Editions "J'ai lu"
ou "Actes Sud Babel "

Quatrième de couverture : Au rythme des faire-part de naissance et de mort, voici la chronique de destins féminins dans la société bourgeoise du début du siècle. Fiançailles, mariages, enfantements, décès… le cycle ne s’arrête jamais, car le ventre fécond des femmes sait combler la perte des êtres chers. C’est avec l’élégance du renoncement que l’on transmet ici, de mère en fille, les secrets de chair et de sang, comme si la mort pouvait se dissoudre dans le recommencement.

Alice Ferney
L'élégance des veuves

Nous avons lu ce livre en septembre 2003.

Loana
J'ai âââdoré. Je l'ai lu plusieurs fois, la première en sanglotant. C'est une écriture polyphonique ; un avis subtil : l'auteur fait semblant d'adhérer, mais en réalité fait une critique violente du système social. C'est un tour de force, peu importe qu'on ne s'y retrouve pas dans les personnages. Les hommes, à travers le regard de leur femme indulgente, sont tout à fait odieux. Quelle vie peut-on donner comme modèle ? La dignité pour soi, le souci de l'autre, sont des éléments de survie selon Todorov. Il manque la dimension artistique ou intellectuelle à ces femmes. Le monde de ces femmes se rétrécit quand elles n'ont plus de famille.

Claire
Il y a quelques années, ma mère - et je n'hésite pas narrer cette anecdote maternelle étant donné le sujet du livre… - me prêta pour les vacances quelques livres qu'elle avait ââââdorés. Je dis à Muriel n'avait rien à lire en ce début d'été-là : "lis donc ce petit livre que ma mère a ââââdoré, L'Élégance des veuves." Tout au long de la lecture (de 125 pages...), j'entendis : "Oh non !... Oh les bons sentiments !... La cucuterie !... Je ne pensais pas que ta mère aimerait ce navet cucuchonneux... J'espérais au moins qu'au milieu de ce fatras de bons sentiments niaiseux un coup de théâtre allait exploser… même pas ! Le livre se termine comme il avait commencé !" Je remerciai Muriel de m'avoir évité cette lecture et dis à ma mère : "Parmi les livres que tu m'as prêtés, j'ai moins aimé L'Élégance des veuves".
Le temps passa et j'oubliais tout, le titre, le nom de l'auteur, l'avis nuancé que je vous ai rapporté, et quand nous avons programmé ce livre, j'étais évidemment partante, séduite par le titre et la brièveté de l'ouvrage.
Je lis l'introduction et cette avalanche de grossesses me met la puce à l'oreille : "Muriel, est-ce que L'Elégance des veuves te dit quelque chose ?" Non. Après lecture d'une page, elle reconnut son navet et me déclara : "Si tu aimes ce livre, tout est fini entre nous !". Las, l'introduction et son avalanche de grossesses m'avait beaucoup plu. De temps en temps, Muriel prenait la température : "alors ?" Tête baissée, je confessai à chaque fois : "J'aime beaucoup ce livre…".
Françoise
A la première page, je me suis dit "Oh la la, ça ne va pas plaire à Claire" !...
J'ai été subjuguée pendant une bonne première moitié : l'écriture soignée, ciselée même, le style agréable, le rythme adapté au sujet. Les descriptions -de mort surtout- sont très émouvantes, le personnage de Valentine est attachant. Il y a des formules heureuses, très bien vues " comme si la concrétion des souffrances lui avait fait un masque… Il usa de ce don des enfants : ne pas voir les chagrins pour mieux les consoler "… A ceux qui trouvent qu'il ne se passe rien je réponds : il se passe la vie, c'est la vie qui passe, et surtout la mort (rappelons-nous la citation de Ionesco au début), c'est évidemment le propos de l'auteur (et elle y est meilleure que dans les naissances). C'est comme pour Naipaul : " l'apparente absence d'événement est le cours naturel du changement lui-même ". Mais en réalité, l'auteur suggère les changements.
On peut être agacé par ce choix de la grosse bourgeoisie parisienne, certes, mais c'est une excellente illustration de société. C'eût été le milieu paysan ou ouvrier, qu'est-ce que ça aurait changé ?
Je suis d'accord avec Loana, c'est à la fois un hommage aux femmes et une subtile et dure critique de leur condition.
Après avoir dit tout ça, pourquoi mon adhésion n'est-elle pas totale? parce que ça s'essouffle un peu vers la fin -environ les 30 dernières pages- bien que ce soit un texte court, on a l'impression que l'auteur ne savait pas très bien comment terminer.
Brigitte
Je suis d'accord avec Loana et Françoise. Je craignais de m'ennuyer, mais j'ai été agréablement surprise. J'aime cette écriture à la 3° personne qui introduit une distance respectueuse de la chronique. Cependant, l'auteur va au fond des choses. Cette lecture est intéressante pour nous parce que c'est notre passé et que les générations précédentes ne sont pas offensées. Ce qui est surprenant, c'est que ces femmes n'ont pas de prise sur leur vie. Elles ne sont pas en révolte, sauf celle qui devient religieuse, et encore. Henri faisant de la tapisserie paraît étonnant, l'inattendu s'insinue dans le banal. Valentine évolue et devient plus libre.

Liliane
Je dois reconnaître que je suis toujours sur la défensive quand j'aborde un livre de femme qui écrit sur le malheur des femmes. Je n'en ai pas encore lu dont l'écriture m'ait convaincue.
En ce qui concerne L'Elégance des Veuves, en accord avec Loana, je crois que le projet de ce roman est sans doute de montrer la cruauté d'un système social, conjugal, politique, le tout arrosé de quelques gouttes d'eau bénite, à travers la solitude, les multiples enfantements, les deuils, la souffrance et la mort des épouses et des mères (les unes n'allant pas sans les autres).
Cette visée-là, je la comprends. Ce qui m'a mise mal à l'aise, c'est l'ambiguïté du style.
Parfois, trop rarement, il est net et sans bavure : "Marie vint au monde le Vendredi saint et Mathilde mourut le même jour". Pourquoi ne pas s'en tenir à cela ? Le lecteur est capable de faire les déductions (d'autant plus que la mort était bien annoncée). Mais non, l'auteur épilogue :" Un jour de corps blessé et de sang, un jour où Dieu n'aidait personne, pas même son fils qui l'appelait... Elle avait couvé sa mort sans y songer, elle la traversa avec la même sérénité... un évanouissement doux, une fuite lente, ... elle fondait d'épuisement, se diluait dans son sang, ce sang sauvage qui courait, fluide insaisissable parti rejoindre la terre... elle fermait les yeux sur ce frémissement liquide et chaud à l'orée de son ventre. Elle était déjà renoncement et humilité... elle écoutait ses chuchotis de machine lassée, ses bruissements d'organes...etc..." Tout cela dans la même page, c'est un peu complaisant.
On me dit que ces longs développements, ces épanchements sentimentaux, comme le regard extatique du mari sur "l'efflorescence" de son épouse, ont la fonction de nous faire comprendre les points de vue des autres personnages dont ils dénoncent en même temps l'aveuglement... Moi, j'y vois quand même une sorte d'attendrissement féminin de l'auteur faisant hommage à ces vies de femmes, leur amour sacrificiel et leur héroïsme secret, à en accepter presque, dans l'attendrissement, qu'il en soit ainsi pour toujours.
Je regrette le manque de traits plus vigoureux, la phrase plus énergique qui permettrait au lecteur de s'extirper de cet éloge funèbre trop emphatique, d'ailleurs l'intérêt se lasse au fur et à mesure que s'allonge la liste des prénoms de cette saga belle époque. Je serais curieuse de savoir si le style de cette auteur est lié au sujet ou si elle peut écrire autrement, en lisant un autre roman d'elle, La Conversation amoureuse par exemple dont on parle, quelqu'un l'aurait-il ?
Geneviève
Elégance : le mot convient bien au style du texte comme de l'objet : fin, raffiné, tout en nuances et en discrétion. Un peu désuet aussi, et très comme il faut.
Peut-être le défaut de ce petit livre, que je trouve extrêmement bien écrit : un brin convenu et conventionnel dans ce portrait de femmes qui toutes s'épanouissent dans le mariage et la maternité avant de s'éteindre dans la maladie et dans la mort. Mais les portraits sont superbes, les personnages comportent tous des failles intéressantes et les histoires d'amour et de famille sont loin d'être aussi conventionnelles qu'elles le paraissent.
Bref, une lecture très agréable, un plaisir raffiné.

Katell
L'élégance des veuves
... habillées de clichés !
Je n'arrive pas à être touchée par ce genre de littérature. J'oscille entre indifférence, agacement, voire... mépris. Ça se dévide comme un écheveau de clichés, de déjà-vu (la liste des prénoms bien comme il faut ! On dirait une photo de classe de Sainte-Marie-de-Neuilly). Cela me fait penser à ces pubs censées mettre en scène des gens de la "vraie vie", ces "testimonials" comme j'ai eu l'occasion d'en rédiger à la demande d'un dircom ringard....
Rien n'est raconté de ce qui fait le sel de la vie. On tombe amoureux au premier coup d'œil, on enfante, on souffre parce que son mari est mort à la guerre, certes. C'est évident ! Mais il ne se passe rien. En matière de journalisme, on appelle cela du bidonnage... Cela me fait penser à du Barbara Cartland pour hypokâgneuses (parce que c'est bien écrit). Une espèce d'image d'Epinal de la bonne bourgeoisie française.
Manu
Ce livre m'a déçu. Après les premières pages sublimes et émouvantes sur la maternité, la difficulté d'être mère, la douleur du deuil, et une très belle déclaration d'amour, je me suis vite ennuyé. Le livre aurait pu faire 300 ou 400 pages car le récit est très concentré sur une période très longue, ce qui m'a fait un curieux effet : déjà fini ? Tout ça pour quoi ? La fin : bof… Au fur et à mesure que je progressais dans ma lecture, des détails me paraissaient mièvres comme les descriptions de chaque mort… et la fin ! Le style, que je trouvais au début joli m'apparaît poussiéreux, sans grande inventivité, très plat. Il me semble qu'Alice Ferney, sans les nombreuses descriptions, nous refait du roman dans le style XIXème siècle. Dommage, ma lecture avait tellement bien commencé !
Sandrine
L'élégance des veuves est éphémère : quel dommage! j'aurais adoré passer plus de temps avec elles! Quel hommage à la maternité avec ce qu'elle comporte d'abnégation et d'acceptation de la vie ou plutôt de fatalisme. Lorsque j'ai fermé la dernière page, je me suis sentie frustrée, avec comme un goût de trop peu. L'auteur sait si bien faire plonger son lecteur dans ce cocon feutré et protégé de la vie d'une famille bourgeoise "d'un autre siècle", où ces femmes raides de dignité et de force de caractère, puisent dans leurs convictions la force d'accepter la vie et ses épreuves et d'assumer pleinement ce que leur famille et la société attendent d'elles. J'ai beaucoup aimé l'écriture, à la fois sobre et liée, pleine de pudeur et intimiste où l'auteur ne se permet que peu d'insertions (et c'est très bien).
Quelle évolution dans la condition de la femme en France en quelques dizaines d'années ! Si ces femmes vivaient à Paris aujourd'hui, elles penseraient certainement que le monde dans lequel nous vivons est fou à lier!

Monique
C'est un livre bien écrit, mais je n'aime pas l'univers proposé.
Jacqueline
Ce livre me fait un drôle d'effet. Je l'ai lu d'une traite. J'y ai trouvé des éléments touchants. Les femmes ne subissaient pas. Elles sont partie prenante. Je me sens en porte à faux car je ne peux m'identifier, mais j'ai parfois été interpellée. Il y a quelque chose dans l'écriture qui ressemble à la vie de ces femmes. Je préfère le début du livre, la vie de Valentine.
Il me semble qu'au dernier chapitre l'histoire de la petite nièce n'est pas à la hauteur du reste. J'aimerais lire un autre livre pour voir où en est l'auteur.
Nicole
N'ayant jamais entendu parler de ce roman, le tableau de Bazille et la quatrième de couverture m'ont rendue méfiante. Et pourtant, je me suis laissé emporter par le texte, si élégant, et la vie de ces femmes. J'ai souffert avec elles, je les ai accompagnées, surtout Valentine. Quelle alchimie a pu faire taire en moi tout sentiment de révolte quant à leur soumission socialement établie ? Le talent de l'auteur je suppose.

 

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Quatrième de couverture : "Le spectacle se donne sans fin. Car l'instinct fait germer la chair, le désir la pousse, la harcèle quand elle s'y refuse, jusqu'à tant qu'elle cède, s'affale, se colle à une autre, et que s'assure la pérennité des lignées amoureuses."

Cela se produit de multiples fois, sans relâche, cela s'enchaîne avec beaucoup de naturel et de grâce. Un cycle sans fin pousse les femmes à se marier, à enfanter, puis à mourir. Ainsi va le temps, secoué par le rythme des naissances et des morts, quand le besoin de transmettre l'emporte sur le désespoir de la perte d'un être cher. Un long fil de désir passe au travers des générations. Ce court roman d'une douce gravité est un hymne à la vie et au pouvoir fécondant de la femme