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Le voyageur est une source continuelle de perplexités, écrit Nicolas Bouvier. Sa place est partout et nulle part. Il vit d’instants volés, de reflets, de menus présents, d’aubaines et de miettes." Voici donc le Japon selon Bouvier. Un archipel pétri par l’histoire et le spirituel qui est autant le pays des samouraïs que celui des humbles. Là où d’autres convoquent une bibliothèque entière pour se donner des airs de penseur zen, Bouvier saisit l’odeur de l’air, la couleur d’un visage, une conversation dans la rue pour nous livrer en une ligne le diamant d’une sensation.

Nicolas Bouvier (1929-1998)
Chronique japonaise (1975)

Nous avons lu ce livre en 1997, puis nous lirons La Guerre à huit ans en 2008.
24 ans plus tard, Nicolas Bouvier a disparu, le Japon s'est peut-être "rapproché", les écrivains voyageurs sont nombreux, donnant lieu à un genre devenu familier (avec un rayon spécifique dans les librairies) et le nouveau groupe parisien lit à son tour Chronique japonaise en 2021, avec une impression dominante très différente.

4 avril 1997 : à cette époque, nous n'avions pas encore ce site, ni de cote d'amour attribuée à notre lecture sous forme d'un "livre plus ou moins ouvert" ; nous prenions juste quelques notes sur un cahier conservé - notes que voici.
De plus, sur les
7 participants cette soirée-là, une seule lectrice l'a lu en entier : la motivation pour Bouvier n'était pas très intense...

Sabine qui n'a pas lu le livre prend les notes.

Monique
C'est très frais. Voilà un livre qui change les idées. La sagesse des Japonais, l'histoire des bateaux... : ces sortes de légendes sont très agréables à lire.
C'est un livre qui ne se prend pas très au sérieux.

Claire
Mais érudit...

Brigitte
Je suis allée au Japon il y a… 17 ans. Je regrette de ne pas avoir eu ce livre entre les mains à l'époque, car c'est un livre idéal pour une introduction au voyage.
Ce livre comporte deux temps :
- le cahier gris, avec la propre histoire de l'auteur au Japon
- les deux autres cahiers expliquent les traditions, la culture très différente de la nôtre et qu'il nous présente bien.
C'est un livre facile à lire, très érudit, montrant qu'il a su pénétrer l'esprit japonais.

Françoise D
J'ai beaucoup aimé. Le narrateur est très sympathique.
Le livre m'a confortée dans l'idée de ne pas aller au Japon, pays beaucoup trop codifié pour moi qui suis si directe…

Claire
J'ai trouvé ce livre extrêmement… CHIANT !
Bien sûr, cela doit être bien de l'avoir en voyage, mais ici, quelle déambulation lente…, ennuyeuse…, le livre m'est tombé des mains.
J'ai entendu une émission avec Nicolas Bouvier, homme de bonne compagnie, mais l'émission était elle aussi ennuyeuse.
Le livre a été promu "meilleur livre de l'année" par Bernard Pivot, ce qui me laisse perplexe.

Henri-Jean
À deux reprises, je n'ai pas pu l'acheter…

Liliane
J'ai regretté de ne pas avoir de références japonaises autour de moi (même pas un vieil amant…).
C'est un livre qu'il ne faut pas lire trop rapidement.
Le premier chapitre est rebutant.
Mais par la suite, j'ai adoré plusieurs choses. Le narrateur est mystérieux, le pays lui colle très bien. Il y a de l'humour. Ce narrateur est photographe (précisions dans l'image). L'écriture est efficace. Il décrit sans être partie prenante. Il laisse ainsi beaucoup de liberté au lecteur (Liliane lit quelques pages : très convaincante !) Je n'ai pas trop aimé le cahier gris. On ressent l'âme du Japon.

Le 10 décembre 2021
8 lecteurs du nouveau groupe parisien se sont réunis
autour des Chroniques japonaises

Françoise H
J'ai lu ce livre il y a 15 jours, un samedi, alors que j'étais fatiguée. Je suis une grande fan de Nicolas Bouvier, il a eu une grande importance dans ma vie. J'ai beaucoup aimé ce mélange d'histoire et de mythes, et son attitude envers les gens. Il fait preuve d'une telle disponibilité, d'une telle ouverture d'esprit qu'il parvient à s'intéresser à des choses en soi inintéressantes (par exemple la fête de village). Il cherche à tout comprendre, il utilise des astuces, notamment l'utilisation de proverbes japonais pour entrer en contact avec les gens. Il y met toute son énergie, on sent tous ses sens en éveil, bien qu'il demeure très conscient de sa place et de son rôle dans cette société hiérarchisée. J'ouvre en très grand.
Jean-Paul
Je ne connaissais pas cet auteur, mais l'ai lu avec plaisir. Je m'attendais à un récit de voyage, mais j'ai beaucoup appris sur l'histoire japonaise et notamment sur l'influence des catholiques. Or, après cette première partie plus historique, on sent le voyageur qui s'imprègne et rencontre un peuple poli et respectueux, mais méfiant des étrangers. Aujourd'hui, beaucoup de gens voient le Japon à travers le prisme de la modernité : or, Nicolas Bouvier a véritablement voyagé, a pris le temps de voir et connaître le Japon dans tous ses aspects et sa profondeur. Par de petits moments et événements, il nous fait pénétrer au cœur de la culture japonaise. J'ai beaucoup apprécié son style fluide, agréable, dépouillé. J'ouvre en grand.
Anne
Si Ulysse avait été aussi attentionné que Nicolas Bouvier à ce qui l'entourait pendant son périple d'une vingtaine d'années, j'aurais été très émue par son aventure, mais il m'a fallu lire Chronique japonaise pour entrer pleinement dans le voyage qui m'était raconté, sans aucun agacement et avec un plaisir profond. Voilà un écrivain, un journaliste, un poète, qui n'est pas dépassé par son "grand" idéal pour s'en aller de l'autre côté du monde : il voit, il écoute, il sent, il apprend, il nous apprend. L'Odyssée et Chronique japonaise sont des récits dans des registres si différents qu'on ne peut pas les comparer. Certes, l'un a traversé les siècles et a enseigné l'art du roman, et l'autre… ? Eh bien l'autre, il a tout pour transmettre aux hommes : l'art de voyager. L'art de rencontrer, car c'est un livre sur l'émerveillement de la rencontre. Si nos contemporains n'ont pas pris cet exemple pour créer de nombreuses joies de la rencontre, s'ils montent des agences de voyage sur mesure pour faire fructifier l'économie sans créer de vrais étonnements, s'ils ravagent avec avidité ce qu'ils découvrent sans beaucoup de goût et de respect, alors tant pis, ils ont à portée de main un magnifique écrivain qui leur a dit comment on prend les grands chemins, avec un peu de risque et d'imagination, alors tant pis, au moins celui-là a existé. J'ai adoré ce livre, cette sensibilité à étudier l'ailleurs, à transmettre le lointain, l'étranger, à raconter les aléas de l'histoire, à dire avec des mots simples et beaux ce qui ne nous ressemble pas, à décrire des lieux, des atmosphères, d'une façon exceptionnelle. Depuis son érudition dont il nous fait part, depuis son humour, depuis son regard sur les humains, depuis sa merveilleuse écriture pleine d'esprit, Nicolas Bouvier m'a enchantée. Je le mets en livre de chevet et je le ré-ouvrirai souvent, à n'importe quelle page quand j'ai le sentiment que la vie grouille d'émotions, d'images, et alors même que je ne suis que confortable chez moi… Ce livre porte sans doute ce que je n'ai pas su vivre moi-même avec les "autres", ceux d'ailleurs, et je remercie profondément l'auteur d'avoir travaillé à en parler si bien.
Monique M
Nous venons de lire plusieurs livres qui remontent le fil des siècles, il en est encore ainsi de celui-ci. Après l'Europe et la Grèce, nous voici en Asie, au Japon dont le livre explore la culture et les mythes et c'est encore un enchantement, car Nicolas Bouvier, grand humaniste, conte de façon ludique, humoristique et très documentée, la genèse et l'histoire de ce peuple, ses rites, sa culture si riche et mystérieuse à notre regard occidental.
Je n'ai eu le temps pour l'instant de lire que la première partie, où on apprend beaucoup, de façon amusante, ce qui est à la fois instructif et réjouissant. J'ai aimé particulièrement :
- La description du panthéon shinto, ses innombrables dieux et déesses (les Kami), dont la déesse Amaterasu O-mi Kami, déesse de la lumière et figure la plus vénérée, est l'ancêtre du clan impérial. Avec ses rites, ses superstitions innombrables qui font sourire "Dans les temples bouddhiques et les sanctuaires shintoïstes, la récitation quotidienne des incantations, des exorcismes et des charmes remplit les caisses du clergé." ; et dans les sanctuaires, ses chants, ses danses au son du tambour, de la flûte et du koto. "Une musique bizarre et lente nous dit Nicolas Bouvier, qui paraît tirée de la terre, du noir des racines, des troncs, et à côté de laquelle n'importe quel Requiem occidental, polyphoniquement bien supérieur, prend un air fabriqué et mondain" et il ajoute : "Pas très variée ni harmonieuse peut-être pour nos oreilles faites à des sauces plus riches, mais d'un pouvoir si évident qu'au bout d'un moment on se retourne tout de même pour s'assurer que les arbres sous lesquels on était assis ne sont pas en train de prendre à la file indienne le chemin du Grand Temple d'Amaterasu en Isé." Le lecteur en a le frisson.
- Les grandes dates de l'Histoire ; celles de la propagation du bouddhisme de l'Inde vers l'Asie centrale, la Chine, la Corée puis le Japon ; mais aussi celles du commerce occidental et des grands conflits. Dans ce livre, on apprend avec légèreté, de façon ludique, car Nicolas Bouvier truffe son récit de toutes sortes d'anecdotes réjouissantes. J'ai adoré les passages sur Marco Polo et son Livre des merveilles évoquant un Japon regorgeant d'or qu'il appelle Zipangri, contant les attaques de l'empereur chinois Koubilaï contre le Japon, et le typhon salvateur Vent-Dieu (Kami kase) qui anéantit sa flotte ; le fait que Christophe Colomb ait eu un exemplaire de ce livre des merveilles, et que rêvant d'atteindre Zipangri et son or, il décide de partir à sa conquête, lettre d'Isabelle la catholique en poche pour l'empereur de Chine. Il part vers l'ouest, la Terre est ronde, il pense atteindre le Japon et découvre l'Amérique !
Formidables, les tracasseries japonaises (fouilles, interrogatoires, isolement) à l'égard des marchands hollandais de l'Oost Indische Companie au 17e siècle, décrites par Kaempfer dans son histoire du Japon et l'analyse qu'en fait Nicolas Bouvier ; la flotte du commodore Perry qui force le Japon à s'ouvrir au commerce extérieur faute de canons et la grande réforme de modernisation qui s'en suit ; le récit savoureux de la délégation japonaise aux US en 1860 où au premier banquet officiel, "la présence de larbins derrière leur siège leur paraît si insultante (dans l'étiquette des samouraïs, placer un homme dans le dos d'un invité est une offense mortelle) qu'ils se consultent en japonais pour savoir s'ils ne vont pas chercher leurs sabres au vestiaire et pourfendre ces grandes volailles en livrées vert et or".
Formidables aussi les descriptions des personnages : les touristes américaines qui ne comprennent rien et les Françaises qui se plaignent qu'on ne leur ait pas livré l'âme du Japon ; les deux Coréennes qui tiennent un bar, la fille et la mère : "des visages de sioux, des peaux mates et parfaites tendues sur de fortes pommettes, des yeux d'obsidienne impertinents et gais, des dents superbes. Toutes deux l'allure de magiciennes ou de renardes réincarnées" et les tournures de phrase au style poétique et imagé qui sonne juste :
"Le poids du froid : Il entre du grelottement dans la musique japonaise"
"Les arbres aux branchures tordues, anguleuses, comme s'ils avaient des crampes"
"Le ciel est comme une éponge lumineuse qu'une grande main presse et relâche"
"Le théâtre No : On progresse dans une sorte de Tibet mental"

Ce Tibet mental s'accorde d'ailleurs merveilleusement à la passion des japonais pour la contemplation de la nature et des astres : La lune est souveraine : La regarder monter au-dessus d'un décor bien choisi est un des passe-temps favori de septembre. On célèbre les fleurs : Au festival des fleurs de prunier succède celui des passe-roses, des iris, des azalées ; la fête du Tanabata célèbre la conjonction de l'étoile du Bouvier et de Véga la Fileuse ; on admire le rougeoiement des feuilles d'érables. "Toute l'année tourne autour des fleurs, des feuilles, des pousses et des épis de riz, des constellations". Il y a dans ce regard japonais un esthétisme, un aspect épuré que l'on retrouve dans la peinture japonaise. Une extrême simplicité, une appétence pour la lenteur que l'on retrouve dans l'exemple de thème de no : "Un voyageur fatigué s'endort près d'un puits ; l'ombre d'une femme qui s'y était autrefois jetée en sort et danse l'amour malheureux qui l'a conduite à cette fin. Le voyageur se réveille, inexplicablement remué par ce rêve qui, on le sent, va le faire cheminer vers son éveil spirituel. Avec cela dit Nicolas Bouvier on vous tient facilement 2 heures en haleine. Et il ajoute, J'aime beaucoup cette économie et, après tout, une vie humaine contient-elle vraiment plus que cette trajectoire-là ? Le reste n'est que péripéties qu'on a bien raison de ne pas porter à la scène" Merveilleuse analyse d'humanisme et de simplicité.
J'ai adoré cette première partie et vais poursuivre ma lecture avec grand plaisir. Merci à Katherine qui a proposé ce livre, un cadeau superbe. J'ouvre en grand.
Anne-Marie
Vous avez tout dit. J'ai beaucoup apprécié les passages sur le Zen et les questions pour ouvrir l'esprit. J'ai bien aimé son attention aux préoccupations des petites gens, à la vie quotidienne (notamment ces femmes qui prennent le bus avec des boîtes remplies de déchets de poisson). L'Occident sort amoindri de sa comparaison avec le Japon. Nicolas Bouvier observe bien les Japonais et comprend l'importance équivalente de la forme et du fond, qui favorise l'harmonie dans cette société. J'ouvre en grand.
Margot
Je l'ai lu il y a 15 ans. Des amis m'ont dit que les Japonais étaient impénétrables, invivables, qu'il était très difficile de travailler avec eux. Cela contraste énormément avec l'expérience de Nicolas Bouvier, entre cet archipel surpeuplé et l'espace qu'on trouve dans ses pages. Nicolas Bouvier fait preuve d'une grande érudition, mais son contact est simple et évident, il lie les petites choses et le cosmos. J'ouvre en très grand.
Olivier
J'ai beaucoup aimé entendre vos interventions pour voir certains moments du livre sous une autre lumière. Je l'ai lu en suspension, comme on écoute une musique : en l'accompagnant, en portant attention ou non, mais toujours avec cette musique et ce plaisir. Il y a une grande humilité et une vérité dans son approche de cette culture intérieure et complètement différente de la nôtre. Je regrette toutefois qu'il n'ait pas parlé de la femme ni du sexe : aussi à cet égard, le Japon est un monde qui n'a rien à voir avec le nôtre. On ferme ce livre en ayant une image toujours aussi opaque du Japonais, même si on a beaucoup appris sur son histoire et sa culture. J'ouvre en grand.
Katherine
Je savais avant même d'ouvrir ce livre que j'allais adorer sa lecture. Nicolas Bouvier est un grand voyageur et tout dans son œuvre démontre son intérêt sincère pour les pays qu'il traverse et les gens qu'il y rencontre. Ici, cet intérêt est multi-facettes et va du récit de la grande Histoire du Japon (principalement en première partie) jusqu'aux interactions avec ses voisins et petits moments de la vie quotidienne japonaise. J'ai trouvé l'équilibre est parfait entre ce côté historique et intellectuel, et le récit des événements tout simples qui ont émaillé sa route. Sa plume est tout à la fois poétique, drôle, légère et précise : je relirais avec bonheur ses pages simplement pour la beauté de son écriture ! J'ouvre en immense.

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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