Duong Thu Huong
Au-delà des illusions
Picquier poche
Christine
J'étais intéressée au départ par le fait de lire un livre vietnamien,
mais c'est en même temps sa limite, comme s'il s'adressait à des Vietnamiens.
J'ai pensé à Vie et Destin de Grossman. Les personnages sont réussis,
vivants, avec une forte identité, même s'ils ne font que passer. Les caractères
sont assez subtils. Tous les personnages féminins sont très forts. Les
épouses vieillissantes sont très vivantes. Les descriptions de Linh sont
très réussies et rappellent des actrices japonaises. Le livre est bien
construit. La fin m'a surprise : la solution est la solitude. Je n'ai
pas aimé le côté démonstratif, la volonté d'éduquer le lecteur. C'est
lourd, mais peut-être inévitable dans les conditions où le livre a été
écrit.
Liliane
J'ai aimé ce livre, mais en en lisant un autre, Myosotis, de cet auteur,
m'est apparu ce que je n'avais pas perçu dans le premier, un style extrêmement
lourd qui rend la lecture pénible.
Jacqueline 1
Bien qu'ayant vécu deux ans au Vietnam vers 18 ans, je me rends compte
en lisant ce livre que finalement je ne connais pas grand chose de ce
pays. J'ai eu du mal à le lire en raison de son côté conventionnel. C'est
la même chose, mais inversée, que les romans qui font l'éloge du communisme.
Tous les petits personnages sont conventionnels. La scène où Linh pourrait
revenir vers son mari est la seule qui sonne vraie. Quant à Myosotis que
j'ai lu aussi, c'est un mélo à la Delly. (Revendications de certains pour
lire un Delly…)
Jacqueline 2
Je suis partagée ; je n'ai pas fini le livre, mais j'ai envie de continuer.
Le personnage du mari m'intéresse, celui de la femme me rebute. Un côté
manichéen m'ennuie. L'écriture n'est pas légère, bien que les descriptions,
les ambiances, intérieures, extérieures, le soient, comme des aquarelles
orientales. Mais en même temps, c'est lourd. L'intrigue ? Autant en emporte
le vent, en caricatural ; ça m'intéresse peu, sauf le mari dans ses monologues
intérieurs, avec ce regard sur sa femme. De même, le regard du musicien
est nuancé.
Loana
Je vais donner le livre à lire à ma fille. C'est un livre magnifique.
Très politique : les gens vivent en permanence sous le regard des autres.
La concierge monstrueuse mesure 1,62m et pèse 73kg, vous trouvez ça monstrueux
? Linh est admirable, d'un grand courage, d'une grande intrépidité. Elle
plaque son mari pour tomber amoureuse d'un pire. Je n'ai pas trouvé qu'il
y avait des passages explicatifs. Seul le mari est un peu lourd, sinon
il y a beaucoup de subtilités. C'est plus fort qu'Autant en emporte le
vent. Je vais me précipiter sur Myosotis. Voilà les livres que j'aime,
un livre pour midinette, mais qu'on n'a pas honte de montrer…Catherine
J'ai lu le livre très vite et n'ai pas vraiment apprécié. Les personnages
sont bien campés, Linh est décidée, déterminée, sans nuance, ne doutant
jamais de son choix. Est-ce dû à la culture vietnamienne ? Je me suis
sentie étrangère à tout ce monde. Le mari, Nguyen, est plus intéressant.
Tous les autres personnages sont sans intérêt. J'ai été surprise du dénouement.
Néanmoins, c'est un livre qu'on peut recommander.
Roselyne
J'ai aimé ce livre plein de subtilité. J'ai aimé le style, l'univers si
différent du nôtre, dans les manières de se déplacer, de s'appeler (oncle).
La subtilité des personnages m'a beaucoup intéressée.
Manuel
La quatrième de couverture est très élogieuse face à
une uvre que j'ai trouvé somme toute assez mineure. C'est
un livre "exotique", chargé de descriptions, que j'ai
lu rapidement et facilement. Malheureusement, on n'y apprend pas grand
chose sur le régime vietnamien. C'est un régime communiste avec
son lot de corrompus et d'êtres cyniques. J'ai trouvé Linh
antipathique et butée. Je m'attendais à quelque chose de fort,
c'est trop mélo. Contrairement à mes compagnons du groupe, j'ai
trouvé le livre peu engagé politiquement. Je ne sais peut-être
pas lire entre les lignes. (j'exprime un avis sur les livres de femmes,
qu'on me demande de censurer…)
Madeleine
Je n'ai lu que la moitié du livre par manque de temps. J'ai vu des stéréotypes,
des détails dans le récit inutiles. J'ai été agacée par les dialogues
où l'auteur fait passer ses idées, dans une langue écrite et non parlée.
Les thèmes sont ceux qui sont approfondis dans Vie et destin de Grossman.
Il y a de belles pages de description, où l'on sent l'air humide. Quant
aux personnages, mes impressions sont partagées. Linh est intolérante,
enfant, mais pas complètement antipathique.
Françoise
Il me semble que je n'ai pas grand chose à dire de ce livre. Je l'ai lu
facilement, mais sans grande émotion. Je n'ai ressenti aucune empathie
avec Linh, elle est trop " parfaite ", si intransigeante avec son mari,
mais pas tant que ça avec son amant, le compositeur Trân Phuong. Seul
Nguyên m'a touchée, avec son inconditionnel et indéfectible amour. L'intérêt
du livre réside surtout dans les effets du régime communiste qu'on voit,
d'où on peut en conclure qu'il produit les mêmes effets quelles que soient
les cultures où il s'applique, si différentes soient-elles (cf. Grossman).
Ce n'est pas une surprise. D'un point de vue littéraire, je n'ai pas non
plus été sensible au style, que j'ai trouvé parfois poussif.
Alain
Je ne connais pas la littérature vietnamienne, mais je connais l'histoire
du pays. J'ai été très intéressé par les personnages qui passent leur
temps à se poser des questions sur leurs amours, leur comportement, dans
cette société-là. Le choix des personnages n'est pas neutre : par exemple,
le compositeur qui a participé à la révolution, avec la solidarité qui
continue à exister parmi les anciens résistants, celui du journaliste
qui essaie de ne pas aller trop loin dans ses compromissions. J'ai apprécié
les relations entre les histoires d'amour et les histoires politiques
. J'ai pensé à L'Education sentimentale : comment vivre ses amours dans
des époques de révolution ? J'ai d'abord trouvé le style scolaire : sujet
+ verbe + complément, puis j'ai trouvé que l'accumulation de ces petites
phrases formait comme des tableaux à petites touches. Les personnages
ne sont pas caricaturaux, ils ont des convictions, font des accommodements.
Il y a des descriptions probablement codées que les Vietnamiens peuvent
comprendre. La fin reste ouverte. Chacun fait son éducation politique
et sentimentale. Ca ressemble à du réalisme soviétique, mais c'en est
pas du tout. J'ai offert ce livre à un ami qui a des problèmes avec sa
femme…
Claire
J'ai lu ce livre dans l'avion pour le Vietnam après avoir commencé Vie
et Destin, de Grossman : les deux univers sont complètement parallèles,
l'un est de lecture fluide -Au-delà des illusions- l'autre difficile.
J'ai aimé deux aspects très forts : la façon implacable, mais que je n'ai
pas senti démonstrative, dont est montrée l'invasion de la vie privée
par la politique et l'intrigue haletante, avec de nombreuses péripéties
entre les personnages (serait-ce un roman de gare ?). J'ai des réserves
sur le style. Duong Thu Huong a l'art du récit, mais celui-ci est linéaire,
classique. J'ai lu un autre auteur contemporain, Bao Ninh (Le chagrin
de la guerre) qui m'a moins plu, mais qui lui a su explorer de nouvelles
formes.
Entretien
avec Duong Thu Huong de juillet 2000
Entretien
avec le traducteur Phan Huy Duong
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