Daniel Lindenberg
Le rappel à l'ordre : enquête sur les nouveaux réactionnaires

Nous avons lu ce livre en mars 2003.

Loana
Je ne sais pas à qui est destiné ce livre, mais pas à moi. Peut-être à ma mère, qui est typiquement une nouvelle réactionnaire. Je viens de lire le livre au Rostand. Je ne sais pas de qui il parle. Parfois d'auteurs que je ne connais pas. Quand j'en connais, j'ai l'air moins idiot. Il écrit "pallier à" ; il confond les arguments ad hominem, ad personam et ad res. Ce livre n'est pas fondé, ne prouve rien. Mais je suis d'accord avec lui. Je suis d'accord avec les différents procès du sommaire. Mais je ne me sens pas concernée, l'auteur écrit comme si le lecteur connaissait l'implicite. Il n'y a pas de bibliographie, ce n'est pas sérieux, ce n'est pas un essai, c'est un pamphlet qui ne tient pas la route, un mouvement d'humeur pas étayé.
Christine
Je n'avais pas très envie d'acheter ce livre, je l'ai emprunté. et suis allée jusqu'à la moitié. J'ai bien compris à quoi il s'attaquait, mais j'ai eu du mal à savoir de quel côté il se place. Dantec et Houellebecq reviennent trop et prennent une trop grande place. A qui s'adresse ce livre ? Il ne m'a pas aidée à y voir clair et ne m'a pas donné envie de lire et d'approfondir quoi que ce soit.
Françoise Dub
C'est moi qui ai proposé ce livre : il m'a donné matière à réflexion. Certains auteurs, je les connais, d'autres pas, comme les philosophes cités. Le livre m'interpelle, y compris sur mon propre cheminement depuis mai 68 dont je me sens issue. Mais c'est vrai qu'il n'est pas toujours cohérent : entre Debord qui est représentatif d'un certain courant de 68 et qui a toujours été aussi conservateur ; Houellebecq qui est né en 1958 et n'a donc pas connu mai 68 et Dantec qui est un mec à la mode… Il y a des choses sur lesquelles je suis moins d'accord, d'autres où je ne comprends rien et d'autres que j'approuve, par exemple le chapitre "When Jews turn Right". C'est un pamphlet, les principaux intéressés se sont défendus. Le livre m'a stimulée, m'a obligée à réfléchir : t'es p'têt un peu réac, me suis-je dit…
Brigitte
Je suis absolument terrifiée de voir le succès d'un livre aussi nul, pour ce qui est de l'écriture et pour le contenu : il aurait pu écrire en 30 pages le fond de sa pensée. Est-ce un règlement de compte ? A Paris VIII, s'ils ont des profs comme ça, c'est affligeant. Le point de vue n'est pas argumenté, l'auteur n'a pas fait son travail. Comment les journalistes peuvent-ils contribuer à ce succès ? C'est sans doute parce que l'auteur cite des gens célèbres.
Monique
J'ai réussi à le lire jusqu'au bout sans difficulté, mais je n'ai rien compris. Ça va venir, me disais-je, il y aura peut-être un sursaut. Le thème m'attire, me fait peur, car le monde bouge tout le temps. C'est un sujet difficile, mais intéressant, que je vis auprès de mes élèves : antisémitisme, antiféminisme… Le seul auteur que je connaissais c'est Houellebecq et c'est vrai que ses propos dans Lire sont scandaleux. Oui, c'est scandaleux, sous prétexte qu'on est artiste, on peut dire des choses scandaleuses. Comment dans le monde actuel on peut vivre en produisant des livres qui parlent de petites guéguerres, comme ce livre? Je ne peux pas perdre mon temps à cela.
Manuel
Ce livre est extrêmement agaçant : il évoque des tas d'auteurs qu'il met dans le même panier. Je comprends que certains d'entre eux aient réagi violemment ! Renaud Camus est à peine cité une fois, alors que son cas aurait valu l'analyse voire comme Houellebecq ou Dantec un mini-portrait ! Le chapitre de Tocqueville à Schmitt est incompréhensible (comment un livre peut-être publié tel quel : tout n'y est qu'ébauche d'idées et de phrases !) et réservé à des spécialistes. C'est un livre prétentieux, parisien. Il est la quintessence de ce qu'il dénonce (les bobos par exemple). Enfin, je trouve que ce livre est un procès malhonnête : l'auteur nous dresse le portrait d'une population (les nouveau réactionnaires) très hétérogène. Mettre les partisants d'un ordre ancien avec les anti-mondialisation relève du grand n'importe quoi !
Katell
Je suis tout à fait d'accord avec les avis précédents : le manque de rigueur scientifique, la pauvreté de l'argumentation, les raccourcis et amalgames. Citer des passages des livres de Houellebecq pour démontrer qu'il est réactionnaire, certes, à la lecture, on s'en aperçoit. Il n'empêche, Houellebecq reste intéressant parce qu'il met le doigt aussi sur une sorte de "bien pensance" de gauche qu'il est assez drôle de dénoncer. L'auteur aurait été plus inspiré d'analyser plutôt la presse par exemple, qui se fait l'écho de propos réactionnaires. Par exemple, sur France Inter, on entend "deux musulmans..." : on ne dirait pas "deux catholiques..." Bref, à la lecture, on n'est pas convaincu du retour de ces prétendus nouveaux réactionnaires. De plus, l'actualité l'a démontré, le sursaut républicain et démocrate existe (cf. l'entre deux tours de la présidentielle).
Liliane
Je n'ai plus grand-chose à dire. Ce qui m'a étonnée, c'est ce survol, comme si le livre avait été fait dans la précipitation et dans l'urgence. Je m'interroge aussi sur le succès, le parisianisme, les médias, le commerce… Néanmoins le livre me donnait l'espoir de répondre à des questions prégnantes. J'ai été déboussolée par l'élection de Chirac, je perds mes repères entre la gauche et la droite. J'espérais des réponses : j'attends la suite. Mais je ne trouve pas ce livre inutile. On sent bien que la marge est étroite, qu'on peut basculer, je trouve qu'il pointe bien cette bascule ; et les oxymores, les néologismes, les trucs à la mode : avec un certain brio ; il est très acéré et tenté par les armes de l'ennemi, sur le langage. On a du mal à démêler les propos conservateurs de la juste critique : hélas, je reste dans la même confusion. Je ne sais pas ce que l'auteur propose. Où doit aller la démocratie ? Il met un signal d'alerte, car il la sent menacée. Mais je n'ai pas de réponse à mes attentes. Ce livre n'est pas complètement nul. En dépit de ses défauts, il pose des questions actuelles.
Claire
Le sujet du livre m'intéressait beaucoup. Je l'ai lu avec un a priori favorable en raison des attaques dont il fut l'objet et qui m'ont rappelé celles du livre Impostures intellectuelles de Alan Sokal et Jean Bricmont dont la deuxième édition en poche présente une longue analyse édifiante des critiques assassines qu'il subit. Des tribunes dans la presse telles que celle de L'Express finissant ainsi "Cette tentative de fascisation de l'inquiétude et de la pensée libre est dérisoire et monstrueuse. Nous nous honorons d'en être la cible." signé par diverses personnalités dont Alain Finkielkraut rend tout de suite l'auteur intéressant. J'espérais par ailleurs que ce livre allait m'aider à situer les intellectuels et à me situer. Je suis très déçue. Ce livre ne m'aide pas à penser. Il ne suscite qu'une enquête au fur et à mesure de la lecture : sur la malhonnêteté de l'auteur.
Ce qui me paraît très faible, c'est qu'on ne voit pas qui sont ces réactionnaires, hormis quelques écrivains - Houellebecq, Maurice Dantec principalement. À répétition sont cités des auteurs anciens - Ernest Renan, Charles Maurras - dont les citations ne rappellent pas à l'ordre des contemporains, à part Maurice Dantec et Houllebecq (qui ont un portrait en fin de livre : pourquoi eux et pas les autres ?) : c'est flagrant dans le chapitre sur le procès de l'égalité ; les propos sur les vieux réactionnaires pallie ou remplace l'analyse des nouveaux. Des affirmations sont proférées sans aucune argumentation : par exemple sur l'influence de l'ethnoécologisme de droite ou sur la nostalgie de Marcel Gauchet de la lutte des classes. Des passages manquent de clarté : sur Jacques-Alain Miller, on se demande ce que veut dire l'auteur. Il recourt aussi à des citations de citations, peu probantes, ou encore à des paroles entre guillemets de Marcel Gauchet et en note on lit "Interview de Marcel Gauchet dans le Figaro du 29 juillet 2002, propos rapportés par Joseph Macé-Scaron" : on rêve…. Ou encore il entremêle les auteurs de sorte qu'on ne comprend rien, par exemple il évoque "les objections qui sentent bon la khâgne." Ainsi Alain Badiou critique le "démocratisme" qui n'est selon lui, comme le souligne Catherine Larrère, qu'une "capitulation devant la variété des opinions". C'est l'argumentation de Régis Debray radicalisée. Quel galimatias ! Ou encore il présente la pensée d'un auteur en la qualifiant par un autre, par exemple à propos d'Alain Finkielkraut : « Comme le résume Daniel Rondeau dans sa recension de L'Imparfait du présent : "Finkielkraut nous dit à voix basse que la démocratie n'est pas toujours l'amie de l'humain" ». On n'a pas la pensée de Finkielkraut en direct et pourquoi on accorderait sa confiance à ce Rondeau après tout ce qu'on a lu !
Que pense l'auteur ? On a du mal à le savoir, tellement on lit de la bouillie : il trouve du talent à Houellebecq, il juge excellente une formulation de Dominique Schnapper, il trouve globalement positif l'héritage du franco-judaïsme, il trouve très stimulant un ouvrage de Miller, mais à part ça ? Pense-t-il quelque chose ?
Il parle d'enquête (cf. le sous-titre racoleur), mais où sont les témoignages des rencontres, les documents originaux ? Il n'y a pas d'enquête, il n'y a pas de corpus analysé choisi chez les nouveaux réactionnaires. Et effectivement pas de bibliographie. Des sujets porteurs de points de vue éventuellement réactionnaires ne sont pas du tout développés concernant le féminisme, l'école, la culture : y avait à dire. Sallenave n'est même pas citée.
Comment l'éditeur a pu laisser passer cette bouillie ?! Quand on voit que sont laissées des fautes de français (pallier à), des césures mal faites (retro-uveront), on se dit que l'éditeur (Le Seuil !) n'a pas fait son boulot, ni quant à la forme, ni pour le reste.
Je trouve ce livre assez nul.
Françoise Delphy
J'ai lu ce livre en une après-midi sans illumination. Vu que ce langage politique est pour moi une langue étrangère. Je ne lis JAMAIS le journal et n'ai aucune culture politique. Je n'y ai donc pas compris grand-chose. Le phénomène me paraît effectivement d'actualité car j'ai plusieurs ami(e)s qui m'ont confié qu'ils penchaient de plus en plus à droite après s'être crus de gauche et avoir voté à gauche. Mais ce texte très théorique ne m'a guère parlé.
Marie
J'ai lu aussi le Lindenberg que je n'ai pas vraiment aimé. Il repose sur une idée intéressante mais dispense des faits d'une façon brouillone, non appuyée. C'est dommage pour un universitaire comme l'est cet auteur de produire un tel ouvrage.

 

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Présentation de l'éditeur :
Un vent d'hiver souffle sur la vie intellectuelle française depuis quelques années. Il vient de loin, mais porte à de nouveaux combats, hier encore improbables : contre la culture de masse, contre les droits de l'homme, contre 68, contre le féminisme, contre l'antiracisme, contre l'islam... Les nouveaux réactionnaires, grands artificiers de cette levée générale des tabous, déploient leur offensive sur deux fronts - les deux pôles de la culture politique française qui prônent une « société ouverte » : la gauche égalitaire et la droite libérale. Au cœur de cette nouvelle synthèse idéologique de combat, flotte le fantôme d'une politique héroïque qui menace la démocratie.

Cette enquête serrée et touffue dans la bibliothèque des nouveaux réactionnaires est une invitation pressante à prendre ses responsabilités dans un espace public intellectuel qui ne se porte pas si bien.