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Elisabeth Badinter
Fausse route
Nous avons lu ce livre en janvier 2004.
Katell
Plaisir avec ce livre qui se lit tout seul, de l'écriture fine
d'Elisabeth Badinter, de sa réflexion simple mais jamais simpliste
et du thème - naturellement ! - qui m'est cher. Cependant,
fait-elle une simple analyse ou dénonce-t-elle ? Ce n'est
pas toujours très clair. Si elle dénonce, je trouve son
propos un peu tiède. Elle s'attarde beaucoup sur ce que je juge
être - de mon point de vue - des problèmes mineurs
(pornographie, victimisation, harcèlement sexuel), même si
les mots et les messages véhiculés ont un sens et une portée...
Pour moi, le véritable enjeu du féminisme, la lutte qu'il
est urgent de mener et qui touche TOUTES les femmes, c'est l'égalité
professionnelle. Même si c'est remarquablement abordé dans
le livre, c'est dommage que si peu de pages lui soient consacrées.
Lorsque l'égalité professionnelle sera acquise, il ne sera
plus question de « salaire maternel », de « concilier
vie professionnelle et vie familiale », de « harcèlement
et victimisation des femmes » ou encore de « parité »...
Parce que les petits ruisseaux font les grandes rivières, nous
venons d'obtenir dans mon entreprise la mise en place d'une commission
paritaire (syndicats/direction) sur l'égalité homme/femme.
Actuellement, l'examen des chiffres est accablant : rémunérations,
nombre de femmes aux postes d'encadrement et accession à la formation
professionnelle...
Monique
« Les femmes », « Les hommes »,
« Les handicapés », « Les noirs »,
« Les débiles »... Il n'y a que des êtres
humains, tous différents et uniques. Tous les discours généralisateurs,
qu'ils soient traditionnels ou féministes sont oppressants. Certaines
personnes, certains groupes croient savoir pour les autres, s'érigent
en défenseurs de « victimes » sans se rendre
compte qu'ils en font eux aussi leurs objets, comme des rapaces qui s'arrachent
leurs proies. Exemples : ceux qui militent contre le port du voile
parce que les femmes musulmanes sont manipulées... Les pauvres
!!! (Leur a-t-on demandé ? à toutes ? Sommes-nous
prêts à entendre leurs paroles ? Ou pensons-nous comme
certains islamistes purs et durs qu'elles ne peuvent pas penser par elles-mêmes ?).
A la maternité, ma voisine de chambre était une jeune femme
portugaise de 21ans mère pour la troisième fois. Malgré
le défilé incessant de blouses blanches, roses, vertes à
son chevet pour l'« informer », elle a toujours
refusé les ordonnances de contraception qu'on lui proposait. Alors,
à bout d'arguments, on est venu poser sur sa table de nuit une
boîte de pilules, sans ordonnance. En fait, elle n'avait rien contre
la contraception (et même...), mais elle était radieuse de
la naissance de ses enfants et se voyait bien en avoir d'autres. Il y
a aussi ceux qui savent si une femme doit allaiter ou pas, s'arrêter
de travailler pour les élever ou pas, avoir un amoureux, ou plein,
ou pas. Chaque être, homme ou femme, jeune ou vieux... suit son
chemin, construit sa vie selon son histoire, ses possibilités,
ses désirs, ses goûts, ses empêchements aussi... Les
discours que rapporte le livre m'effraient tous plus les uns que les autres.
Je les trouve tous dangereux. Quand un homme parle pour les femmes, c'est
horripilant. Mais quand une femme parle pour les autres, toutes les autres,
ce n'est pas mieux. Légalité des sexes, je ne sais
pas ce que cela veut dire. La seule chose pour laquelle on peut se battre,
c'est l'égalité des droits devant les lois (travail, salaire,
famille, retraite...). Le reste, c'est affaire de personnalités.
Tous les hommes et toutes les femmes ne sont pas bâtis sur le même
patron : les forts de caractère, les faibles, les drôles,
les entreprenants, les contemplatifs... Et quel bonheur !!!
Claire
Quel dommage que Monique nous ait envoyé son avis et ne soit pas
présente, car elle ne parle pas du livre. Elle donne son avis personnel
sur le sujet, mais sans rien dire du livre !
Loana
Je navais pas envie de lire ce livre car je naime pas Badinter.
Claire
Pourquoi ?!
Loana
Elle nest pas claire. Jai eu limpression de lire Marie-Claire,
sans les images et sans horoscope. Cest de ce niveau. Les sources
elles-mêmes sont uniquement journalistiques.
Françoise
Cest faux, elle cite des enquêtes, des essais !
Loana
Son avis nest pas clair du tout. Quest-ce quelle dit
dans ce livre ?
Françoise
On va texpliquer si tu nas pas compris
Loana
Je suis très choquée par ce quelle dit sur la prostitution.
Je ne vois pas ce que ce livre fait avancer. Cest bien quelle
parle de la violence des femmes, j'ai eu l'occasion de discuter avec un
homme battu. Mais elle juxtapose ce quelle a lu dans les journaux.
Françoise
Quelle mauvaise foi !
Loana
Elle narticule rien. Elle est même contradictoire !
Claire
Où ?! Où ?!
Loana
Les problèmes économiques ne sont pas abordés. Si
cétait un mémoire détudiant, je le refuserais.
Bref, ce livre ma fâchée
.
Brigitte
Mais ce nest pas un mémoire détudiant. Cest
un essai « grand public ».
Claire
Mon avis est complètement contraire. Là où Loana
voit un livre journalistique, je vois un essai facile à lire, car
la pensée est claire et bien articulée, on suit aisément
la logique de la démonstration. A quelques réserves (qui
sont plutôt des questions) près, jadhère à
tout ce quelle dit. Cest vrai quon a envie de lui poser
la question : pratiquement, on fait quoi ? Comment ça
se passe avec votre mec (je suis prête à admirer son couple
).
Mais son propos est de dénoncer. Elle montre, elle démontre
même, comment se décline de façon effrayante le politiquement
correct par exemple, elle a raison de désigner limpasse,
la fausse route que prennent les féministes : les outrances
concernant le harcèlement, le dressage pour faire pipi comme les
filles, cest hallucinant ! Quant à la pédiatre E.Antier
,
on craque ! Elle démonte les idées reçues :
la douceur des femmes, leur sexualité gnangnan, linstinct
maternel. Je trouve que tout est juste. Ce quelle dit sur le foulard
est, vu lactualité, pertinent : on se dit quon
a vraiment raté le coche. Sur la prostitution, je la suis complètement,
je suis tout à fait contre les positions de Gisèle Halimi.
Loana
Quand à diplôme égal et opportunités égales,
je verrai quelquun choisir la prostitution comme orientation professionnelle,
je changerai davis !
Claire
Je trouve aussi intéressante son affirmation : « il
y a bien moins de différences entre un homme et une femme de même
statut social et culturel quentre deux hommes et deux femmes de
milieux différents. » Les liens quelle fait avec
la tolérance dangereuse aux coutumes des immigrés (excision,
etc.) sont éclairants. Elle mouche Luce Irigaray qui déconne,
Antoinette Fouque qui déraille, et la Sylviane, elle ne la loupe
pas ! Quand jentends la femme de Jospin sur les femmes, lhomoparentalité,
etc., je pousse des cris. Sur lessentialisme quelle dénonce,
je la suis entièrement, et depuis longtemps : javais
consacré ma maîtrise (en 1978, il y a 26 ans
), à
lexistence supposée dune écriture féminine :
limpasse et la fausse route étaient déjà en
place ! Quant à lécriture, elle est parfois relâchée,
avec des phrases infinitives un peu paresseuses, mais dans lensemble
elle est efficace, ferme, avec des formules fortes : « La
femme prisonnière de sa nature, les hommes sommés de changer
de culture. » ou parfois drôles, au sujet de léradication
de lhormone de linstinct maternel chez les souris qui les
rend indifférentes à leurs mignons souriceaux : « Avec
un peu dimagination, on finira par penser que la femme est une souris
comme les autres. » Et japprécie son point de
vue équilibré, et du côté des femmes et du
côté des hommes.
Loana
Mais quest-ce que ce livre apporte ?! Rien !
Claire
Ce livre me fait réfléchir, il me rend attentive, il déjoue
mes propres stéréotypes et idées reçues.
Brigitte
Cest parce que je vous aime bien que jai lu ce livre, car
jai des choses plus intéressantes à lire
Jai
détesté les féministes, toujours excitées
et perpétuellement hystériques.
Claire
Tu ne parles que de la caricature.
Loana
Cest quand même grâce grâce aux féministes
et aux francs-maçons quon a la contraception et la liberté
davortement.
Brigitte
Cest surtout la science qui a permis la contraception qui existait
dailleurs sous dautres formes.
Loana
Mon médecin donnait à ma mère un cocktail de médicaments
alors que la pilule nexistait pas et qui était équivalent.
Claire
On parle pas du livre.
Brigitte
Ce livre nest pas de la littérature
Françoise
Cest un essai
Brigitte
et cest un peu chiant. Jai lu un policier américain
Échec et mat de Stephen Carter qui parle dAndrea Dworkin.
Faire faire pipi assis aux garçons atteint les sommets de la connerie.
Le voile, ça a commencé à mintéresser.
Le livre ma remise à jour concernant le mouvement féministe,
en cela il ma intéressée et je suis contente de lavoir
lu. La France, seul pays laïc, ça ça me frappe
Françoise et Loana
y a aussi la Turquie !
Brigitte
Lanalyse dElisabeth Badinter mintéresse sur linstinct
maternel : j'avais écouté plusieurs débats sur
ce sujet, où elle participait. La mise en évidence du fait
que le sentiment maternel n'est pas une donnée universelle m'avait
paru très intéressante et nouvelle. Sur lallaitement,
je vois bien dans ma famille au long des générations, les
mouvements de balanciers : on y revient, avec ce retour à
la nature ; en fait, on retrouve le même désir de pureté
à lextrême droite ou dans lécologie, on
délire, cest une illusion.
Loana
Éplucher des haricots, pour moi cest complètement
exotique. Jai découvert les purées de toutes les couleurs.
Claire
Pour moi les haricots surgelés, ce sont des haricots
Loana
frais.
Claire
Tout à fait.
Françoise
Chacun(e) a retenu ce qui lintéressait le plus. Elisabeth
Badinter aborde beaucoup de sujets. Peut-on lui reprocher de ne pas avoir
approfondi chacun ? ça ferait un livre de 600 pages totalement
indigeste... Pour ma part, jai surtout retenu la tendance actuelle
à victimiser les femmes, mais tout ma intéressée,
et je lui suis reconnaissante davoir écrit un essai facile
à lire, pas chiant, que jai reçu comme un appel à
la vigilance, qui ma rafraîchi la mémoire, et ma
aidée à me repositionner : vis-à-vis du voile,
de la prostitution, du politiquement correct, qui parfois me posent question
Donc, je la suis. Certes, elle analyse, démontre, démonte,
mais ne donne pas de « solution », leût-elle
fait quon laurait trouvée bien présomptueuse,
non ? Je suis daccord pour défendre avec elle Simone
de Beauvoir, éviter de faire de lanti-mecs (même si
cest parfois tentant), lutter contre la victimisation générale,
ne pas tomber dans la « catégorisation »
et le manichéisme (Monique, je te signale quelle dit la même
chose que toi..), dire que la différence sociale est bien plus
importante que la différence sexuelle et que le critère
biologique est une régression. Elle a raison de parler de lutte
des classes, ça fait ringard, mais pourtant... Oui elle a raison
(avec Katell), la première et fondamentale condition à légalité,
cest lindépendance économique, même si
elle nest pas forcément suffisante. Et y a du boulot ! Mais
je conclurai sur une note moins pessimiste ; je connais beaucoup
de jeunes couples dont lhomme soccupe autant que la femme
de la maison et des enfants : une petite lueur despoir ? Enfin,
je suis surprise des réactions très négatives - de
la part de femmes, nayant pas eu davis dhommes -
que suscite ce livre (ou plutôt son auteure peut-être ?).
Jaurais bien aimé avoir lavis de Geneviève,
Annabel, Maryline
Claire
et de Christine, de Martine, de Sandrine, de Jacqueline, de Sabine,
Marie-Christine (que de
ine), de Liliane, de Renée, de Marie-Jo,
de Lil, de Nicole, de Muriel... et bien sûr de Manuel et de notre
Fernando national.
Loana
Je me souviens de l'inconscience d'une étudiante qui, il y a quelques
années, après un parcours scolaire sans fautes s'est retrouvée
en sortant d'une grande école d'ingénieur confrontée
au fait que les recruteurs lui préféraient des hommes. Je
ne nie pas la nécessité de parler des violences faites aux
femmes, ni des dérives de la lutte des femmes occidentales, mais
la conception parisianiste du féminisme (critique du féminisme
états-unien) de Badinter me parait ridicule mais surtout minuscule
par rapport à la situation des femmes dans le monde, y compris
en France, et je parle aussi du livre puisque je maintiens que son livre
n'est ni fait ni à faire : mal documenté, mal structuré
et mal argumenté. Parler de la façon dont le sujet d'un
ouvrage de soi disant réflexion est posé, c'est aussi parler
du livre.
J'ajoute donc encore que je tiens à la disposition de tou(te)s
un documentaire sur « les petites mariées d'Abyssinie :
témoignages et images, parfois insoutenables, sur le mariage précoce
de fillettes en Éthiopie » (Le Monde) qui est passé
sur la 5 cette semaine. On peut lire aussi Bas les voiles de Chahdortt
Djavann chez Gallimard ou Une si longue lettre de Mariama Bâ
et tant d'autres livres et tant d'autres films qui eux dénoncent
réellement, qu'ils s'agissent d'essais et de documentaires ou de
romans et de fiction. Je citais l'autre soir Maternité esclave
par des signataires du manifeste des 343 en 10/18, je précise que
ce livre date de 1975 ! sur l'instinct maternel : voir les pages
74 à 102. Ce sujet et ce livre suscitent décidément
des réactions violentes de ma part !
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