Quatrième
de couverture : Le hussard sur le
toit : avec son allure de comptine, ce titre intrigue. Pourquoi
sur le toit ? Qua-t-il fallu pour lamener là ? Rien
moins quune épidémie de choléra, qui ravage
la Provence vers 1830, et les menées révolutionnaires
des carbonari piémontais. |
Giono
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Le groupe
de Tenerife
s'est retrouvé le 26 septembre 2023 en petit comité (5 sur 8) avec un avis sur Whatsapp. |
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Nieves précise
l'ambiance générale que nuanceront deux avis détaillés
ci-dessous : ce que je peux dire, c'est qu'on a pas du tout aimé
Le hussard sur le toit. On l'a tous trouvé imbuvable,
malgré l'opinion très répandue qui le considère
comme un des meilleurs romans du XXe siècle...
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"Le petit village sous lequel ils passaient était agrémenté par des balustrades, des tuyautages de tuiles roses, des treilles des escaliers d'un blanc d'albâtre la très belle cage en fer forgé du clocher montait jusque devant les fenêtres à meneaux d'un château campagnard qui coiffait le sommet du tertre avec ses créneaux naïfs et les minces cyprès de ses terrasses".
"À mesure que les châteaux de nuages s'éloignaient l'un de l'autre découvrant de plus en plus du ciel, l'azur vira au bleu de gentiane et tout un ostensoir de rayons de soleil se mit à rouer à la pointe extrême des nuées".
D'autre part, on trouve aussi des réflexions curieuses :
"Cette lutte est juste et c'est pour sa justice que je l'ai entreprise il est incontestable qu'une cause juste, si je m'y dévoue, sert mon orgueil La lutte. C'est-à-dire une épreuve de force, dans laquelle j'espère être le plus fort. Au fond, tout revient à : 'Vive moi'
Laver les morts c'est un acte inutile à tout le monde, mais très utile à notre orgueil (la nonne et lui) Je sais que je vaux plus que tous ces gens qui avaient des positions sociales, à qui on donnait du "Monsieur" et qui vont jeter leurs êtres chers au fumier
Giuseppe : Les paysans n'ont des visages intelligents que dans notre pays. Ici, ils ont la figure plate des écus
Faire confiance au vague à l'âme ? Dans lequel tout est paisible ; surtout l'impossible puisque, dans les moments vraiment critiques c'est précisément de l'impossible qu'on a besoin."
Probablement, en revenant en arrière, j'aurais pu trouver des passages auxquels il valait la peine de m'y attendre, cependant, je me réaffirme dans les mauvaises sensations que j'ai ressenti tout au long de ce récit jusqu'à la dernière page.
José Luis
Livre étonnant que celui-ci. D'abord par le thème - une
épidémie de choléra - choisi par l'auteur, après
par le type de récit qui rappelle les romans d'aventures du XVIIIe
siècle plutôt que ceux du XIXe ou du XXe siècles,
enfin par le manque de mouvement dans l'action, puisque, sauf dans la
partie finale sur laquelle je reviendrai, on dirait que - quoique le narrateur
dise au sujet de déplacements répétés du héros -
le lecteur, moi, en tout cas, a l'impression d'être toujours à
la même place, c'est à dire à la place de la mort
qui occupe tout et égale par là villages, villes, paysages
Cette omniprésence de la mort, la répétition constante
des descriptions des terribles et irréversibles effets de la peste,
font que la lecture du livre est difficile, fatigante, très souvent
ennuyeuse, et même écurante. Il est vrai que, par moments,
malgré tout, le texte se met à respirer, notamment quand
la nature fait place aux hommes et aux femmes, morts, mourants ou vivants.
D'ailleurs le livre débute sur une très belle description
du commencement d'une journée :
"L'aube surprit Angelo béat et muet mais réveillé. La hauteur de la colline l'avait préservé du peu de rosée qui tombe dans ces pays en été. Il bouchonna son cheval avec une poignée de bruyère et roula son portemanteau.
Les oiseaux s'éveillaient dans la vallon où il descendit. Il ne faisait pas frais même dans les profondeurs encore couvertes des ténèbres de la nuit- Le ciel était entièrement éclairé d'élancements de lumière grise. En fin, le soleil rouge, tout écrasé dans des longues herbes de nuages sombres, émergea des forêts".
Un peu plus loin, la description d'un ensemble d'arbres nous surprend aussi par sa beauté (en même temps que, je ne peux pas le taire, par sa maladresse, car en cinq lignes, le mot "or" revient innécessairement quatre fois, et c'est loin d'être la seule fois où l'auteur commet ce type de, disons, manque d'attention, qui, pour moi, est une grave faute littéraire) :
"Puis la route tournait vers l'ouest et, soudain rétrécie à la dimension du chemin muletier qu'elle était devenue, elle était pressée d'arbres violents et vifs aux troncs soutenus de piliers d'or, aux branches tordues par les tiges d'or crépitantes, aux feuilles immobiles toutes dorées comme des petits miroirs sertis de minces fils d'or qui en épousaient tous les contours."
Mais ces morceaux, assez fréquents, restent noyés par la
ritournelle des descriptions des effets de la peste et des pestiférés.
Il n'y a que vers la fin que le roman change de tonalité :
pendant tout le voyage où le héros, Angelo, accompagne - vers
un lointain patelin où elle espère rencontrer son mari -
une jeune, belle et courageuse femme, nommée Pauline, dont il avait
fait la connaissance à l'époque où il se promenait
sur les toits de la ville et entrait dans les maisons à la recherche
de quoi se nourrir. Le long de tout ce périple, vécu dans
une intimité pleine de respect et de pudeur, ils s'éloignent
du choléra, la vie reprend ses droits et le lecteur attend que
l'amour fasse son apparition, à tel point les deux héros
lui - me - semblent faits l'un pour l'autre. Seraient-ce seulement
des âmes frères ? Ou cacheraient-ils leurs sentiments amoureux
par respect à des valeurs d'un ordre supérieure ? Je n'en
sais rien. Mais pendant la lecture de cette dernière partie du
roman - qui est un roman en elle-même - je n'ai cessé
de penser que ce qui explique le respect mutuel dont les deux compagnons
de voyage font montre l'un vers l'autre, c'est qu'il partagent, sans avoir
besoin de se l'avouer, les codes propres de l'"amour courtois"
du Moyen Âge, dans sa version d'amour platonique, évidemment.
Pour terminer, un dernière question resterait à élucider :
pourquoi ces deux-là, qui ne fuient pas, au contraire, le contact
avec les malades de choléra deviennent des rescapés ? Je
ne vois d'autres réponse que celle-ci : Giono avait besoin de les
maintenir en vie pour que son roman puisse avancer.
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