Quatrième de couverture :
« Que vient chercher à Saint Domingue
cette jeune avocate new-yorkaise après tant d'années d'absence?
Les questions que doit poser à son père mourant nous projettent
dans le labyrinthe de la dictature de Rafael Leonidas Trujillo, au moment
charnière de l'attentat qui lui coûta la vie en 1961. »
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Mario Vargas Llosa
La fête au Bouc
Nous avons lu ce livre en septembre 2002.
Nous avions lu auparavant La tante Julia
et le scribouillard en 1988, puis Eloge
de la marâtre en 1998.
Katell
Jai aimé ce roman qui fait revivre les derniers jours de
Trujillo. Un bon Vargas Llosa : il sait à merveille mettre en scène
ses personnages. Jadore ses dialogues, très bien construits
et tout à fait dans le langage parlé. Les trois destins,
celui dUrania, de Trujillo et des conspirateurs, sont conduits dune
main de maître. Même si on ne connaît rien à
Saint Domingue, on nest absolument pas perdu dans le récit
historique. Les scènes de tortures sont abominables et le dernier
chapitre haletant. Pourtant, javais eu une petite baisse dintérêt
au milieu du roman. Jai eu du mal à me repérer parmi
les conspirateurs et aussi parmi les nombreux personnages cités.
Puis je me suis dis "peu importe" et jai continué
le récit qui sachève de façon brillante.
Roselyne
J'ai lu La fête au bouc. C'est un peu dur à lire à
cause de toutes les horreurs qui sont décrites ou évoquées.
J'étais contente quand j'ai eu terminé. On peut se poser
la question du rôle de la violence (et de la cruauté) en
politique. La comparaison des attitudes de Trujillo et de Balaguer est
intéressante de ce point de vue. On est conduit à penser
que la violence est malheureusement inévitable, mais de là
à l'ériger en système de gouvernement et à
gouverner par la terreur ! Quel est le rôle joué par l'histoire
des périodes antérieures dans cette "fatalité"
dont souffrent beaucoup de pays des Caraïbes et d'Amérique
du sud ?
Sabine
J'ai adoré, même si j'ai buté sur les cent premières
pages (difficulté à démêler les trois histoires,
à identifier les personnages). J'aurais aimé avoir Fernando
sous la main pour qu'il me donne des explications historiques. Mais la
lecture progresse, avec les horreurs, les lâchetés, le courage
des opposants et l'histoire d'Urania, dont je n'ai à aucun moment
deviné la fin (de l'histoire). Ce livre m'a donné envie
d'en savoir davantage sur les dictatures latino-américaines ; mais
je me suis fort bien souvenue des problèmes lors de la coupe du
monde de football en Argentine en 78 (notre prof d'histoire nous inondait
d'articles de presse entre deux leçons sur la Révolution
française).
Marie-Jo
Je ne lis jamais le (gros) livre de l'été. De plus, je n'aime
pas les romans historiques. J'appréhendais donc cette lecture.
Je suis tombée sous le charme dès les premières pages.
J'ai aimé le fond et la forme. La mise en scène de la dictature
est très pertinente. Vargas Llosa montre comment une dictature
gangrène une société, sans didactisme, avec justesse.
La description de la servilité des dirigeants est très réussie.
Et du droit de cuissage. Les portraits, aussi, très pathétiques,
comme le sont les soucis de vessie du dictateur. Les scènes de
torture et de viol sont écrites avec une puissance magistrale.
Je n'avais pas vu venir le viol d'Urania (protestations de ceux qui ont
tout vu depuis le début, puis de ceux qui n'ont rien vu
.).
J'ai lu le livre en espagnol et j'ai beaucoup aimé la forme. Les
points de vue sont variés. Le narrateur parle parfois à
la troisième personne, parfois tutoie le personnage, ce qui instaure
des distances différentes, ou une empathie. Le style est très
travaillé. Urania, personnage inventé, est très vraisemblable.
Un suspense est ménagé à la fin de chaque chapitre
et entraîne la lecture. Un livre qui m'a très intéressée
et touchée.
Claire
Je souscris à tout ce qu'a dit Marie-Jo. Pour une fois, le plaisir
de lire un pavé ! J'ai beaucoup aimé le montage dans le
livre : à la fois des différents chapitres se passant à
trois temps différents et avançant dans le temps (et pour
celui se passant au présent reculant dans le temps
), et à
l'intérieur des chapitres ; dans certains dialogues, on change
de temps et d'époque dans la clarté : quelle maîtrise
! L'écriture m'a paru raplaplate, mais efficace. Ce n'est peut-être
pas le sujet pour donner un plaisir de la sculpture des métaphores!
Mais il y a le plaisir de l'architecture. Je note l'absence de complaisance
dans les scènes nombreuses de violence. La fin, où Balaguer
prend le pouvoir, est passionnante. Quand on sait qu'il a quitté
le pouvoir il y a peu (il est mort le mois dernier
).
Martine
J'ai beaucoup aimé ce roman très bien construit. Le style
lisse est proche du journalisme. Je trouve le personnage d'Urania très
fort. J'ai été énervée par plusieurs redites
: l'auteur renarre certains événements ; l'éditeur
n'a pas bien fait son travail (acquiescement de plusieurs lecteurs qui
ont noté ces répétitions). J'ai été
gênée par les passages au "tu". L'analyse assez
fine des ressorts d'une dictature me paraît universelle et pas seulement
liée à l'Amérique latine (voyons chez nous Louis
XIV) : on arrive à mieux comprendre comment des peuples tombent
sous la dictature. Les mêmes ressorts sont utilisés partout
où il existe une dictature, y compris sans doute pour Hitler.
Régine
Je suis entrée dans ce livre à reculons, à cause
de l'horreur des scènes de torture
Mais j'ai vite éprouvé
une fascination, en dépit d'une certaine incompréhension,
pour cette radiographie d'une société gangrenée par
la dictature. Le conspirateur qui, une fois l'attentat réussi,
n'a pas le comportement attendu et se retourne contre ses complices, m'a
sidérée ; c'est l'aspect psychologique qui m'a intéressée
aussi, notamment sur le goût de la servitude. L'histoire concerne
effectivement toutes les sociétés. J'ai beaucoup appris
sur l'humain. C'est magistral, maîtrisé, profond et j'aime
bien l'ironie que j'y devine. Je le relirai.
Françoise
J'introduis un bémol parmi ces louanges. C'est trop long. Surtout
la partie Urania. Il y a beaucoup de répétitions. C'est
une "chronique d'une mort annoncée" ratée. Pas
assez palpitant, style pas assez " clinique ". Je suis d'accord
avec Michèle Gazier dans Télérama, c'est un
lourd récit informatif et journalistique et du coup il aurait mieux
fait de s'en tenir tout simplement à une biographie de Trujillo.
Mais le côté informatif est très intéressant,
on voit bien comment tient une dictature, et la partie la plus intéressante
commence à partir de l'assassinat de Trujillo, qui privilégie
le côté historique, le déroulement factuel des événements.
Ainsi que toute la partie consacrée à Balaguer. Comme le
dit L'Huma, c'est une belle leçon politique. Malgré
mes réserves et ma déception, je ne regrette pas de l'avoir
lu. J'aurais tendance à en dire la même chose que de Grossmann
l'année dernière : l'intérêt est historique,
pas littéraire.
Liliane
Je n'ai lu que des polars cet été et je craignais de ne
pas le lire jusqu'au bout. Je partage tous les commentaires positifs.
Je connaissais peu de choses sur l'histoire de la République dominicaine
et j'ai eu ainsi accès à ce pan d'histoire. J'ai été
un peu agacée au début par le passage au " tu "
et puis j'y ai trouvé de l'intérêt. Le choix du roman
permet des explorations que ne permettrait pas une biographie, notamment
sur la manière dont la terreur de la dictature entre dans l'intimité
des personnes. J'admire aussi la composition, la progression des différentes
histoires, la limpidité en dépit de la complexité
; alors qu'il y a 24 chapitres, la mort du tyran se situe au 12ème.
Alors qu'il a disparu, l'angoisse est encore plus grande. C'est un beau
travail d'écriture.
Jacqueline
C'est un drôle de livre pour l'été
C'est vrai
qu'il y a du suspense, que la lecture est facile. L'histoire d'Urania
me paraît bateau ; je n'arrive pas à identifier quoi que
ce soit avec elle ; c'est trop artificiel. Tous les autres personnages,
en revanche, ont une consistance, sont intéressants, bien dépeints.
Une biographie n'aurait pas pu rendre ce qui est décrit ici. Mais
c'est vraiment dur pour un roman d'été
Fernando
Vargas Llosa habite à Londres, est souvent à Madrid ; il
écrit régulièrement dans El Païs ; il
n'écrit donc pas dans la langue péruvienne. Par exemple,
les Péruviens utilisent beaucoup d'argot, notamment pour décrire
le sexe. Son écriture est espagnole, commune à tous les
apôtres du business
il écrit en sachant qui va le lire
: les Péruviens ne font pas partie de son marché ; d'ailleurs,
au Pérou on n'achète pas les livres, on les photocopie...
Les thèmes de Vargas Llosa : le sexe, le pouvoir ; dans ce livre,
c'est plutôt le sexe du pouvoir que le pouvoir du sexe. Les personnages
sont noirs, on ne le sait pas ; il n'y a pas d'odeur, de sueur ; on ne
sent pas non plus la tension frontalière avec Haïti, ni la
haine entre noirs et blancs. Vargas Llosa est très universel par
sa pensée ; mais jusqu'ici tous ses romans se passaient au Pérou
(sauf un au Brésil). Le livre est très documenté.
Seul un romancier peut inventer certaines scènes ou aller dans
la pensée des personnages : c'est son mérite principal.
Par ailleurs, il n'accable pas le dictateur, il fait un gros effort pour
le présenter avec sa capacité de travail, de gestion. La
plupart des critiques ont souligné la faiblesse du personnage féminin
et moi non plus ce personnage de novela ne m'a pas convaincu. Je n'ai
pas remarqué les répétitions et je penserais plutôt
qu'elles sont voulues, comme dans un concerto. Le personnage de Johnny
Abbes est très intéressant. Est-ce que ce livre apporte
quelque chose dans l'uvre de Vargas Llosa ? Depuis sa campagne présidentielle,
il a écrit des choses mineures, minces. Je trouve qu'il est moins
fort qu' Un poisson dans l'eau. Il montre que le réalisme
plaît toujours. Il s'est beaucoup opposé au baroque latino-américain.
Sa langue est très efficace, sans faille, avec un dosage réussi
de subjectivité, de violence très maîtrisée.
Ce n'est pas cucul la praline, n'est-ce pas ?
Béatrice Commengé, auteur notamment
de L'homme
immobile (Gallimard), était présente, mais n'avait
pas lu (encore) le livre.
Muriel était présente, n'avait pas lu le livre et a très
envie de s'y plonger.
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
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