve Grisélidis, que du fond de l'enfer émerge une uvre
,
mais ce qu'elle nous en cite laisse perplexe, surtout les extraits de
Carnet
de bal qu'elle nous donne. On sent bien qu'elle a voulu choquer
le bourgeois, et la bourgeoise surtout, que l'éditeur a voulu faire
un "coup", on lit trois lignes et on se dit que cela a peut-être
un intérêt pour les sociologues, sexologues et autres logues.
Mais nous, lectrices, quel intérêt hormis, comme on le devine
chez Nancy Huston, un certain ébahissement devant ce qui reste
un catalogue. Les poèmes sont sans doute mieux, mais on n'a plus
envie d'aller voir.
Nancy Huston s'empêtre dans cette histoire en voulant absolument
nous convaincre que c'est aussi la sienne. J'ai refermé le livre
avec le sentiment pesant d'avoir lu par devoir, et en pensant à
la grâce littéraire du livre
de Camila Sosa Vilada sur un sujet finalement assez semblable, mais
qui nous faisait, elle, lire son histoire comme un conte de fées,
avec une certaine nostalgie.
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