Quatrième de couverture : Esther Greenwood, dix-neuf ans, est à New York avec d'autres lauréates d'un concours de poésie organisé par un magazine de mode. De réceptions en soirées passées pour tuer le temps, ce sont quelques jours d'une existence agitée et futile que vit la narratrice. En même temps, elle se souvient de son enfance, de son adolescence d'étudiante américaine, des amours qu'elle a connues. Tout bascule lorsqu'Esther quitte New York. Tentatives de suicide, traitements de choc, guérison, rechutes, et, pour finir, l'espoir. Esther est à la fois "patiente" dans l'univers hospitalier et observatrice au regard aigu de ce monde, qui a pour toile de fond l'Amérique des années 50.

Sylvia Plath
La cloche de détresse

Nous avons lu ce livre en mars 1997.
Nous le relirons 24 ans plus tard en 2021.


Sabine
Signal plat. Je suis médusée de ne rien accrocher. Rien vu, rien senti. Même pas du dégoût.

Christine
Je n'avais pas envie de le relire et de nouveau, à lire, j'ai raccroché. L'intérêt porte sur la société américaine des années 50. Le moment où elle "dérape" me semble particulièrement intéressant. Même chose pour le motif de rupture avec le fiancé. Par exemple, le moment où elle en bobine son prof de physique-chimie est remarquable. Son regard est cruel tout le temps, sauf au moment où elle déculpabilise Buddy sur le devenir de ses fiancées placées à l'asile. La hiérarchie des bâtiments à l'intérieur des asiles est mise en évidence ; les descriptions des électrochocs et de leurs passations sont bien vues et " réelles ". Finalement, je ne regrette pas.

Claire
J'adhère pleinement aux personnages de Sylvia Plath, mais j'ai du mal à saisir la suite de la narration. Je me délecte de son humour "glacé", de son style fait de "fausse naïveté". De même pour la physique ou "son esprit devient complètement frigide". S. Plath n'est jamais dans les clichés et elle a une voix très singulière, un style puissant et un humour ravageur, empli de liberté.

Marie-Christine
Je me suis arrêtée à la page 107 et je n'ai pas accroché. J'ai préféré Cavada et je me suis sentie un peu "cloche" de cette distance... J'ai l'image d'un dédoublement. En écoutant les réactions des autres, cela me donne envie de continuer. Je suis obsédée par l'image de la cloche.

Henri-Jean
J'ai lu le livre avec intérêt et j'ai oublié assez vite les événements anciens. Il y a 25 ans en Angleterre notre prof avait raconté sa vie et notamment le moment de son suicide, le matin, après avoir donné le petit déjeuner à ses enfants. Ce livre me faisait peur. Je n'ai pas eu assez d'émotions au regard de mes attentes ; j'aurais voulu noter ses "dérapages", le comment on devient fou, là où la folie commence, le vacillement subreptice de la réalité. Ce livre me rappelle le film de Chantal Ackermann Jeanne Dielman.

Claire
Je verrais bien La Cloche au cinéma.

Liliane
Je me demande qui a encore joué ce mauvais tour : encore un livre de femme folle ! "La cloche fêlée". J'en ai assez de cette complaisance dans la morbidité : il est temps de passer à autre chose. Malgré mes craintes initiales, j'ai tout lu et finalement j'ai bien aimé. Du coup je relis Jung et j'analyse le comportement de Sylvia Plath comme une introversion. Ce qui est déficient, c'est l'émotion. Elle n'aime pas, elle ne sait pas aimer, elle n'a pas non plus d'intuition. Dès le début, j'ai senti cette absence d'émotions et de communication à l'autre. Oui à la description de la société new-yorkaise et la description du vide lors de l'été. Seule la psy arrive à communiquer émotivement avec elle. In fine j'ai quand même envie de m'en débarrasser…

Jean-Louis
Ça avait mal commencé. Je n'ai pas accroché du tout. Heureusement, j'ai zappé : j'ai pris le livre au milieu, à la fin. La note biographique m'a beaucoup plu. J'ai été pris par l'écriture. Mais ce monde de la folie m'effraie. C'est assez glauque. Il n'y a pas d'émotion partagée. C'est l'oppression suprême. Au début j'ai trouvé cela complètement insignifiant. Ce livre me fait peur, un peu comme Vol au-dessus d'un nid de coucou. Je ne l'ai pas lu jusqu'au bout. J'ai grappillé. Un sentiment étrange…

Claire lit un extrait de la notice dans un dictionnaire littéraire, qui met en exergue en "le regard de soi", intransigeant, froid.

Absentes, mais ont transmis leur avis, oral ou écrit :

Brigitte
Au début je n'ai pas aimé alors qu'ensuite j'ai accroché.

Céline
J'ai noté des moments de délectation du morbide, les relations avec Doreen, les petites cruautés, les jalousies, le pragmatisme cynique. Elle baffre, elle ingurgite. Avec l'internement, j'accroche à nouveau. J'avoue avoir terminé le livre déprimée.

Françoise Delphy
J'aimerais venir ce vendredi mais j'aurai encore un dernier cours. J'ai lu La cloche de détresse il y a 30 ans [le livre est sorti en 1963] et l'ai relu récemment. Après 7 ans de dépression, le texte a encore plus de sens de profondeur. La métaphore de la cloche à fromage qui vous isole totalement du monde et vous asphyxie st une trouvaille : on ne sait pourquoi elle s'abaisse sur votre tête et pas davantage pourquoi un jour elle se soulève et vous laisse respirer.

Sylvia Plath est dure.
Voici les premières lignes du poème "Lesbos" :

"Viciousness in the kitchen !
The potatoes hiss."
"Méchanceté dans la cuisine
Les pommes de terre sifflent"

et plus loin :

"Now, I am silent, hate
Up to my neck,
Thick, thick."
"Je suis maintenant silencieuse
Dans la haine jusqu'au coup
Épaisse, épaisse."

"Elle portait une robe de dentelle blanche sans épaulette sur un corset qui la serrait vers le milieu et faisait sortir des courbes spectaculaires par-dessus et par-dessous".

Elle n'est pas vraiment drôle et pourtant follement amusante. Elle voit les êtres humains comme des pantins qui jouent la pantomime : maquillage, habillage, babillage… entre deux suicides. Elle a un humour féroce :

"Ses yeux fixés couleur de galets, ses dents en pierre tombale et sa voix haletante"...

Sa description du sexe masculin est irrésistible :

"La seule chose que ça m'évoquait c'était un cou de dinde et des gésiers de dinde et je me suis sentis très déprimée".

On a un résumé de la fragilité humain dans ce zeugme :

"C'était un visage qui avait besoin d'eau et de savon et de tolérance chrétienne".

J'ai apprécié aussi plus qu'à 20 ans son féminisme discret mais bien affirmé. Elle ne veut pas être secrétaire car elle veut non copier des lettres fascinantes mais les écrire elle-même, et le double standard moral pour les hommes et les femmes la scandalise :

"Je ne pouvais supporter l'idée qu'une femme devait avoir une seule vie pure et qu'un homme pouvait avoir une double vie, une pure et l'autre pas."

Enfin, ce que j'admire surtout, c'est son courage d'affirmer que la mort peut avoir pour certains plus de séduction que la vie. Pour beaucoup, dire que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue est un scandale. Non seulement elle le dit, mais elle présente le suicide comme quelque chose de naturel et de beau :

"L'idée que je pourrais me tuer se formait dans ma tète, tranquille, comme un arbre, comme une fleur".

Les traductions sont de moi, donc faites à la va-vite.
Je joins un poème, très beau et très important puisqu'il parle de la mort.

I have done it again.
One year in every ten
I manage it-----

A sort of walking miracle, my skin
Bright as a Nazi lampshade,
My right foot

A paperweight,
My featureless, fine
Jew linen.

Peel off the napkin
O my enemy.
Do I terrify?-------

The nose, the eye pits, the full set of teeth?
The sour breath
Will vanish in a day.

Soon, soon the flesh
The grave cave ate will be
At home on me

And I a smiling woman.
I am only thirty.
And like the cat I have nine times to die.

This is Number Three.
What a trash
To annihilate each decade.

What a million filaments.
The Peanut-crunching crowd
Shoves in to see

Them unwrap me hand in foot -----
The big strip tease.
Gentleman , ladies

These are my hands
My knees.
I may be skin and bone,

Nevertheless, I am the same, identical woman.
The first time it happened I was ten.
It was an accident.

The second time I meant
To last it out and not come back at all.
I rocked shut

Dying
Is an art, like everything else.
I do it exceptionally well.

I do it so it feels like hell.
I do it so it feels real.
I guess you could say I've a call.

It's easy enough to do it in a cell.
It's easy enough to do it and stay put.
It's the theatrical

Comeback in broad day
To the same place, the same face, the same brute
Amused shout:

'A miracle!'
That knocks me out.
There is a charge

For the eyeing my scars, there is a charge
For the hearing of my heart---
It really goes.

And there is a charge, a very large charge
For a word or a touch
Or a bit of blood

Or a piece of my hair on my clothes.
So, so, Herr Doktor.
So, Herr Enemy.

I am your opus,
I am your valuable,
The pure gold babyThat melts to a shriek.
I turn and burn.
Do not think I underestimate your great concern.

Ash, ash---
You poke and stir.
Flesh, bone, there is nothing there----

A cake of soap,
A wedding ring,
A gold filling.

Herr God, Herr Lucifer
Beware
Beware.

Out of the ash
I rise with my red hair
And I eat men like air.


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