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et en option un
ROMAN
L'Abbaye
de Northanger (publié en 1818, traduit en français
en 1824)
AUTOUR
DU LIVRE : un peu de documentation
LES
ROMANS DE JANE AUSTEN (1775-1817)
|
Ses six romans sont publiés en français entre 1815 et 1824,
et certains titres sont déjà réédités
en 1828. Jane Austen, décédée en 1817, ne bénéficiait
en Angleterre que dune renommée encore limitée, mais
en France, à la fin des guerres napoléoniennes, langlophilie
faisait rage, et les innombrables "nouveautés" doutre-Manche
envahissaient la capitale.
- 1811 (première traduction en français 1815, en
ligne sur Gallica) : Sense and Sensibility => Le
Cur et la Raison (Folio) traduit aussi Raison
et sentiments (10/18)
- 1813 (première traduction en français 1822, en
ligne sur Gallica) : Pride and Prejudice => Orgueil
et préjugés (Folio)
- 1814 (première traduction en français 1816, en
ligne sur Gallica) : Mansfield Park => Mansfield
Parc (Folio)
- 1815 (première traduction en français 1816, en
ligne sur Gallica) : Emma => Emma
(Folio)
- 1818, posthume (première traduction en français 1824)
: Northanger Abbey => L'abbaye
de Northanger (Imaginaire) traduit aussi Northanger
Abbey (10/18)
- 1818, posthume (première traduction en français 1821,
en ligne sur Gallica) : Persuasion
=> Persuasion
(Folio)
DES
ÉMISSIONS DE RADIO pour compléter la biographie
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Certaines
éditions proposent une note biographique de Jane Austen, notamment
de Jacques Roubaud. Et toujours : Wikipédia.
Pour les bilingues : une biographie oxfordonienne en anglais sur le site
www.oxfordbibliographies.com/
- "Jane Austen (1775 - 1817)",
Toute une vie, 16 avril 2020, 58 min.
- "L'uvre
de l'écrivaine britannique Jane Austen", Guillaume Gallienne,
Ça peut pas faire de mal, 17 novembre 2012, 46 min.
- Jane Austen en 4 épisodes d'une heure, par Matthieu Garrigou-Lagrange,
La Compagnie des auteurs, France Culture, 5 au 9 septembre 2016
1/4 :
Dépendance et liberté. Dans ce premier
volet, en Angleterre, sur les traces de la romancière Jane Austen,
c'est le thème de l'argent qui servira de fil rouge dans l'exploration
de la vie et l'uvre de Jane Austen
2/4 :
Ce que parler d'amour veut dire. Jane Austen fit dans
ses uvres la critique mordante, en même temps qu'enjouée,
de son époque. Du réalisme à la satire sociale, c'est
au langage austenien que l'émission s'intéresse.
3/4 :
Héroïnes austeniennes. Emma, Anne, Elinor,
Marianne, Elizabeth, Fanny... Jane Austen peint les portraits de femmes
en quête de liberté.
4/4 :
Les leçons d'Austen. Sans cesse adaptée
au cinéma, l'uvre de Jane Austen suscite l'engouement des
réalisateurs, mais quelle est sa postérité littéraire
? L'émission s'intéresse à la réception d'Austen
en France, d'abord d'un point de vue subjectif, puis à travers
le prisme de l'histoire littéraire.
- "Jane
Austen, quatre romans et beaucoup de mariages", Adèle
Van Reeth, Les Chemins de la philosophie, France Culture, 18 au
21 avril 2022, 4 épisodes d'une heure :
1/4 : Raison
et sentiments, je taime moi non plus
2/4 : Orgueil,
préjugés et autres obstacles à lamour
3/4 : Northanger
Abbey, tasse de thé, château hanté et mansplaining"
4/4 : Emma,
un plaidoyer pour le célibat ?
Jane
Austen est imitée, parodiée, devenue personnage de roman,
avec par exemple Le
Manuscrit perdu de Jane Austen ou
Le
club Jane Austen. Les "produits dérivés"
abondent.
Comment le phénomène est-il né ? Réponses
extraites d'un article de Fabienne
Bellier-Toulouzou qui prépare
une thèse sur Jane
Austen.
Pendant
près de deux siècles, Jane Austen est une auteure estimée
mais peu connue en dehors des frontières de la Grande-Bretagne.
Les années 1990 marquent un tournant qui la voit passer du statut
d'écrivain élitiste à celui d'icône de la
culture populaire. L'image d'une Angleterre campagnarde, les histoires
sentimentales optimistes, les robes taille empire, photogéniques,
sont particulièrement adaptées au format filmé
et en quelques années, les principaux ouvrages sont transposés
à l'écran. Sense and Sensibility et Emma
sont adaptés au cinéma, Pride and Préjudice
fait l'objet d'une mini-série BBC qui déclenche une véritable
austenmania. Des forums de discussion passionnés voient le jour,
des sites dédiés sont créés (1). Une adaptation
littéraire moderne de Orgueil & préjugés,
Bridget Jone's diary (2) connaît un succès mondial
(3) et crée un sous-genre de la littérature sentimentale
: la "chick-lit", littéralement "littérature
des poulettes". Ce type de récit relate à la première
personne sur un ton ironique les aventures d'une jeune citadine aux
prises avec une vie de famille loufoque, des amours compliqués
et une vie sociale décevante. La finalité du roman est
que l'héroïne mette de l'ordre dans sa vie pour obtenir
un meilleur avenir professionnel, personnel et sentimental. L'auteure
Helen Fielding reconnaît volontiers ses influences : "J'ai
emprunté sans vergogne, l'intrigue de Orgueil & préjugés
[...]. J'ai pensé que ça fonctionnait depuis des siècles
et que [Jane Austen] ne m'en tiendrait pas rigueur". En 2001,
Bridget Jone's diary donne lieu à son tour à une adaptation
cinématographique qui connaît un grand succès et
lance définitivement la fièvre autour de Jane Austen.
De 1995 à 2014, plus de vingt adaptations voient le jour. Jane
Austen devient "bankable" et investit tous les domaines de
la culture pop : ses mots d'esprit sont imprimés sur des t-shirts,
des torchons, des mugs, Elizabeth Bennet devient l'héroïne
de son propre jeu sur console. Parallèlement aux rééditions
d'ouvrages et aux adaptations cinématographiques et télévisuelles,
la littérature inspirée de Jane Austen connaît un
essor considérable. Son lectorat est très étendu
et ses romans sont spirituels et distrayants qui évoquent des
histoires d'amour optimistes se déroulant dans la paisible campagne
d'une Angleterre révolue. Des dizaines d'auteurs écrivent
donc des romans sentimentaux, croyant imiter Jane Austen, mais la trahissant
en omettant le réalisme, l'humour et la portée morale
qui sont le ciment de ses ouvrages.
Le volume et la diversité des publications sont tels qu'une catégorisation
des adaptations littéraires est établie (4) :
- Prequel : récit portant sur la vie des personnages avant
les romans.
- Sequel : roman portant sur la vie des personnages après
la conclusion des romans.
- Retelling : roman proposant un nouveau point de vue (généralement
un narrateur masculin).
- Variation : roman qui modifie des situations.
- Continuation : roman qui conclut des romans inachevés.
- Children : ouvrage adaptant l'intrigue d'un roman à
destination des plus jeunes.
- Mash-up : roman utilisant le texte original en y adjoignant
des textes et/ou de nouvelles aventures.
- Inspired by : roman historique ou contemporain qui s'inspire
des personnages et des intrigues.
- Paranormal : roman historique qui confronte les personnages
à des situations paranormales.
- Bio-fic : roman historique ou contemporain qui ré-invente
la vie de Jane Austen.
- Erotic : roman historique qui inclut des scènes érotiques
(ou pornographiques) dans le texte original.
- Mystery : roman qui met en scène les personnages de
Jane Austen ou elle-même dans des en-quêtes policières.
- Contemporary : adaptation contemporaine (après 1945)
des intrigues.
- Young Adult : roman historique ou contemporain qui met en scène
les personnages ou les intrigues à destination des adolescents
mais qui peuvent être lus par des adultes.
(1)
www.pemberley.com, site communautaire des admirateurs de Jane Austen
a été créé en 1996 aux États-Unis
suite à la diffusion de la série de la BBC.
(2) Helen Fielding : Bridget
Jones's Diary, Picador, 1996, Lenders.
(3) Plus de quinze millions d'ouvrages des deux premiers tomes ont été
vendus (source éditeur).
(4) Interview de l'auteur : "Are You Bridget Jones?",
Daily Telegraph, 20 Nov. 1999.
(Extrait
de "Jane
Austen, bonne fée de la romance adolescente", Fabienne
Bellier-Toulouzou, La Revue des livres pour enfants, n°281,
février 2015)
Vous
voulez visiter sa maison devenue musée (où elle a écrit
ses romans), dans le village de Chawton ? Voici en
vidéo.
Un article de Libération
montre bien les aspects foufous des janéites et leurs austeneries :
"Austen
Power", par Johanna Luyssen, Libération, 23 février
2015.
Lentrée du Jane Austen Centre à Bath
Jane Austen est la mascotte de la ville de Bath où elle n'a pourtant
vécu que six années (1775-1817). C'est au n° 1 de The
Paragon à Bath que Jane Austen a logé chez sa tante pour
de vrai... Une grande partie du roman Northanger abbey s'y déroule.
Billet de 10 pounds
Le site français
d'une austenmaniaque Jane Austen
in my Wonderland, dénombre les innombrables livres dérivés
d'un seul livre, et c'est le moins connu, Northanger abbey :
- Adkins, Samantha
- Banff Springs Abbey
- Baker, Helen - Maria
- Bebris, Carrie - North by Northanger
- Birchall, Diana - The Bride of Northanger
- Butler, Nancy - Northanger Abbey (Comic Book)
- Gillespie, Jane - Uninvited Guest
- Grange, Amanda - Henry Tilney's Diary
- Gray, Cecilia - When I'm wih You
- Jenni, James - Northanger Alibi
- Kiely Tracy - Murder Most Austen
- Marks, Sara - Northanger Parks
- McDermid Val - Northanger
Abbey traduit en français
- Nazarian, Vera - Northanger Abbey & Angels
& Dragons
- Norton Andre - Snow Shadow
- Odiwe, Jane - Searching for Mr Tilney
- Robbins, Trina & Timmons, Anne - Gothic Classic
Vol. 14
- Rushton, Rosie - Summer of Secrets
- Snyder, Emily C.A. - Nachtsturm Castle
- Sullivan, Margaret C. - There Must Be Murder
- White Smith, Debra - Northpointe Chalet
- Winslow Shannon - Murder at Northanger Abbey
LES
ECRIVAINS ET JANE AUSTEN
|
Winston
Churchill la lisait pendant le Blitz et Virginia Woolf la comparaît
à Shakespeare...
Mais Germaine de
Staël la trouvait "vulgaire", D.H. Lawrence "déplaisante,
méchante, mesquine, snob", une antipathie partagée
par Charles Dickens et Charlotte Brontë.
Si E.M. Forster a dit que Jane Austen était un monstre, il appréciait
le relief de ses personnages et la manière dont ils "dépendent
les uns des autres", d'où "un tissu serré".
André Gide : "J'achève, à grandes lampées,
Sense and Sensibility (Raison et sentiments) ; moins captivant
sans doute que Pride and Prejudice, ou que Emma (pour autant
qu'il m'en souvienne) mais d'une sûreté de dessin admirable,
et remplissant le cadre à ravir."
Stefan Zweig: "Orgueil et préjugés m'en impose fort.
Comme c'est bien composé, en fonction des caractères, quelle
richesse dans les personnages, quelle connaissance de l'âme humaine,
de quel humour tout cela est-il sous-tendu."
Mark Twain: "Pour qu'une bibliothèque soit parfaite, il
suffit qu'elle ne contienne aucun livre de Jane Austen, même si
elle ne contient rien d'autre."
Fitzgerald : "l'Elizabeth de Jane Austen (à
qui nous sommes redevables des manières d'un si grand nombre de
nos épouses.)"
W.H. Auden, dans son poème "Lettre
à Lord Byron"
"'A côté, Joyce paraît innocent comme l'herbe.
Cela me gêne énormément de voir
Une vieille fille anglaise de la middle-class
Décrire le rôle du "fric en amour,
Et révéler avec une telle franchise et tant de sobriété
Les fondements économiques de la société".
Martin Amis dans The
New Yorker en 1996 analyse l'Austen fever : "Nous autres
des années 90, aurions très certainement choqué Jane
Austen, avec notre étalage non contrôlé de libertés
débraillées. (...) Si le "fric" joue un
rôle pour les héroïnes austeniennes, il est dissocié
de l'amour. En revanche, (...) l'argent est le nerf de la satire. La satire
est ironie militante. L'ironie est indulgente. Elle ne vous incite pas
à changer la société; elle vous donne des forces
pour la supporter. Jane Austen était sans doute une vieille fille
anglaise de la middle-class. Elle est morte inconsolée à
41 ans. Et cela fait maintenant près de deux siècles qu'elle
survit. Ses amoureux sont des amants platoniques, mais ils sont multitude."
Elisabeth Bowen, amie de Virginia Woolf : "Il
est exact qu'elle n'a pas dépeint de révoltés ;
ses personnages attendent leur plaisir d'une honnête façon
de vivre, et l'y trouvent."
Virginia Woolf, qui n'aurait pas aimé se trouver
avec elle dans la même pièce, la voit plutôt "dent
dure, mais cur tendre". Estimant que "c'est l'un
des plus remarquables auteurs satiriques de toutes les littératures"
et que "jamais romancier ne montra si infaillible sens des valeurs
humaines", elle s'est demandé quels auraient été
ses six livres suivants, si elle n'était pas morte : "Elle
n'aurait pas écrit sur les crimes, les passions ou sur l'aventure.
Elle ne se serait pas laissée entraîner à la négligence
ou au manque de sincérité par des éditeurs importuns
ou des amis flatteurs. Mais elle aurait connu plus de choses. Son sentiment
de sécurité aurait été ébranlé.
Sa comédie en aurait souffert. Elle se serait moins fiée
au dialogue (cela est déjà perceptible dans Persuasion),
et plus à la réflexion pour nous faire connaître ses
personnages." (voir l'article entier de Virginia Woolf : "Jane
Austen", extrait de l'essai Commun des lecteurs, 1925).
Ce passage en revue du rapport des écrivains vient
de l'article "Dent
dure, cur tendre", de Claire Devarrieux, Libération,
29 février 1996.
Et pour finir, "Quoi
de commun entre Proust et Jane Austen ?", Mathieu
Lindon répond dans Libération, 11 octobre 1984.
LA
BIOGRAPHE, auteure du livre que nous lisons
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Jane Austen: A Brief Life
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Hesperus
Press Ltd,
collection Brief Lives, 2008
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Jane
Austen : une passion anglaise
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Le
Livre de poche, 2022, 192 p.
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Fiona
Stafford est professeure de langue et littérature anglaises
et membre du Somerville College de l'Université d'Oxford. Sa photo
et sa page : ici.
Fondé en 1879 sous le nom de Somerville Hall, c'est l'une des deux
premières facultés pour femmes où furent étudiantes
des écrivaines : Iris Murdoch, Vera Brittain écrivaine anglaise,
Dorothy L. Sayers ; des scientifiques comme Dorothy Hodgkin (prix Nobel
de chimie) ; des femmes politiques : Indira Gandhi, Margaret Thatcher...
Les hommes y furent admis à partir de 1994...
Fiona Stafford a obtenu une thèse à
l'université de Leicester sur l'argot de la Royal Air Force (à
laquelle son père appartenait) ; à Oxford, son doctorat
portait sur "Le sublime sauvage : une étude de James Macpherson
et des poèmes d'Ossian en relation avec le contexte culturel de
l'Écosse dans les années 1750 et 1760" (ouf !). On
la
voit ici recevoir son diplôme, genre funérailles de la
reine d'Angleterre pour les rites et les costumes...
Après une courte période d'enseignement aux États-Unis,
elle retournera à Oxford pour y enseigner. Ses domaines de recherche
portent sur divers poètes et écrivains, la littérature
de la période romantique, l'écriture de la nature (nature
writing), la littérature et les arts visuels, la poésie
contemporaine. Parmi de nombreuses publications, figure cette biographie
sur Jane Austen.
La
préfacière Laura El Makki a été
pijiste dans des périodiques, productrice à la radio, et
ce, dans le domaine littéraire ; elle a également publié
des livres sur des écrivains.
- 2006 : Pigiste/Documentaliste - France 2 : Assistance
dans la préparation de reportages pour Complément d'enquête
et Envoyé Spécial
- 2008-2015 : Causette, Magazine Littéraire, Télérama
- pigiste : écriture de portraits, reportages, critiques
- 2009-2016 : France Inter - Productrice, animatrice d'émissions,
collaboratrice (avec Guillaume Gallienne dans lémission Ça
peut pas faire de mal, programmes estivaux dont la série Un
été avec Proust, Un été avec Victor Hugo).
- 2017 : École Les Mots, anime
un atelier d'écriture - Université
de Versailles, intervient en L3 (droit) - Sciences Po Paris, intervient
en 2e année.
Publications
- Henry
David Thoreau, avec Marie Berthoumieu, Ed. Gallimard, 2013
- Un
été avec Proust (collectif), éd. France Inter/Équateurs,
2014
- Un
été avec Victor Hugo,
éd. France Inter/Équateurs, 2016
- H.G.
Wells, éd. Gallimard, 2016
- Les
Surs Brontë : la force d'exister, éd. Tallandier,
2017 (remarquons que Fiona Stafford et Laura El Makki ont toutes deux
un livre publié chez Tallandier).
L'HISTOIRE
DU LIVRE Northanger Abbey
|
L'histoire
de la publication du livre est romanesque...
Ce fut premier roman achevé de Jane Austen,
initialement accepté par l'éditeur Benjamin Crosby &
Co en 1803 sous le titre Susan, en deux volumes, et acheté
pour la somme de 10 £.
Six ans plus tard, le roman n'était toujours pas publié
: Jane Austen écrit à Crosby, s'étonnant de ce retard
et proposant de renvoyer une copie s'il avait été perdu
par négligence et disant que si le retard perdurait, elle serait
libre alors de le faire publier ailleurs.
Crosby proposa de revendre le manuscrit à Jane pour le prix d'origine
auquel il avait été vendu et, en 1816, son frère
Henry le racheta à Crosby.
Jane Austen mourut en 1817. Northanger Abbey fut publié
à titre posthume en 1818.
Il a changé trois fois de titre : Susan, Miss
Catherine (ainsi l'appelait-elle dans ses lettres quand elle le retravaillait),
et après sa mort Northanger Abbey (et en France également :
Catherine Morland, Northanger Abbey, L'Abbaye de Northanger).
Selon sa sur Cassandra, Jane avait écrit
le roman entre 1798 et 1799, ce qui signifie qu'elle avait moins de 25
ans lorsqu'elle termina son premier livre. Elle a
retouché le roman en 1816 lorsque le manuscrit lui a été
rendu, bien que nous sachions qu'à cette époque, elle travaillait
déjà sur Persuasion, ce qui explique probablement
pourquoi elle s'est arrêtée avant de réviser le roman
dans une plus large mesure. Ella a ajouté une préface au
roman lors de la révision du manuscrit :
"Le public est prié de se rappeler que treize ans se sont
écoulés depuis qu'il a été terminé,
beaucoup plus depuis qu'il a été commencé, et que
pendant cette période, les lieux, les murs, les livres
et les opinions ont subi des changements considérables".
Jane s'est rendue à Bath pour la première
fois en 1797 chez son oncle et sa tante maternels. Il est fort probable
que ce voyage ait inspiré Jane les lieux du livre et qu'elle ait
accordé une attention particulière à The
Pump Room...
Plusieurs
TRADUCTIONS de Northanger Abbey sont disponibles (au moins 5 !).
Voici d'abord le texte anglais (ses 31 chapitres) en
ligne ici et voilà, de la plus ancienne à la plus récente,
les traductions, avec des titres successifs différents :
- 1824
: Hyacinthe de Ferrières, Hachette-BNF,
version en
ligne ici :
- 1898
: Félix Fénéon,
critique d'art, collectionneur d'art, journaliste,
directeur de revues,
à qui fut récemment consacrée une double exposition
(Musée
du quai Branly et Musée
de lOrangerie) fut le premier à traduire sans lédulcorer
Jane Austen quon eauderosait.
Il découvrit ce livre dans la bibliothèque de la prison
où il attendait son procès en tant qu'anarchiste présumé...
Traduction que Jean Paulhan jugea admirable...
On la trouve en
ligne ici.
Elle parut en feuilleton de dix livraisons en 1898 dans La Revue
blanche, revue davant-garde dont Félix Fénéon
était le rédacteur en chef : il rédige lui-même
des traductions dEdgar P, de Dostoïevski et donc de
Jane Austen.
Il est donc celui qui ressuscite Jane Austen pour le public français.
Cette traduction fut publiée en un livre par
Gallimard,
dans la collection Les Classiques anglais, puis en collection L'Imaginaire,
sous le titre Catherine Morland :
Cette traduction est rééditée
sous le titre Northanger Abbey, dans
diverses collections récentes, par exemple Hugo
poche
qui inclut une "notice
biographique" par Henry
Austen, frère de Jane Austen (extraite de l'Abbaye de Northanger,
trad. Hyacinthe de Ferrières en 1824) ou Hauteville,
avec sa version
collector :
Ou Archipoche
(préface
Emmanuel Dazin, feuilleter
ici), avec sa
version
collector :
- 1980
: Josie Salesse-Lavergne, 10/18
-
2000 : Pierre Arnaud, Pléiade
et
Imaginaire Gallimard (traduction à conseiller), avec un nouveau
titre, L'Abbaye de Northanger :
- 2015 : Michel Laporte,
Flammarion
Jeunesse (feuilleter
ici)
Dans l'histoire des traductions de Jane Austen, on croise
des personnalités littéraires : d'abord sa première
adaptatrice, la baronne Isabelle
de Montolieu, femme de lettres à succès, dorigine
genevoise, amie de Mme de Genlis, auteure de La
Femme auteur et de Maria
Edgeworth, qui insuffle sa propre inspiration sentimentale aux uvres
de Jane Austen. On l'a vu, le critique et directeur littéraire
de la Revue blanche, Félix Fénéon ; Louis
Cazamian, fondateur des études anglaises à la Sorbonne,
préface Pride and Prejudice en 1947, et des éditeurs
renommés, tel Christian Bourgois, qui permit la "redécouverte"
dAusten à lorée des années 1980, en rééditant
toute son uvre.
Comparons trois phrases du tout début du livre qui décrivent
l'héroïne :
No one who had
ever seen Catherine Morland in her infancy would have supposed her
born to be an heroine. (...)
She had a thin awkward figure, a sallow skin without colour, dark
lank hair, and strong features - so much for her person; and not less
unpropitious for heroism seemed her mind. She was fond of all boy's
plays, and greatly preferred cricket not merely to dolls, but to the
more heroic enjoyments of infancy, nursing a dormouse, feeding a canary-bird,
or watering a rose-bush. |
1824, traduction de Hyacinthe de
Ferrières (la moins fidèle...)
De toutes les personnes qui ont connu Catherine Morland, dans son
enfance, il n'en est pas qui aient dû la croire née pour
figurer comme héroïne de roman. (...)
Dans la plus tendre jeunesse, Catherine avait de la vivacité
dans les yeux, mais son teint était pâle ; ses cheveux
étaient noirs, sans boucles et peu épais, ses traits
gros, ses membres forts ; enfin son corps ne semblait pas, plus que
son esprit, destiné par la nature à représenter,
comme je l'ai déjà dit, le principal personnage d'un
roman. Elle n'aimait que les jeux des petits garçons ; elle
s'amusait plus à tourmenter un hanneton, qu'à faire
la toilette de sa poupée ; à élever un moineau,
qu'à soigner ces roses, dont les auteurs représentent
la culture, comme l'amusement chéri des jeunes beautés,
desquelles ils nous donnent l'histoire. |
1898, Fénéon (Hauteville
et
collector,
Hugo
poche,
Archipoche
et
collector,
Gallimard)
Personne qui ait jamais vu Catherine Morland dans son enfance ne l'aurait
supposée née pour être une héroïne.
(...)
Elle était maigre et mal équarrie, avait la peau blême,
de noirs cheveux plats et de gros traits ; non plus que sa personne,
son esprit ne la marquait pour la fonction d'héroïne.
Elle raffolait de tous les jeux des garçons, et préférait
de beaucoup le cricket, non seulement aux poupées, mais aux
plus poétiques jeux de l'enfance, élever une marmotte
ou un canari, arroser un rosier. |
1980, Josie Salesse-Lavergne (10/18)
Personne ayant jamais vu Catherine Morland dans son enfance ne l'eût
supposée née pour être une héroïne.
(...)
Une silhouette maigre et gauche, un teint blafard et sans couleurs,
des cheveux sombres et plats, des traits grossiers, voilà pour
sa personne. Quant à son esprit, il ne semblait pas davantage
annoncer sa qualité d'héroïne.
Elle aimait tous les jeux de garçons et préférait
nettement le cricket, non seulement aux poupées, mais aussi
à ces distractions plus romanesques qui consistent pour un
enfant à soigner un loir, à nourrir un canari ou à
arroser un rosier. |
2000, Pierre Arnaud (Pléiade
et
Imaginaire Gallimard)
À voir Catherine Morland telle qu'elle était dans son
enfance, personne n'eût imaginé qu'elle fut destinée
à être une héroïne. (...)
Une silhouette de gamine maigre et gauche, un teint olivâtre
et sans couleurs, des cheveux bruns et plats et des traits accusés,
voilà pour sa personne. Pour ce qui était de sa nature,
elle présentait tout aussi peu de dispositions pour devenir
une héroïne. Elle aimait tous les jeux de garçon
et préférait de loin le cricket non seulement à
la poupée, mais à des occupations enfantines plus dignes
d'une héroïne, comme celles d'élever un loir, de
nourrir un canari ou d'arroser un rosier. |
2015, Michel Laporte (Flammarion
Jeunesse)
Qui aurait connu Catherine Morland enfant n'aurait jamais pu supposer
qu'elle était née pour être une héroïne.
Une silhouette maigre et ingrate, la peau cireuse et sans couleur,
des cheveux bruns et ternes, des traits banals - voilà pour
sa personne. Et son caractère convenait tout aussi peu à
une héroïne. Elle aimait tous les jeux de garçons,
et préférait le cricket non seulement aux poupées
mais aussi à tous les amusements héroïques de l'enfance
tels qu'élever un loir, nourrir un canari ou arroser des rosiers. |
À noter : l'existence d'un article
très détaillé et intéressant sur Wikipedia,
intitulé "Traductions
de Jane Austen en langue française".
Voir aussi "Les
premières éditions françaises de Jane Austen dans
les collections de la BNF", Lucile Trunel, Revue de la BNF,
2014.
Le
roman a donné lieu à une ADAPTATION à
l'écran :
Northanger Abbey,
de Jon Jones (2007),
avec Felicity Jones et J.J. Feild. Film complet en
ligne ici.
Et
voici NOS RÉACTIONS sur le livre
Pour ce 16 octobre 2022, nous étions 12
à exprimer nos réactions sur les livres de ou sur Jane
Austen :
- 6 en direct sur place : Brigitte,
Claire, Felina,
Lucie,
Nelly,
Stéphanie
-
2 en direct en visio : Agnès,
Sandra
- 4 dont les avis écrits ont été lus lors de la séance
: Flora,
Marion,
Muriel,
Patricia
- 8 loin de Jane Austen : Aurore,
Joëlle L, Joëlle M, Laetitia, Marie-Claire,
Nathalie, Sophie, Véronique.
La
succession des points de vue
|
Par écrit
Marion
Je n'avais jamais lu de Jane Austen, juste vu des extraits de films tirés
de ses uvres. J'avais il y a longtemps essayé de lire ce
livre, Northanger Abbey, mais ne l'avais pas terminé.
J'ai pensé à Balzac, comme étude de murs, mais
Balzac me semble plus facile. Cette fois, je l'ai fini et suis très
contente de l'avoir lu, car je l'ai apprécié.
Muriel
J'ai lu 200 pages du roman et j'avais déjà essayé
de lire Orgueil et préjugés.
C'est un univers qui ne m'intéresse absolument pas : robes en mousseline,
recherche de maris, bals... Je trouve ça cucul, et le style ne
m'a pas épatée. Donc, j'ai arrêté.
Du coup je n'ai éprouvé aucun intérêt à
lire la biographie. Bon, c'est un peu sec, j'en conviens.
Flora
Je ne connaissais pas l'autrice, juste le roman
Orgueil et préjugés, mais je ne savais pas qu'elle l'avait
écrit.
Concernant la biographie, j'ai aimé
que sa vie soit retracée à travers ses romans. J'ai à
plusieurs reprises lu le livre en diagonale, car je trouve qu'il s'attardait
sur trop de détails et surtout je ne voulais pas connaître
l'intrigue du roman Orgueil et préjugés que je suis
en train de lire.
Je trouve que Jane Austen est une femme inspirante : ce n'était
pas évident de ne pas céder au poids de la société
qui voulait qu'une femme trouve un mari et fasse des enfants.
Belle découverte
!
(Tu nous diras si tu as aimé le roman, Flora ?)
Patricia
J'ai lu Catherine Morland
dans la traduction de Fénéon. Je ne l'ai pas fini car difficile
à lire. L'histoire ne m'a pas déplu, mais ne m'a pas passionnée
non plus...
En
direct (sur
place chez Lucie ou à l'écran)
Nelly
J'avais un préjugé favorable. Jane Austen est un grand nom.
Et de plus je suis intéressée par la littérature
anglaise. Les premiers chapitres de la biographie m'ont plu, c'est assez
classique, même si cela ne contient pas tellement d'analyse.
On voit un peu le tempérament de Jane Austen, le lien avec ses
frères. Et puis assez vite il s'agit des romans et c'est comme
suivre un cours. Mon impression est que cela suppose qu'on a lu tous les
livres, sinon cela ressemble à une explication de texte scolaire
: ce n'est pas inintéressant, mais il faudrait avoir lu toutes
les uvres pour vraiment suivre.
À la fin, il y a cette postface, qui a ravivé mon intérêt,
avec tout ce qui se passe autour de Jane Austen et qui suscite un véritable
enthousiasme (l'austenmania !) : il y a même des clubs de lecture
qui lui sont consacrés !
À mi-chemin de la biographie, j'ai entrepris de lire le roman Northanger
Abbey. En parallèle, je suis également tombée
à la télévision sur Raison
et sentiments
que j'ai trouvé très daté, un peu cucul comme dit
Muriel.
En passant à la librairie Shakespeare
and company, j'ai eu envie de relire de l'anglais, et j'ai eu le plaisir
d'y trouver une édition hard cover de Northanger Abbey :
c'est broché, pas en poche (Nelly montre le bijou) :
Je
me suis imprégnée de l'ambiance...
Finalement,
j'ai un peu perdu l'habitude de lire en anglais, et je n'ai pas pu y trouver
l'humour subtil mentionné par d'autres lectrices. Les scènes
de bal..., les toilettes..., le frère et la sur..., j'ai
trouvé ça long, j'ai passé des pages à toute
vitesse. Le thème ne m'a pas captivée. C'est presque uniquement
pour l'anglais que je lisais, mais je n'ai pas terminé.
Mais malgré tout, cela m'inspire... j'aspire à voir sa maison,
mieux connaître sa personnalité, alors que dans les écrits
je n'ai pas ressenti d'empathie. On m'avait aussi offert des extraits
de sa correspondance dans cette
jolie édition.
On
y retrouve son tempérament, je suis sous le charme de l'écrivaine,
mais pas des livres qui étaient programmés cette fois à
Lirelles.
Stéphanie
(qui a lu en anglais la
biographie et le
livre)
Je pourrais faire un copier-coller de ce qu'a dit Nelly. J'ai lu la biographie
et ai eu le même ressenti. J'ai apprécié ce qui a
trait à la famille Austen et c'est assez intéressant sur
la vie de l'époque.
J'ai eu un peu de littérature anglaise au programme quand j'étais
à la fac et là, dans cette biographie, j'avais un exposé
autour de chaque uvre, je n'ai pas trouvé ça passionnant
si on n'a pas lu les romans. Mais je pense que je vais lire Persuasion.
Peut-être...
Dans Northanger Abbey, j'ai apprécié l'expression,
la virtuosité, c'est très beau, il y a des joyaux de phrase.
Et de l'humour. Mais de façon affective, je ne suis pas portée
sur ce genre de texte qui ne m'intéresse pas. Mais je suis contente
que le groupe m'ait donné l'occasion de m'y attaquer. J'ajoute
que j'ai découvert qu'elle n'adhérait pas aux préjugés
de son milieu et qu'à sa manière elle les critique.
Felina
J'ai un avis mitigé.
J'ai bien aimé la première partie, concernant l'enfance.
J'ai été intéressée par la description de
l'atmosphère vive et intellectuelle qui devait régner dans
la famille Austen.
Puis la partie suivante, qui concerne plus les uvres elles-mêmes,
m'a un peu ennuyée. La façon de parler de Jane Austen par
bribes et essentiellement par le biais des romans m'a déplu. J'aurais
préféré plus de biographie à proprement parler.
Ce qui m'a vraiment dérangée, c'est le récit du succès
de la publication de son premier vrai roman Raison
et sentiments. Cet événement-clé de sa carrière
a été expédié en quelques lignes, comme si
ce n'était vraiment pas important. J'aurais voulu en savoir davantage,
sa joie, sa satisfaction, via des les lettres qui n'ont pas dû manquer.
Donc là, j'ai perdu un peu intérêt et j'ai sauté
quelques pages d'analyse de roman.
J'ai retrouvé de l'intérêt vers les dernières
pages à la lecture de la postface que j'ai trouvée riche
de détails intéressants et même de suggestions de
lecture : il me faudra absolument me procurer Orgueil
et Préjugés & Zombies...
Ce livre a quand même relancé mon envie de lire tous les
romans de Jane Austen.
Au sujet de L'abbaye
de Northanger, je serai brève. Je l'ai aimé,
même si ce n'est pas aussi bien qu'Orgueil
et préjugés. Au début je n'ai pas trop apprécié
la forme très parodique, puis j'ai été embarquée
par l'histoire et son style d'écriture.
C'est la première fois que je ne lisais pas en anglais, mais j'ai
trouvé la traduction (Pierre Arnaud) excellente : elle rend toutes
les qualités du style de Jane Austen, son effet comique et ironique,
avec une économie de mots maximale.
Ses descriptions de personnages, son regard acéré, les paysages
anglais, les jardins, les demeures : un peu comme Catherine, j'avais la
même hâte de personnage principal à les découvrir
Sandra
(à l'écran)
Je n'avais jamais lu Jane Austen. C'est un univers qui ne m'a jamais attirée,
de même que les surs Brontë.
J'ai commencé la biographie avec ses chapitres courts, faciles
à lire. C'est bien écrit. L'auteure nous donne les principales
infos, les clés pour comprendre une époque et contextualiser
les écrits de Jane Austen. En tant qu'historienne, je n'ai lu que
cela et je n'ai pas de quoi savoir si elle dit des bêtises (il faudrait
comparer avec d'autres écrits). Mais j'ai bien aimé l'expression,
l'agencement des chapitres. Oui, c'est court concernant certains éléments,
comme tu l'as dit Felina. En gros j'ai bien aimé. Ça m'a
montré l'importance de Jane Austen dans l'histoire littéraire,
dans la mise en avant du roman comme genre littéraire important.
Est-ce que la biographie m'a donné envie de la lire ? Ben non !
Certes Jane Austen a largement contribué à l'importance
les personnages féminins, à la description de leurs conditions
sociales et de vie, etc., comme explicité dans l'ouvrage, mais
il ne m'a pas donné envie de m'engouffrer dans son univers. Pour
une novice que je suis, ce livre ouvre la porte à l'univers de
Jane Austen, mais reste à chacun de poursuivre pour davantage appréhender
son monde.
Concernant l'austenmania, il me manque des éléments pour
le comprendre, d'où vient-il ? Sur l'effet de l'écriture
de l'auteure et/ou sur le mystère qui l'entoure ?
Ce qui manque dans la bio, c'est d'en savoir plus sur son succès
à l'époque : oui elle a été reconnue, mais
on n'en sait pas assez sur la réception critique venant du public
et du monde littéraire.
Je n'ai donc pas lu le roman car ça m'a suffi...
Brigitte
L'austenmania
dont il est question à la fin de la biographie m'a fait penser
à un autre exemple, plus ancien. Une vieille cousine de 92 ans
m'a raconté récemment que, quand elle a passé il
y a bien cinquante ans l'agrégation d'anglais et qu'elle a été
reçue, sa grande "amie" anglaise (avec qui elle assista
au couronnement de la reine...) lui a alors offert... les uvres
complètes de Jane Austen. Mais pour elle le chef-d'uvre,
c'est Emma, et elle tord le nez sur Northanger Abbey, publié
post mortem.
Je l'avais donc à peine entrouvert mais je l'ai lu pour Lirelles.
Et j'ai beaucoup aimé, dès les premières pages :
le style sophistiqué, et l'humour ravageur, contre la gentry, ses
murs et ses codes, et contre les consurs du roman gothique.
Il faut reconnaître à Jane Austen d'avoir donné ses
lettres de noblesse au roman, qui était un genre méprisé
à l'époque. Ouvrant la voie aux grandes romancières
anglaises que l'on connaît mieux.
Quant à la biographie, je me suis demandé à qui elle
était destinée, avec ses deux parties différentes,
la deuxième ayant trop la forme d'un cours sur les uvres
pour intéresser un public ne les ayant pas lues.
Claire
Pour ma part, si je ne participais pas à des groupes de lecture,
je n'aurais jamais lu Jane Austen. J'avais lu Raison et sentiments
puis Orgueil et préjugés : j'avais noté que
mon avis se résumait à ce mot
: "délice"... Pourtant, tout au long de ma lecture je
me demandais "mais pourquoi donc ça mintéresse
?". En fait la magie vient de l'écriture.
Je ne sais pas si je contribue à l'austenmania, mais j'ai visité
la maison devenue musée où elle résida, avec sa sur
Cassandra à Chawton, vu sa tombe dans la cathédrale de
Winchester, et récemment, je suis allée à Bath, ai
visité le Jane Austen Center...
J'ai d'abord lu la
biographie avec grand intérêt. J'ai trouvé le
défi bien relevé : faire une biographie originale après
tout ce qui a déjà été fait : à savoir
centrée sur l'évolution de l'écriture. J'ai été
légèrement gênée quand les romans étaient
évoqués et que le lecteur était censé les
connaître. J'ai apprécié également la juste
distance, entre l'admiration et la prise en compte des réserves
existantes : par exemple, son manque de "conscience politique".
J'ai trouvé intéressant que soit intégré le
contexte historique de Jane Austen - politique, artistique - qu'elle suivait
fort bien mais qui n'apparaît pas dans son petit théâtre.
La famille Austen m'a vraiment impressionnée et le talent de Jane,
précoce, y trouvant de quoi éclore et être valorisé.
Fiona Stafford finit en beauté par une belle présentation
et analyse de l'austenmania, des janéites et austénites...
Quant à L'abbaye de Northanger, j'ai vraiment beaucoup aimé
: l'humour avant tout, les jeux avec le lecteur, les effets rigolos de
la lecture des romans gothiques, les jeux de séduction et de société
qui restent éternels - on pourrait tout à fait transposer
aujourd'hui - sans parler d'un art du récit qui tient la lectrice.
Comment ne pas retenir l'aspect non conventionnel de l'héroïne
dès les premières pages qui n'est pas du tout mousseline
et qui m'a captée (j'aurais raccourci un peu la première
partie). J'ai beaucoup aimé Henry Tilney (identification à
Catherine ?...). Et certaines analyses m'ont semblé vraiment subtiles.
Je craignais de voir le
film
: j'ai trouvé très réussie cette adaptation, avec
deux personnages masculins (les méchants) un peu trop caricaturaux.
Le plaisir vient aussi de la lecture préalable.
Quant à l'histoire du livre et celle de la traduction, des traductions,
voilà des rebondissements dont j'ai été également
friande (il y a même un article sur Wikipédia, intitulé
"Traductions
de Jane Austen en langue française"). La qualité
de la traduction joue un rôle important dans la lecture, comme Felina
l'a appréciée, et Patricia a pâti d'une vieillerie.
Lucie
J'ai commencé par Northanger Abbey dont j'ai beaucoup aimé
le début. Au lycée, on avait étudié des romans
gothiques, les stéréotypes en jeu - le château avec
la jeune fille qui tremble... - mais ça ne m'avait pas beaucoup
plu. J'ai bien aimé dans ce début l'anti-héroïne
Catherine, la mère qui n'est pas décédée en
couche et qui a eu plein d'autres enfants. Les histoires de bal m'ont
fait décrocher.
Le
film m'a beaucoup plu, avec l'imagination qui joue des tours à
l'héroïne avec ses rêves où on retrouve les traces
de l'humour de Jane Austen, un film bien porté par les acteurs.
Pour la biographie, je rejoins ce que vous avez déjà dit
: elle lance des prénoms et il faut s'y retrouver. J'ai bien aimé
qu'elle essaie de cerner la personnalité de Jane, son quotidien
avec ses frères et surs, alors qu'on a peu de traces matérielles,
ses uvres bien sûr et quelques lettres où l'on retrouve
son ironie. Même pour ce qui est de sa maladie, elle reste très
cadrée, très discrète.
Il est vrai que c'est un exercice pas facile que la biographie, en plus
du fait qu'il s'agit d'une courte vie - d'ailleurs le sous-titre en anglais
est "une
vie brève" - et la biographe a réussi à
en rendre quelque chose. Il y a aussi ce regard sur la société
de son époque. Par rapport au roman gothique, pas très noble,
qui a pris un coup dans l'aile, Jane Austen donne ses lettres de noblesse
au roman.
Pour
conclure, j'aime relever les traces de son influence plus que de lire
ses livres : les traces dans la littérature les traces dans
la culture populaire, dans le cinéma. Par exemple, Clueless
d'Amy Heckerling (1995), qui est une adaptation libre d'Emma à
Beverly Hills à l'époque contemporaine. Ou encore dans St
Trinian's : pensionnat pour jeunes filles rebelles d'Oliver Parker
et Barnaby Thompson (2007), bourrés de clins d'il à
Orgueil et Préjugés : le chien se nomme Mr Darcy,
l'acteur Colin Firth, qui a interprété Mr Darcy, est présent,
et il reproduit la scène iconique où il sort de l'eau (à
voir ici
sur YouTube)...
Agnès
(à l'écran)
Je
suis une anglophile maniaque et j'étais très contente
qu'on programme cette biographie. Pendant mes études de littérature
anglophone, en cinq ans on n'a jamais étudié Jane Austen,
alors qu'on a eu au programme les surs Brontë, Angela Carter,
Dickinson, Woolf. Je n'avais jamais lu Jane Austen...
Cris d'orfraie dans l'assistance... le chat, timide
pourtant, rapplique pour voir ce qui se passe...
Mais j'ai vu tous les téléfilms de la BBC
adaptés de ses uvres et certains plusieurs fois, ainsi
que plusieurs films, celui
d'Ang Lee, Jane
de Julian Jarrold et The
Jane Austen Book Club. J'ai trouvé la biographie intéressante,
pas trop longue (traumatisée que je suis par le
livre de cet été..). Mais j'ai un bémol : je
suis restée sur ma faim car je n'ai pas appris grand-chose sur
Jane Austen, c'est plus une analyse de son uvre. Je reste sur
ma faim concernant sa vie.
Quand je regarde Raison
et sentiments, je me pâme..., je pleure..., je l'ai vu
quatre ou cinq fois. Je m'interroge même sur ma réaction
! Mais j'aime la tendresse, la solidarité entre surs, c'est
très beau. Et quant à l''humour british, je fonds
La campagne anglaise, les toilettes, les châteaux... : j'adore
au premier degré. Les émois sentimentaux me rappellent
les copines hétéros qui étaient en ébullition
les joues roses devant la
scène fameuse du film ou le héros - sensuel - sort
de l'eau, dans Orgueil
et préjugés.
J'apprécie que Jane Austen favorise l'inversion des stéréotypes
de genre, les femmes sont désirantes et les hommes objets (de
ce désir), elles traversent des épreuves et parviennent
à obtenir le bonheur qu'elles désiraient. Ce qui me plaît
beaucoup c'est que c'est une autrice, qui parle de femmes, et la narratrice
est une femme : un tiercé gagnant donc !
Ce qui m'intéresse aussi, c'est le contexte législatif
sur l'héritage qui renvoie à des règles qui ont
lésé les femmes : par exemple Vita
Sackville-West a perdu son grand domaine, car elle n'était
pas un homme pour hériter. Et c'est très récent
que les hommes et les femmes en Angleterre soient à égalité
concernant la succession au trône.
Enfin, dans la biographie qui m'a donc un peu déçue, j'ai
beaucoup aimé le chapitre sur l'austenmania, avec les objets
dérivés, je comprends tout à fait ça, je
partage cette attitude.
Sandra
Je m'étonne, Agnès, que tu ne n'aies pas lu Jane Austen
ou que tu ne te plonges pas dans l'uvre...
Stéphanie
J'allais le dire !
Sandra (mutine)
Craindrais-tu d'être déçue ?...
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