Quatrième
de couverture : L'Homme sentimental a reçu le Prix Herralde du roman en 1986, Un coeur si blanc le Prix international de littérature Impac Dublin en 1997, et Demain dans la bataille pense à moi le Prix international du roman Ramulo Gallegos et le Prix Femina étranger en 1996
Quatrième
de couverture :
Juan vient d'épouser Luisa, traductrice
et interprète comme lui. Jeune homme sans histoires, il a tout
pour être heureux. Il a toutefois, au retour de son voyage de noces,
le sentiment que quelque chose va se produire, et éprouve un certain
malaise. Vient-il des propos ambigus que lui a tenus son père après
la cérémonie, d'une scène surprise à La Havane
pendant le voyage, ou tout simplement d'une histoire familiale gardée
jusqu'alors secrète? Quelques articles - Un grand article de Florence Noiville sur Javier Marias dans la rubrique Mots de passe du Monde des livres (3 février 2017) - Revue Traduire, n° 226,
2012 : |
Javier Marías (né en 1951)
|
Depuis
1999, nous avons adopté des cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
||||
à
la folie
grand ouvert |
beaucoup
¾ ouvert |
moyennement
à moitié |
un
peu
ouvert ¼ |
pas
du tout
fermé ! |
Nathalie B (avis
transmis)
J'ai découvert Javier Marias avec ce roman. Je suis vraiment enchantée
d'avoir rencontré cet auteur espagnol. Certes, son écriture
très digressive bourrée de parenthèses surprend un
peu au départ, mais assez vite je me suis laissé prendre.
Au début, je me suis dit qu'il entrait vraiment trop dans les détails
et que ce n'aurait pas été grave si ces informations n'avaient
pas été délivrées à la lectrice que
je suis. Mais peu à peu je les ai totalement adoptées, sans
doute plus facilement que d'autres car lorsque je raconte moi-même
une histoire, j'ai une nette tendance à surutiliser ce procédé
(ce qui a le don d'impatienter prodigieusement ma fille d'ailleurs). Le
contenu des parenthèses apporte des précisions souvent dôles
d'ailleurs, ou alors des informations qui finalement n'en sont pas, ou
encore tout ce qui se pense mais ne se dit pas. Marias pratique l'ironie
avec brio. L'auteur prend son temps pour décrire soit des personnes
(pas forcément toutes ; ainsi il ne me semble pas que le personnage
de Luisa, sa femme, soit décrit avec précision comme si
faisant partie de lui, la description était inutile ou trop difficile),
soit des lieux, soit des attitudes... Belle description des yeux du père,
avec luxe de détails sur plus d'une page. Le secret que son personnage
va finalement découvrir, introduit en début de roman, et
dont nous saurons le fin mot de l'histoire en fin du récit, ne
me paraît être qu'un prétexte pour discourir sur bien
d'autres sujets : le mariage, la traduction, la trahison, mais aussi tout
ce qui ne se dit pas. Je trouve qu'il parle très bien du mariage,
notamment de sa première année, de ce "changement d'état"
qu'il implique,, des changements d'habitude, comme ouvrir ou fermer la
fenêtre la nuit, rideaux ouverts ou fermés, les horaires
du coucher... J'ai trouvé passionnants les passages sur tout ce
qui était relatif à l'interprétariat, notamment au
sein des assemblées internationales. J'ai beaucoup ri à
la lecture de l'anecdote de l'orateur australien indigné de ne
pas bénéficier d'un traducteur pour un public anglophone
! Le sujet de la trahison, du soupçon serait un thème récurrent
de Marias qui aurait été marqué par la trahison que
son père a subi de la part d'un ami du temps de la guerre d'Espagne.
Ce que j'ai le plus admiré, ce sont ses longues phrases dans lesquelles
il parvient à enchevêtrer passé sur plusieurs périodes
et présent. Mais là où l'auteur excelle, c'est pour
exprimer tout ce qu'on ne dit pas, voire ce qu'on ne se dit pas. J'ouvre
en grand.
Ana-Cristina
J'ai beaucoup aimé, je n'attendais rien. La première scène.
Le suicide de Téréza. La découverte de son corps
dans la salle de bain. La description est très réussie.
C'est fou comme l'auteur a réussi à rendre cette scène
vivante : le "père,
attablé dans la salle à manger avec une partie de la famille
et trois invités". Les différentes réactions.
Ça sonne comme une tragédie, la langue est très belle,
l'écriture, il y a un rythme, des rimes, alors que c'est de la
prose ; c'est très beau. C'est une tragédie, car la faute
commise semble se poursuivre. C'est une malédiction. Puis, j'ai
été un peu décontenancée, le récit
ne prenant pas du tout le chemin auquel je m'attendais. Je pensais que
j'allais pouvoir m'installer confortablement et "écouter"
nonchalamment un romancier talentueux me raconter une histoire qui aurait
les accents d'une tragédie, sa musicalité. Eh bien pas du
tout ! Pendant quelques pages j'ai donc oscillé entre déception
et interrogation. C'est finalement la curiosité qui l'a emporté.
J'étais très intéressée par ce que le narrateur
avait dans la tête. J'étais prise au piège par les
paroles de ce narrateur bavard, prise dans ses monologues intérieurs
comme dans du sable mouvant. Dans ce roman, rien n'est dit une fois pour
toute. Ce n'est pas L'insoutenable
légèreté de l'être de Kundera (cité
par ailleurs à plusieurs reprises) mais bien l'insupportable incertitude
de l'être. J'ouvre aux ¾.
Françoise
Quelle est l'histoire ? Quel est le thème ?
Ana-Cristina
Il n'y en a pas, c'est une recherche perpétuelle ; c'est un livre
sur l'impossibilité ; il est nihiliste, rien n'existe, il n'y a
pas de consistance dans ce qu'on dit.
Anne
Rien n'existe, sauf que la tâche du meurtre persiste, le père
est vu comme meurtrier.
Ana-Cristina
Justement on ne sait pas.
Françoise
Le suicide de la personne est dans la première scène.
Anne
C'est Lady Macbeth.
Françoise
C'est un peu long.
Ana-Cristina
Il fait du Nabokov, il l'a d'ailleurs traduit.
Françoise
J'ai eu du mal avec le style ; j'ai beaucoup ri ; c'est un livre à
offrir à de jeunes mariés, car c'est un combat mais aussi
une défense du mariage.
Ana-Cristina
Le passage sur le plaisir de parler en couple est très beau.
Françoise
Il y a un travail de sape chez lui, sur un ton un peu badin. C'est comme
un livre de fille s'adressant aux filles, c'est une jacasserie, par exemple
le passage sur New-York. Mais, quelle finesse ! Il a une pensée
vraiment subtile, nécessaire, anticonformiste, c'est très
salutaire de lire un livre comme ça. Ce qu'il dit sur les traducteurs
est très intéressant.
Margot
Moi ce que j'ai aimé, c'est qu'il n'a aucun hubris ; il rend bien
compte des difficultés de l'interprétariat, mais il n'en
tire aucune gloriole.
Françoise
Le passage où il entend l'orgue de barbarie, va voir le musicien,
c'est un livre de moraliste. Le style ne m'a pas accrochée mais
j'ai appris beaucoup de choses sur la vie des interprètes notamment.
Ana-Cristina
C'est un livre qui infuse. Il y a plein de choses ; quand il écoute
et entend le couple à côté ; il y a plein de signes
qui se répètent
c'est très bien construit.
Margot
La chanson, c'est une histoire d'amour au départ qui se transforme
en serpent
Cela m'a profondément agacée et profondément
plu au départ ; tout est construit comme une fiction, un début,
un milieu, une fin et tout se reboucle. Au fur et à mesure, on
remonte dans le passé ; c'est très construit, mâtiné
de lectures psychanalytiques, toujours dans l'incertitude, il s'est passé
quelque chose qui détermine ce qui se passe aujourd'hui. Je me
suis quand même laissé prendre car c'est toujours surprenant,
très profond, avec un retour permanent sur lui-même. Le passage
sur le musée est magnifique. C'est un penseur narrateur plus qu'un
écrivain, c'est ce qui m'attache à ce livre ; c'est très
fin ; je n'aime pas cette construction dans la fiction, mais l'écriture,
oui. J'ouvre aux ¾.
Anne
Même avec Bertha, on a tout le temps l'impression qu'elle va se
faire assassiner.
Margot
J'ai beaucoup aimé tout ce qui se dit entre conjoints ; c'est super
intéressant ; ils échangent comme s'ils voulaient se faire
pardonner d'avoir parlé avant.
Anne
Hier, j'avais la sensation que quelque chose de chatoyant s'était
effacé et je m'interrogeais sur ce que je ressentais. Au début,
le livre m'a pris les tripes. Le quiproquo ! Une question d'identité
surgit ; une interrogation à multiples niveaux ; quant au mariage,
c'est d'une finesse exceptionnelle. J'ai beaucoup aimé la scène
du balcon avec cette femme incroyable et toute la façon dont on
apprendra qu'il a rencontré cette femme. Pour moi, le style est
aussi bien lié à la structure du roman qu'à l'écriture.
Une prise de conscience, une émotion forte, ça doit être
court. Là, il y a des longueurs impossibles et je lui en veux.
Il est très pris par la psychologie du personnage. Bertha, c'est
d'un érotisme glauque qui ne m'intéresse pas. Son écoute,
sa gentillesse par rapport aux autres, il la décrit avec trop de
détails, c'est trop long, même si c'est fait avec talent.
Lorsqu'il décrit l'action et pas le personnage il montre sa connaissance
impeccable de la structure narrative. Aristote, oui, mais ça se
sent trop. Je reconnais ses qualités ; il y a des mises à
mort réelles ou symboliques, mais où est la mère
dans tout ça ? Il y a trop de père, trop d'écrit.
En plus ça n'est pas un père mais un feu follet. La fiction,
ça commence à me casser les pieds sauf si c'est très
bien fait. Le narrateur est un personnage qui n'est pas transcendé
; il porte en lui de tuer la femme. J'ouvre à moitié.
Ana-Cristina
Moi je ne coupe rien ; j'y vois une raison, il parle, il parle, mais il
est dans une telle angoisse que c'est justifié ; s'il s'arrête,
il tombe. En plus j'aime bien ce père de parenthèses, ce
père de manipulation ; on sait qu'on est manipulé, il installe
ses pions et j'accepte ce qu'il propose.
Valérie (avis
transmis)
D'entrée de jeu, je dirai que j'ai été conquise par
Un cur si blanc. Javier Marias, avec beaucoup de talent et
une écriture très proustienne, nous plonge dans les abîmes
des secrets. "Mais ce
que l'on tait devient un secret que l'on finit tout de même par
raconter". Javier Marias va nous conter ce secret de famille,
en nous intriguant tout au long du livre qui prend parfois des allures
de thriller et nous tient en éveil. Il nous parle et évoque
longuement tous les hasards d'une vie qui se construit d'une manière
ou d'une autre. C'est d'autant plus passionnant qu'il y mêle l'histoire
d'inconnus qui dédouble sa propre histoire. Son écriture
s'entrelace à travers un mot, une idée, une digression apparente
qui, en réalité, poursuit le cheminement du secret qui va
être dévoilé à la fin du roman. On en arrive
à cette conclusion que je laisse dire à Javier Marias :
"Tout peut-être raconté, même ce que l'on ne
veut pas savoir, ce que l'on ne demande pas, et pourtant quelqu'un le
raconte et on l'écoute". Un très beau moment de
lecture qui me poussera à lire d'autres romans de cet auteur. C'est
certain. Je l'ouvre en grand.
Katherine (
avis transmis)
Je suis mitigée par rapport à ce livre. Pour commencer par
le négatif, j'ai trouvé le fil de l'histoire un peu ténu,
la narration lourde (longues phrases, digressions
) et artificiellement
profonde, et le "dénouement" final... presque prévisible
d'une certaine manière. Bref, ni le style ni l'histoire ne m'ont
particulièrement accrochée. Et pour autant, je me suis quelque
peu attachée à la vie de cet interprète espagnol.
Autant je n'ai pas été prise d'intérêt pour
l'épisode Miriam/Guillermo lors de son voyage de noces à
Cuba (ni compris l'obsession qu'il en a fait par la suite), autant j'ai
lu avec le sourire ses anecdotes d'interprétariat et ses tribulations
à New York dans son rôle de confident et de complice des
intrigues amoureuses de son amie Berta. Les rencontres par lettres et
vidéos, avant l'avènement des sites et applis de rencontre,
ont quelque chose d'incroyable : quel temps et quelle énergie
consacrés pour parfois un seul rendez-vous !
La présence de son père est très prégnante
tout au long du récit. On raconte une partie de sa vie de conservateur
au Prado et de conseiller en vente d'uvres d'art, mais le cur
de son histoire est le mystère entourant le suicide de sa deuxième
femme (on apprend à la toute fin qui était la première
et on évoque à peine la troisième, pourtant la mère
du narrateur). En fait, tout dans le roman nous amène à
cette fin où il avoue à la femme de son fils qu'il a tué
sa première femme par amour pour celle qui allait devenir la deuxième,
et dont il allait épouser la sur après son suicide,
celle-ci s'étant tuée après qu'il lui eut avoué
le crime qu'il a commis pour elle. La scène est plus curieuse que
dramatique, malgré le fait que toute cette conversation intervienne
dans la maison du fils, qui écoute la conversation de son père
et de sa femme cachée dans sa chambre
On n'aura pas connaissance
des suites de cette révélation, mais le narrateur s'emploiera
de façon assez peu subtile à faire tous les liens possibles
entre ce dialogue, ses réflexions passées et les anecdotes
qu'il a relatées tout au long du livre.
En somme, j'ai apprécié certaines parties de ce livre, mais
je ne le rouvrirai pas ni ne le recommanderai. J'ouvre au quart.
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