Que faire à vingt ans, après la mort d'une grand-mère, quand on se retrouve sans famille et qu'on aime les cuisines plus que tout au monde ? Se pelotonner contre le frigo, chercher dans son ronronnement un prélude au sommeil, un remède à la solitude.
Cette vie semi-végétative de Mikage, l'héroïne de Kitchen, est un jour troublée par un garçon, Yûichi Tanabe, qui l'invite à partager l'appartement où il loge avec sa mère...
Banana Yoshimoto
Kitchen

Nous avons lu ce livre en janvier 2002.

Christine
Kitchen m'a bien plu. L'ambiance, les lieux, la nuit, les personnages. J'aime bien la façon dont cela commence, en quelques lignes on apprend beaucoup de choses sur Mikage et tout semble avoir la même importance : son amour pour les cuisines, la mort de sa grand-mère, son installation chez les Tanabe. Puis petit à petit on apprend à mieux connaître Mikage et sa sensibilité très particulière. Le fait d'être orpheline la marginalise et la rapproche de personnes comme Yûichi et sa mère-père. Je trouve bien intéressantes ses rares relations avec des personnes "normales", comme ses deux collègues apprenties cuisinières, charmantes et lisses. Quand Mikage a au bout du fil la mère d'une d'entre elles, elle s'aperçoit que cette femme connaît l'emploi du temps de sa fille à la minute près, elle en est très surprise et elle se dit "cela doit être ça avoir une famille". Elle est complètement libre, elle mange ce qu'elle veut, quand elle veut. Souvent en pleine nuit, elle sort et va déguster un plat dans un des multiples endroits qui restent ouverts 24h sur 24 (je remercie les traducteurs pour les notes en bas de pages qui nous détaillent les différents plats, j'ai envie de tout goûter). Mikage n'a pas de repère, elle se construit toute seule, comme elle apprend la cuisine. La fin me semble improbable, j'imaginerais plutôt que la relation de Mikage et de Yûichi se dilue dans la nuit. Je comprends bien le succès de ce livre, il est dans l'air du temps, on retrouve la même ambiance dans de nombreux films asiatiques.
Sabine
J'ai trouvé Kitchen sympathique, dans le décalage. J'ai relevé quelques trouvailles, genre métaphores de temps en temps, mais tout ça n'évite pas le niais et recourt à un procédé pour pas grand chose : la cuisine, la cuisine, mais il se passe pas grand chose dans la cuisine ! Ca tient pas la route, ce n'est pas de la littérature, mais ça a pour mérite de ne pas prendre le chou. Démotivée, j'ai pas lu la deuxième nouvelle.
Françoise
J'ai trouvé intéressant le contraste entre la cohabitation de la mort, la solitude, et la pulsion de vie, que représente la nourriture (plus encore que la cuisine). Les personnages de Banana sont cernés par la mort et menacés eux même, mais la souffrance ne leur fait pas perdre l'appétit, au contraire, ils trouvent une consolation dans la nourriture, sans pour autant verser dans la boulimie. De plus, Mikage, le personnage principal, est attiré par la cuisine en tant que lieu (kitchen), au point qu'elle aime y dormir, bercée par le ronron du réfrigérateur, et souhaiterait y mourir. Tout cela est dit dès la première page. Mais elle aime aussi cuisiner et manger. Mikage est un personnage très attachant, elle est citadine, mais est sensible aux couleurs du ciel, elle est très ouverte, elle accepte sans à priori Eriko, la mère/père de Yûichi. Banana accorde aussi dans son récit une part importante aux rêves, parfois prémonitoires. Il se dégage ainsi une atmosphère à la fois d'onirisme et de matérialité, de pragmatisme et de surnaturel qui forme un tout agréable, inhabituel et léger, malgré les situations dramatiques. Les personnages de Banana Yoshimoto sont des jeunes non-conformistes mais cependant bien ancrés dans la société, ce ne sont pas des marginaux. On peut toutefois remarquer qu'ils n'ont pas d'activité sexuelle, la nourriture est le substitut (cf. p.102-103 : un jour Yûichi a dit "comment ça se fait que tout est si bon quand je mange avec toi..." J'ai ri : " C'est sans doute parce que tes appétits sont comblés à la fois sur le plan culinaire et sexuel !". Ces jeunes gens rient beaucoup et à des moments inattendus (pour moi). Deux mots de "Moonlight shadow", le second texte : bien qu'en général je n'aime pas trop les nouvelles, celle-ci m'a beaucoup plu, autant sinon plus que "Kitchen". Je l'ai trouvée très touchante, plus achevée, avec une dimension de spiritualité et d'amour plus accentuée. J'ai été surprise d'apprendre qu'elle avait été écrite avant "Kitchen" (en 1986). J'ai beaucoup aimé la présence de la rivière et la façon dont Satsuki arrive à faire son deuil, et se tourne vers la vie, de même pour Hiiragi (l' uniforme de lycéenne de sa petite amie, qu'il portait et qui a disparu).
Loana
Je vais pour une fois peut-être réussir à avoir un avis nuancé : d'abord, j'ai adoré, j'ai trouvé ça nouveau et frais, intéressant sur le thème du deuil, sur l'ambiguïté et puis vers la fin la platitude des dialogues, surtout les répliques du mec m'ont agacée, on dirait qu'il a 8 ans, je me faisais tout de même une fête de lire la deuxième histoire et non vraiment j'ai trouvé que c'était trop semblable, en pire, donc un plaisir puis une déception progressive. Est-ce que c'est plus nuancé que d'habitude ?
Jacqueline
J'avais déjà lu ce livre et l'avais oublié. Au fur et à mesure de la nouvelle lecture, tout est revenu. J'ai beaucoup aimé, mais je ne sais pas bien pourquoi, peut-être à cause des détails matériels. La sensibilité de Mikage est là, mais jamais explicitée. En dessous, il y a le deuil et la solitude. Pas de sexe. J'ai beaucoup aimé aussi la deuxième histoire, j'ai marché dans le fantastique.
Marie-Jo
J'ai beaucoup aimé. Je ne connaissais pas du tout cet auteur. J'ai été séduite par les personnages, touchée par l'émotion. Ce n'est jamais pleurnichard. La cuisine est un petit plaisir de la vie : préparer, goûter, partager. Ces jeunes ont tout compris. Ils s'extasient devant la beauté du monde et ce n'est pas un procédé. Ce goût de la cuisine se trouve rarement chez les jeunes. C'est un livre de sagesse qui malgré la souffrance qu'on y ressent peut faire du bien. J'ai aimé l'écriture (par exemple p.166-167).
Renée
Je l'ai proposé parce que je fais une émission sur "Kitchen ". Cette histoire me fait penser à quelqu'un qui veut se suicider au gaz et finit par se faire un chocolat. Cette fille est au bord du suicide, a perdu ses repères ; ce qui la maintient en vie est l'idée qu'elle se fait de la cuisine : intérieur chaud, vivant, frigidaire qui fait du bruit et la rassure. J'ai aimé la surprise : dans ce livre, dans ce texte, on va de surprise en surprise. Quand on parle du ciel, ce n'est pas cucul, c'est authentique et spontané. J'ai beaucoup aimé la relation qu'elle a avec Yûichi (relation frère-sour, d'amitié tendre), mais le désarroi est là. Ils sont paumés et ne cherchent pas à le cacher, ne roulent pas des mécaniques, ne se paient pas de mots. Le personnage de la mère est très surprenant, très inattendu, peut-être un peu forcé. L'histoire de l'ananas apporté à l' hopitial est très étonnante. La bouffe, c'est un moyen de "respirer". J'ai aimé la galopade à la fin avec le plat qu'elle veut absolument apporter à Yûichi, c'est un peu délirant, mais c'est très beau, sans être prétentieux. J'oublie quelques gaucheries.
Sandrine
Ce livre a été un parfait moment de bonheur. J'ai retrouvé ce que j'ai aimé au Japon. La vie est très occidentalisée, mais on aborde les choses d'une manière totalement différente. J'ai beaucoup aimé cette jeune fille désespérée qui arrive à continuer à vivre au jour le jour et à accepter ce qui lui est arrivé. J'ai beaucoup aimé la fin, quand elle rejoint Yûichi, c'est très pudique, rien n'est dit, elle lui donne ce qu'elle sait qui lui fera plaisir. Sans parler, l'essentiel est dit, c'est très émouvant. Ces jeunes gens sont particuliers, car au Japon on ne vit qu'intégré dans un groupe.
Brigitte
J'ai bien aimé. Je ne connaissais rien et me suis sentie embarquée. J'ai ressenti une grosse surprise, agréable, quand on découvre, tout soudainement que la mère est un homme. Le thème du deuil n'est pas souvent abordé dans les romans, il est affronté ici, sans misérabilisme. La cuisine fait partie du deuil (incorporation). Le temps du deuil -ses différentes étapes- est bien abordé. J'ai bien aimé la fin, sans emphase. J'ai aimé aussi le second texte : faut-il dire le ou la thermos ?
Liliane
J'ai trouvé les personnages attachants dans leur perdition et l'écriture un peu scolaire.
Claire
J'avais lu N.P et avais oublié. Le début sur la cuisine est très réussi. J'ai ressenti un charme qui a tenu sans hésiter ma lecture : une écriture minimaliste qui accompagne le minimalisme des sentiments. Une sorte de service réduit, mais qui permet d'avancer. Mais l'écriture est sur un fil fragile, au bord de la naïveté ou de la platitude ; de temps en temps, elle y tombe. Je suis épatée par le succès du livre.

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
                                        
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
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un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

 

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