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Chateaubriand
Mémoires d'outre-tombe
Ce dialogue s'est tenu au bord de l'étang
face au Château de Combourg.
Monique
J'ai relu les premiers livres pour la troisième ou la quatrième
fois. Chateaubriand : c'est tout un monde ! Je relis toujours avec plaisir
certaines pages "hallucinatoires" qui "hantent" comme
si nous les avions vécues : les soirées à Combourg
où le père déambule entre lumière et obscurité,
le portrait de Lucile
J'aime le mélange de moments capitaux
très précis et de synthèses qui résument sa
façon d'être au monde : le passage sur le chant des grives
qui a inspiré Proust, les arbres de la Vallée-aux-Loups,
la mer
L'intérêt historique de l'uvre dépasse
tout entendement : la fin de l'aristocratie, la Révolution, la
grande misère à Londres, l'Amérique, Bonaparte, les
ambassades
dans les pages qui suivent. On aime ou on n'aime pas
le recours à des mots anciens. Moi j'aime bien " l'esclave
qui chante pour solacier ses veilles "
Bien sûr, au début, j'ai été agacée
par le côté prétentieux du narrateur : ses capacités
scolaires, son inspiration poétique
dans les premiers livres.
Plus tard : ce sera pire ! A croire que la chrétienté
et la royauté varieront au gré des battements de cil du
seul Chateaubriand. Mais en avançant dans la lecture, je suis par
la suite attendrie par l'extravagance de son égocentrisme. A mes
yeux, Chateaubriand est l'un des humains à avoir accumulé
le plus d'expériences extrêmes et variées. Son mal
être, son orgueil (blessé), son ambition ont été
le carburant nécessaire à la rédaction d'une telle
uvre. Il écrit ses premiers textes à un âge
avancé, à travers le prisme de ses expériences et
c'est cela qui donne cette force aux pages sur Combourg.
Brigitte
J'ai lu la vie de Madame Récamier où la présence
de Chateaubriand est importante, avec de longs passages à son sujet
ou extraits de son uvre : j'avais admiré le style
mais pas le personnage ; son écriture me paraissait magnifique,
le personnage odieux. J'entendais dire que Les Mémoires
étaient formidables. J'avais des souvenirs scolaires concernant
René et " Levez-vous orages désirés "
La lecture a été très intéressante. Peut-être
me disais-je vais-je le trouver odieux après les 5 livres.
Il a osé s'opposer à Napoléon et il fallait le faire.
J'ai aimé sur beaucoup de points. Ce n'est pas prétentieux.
Il raconte sa vie, ses surs, le collège. Ça paraît
vrai, sans pose. J'ai aimé la manière de décrire
les gens, la vie quotidienne pendant la Révolution : il donne l'impression
de vivre à cette époque ; cela me rappelle Rohmer dans L'Anglaise
et le Duc. J'avais lu La Princesse palatine qui présente
également la vie quotidienne. Bref la lecture des Mémoires
est très attachante, je continuerai jusqu'à ce que Chateaubriand
m'énerve. ..
En tout cas, on est loin aujourd'hui de cette époque romantique
où l'objectif est de mourir
Je doute de cette attitude. Chateaubriand
avait envie de vivre, d'être ministre, homme de lettres. Cette attitude
m'interroge
Quant à ce titre, Les Mémoires d'Outre-Tombe
Marie-Jo
J'ai une édition de poche de 1961 avec des passages que j'avais
cochés, je devais avoir 25 ans. J'ai coché à peu
près les mêmes
Je me souvenais des phrases de dandy
: " La vie me sied mal la mort m'ira peut-être mieux ",
" la vie que m'a infligée ma mère ".
Mon humeur change au gré de la lecture. J'aime sa langue, son introspection,
cette écriture toute en nuance. J'aime la description du quotidien,
la subtilité, par exemple quand son père se moque de son
éventuelle peur le soir : " il m'eût fait coucher
avec la mort "
J'aime moins l'évocation de
la Révolution sans analyse, mais le témoignage est formidable,
il y a un vrai plaisir à le lire. Mais je suis prudente pour la
suite, car je risque d'être agacée par la prétention.
Nicole (qui d'habitude participe par Internet parce qu'elle habite la
Bretagne regrette le manque de contradiction par rapport à son
propre avis : personne ne la contredit quand elle envoie son avis ; cette
fois c'est différent
)
Chateaubriand suscitait des souvenirs peu agréables : celui d'un
pensum. J'ai lu les trois premiers livres d'affilée, j'aime beaucoup
la langue ; j'aime retrouver les mots anciens. Il m'agace, mais je change
d'avis car il écrivait à la fin de sa vie et finalement
on le lit toujours. J'ai envie de continuer jusqu'au bout, j'ai envie
d'en savoir plus. Il est odieux, mais j'ai une certaine sympathie. Pour
l'écriture, je me demande si je ne le préfère pas
à Victor Hugo. Le plaisir est différent.
Lil
Victor Hugo était moderne. J'ai lu le livre 3 et Chateaubriand
n'a pas eu le temps de m'énerver. J'ai calqué ma lecture
sur le château que je connaissais, sinistre : avoir vécu
là et s'en sortir !!! Je comprends aussi la psychologie fragile
de sa sur
J'adore l'écriture. Je ne sais pas si je
continuerai, mais après vous avoir écoutées, je lirai
le livre sur la Révolution
Françoise
Pour moi, ce livre est intéressant surtout parce qu'il représente
un témoignage important d'une époque. C'est le point de
vue historique et sociologique d'un aristocrate breton avant et pendant
la Révolution. Le livre 5 en particulier devrait être donné
à lire à l'école quand on étudie la Révolution
parce qu'il manque toujours aux leçons d'histoire l'aspect "vie
quotidienne ".
Chateaubriand a une vision réactionnaire de son époque -qui
corrobore ses prises de position politiques- et bien qu'écrivant
beaucoup plus tard, il ne montre aucun recul, aucune remise en question
de ce passé.
Par ailleurs le côté aristo-bigot-mélancolico-pessimiste
de l'auteur m'agace. Le style est parfois lourd, mais certains passages
sont assez réussis. J'ai bien aimé le livre 3 où
il raconte sa jeunesse à Combourg, Dol, Saint-Malo, parce que l'évocation
de ce pays me rappelle mon enfance.
Lecture non désagréable, mais sans le plaisir que j'avais
eu à (re)visiter Balzac, Zola, Rabelais.
Claire
J'ai lu ces premiers livres par bribes, ce qui n'est sûrement pas
une bonne chose, les bribes empêchant de s'immerger dans le déroulé
du récit. C'est un détail, mais dans l'édition Garnier-Flammarion,
les notes qui doublent celles de Chateaubriand sont exaspérantes
de minutie, de pédantisme, d'érudition vaine.
Chateaubriand prétentieux ? " Cette souplesse
de mon intelligence se retrouvait dans les choses secondaires. J'étais
habile aux échecs, adroit au billard, à la chasse, au maniement
des armes ; je dessinais passablement ; j'aurais bien chanté, si
l'on eût pris soin de ma voix. Tout cela, joint au genre de mon
éducation, à une vie de soldat et de voyageur, fait que
je n'ai point senti mon pédant, que je n'ai jamais eu l'air hébété
ou suffisant
" Quand on lit cela, on en tombe, on
se demande s'il ne le dit pas avec humour (mais non !), tellement c'est
énorme.
Le style ? Parfois aussi ridicule : " Salut, ô mer,
mon berceau et mon image ! Je te veux raconter la suite de mon histoire
: si je mens, tes flots, mêlés à tous mes jours, m'accuseront
d'imposture chez les hommes à venir. " Il y a une
kyrielle quand même de ces grandiloqueries.
Par contre j'aime : " Tombé de la médiocrité
dans l'importance, de l'importance dans la niaiserie, et de la niaiserie
dans le ridicule, il a fini ses jours littérateur distingué
comme critique " ou " Ses élégies
sortent de sa tête, rarement de son âme ; il a l'originalité
recherchée, non l'originalité naturelle "
ou encore : " Delisle de Sales, très brave homme,
très cordialement médiocre, avait un grand relâchement
d'esprit, et laissait aller sous lui les années ".
Il y a des moments marrants : marrants avec style, par exemple quand les
collégiens voient un nid interdit d'accès : " tout
à la cime du plus grand orme, brillait un nid de pie : nous voilà
en admiration, nous montrant mutuellement la mère assise sur les
ufs " (déjà la mère assise sur
les ufs fait douter entièrement de l'authenticité
de la bibliographie
) " Mais qui oserait tenter l'aventure
? L'ordre était si sévère, le régent si près,
l'arbre si haut ! " Quel talent pour les formules !
Marrant encore : notre héros se fait châtier d'être
monté au nid par l'abbé : " il m'allonge à
travers le lit des coups de férule. Je m'entortille dans la couverture,
et, m'animant au combat, je m'écris : Macte animo, generose puer
! "
Qu'est-ce que ça donnerait en verlan aujourd'hui ?!
J'ai bien aimé que la grand-mère se fasse faire la lecture
orale par une servante jusqu'à une heure du matin : un
privilège sans doute.
Françoise
d'avoir une servante qui savait lire !
Claire
Les temps différents dans l'écriture - du récit des
faits du passé racontés, de l'évocation des faits
ultérieurs par rapport aux faits racontés, de l'écriture
elle-même située dans le temps et dans l'espace - qui
en font une autobiographie novatrice, ainsi que la dimension importante
de témoignage historique font une matière excellente pour
l'étude universitaire : mais qui peut lire entièrement ces
Mémoires !
Étant donné le plaisir des formules, l'existence des morceaux
de choix (le coucher dans la tour sinistre, la grive, le nid, etc.), la
psychologie du personnage qui m'intéresse assez peu, l'extravagant
volume, je trouve parfaite cette oeuvre pour Lagarde et Michard
C'est peut-être ce que veut dire Sainte-Beuve cité dans la
préface avec une expression que je ne comprends pas : Les Mémoires
d'Outre-Tombe " sont une uvre à se lécher
le museau " : " uvre à se lécher
le museau " veut peut-être dire " bon
pour le Lagarde et Michard "
Marie-Jo
J'ai envie de défendre cette uvre après vous avoir
entendues. C'est facile de se moquer en prenant une phrase ou un aspect
de la personne. Ce qui m'intéresse, c'est la complexité
de l'ouvrage. C'est une analyse dans le temps et sur le temps. C'est l'itinéraire
d'un homme, à la manière de ces rétrospectives de
peintres. Je n'ai pas envie de me moquer. C'est l'uvre qui est donnée
pour comprendre un individu qui de surcroît a marqué son
temps. On a le temps pour comprendre, y compris pour comprendre les contradictions.
C'est le bouquin plus que l'individu qui m'intéresse.
Françoise
Je suis d'accord.
Katell (par courrier électronique)
Quelle surprise ! Quel régal ! J'avais toujours imaginé
que c'était un bouquin long et ennuyeux (le titre n'est guère
engageant) et je me suis régalée. Surtout les 3 premiers
livres : l'enfance d'un jeune noble de province, la formation, les deux
années de "crise d'adolescence"... J'ai beaucoup regretté
en le lisant de n'avoir pas pu aller avec vous à Combourg et la
description du château m'a enchantée. Bien sûr, Chateaubriand
est un peu pédant (l'avis de Claire m'a fait bien rire !) mais
vraiment, c'était une très bonne suprise. Merci le groupe
lecture.
Bonjour,
Je suis une généalogiste et historienne de ma famille, et
je veux vous faire savoir que mon ancêtre paternel en ligne collatéralle
avait bien raison de penser que ses livres "d'Outre-Tombe",
laisserai la place à ses descendant(e)s pour parler de lui.
Pour moi, il est un grand Homme avant tout, et comme lui, malgré
la situation de nos jours, je crois en la monarchie. Chateaubriand avait
raison. Quand on voit les résultats des gouvernements de nos jours,
et même avec recul, on peut confirmer que Chateaubriand avait raison
de croire qu'en la religion et la monarchie.
De nos jours, les gouvernements nous mènent nulle part ; mais,
la religion et la monarchie demeurent bien vivantes, pour les personnes
qui ont des oreilles pour entendre, et des yeux pour voir.
En lisant Chateaubriand, j'ai eu le privilège de lire mon ancêtre.
Que tous les prétentieux, et les prétentieuses de ses uvres,
lisent d'autres auteur(e)s, au lieu de s'abaisser à salir Chateaubriand.
Mon ancêtre ne mérite vraiment pas cela.
Je suis : Madame Johanne, Brien "dit" Desrochers-Durocher/ Parent.
Brien est l'ancienne forme orthographique de Chateaubriand.
Chateaubriand s'écrivait d'ailleurs anciennement : Chateau.Brien.
Certains ajoutaient un "d", ce qui donnaien t: Chateau.Briend.
Je rends tous mes HOMMAGES à Chateaubriand.
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