Quatrième de couverture :
Il se retourna pour la regarder. Elle était agenouillée, tendant les deux mains, lentement, aveuglément, pour que le poussin retournât vers la mère poule. Et il y avait en elle quelque chose de si muet, de si perdu, que ses entrailles s'émurent de compassion pour elle.
Sans savoir ce qu'il faisait, il se rapprocha soudain, s'agenouilla de nouveau auprès d'elle, prit le poussin, parce qu'elle avait peur de la poule, et le remit dans la cage... Elle avait détourné la tête et pleurait aveuglement, dans toute l'angoisse de sa génération perdue. Son cœur fondit soudain, comme une goutte de feu et il tendit la main et lui toucha le genou.

Le roman le plus célèbre - longtemps interdit - de D. H. Lawrence (1883-1930). L'auteur d'Amants et fils, de Femmes amoureuses, de La Vierge d'Aaron, du Serpent à Plumes.

D.H. Lawrence
L'amant de lady Chatterley

Nous avons lu ce livre en mars 2002.

Christine
J’ai beaucoup aimé, tout, tout, tout. Dès le départ, dès la jeunesse de Constance en Allemagne où à cette époque la sexualité ne l’intéresse pas. J’ai aimé les descriptions de la maison de Clifford, de la région, de la mine, de cette petite société qui tourne autour de Clifford, avec des discours socialisants, ainsi que l’analyse de la vie artistique. Le personnage d’Hilda, qui est présent par intermittence dans la vie de Constance, est intéressant. J’ai été passionnée par la relation de Constance avec Clifford. Elle pose toujours des questions : que veut-elle savoir ? J’aime la façon dont le garde-chasse voit Constance débarquer dans sa vie, cette relation est vraiment intéressante : les dialogues, avec les réponses en patois qui servent à Mellors à se défendre, le langage des amoureux, l’histoire de l’enfant. Et en regard, l’obsession de Clifford pour ne rien changer dans sa relation avec Constance. Quant à la relation avec Mrs Bolton, elle est très importante et bien décrite. La traduction de Pierrette Fleutiaux est de qualité.
Brigitte
J’ai lu ce livre pour la première fois et l’ai bien aimé. J’ai trouvé le début assez ennuyeux, avec ces gens qui veulent remplacer la sexualité par du bla bla, avec une vision écologiste. Le livre a été écrit à l’époque des surréalistes après la guerre de 1914 ; on voit bien les mines imbriquées dans les grandes propriétés terriennes. Finalement le roman est très bien fait, avec des surprises. On s’attend toujours à ce que quelqu’un prévienne le mari, eh bien non. Je trouve que Clifford mérite la compassion et que l’auteur est trop dur pour lui ; sa destinée est vraiment tragique. J’aurais ajouté une ou deux phrases en sa faveur. Le père de Constance est aussi un personnage intéressant.
Liliane
Je venais de lire La femme de ménage de Christian Oster, et la lecture de Lady Chatterley a produit un fort effet de contraste… L’histoire ne se suffit pas, elle est entrelardée de théories, un genre se cherche. J’aurais préféré que Lawrence s’en tienne au roman, il y a trop d’explications à mon goût sur les classes sociales. Le romanesque s’impose, en dépit de dialogues aux digressions théoriques. Je suis étonnée par la pensée d’avant-garde de Lawrence. Je me souviens d’une lecture de 1968 Sexualité et lutte de classes. Lawrence explique cela un peu péniblement, mais son effort est louable. Et l’auteur a un réel souci de comprendre la sexualité des femmes. J’ai été touchée par la prudence du garde-chasse à l’orée de la relation, blessé par ses expériences précédentes : "alors on repart en guerre". C’est un livre intéressant avec ses défauts.
Marie-Jo
Je n’ai lu que 200 pages, tout en lisant deux autres livres. Celui-ci ne s’est pas imposé : verbeux, attendu, convenu. Je ne suis pas sûre de le terminer.
Jacqueline
J ’ai beaucoup de mal à en parler. Je l’ai lu avec énormément d’intérêt. Certaines choses sont étonnantes, certains comparaisons par exemple, déconcertantes. Mon intérêt a été soutenu, mais avec quand même une lassitude au moment des discussions. J’ai retrouvé certaines impressions ressenties avec Amants et fils. J’ai beaucoup aimé la description de la noirceur de la mine. J’ai lu les autres versions de Lady Chatterley, L’homme des bois et une première version publiée après sa mort par sa veuve. Ces différentes versions montrent l’énorme travail du romancier.
Sandrine
Un délice … un plaisir parfait. Tout y est dit. Rien à ajouter. Le bonheur de l’écriture des auteurs britanniques du XIXe : un mélange de délicieuse subtilité et d’élégance. Un roman qui dépasse toute idée de vulgarité, cynisme ou perversité. Un thème si délicat à traiter … les personnages sont tout simplement beaux, criants de vérité avec leurs faiblesses. De la littérature et de la grande littérature : par le style, la qualité narrative, la richesse de l’histoire et l’intemporalité des questions posées. Je suis très rarement enthousiaste pour un livre, mais ici je reconnais être en présence d’un petit chef-d’œuvre. Une très grande richesse de réflexion, une analyse juste et précise. Tant de choses sont ici dites, et avec quelle justesse. Sur les rapports homme/femme bien sûr, mais aussi sur la société britannique de l’époque. Un roman à mon sens très contemporain et actuel, sur la place de l’individu dans la société, sur l’épanouissement personnel, sur la recherche du bonheur. Je me suis laissée prendre par cette histoire où les personnages sont si authentiques dans leurs réactions. Un roman révolutionnaire pour l’Angleterre des convenances et attachée à ses codes sociaux … des “héros” libres et qui assument leurs choix et leurs décisions.
Françoise
Ce titre est trop réducteur, le livre aurait pu s’appeler simplement Lady Chatterley ou même Constance Chatterley car il s’agit de beaucoup plus qu’une relation amoureuse/érotique. Tous les caractères bougent, évoluent, se transforment, de même que toutes les relations entre eux – Constance/Clifford, Constance/Mellors, Clifford/Mrs Bolton… Ce n’est jamais simpliste. Bien sûr le rapport de Constance et du garde-chasse est central (et captivant), ainsi que le rôle de la forêt-refuge dans leur psychologie. Et puis il y a toute la dimension sociale et historique ; l’émergence de l’industrie - qui se substitue peu à peu la campagne anglaise - et d’une classe ouvrière. Lawrence attache beaucoup d’importance à cette dimension. Constance et les autres (surtout Clifford) se font le miroir de cette toile de fond, et Clifford a évidemment un rôle-clé en tant qu’aristocrate terrien et possédant la mine. On comprend pourquoi ce livre a fait scandale. Tout est dérangeant : pas uniquement les descriptions des rapports sexuels. Le sexuel est partout et s’exprime (même par la voix de Mrs Bolton) ; également le fait que Clifford soit prêt à accepter que sa femme ait un enfant, et le dise clairement. Beaucoup de passages sont intéressants : la façon dont Clifford exprime son désir d’enfant et la façon dont Constance le perçoit (p. 112&212), le personnage de Michaelis et son rapport à Constance (p. 128), la disparition de l’Angleterre rurale et terrienne (p. 275 à 279), la voiture de Clifford tombée en panne et l’aide de Mellors (p. 324 à 333) . C’est une critique mordante de l’industrialisation qui créé des classes encore plus étrangères les unes aux autres. C’est un récit très riche, à plusieurs niveaux, et qui ne s’essouffle jamais. Ce fut un grand plaisir de lecture.
Claire
J’ai lu ce livre sans rien en savoir, ce qui est un des privilèges de l’inculture. Quand j’ai lu l’histoire et la date du livre, j’ai été baba. J’ai adoré le romanesque de ce livre, et en même temps son ambition, du fait des thèmes croisés. Les personnages principaux sont passionnants à suivre. Certaines scènes psychologiques sont réussies : par exemple, la scène à trois avec la panne de voiture. Les voix des personnages sont remarquables, par exemple, le monologue de Mrs Bolton . L’image avant-gardiste de ces jeunes filles libres, cultivées est très positive en ce 8 mars 2002 et pour 1928. Plusieurs fois, je me suis demandée : qui parle ? Par exemple, p. 200 : "Angleterre, ma patrie ! Mais où est mon Angleterre ?" Si c’est le narrateur, nous n’avons pas été présentés. Le temps non plus n’est pas toujours clair : combien d’années se déroulent, je n’ai pas repéré ; mais ce n’est pas désagréable. J’ai été partagée entre l’intrigue, palpitante, terriblement romanesque et l’outrance, voire le ridicule d’un lyrisme de pacotille ou d’une verbosité qui peut surgir en toutes circonstances : un clou, c’est lorsque notre garde-chasse pénètre notre lady et se dit, sachant faire deux choses à la fois : "Je défendrai l’éveil de la conscience corporelle et la tendresse entre les êtres. Elle est ma contrepartie. Ceci est un combat contre l’argent, contre le machinisme, contre l’idéal grotesque de ce monde de singes." J’abrège, tellement c’est bandant. La preuve : "sa semence jaillissait en elle". Ridicule aussi des métaphores filées à qui mieux mieux : par exemple, p. 140, la réussite est comparée à une chienne, et tout y passe, la viandes, les os, les différentes sortes de chiens, qui grogrent, etc. La nature en est victime dans les descriptions : par exemple, "les anémones sauvages étaient grandes ouvertes, éclatantes de joie de vivre", aïe aïe, les joyeuses anémones. Le corps et la sexualité ne sont pas épargnées : la poitrine de Michaelis « semblait lancer un cri d’enfant dans la nuit ». Et en ce qui concerne notre héros : "son pénis se mit à frémir comme un oiseau qui s’éveille". Il faut en lire les effets : "une autre personnalité s’éveillait en elle, dans une fusion ardente et douce de sa matrice et de ses entrailles", ou mieux encore : "elle fut touchée au vif de tout son plasma". Moins rigolo, j’ai été gênée par les tendances douteuses : une obsession de la virilité « sociale » et un élitisme suspect, accompagné d’une forme de racisme. La virilité, obsessionnelle : "qui donc a dépouillé les gens de leur vie naturelle et de leur virilité pour les livrer à cette horreur industrielle ?" On se croirait dans L’horreur économique. "La seule chose qui excite le monde moderne, c’est de supprimer ce qu’il y a d’humain, de réduire la virilité(…) en bouillie (…) une livre humaine pour chaque prépuce et deux pour chaque paire de couilles". A cela, s’ajoute un côté réactionnaire nostalgique de l’Angleterre des coches et des cottages, voire de Robin Hood. et accompagnée de la façon ad hoc de parler du peuple, et en particulier des ouvriers : les masses immuables, les basses classes, avec leur "laideur", "le peuple n’est pas une race", une "race de cadavres". Notons l’amalgame entre race et classe : Clifford "était d’une autre race (…) c’était parfait avec des gens de la même classe et de la même race". Enfin, l’auteur parle vraiment de race aussi : Tommy, "c’est un fin de race" ; sur l’attitude de Clifford : "une froideur vaniteuse dépourvue de chaleur humaine, aussi corrompue qu’un juif de basse extraction impatient de se prostituer à la Déesse de la Réussite". Et Tevershall, présenté comme "une jungle au cœur de l’Afrique plutôt qu’un village anglais" ! Et les Italiens : "Les Italiens ne sont pas passionnés car la passion est une affaire de profondeur." ! Finissons par la touche eugéniste : "à un certain stade de civilisation, on éliminera bien les handicaps physiques. Par exemple, à quoi bon l’amour et tout ce qui s’ensuit. On s’en passera le jour où l’on saura élever des bébés dans des éprouvettes." Houellebecq n’est pas loin…

 

Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :

grand ouvert

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ouvert à moitié
ouvert ¼
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beaucoup
moyennement
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pas du tout

 

 

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