Trilogie new-yorkaise, trad. Pierre Furlan, Babel, 1991, 448 p.

Quatrième de couverture : De toutes les qualités qui ont justifié le succès de la Trilogie new-yorkaise, l'art de la narration est sans doute la plus déterminante. C'est qu'il suffit de s'embarquer dans la première phrase d'un de ces trois romans pour être emporté par les péripéties de l'action et étourdi jusqu'au vertige par les tribulations des personnages. Très vite pourtant le thriller prend une allure de quête métaphysique, et la ville illimitée, insaisisable - New York - devient un gigantesque échiquier où Paul Auster dispose ses pions. De ces trois romans, il avoue d'ailleurs vers la fin de La Chambre dérobée qu'ils sont une seule et même histoire considérée à des stades différents de la conscience qu'il a pu avoir. Et d'ajouter : "Il y a longtemps que je me démène pour dire adieu à quelque chose..." Or il est vrai que, dans l'art de dire la dépossession, il est passé maître.

Paul Auster (1947-2024)
Trilogie new-yorkaise

Nous avons lu ce livre en décembre 1991.

Nous n'avions alors pas encore ce site et n'utilisions pas de cote d'amour.

Le groupe breton a programmé pour l'été 2024 Moon Palace
+ au choix d'autres livres de Paul Auster ; ce fut l'occasion de mettre en ligne les notes conservées de la séance de 1991.
Nous avons ensuite programmé
Paul Auster au choix en mars 2025.


Avis des Parisiens réunis le 6 décembre 1991
pour Trilogie new-yorkaise

(Cité de verre - Revenants - La Chambre dérobée)

Anne-Marie, Catherine, Claire, Dominique, Elisabeth, Henri-Jean, Jacques, Marie-Christine, Renée, Sabine


Elisabeth
J'ai adoré le livre. À l'exception de la deuxième partie.
Dans ces relations en miroir, j'ai beaucoup aimé la dichotomie vie/mort, regarder/être regardé.

Anne-Marie
Je n'ai pas vu de lien de construction (j'ai lu une histoire et demie).
Le thème est toujours le même : observer la vie réduite à sa plus simple expression, explorer un non-lieu. Je ne comprends pas ce qu'il cherche. Ils lâchent tout. Il est à moitié mort. C'est fou. J'ai sauté plein de pages. Ça ne finit pas.
Dans la première histoire, le personnage disparaît. Pour une autre vie au-delà ? Une autre forme de vie ? L'auteur est fou ? La recherche mène où ?
La première histoire, j'ai accroché, la deuxième : merde, il recommence ! Je ne veux pas me faire piéger une deuxième fois. Ça m'angoisse ce néant. Je vois ça comme un exercice de styleà la Queneau.
Ça ne me fascine pas. Le plaisir ne paie pas l'angoisse. Dans ce dédoublement de personnalités, qui est qui ? N'est-ce pas un jeu intellectuel gratuit ?

Marie-Christine
Moi j'ai lu la deuxième. C'est la même histoire partout.
Ça m'a plu, c'est fascinant.
Je me suis jetée sur la troisième que je n'ai pas pu finir. Mais je lirai jusqu'à la fin.

Monique S
Je suis un peu partagée.
(J'ai une amie qui a perdu sa mère, qui a un père un New York. Leur père sans adresse fixe ne lui écrivait qu'une fois à Noël : "Je comprends si la vie est comme ça à New York que mon père ne m'écrive pas.")
J'étais incapable de raconter les histoires à la première lecture. J'ai tout mélangé. J'ai relu la deuxième pour la séance.
Au niveau des couleurs, il y a un jeu. J'avais envie de marcher dans l'histoire, mais ça m'angoisse, de se prendre pour un autre, c'est horrible.
Je suis paumée devant ce livre comme devant un tableau abstrait.

Claire
Je l'ai lu en entier. Je me suis sentie réservée. Au troisième, j'ai été accrochée.
J'ai aussi un sentiment d'artifice. C'est toujours le même schéma. Dans le troisième, il est dit que c'est la même histoire : je n'ai pas compris.
Le livre a pris une autre couleur à la fin de la lecture : il s'est mis à vivre, à prendre du volume. Il y a une multiplicité d'histoires.
Je poursuis la comparaison avec la peinture : les personnages ne sont pas figurés. Mais il émane une force qui touche. Je vois un grand fond blanc avec quelques touches qui prennent du relief.
Le jeu de miroirs entraîne un vertige. La citation de Spinoza p. 335 est un signe du livre : "Et lorsqu'il rêve qu'il ne veut pas écrire, il n'a pas la puissance de rêver qu'il veut écrire ; et lorsqu'il rêve qu'il veut écrire, il n'a pas la puissance de rêver qu'il ne veut pas écrire."
Ce sont trois variations d'un même schéma. Les histoires se renvoient l'une à l'autre. Il y a des éléments communs : quelqu'un et moi, un cahier, un comportement inexpliqué, deux hommes face à face, une forme de violence, la relation entre un homme et une femme, un livre imposé.
C'est dérangeant. Le stylo est sans effet, mais parfois a des effets. Folie de Stilman. Des dessins apparaissent dans l'abstraction. L'écriture est blanche, neutre. J'ai pensé au peintre Hopper, comme un temps suspendu, une étrangeté.
J'ai lu des articles qui m'ont enthousiasmée sur Auster.

Christine
Le livre se coince dans la cerveau et on ne peut s'en débarrasser.
Je l'ai lu deux fois. J'ai beaucoup aimé. J'ai préféré la troisième.
J'ai beaucoup de mal à analyser. Mes pensées s'emboîtaient les unes dans les autres. Avec un sentiment d'épuisement parfois.
La manière d'exprimer des sentiments simples dans des situations compliquées me plaît. Auster s'expose beaucoup.
Il y a une avalanche de noms au début, et ensuite plus de noms. J'aime la façon dont est décrit le sentiment amoureux.
Le thème de la perte d'identité, une vie peut chavirer du jour au lendemain : je suis touchée par cela.
Les personnages ont une grande douleur, cherchent un moyen de survivre. Tout bascule à un moment donné et ça ne peut pas s'arrêter.
J'aime tout ce qui est dit à propos des mots, "transparents", "comme des fenêtres", qui obscurcissent les faits que le personnage veut décrire (par exemple p. 205 dans la deuxième histoire).
J'aime quand il parle de son errance dans la ville. Il cherche à oublier quelque chose de terrible. Les descriptions sont belles. Les personnages secondaires intéressants, forts. Comment se crée un écrivain, c'est intéressant.
Il se révèle beaucoup, il n'essaie pas de plaire, il ne se raconte pas d'histoire. Les anecdotes sont mélangées avec l'Histoire.
Un épuisement s'ensuit : on ne peut pas s'arrêter, on a besoin d'une délivrance.

Sabine
J'ai lu 10 pages de la deuxième histoire. J'ai adoré la première et aimé la troisième.
C'est un livre très américain : j'ai bien senti le vent de l'Atlantique, la notion d'espace.
J'ai été accrochée au langage délirant de Stilman. J'ai senti le polar. C'est profondément ludique. Il y a un charme fou. J'aurais voulu être Sophie. C'est presque un roman à l'eau de rose. Il y a des moments de frisson. Un mélange des histoires. Une grande finesse, qui donne une légèreté, des moments de rire. Un tableau avec des champs qui s'emboîtent, un méta livre.
Mais une lecture facile, limpide. Beaucoup de sentiments. Un jeu de mots sur Auster ?

Henri-Jean
Je ne connais pas le livre dont vous parlez et je n'ai pas l'impression que vous parlez du même livre.
Christine m'a donné envie de le lire.

Renée
Je lis le début et ça ne me dit rien. Le premier paragraphe me tue : "C'est un faux numéro qui a tout déclenché, le téléphone sonnant trois fois au cœur de la nuit et la voix à l'autre bout demandant quelqu'un qu'il n'était pas. Bien plus tard, lorsqu'il pourrait réfléchir à ce qui lui était arrivé, il en conclurait que rien n'est réel sauf le hasard. Mais ce serait bien plus tard. Au début, il y a simplement eu l'événement et ses conséquences. Quant à savoir si l'affaire aurait pu tourner autrement ou si elle avait été entièrement prédéterminée par le premier mot qui sortit de la bouche de l'étranger, ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est l'histoire même, et ce n'est pas à elle de dire si elle a un sens ou pas."

Catherine
J'ai adoré. C'est l'expression de la vie. D'une habileté extrême.

Dominique
J'ai adoré. J'ai été prise dedans.
Je ne suis pas d'accord avec le thème de la vie.
Malgré quelques notations concrètes, c'est l'étrangeté, indivisable.
Il y a une multiplicité d'histoires. Je suis incapable de raconter. Et pourtant c'est clair.
J'ai buté sur les imparfaits du subjonctif.
Ce fut un énorme plaisir à lire.

Jacques
J'ai été assez fasciné. J'ai aimé le livre, sauf la fin, la conclusion que j'ai pas aimée.
Il y a une profusion de détails. C'est difficile à raconter.
C'est la deuxième histoire qui m'a le plus plu. Ces deux personnages face à face dans leur solitude. Il n'y a pas de fin. Une très grande solitude des personnages qui mène à la folie.
Auster sait écrire une histoire. Il y a un foisonnement de détails qui ont tous leur importanc, une imagination fabuleuse.
Les gens sont attirés par une spirale et doivent aller jusqu'au bout. Un aimant pousse en avant, au-delà de la raison.
Pour moi, ce n'est pas un polar ; le polar est un moyen seulement. Je vois un parallèle avec Don Quichotte pour la première partie. J'ai perdu les pédales.

 

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