« Ceci est une histoire vraie, je vous le jure. Oh, j'ai changé les noms, bien sûr ; j'ai changé les lieux, l'époque, les métiers, les dialogues, l'ordre des événements et leur signification ; et poutant, tout ce que je vais vous raconter est vrai. C'est une audition comme toujours, une fantasmagorie comme toujours  : les témoins vont converger ici et s'efforcer un à un de vous convaincre, de vous éblouir, de vous mener en bateau ; je leur prêterai ma voix mais c'est sur vous qu'ils comptent pour les comprendre, de vous qu'ils dépendent pour exister, alors faites attention, c'est important ; vous êtes seul juge... comme toujours. »
N.H.
Nancy Huston
Une adoration

Nous avons lu ce livre en avril 2004. Le nouveau groupe parisien lira en 2020 Les Variations Goldberg.

Mary Leontsini, professeure associée à l'EHESS et à l'Université d'Athènes, est venue observer notre groupe et y participer... Elle aura interviewé également un certain nombre d'entre nous.

Voir le compte rendu de son analyse qui paraîtra dans un ouvrage : Internet et la sociabilité littéraire (Mary Léontsini et Jean-Marc Leveratto, Bibliothèque publique d'information, Centre Georges Pompidou, coll. "Études et Recherche", 2008).

Claire
Voici un très joli petit gros livre que j'ai abordé avec un sentiment ambivalent : oh le joli petit gros livre dans la magnifique édition d'Actes Sud, ça doit être bien si c'est dans Actes Sud. La collection "Un endroit où aller"  ? Bof. Et de l'autre côté : Nancy Huston, hum hum, préjugé ; infondé, certes, certes. J'ouvre. Dédicace : à Nora, à Linus, on s'en fiche, qui c'est ces deux-là ? Je tourne : citations cultureuses que c'est barbant, l'illusion, le réalisme, et des auteurs bien fréquentables. Je tourne : adresse au lecteur de la romancière, mais qu'elle est chichiteuse, que c'est lourdingue après les citations. Je tourne, ça commence enfin vraiment : mais qu'est-ce que c'est étroit. Y a vraiment pas beaucoup de mots par lignes, quelle barbe. J'ai très vite des courbatures oculaires et le tournis à revenir sans arrêt à la ligne…
La première ligne, on est au théâtre ou quoi ? Je feuillette l'ensemble, ah oui on est au théâtre, c'est une pièce avec que des répliques. Je vais à la couverture : ah ben non, c'est un roman. Jeu bête tu me prends pour qui Nancy Huston, tu veux renouveler la forme du roman, que tu es fine mouche. Votre honneur, où qu'elle est son honneur, je lis des pages, pas beaucoup de pages, et je commence à m'énerver sur votre honneur, attends elle va nous faire subir cet artifice combien de temps, je tourne, je tourne, quoi jusqu'au bout, mais je ne tiendrai pas 50 pages. Et il y en a 400 ! Désertion pour cause de procédé narratif chiant.
Liliane
Le marque-page indique le maximum de ce que j'ai pu lire. C'est la seconde fois j'essaye, mais ça n'a pas mieux marché. Je me suis ennuyée profondément : la fiction de jugement est affligeante ; au bout de 120 pages j'ai renoncé au pensum. Ça me gonfle !
Jacqueline
Il y a quinze jours que je l'ai fini et je n'avais pas envie de le rouvrir. Je suis un peu agacée par le côté artificiel et l'annonce préalable de l'auteur. Tous les personnages parlent de la même manière. Ça ne m'emballe pas : c'est un peu le même effet que Narcisse et Goldmund : quelque chose de travaillé, mais marqué par un effet de mode. Restent néanmoins des choses sympathiques : la maman du jeune maghrébin par exemple. La situation est artificielle. Le personnage du clown est sympa, on imagine les spectacles, mais en fait je n'y crois pas. Je n'ai pas compris où ça se passe. Je ne peux pas dire que j'ai aimé.
Loana
Je l'ai lu jusqu'au bout. J'ai beaucoup aimé. Splendidement polyphonique avec des échos de Bakhtine et de Todorov. Le procédé est surprenant, d'abord agaçant puis accepté ensuite… Sauf pour les objets. J'aime particulièrement le regard des enfants sur les adultes et les difficultés de vivre seulement à moitié dites.
Annabelle
J'ai eu un mauvais pressentiment et c'est le seul livre que j'ai emprunté à la bibliothèque pour le groupe. Je n'ai jamais apprécié ce livre. Insipide, je ne m'en souviendrai pas. Seul le personnage du père, pourtant absent, existe et prend forme grâce à ses actes. Je n'ai pas du tout visualisé les autres protagonistes comme Cosmo. La fin du livre est pleine de clichés, surtout en ce qui concerne les enfants (Franck qui met au tapin sa sœur Fiona) qui " déconnent " à plein tube, alors que leur mère ne réalise pas, ne voit rien. C'est assez fascinant mais ça ne rend pas la suite crédible. Le procédé du jugement est sans intérêt. Je le retourne à la bibliothèque avec plaisir.
Geneviève
J'ai bien aimé mais je ne suis pas très objective. Ayant été amenée à rencontrer Nancy Huston pour le Goncourt des lycéens entre autres, je trouve l'auteur fort sympathique et intéressant. Le coup du cèdre du Liban m'a refroidie et puis je me suis laissé prendre grâce à la relation entre le clown et Elke. Par ailleurs, le basculement de Cosmo est intéressant. J'ai trouvé les enfants fascinants malgré le côté caricatural. Au bout d'un moment j'ai été gênée par l'intervention des objets. Je suis quand même embarrassée car l'auteur utilise le même procédé que dans Dolce agonia. Elle est à la limite du système. J'ai beaucoup aimé le côté fantastique.
Annick
J'ai lu pas mal de livres de Nancy Houston et j'ai bien aimé celui-ci. J'apprécie la manière dont elle donne de la chair au personnage, sa sensualité, l'aspect physique, palpable. J'ai trouvé le procès d'abord intéressant puis agaçant, en particulier pour les objets. Je me suis habituée au chassé-croisé même si le procédé est artificiel. Le lecteur est mis dans la même position que les personnages en particulier en ce qui concerne le côté indéfinissable de Cosmo. Mais aussi de Elke, obsédé par son amour, qui reste finalement fort. Le livre est très pessimiste, un peu "too much", surtout les enfants. Il n'y a que Fiona qui s'en sort ! Tous les personnages se ratent, même Véra, qui tente de s'affranchir ! Le côté artificiel du tribunal, je l'ai dépassé en étant plus sensible à ce ressassement de l'échec, sans qu'on ne sache rien de concret sur les personnages. Ce ratage général m'a touché. Ça serait bien que l'auteur évite le procédé dans son prochain roman, mais j'aime cette sensibilité très physique avec la nature en particulier, même dans la continuité du père photographe. Il y a une force de l'image. Ce n'est pas le livre de Nancy Huston que je préfère !
Françoise
Je l'ai lu il y a très longtemps car on me l'avait offert… donc je me sens plus légère. Je l'avais lu jusqu'au bout mais je n'ai pas eu le courage de le relire. Certaines choses me sont revenues en vous écoutant. Je ne m'étais pas ennuyée malgré le procédé un peu chiant. Avec de beaux passages lyriques, j'ai senti que j'avais à faire à un vrai écrivain. Je ne me suis pas représenté Cosmo mais ça me semble délibéré, ce qui n'est pas le cas des autres personnages. J'ai aimé le cèdre du Liban ! Mais je ne me souviens plus qui est l'assassin… J'ai été agréablement surprise par rapport à ce que j'avais lu d'elle.
Manu
Je suis allé jusqu'au bout. Je ne me suis pas ennuyé et je voulais savoir qui était l'assassin. Malgré cette facilité de lecture, j'ai trouvé ce livre très mauvais et bourré de clichés : la mère possessive, le milieu cul terreux vu avec une espèce de parisianisme débile, l'amant homosexuel abusé par son oncle (au secours !) et qui prend goût du coup à la sodomie, le frère qui exploite sa sœur, les objets (le couteau, l'étang, la passerelle) et les morts qui parlent ! A ce train-là, autant interroger la victime… On aurait économisé au moins 300 pages sur 400 ! Cosmo est un comique mais dont les extraits de spectacle ne sont pas du tout drôle… D'ailleurs j'ai cherché ce qui était drôle ! Il n'y a pas un seul personnage auquel on peut s'identifier, c'est d'un pessimisme abouti ! Le procédé de narration est lourdingue !
Je ne conseille pas ce livre car à part peut-être un talent d'écriture il est complètement raté !
Brigitte
J'ai aimé la couverture. Je partage l'avis favorable de Claire sur Actes Sud. Si je l'ai lu, c'est seulement pour le groupe lecture. Je n'ai jamais réussi à rentrer dedans. Les personnages ont tous la même voix, même si la romancière semble consciente de ce problème. Très conformiste, plein de bon sentiments : ce livre ne m'apporte rien, il ne me fait pas grandir. J'ai seulement aimé les relations entre Cosmo et Fiona notamment le tour de magie. Le procédé en soi n'est pas mauvais, mais son utilisation est ratée.

Mary
J'ai très peu lu, en fait, jusqu'à la page 50. Ce que j'ai lu ne m'a pas plu. L'auteur sait écrire même si je n'aime pas du tout. Elle commence de façon très prétentieuse et ce que vous avez dit ne me rassure pas pour la suite. Elle sait écrire mais ça ne me paraît pas suffire !
Katell
D'abord, il y a le titre, Une Adoration... Peu portée sur la célébration, je suis sceptique. Ensuite, le livre... Cette édition - et ce n'est pas la première fois que je m'en fait la remarque ! - est illisible. On passe son temps à retourner à la ligne. A croire que l'éditeur n'a pas la moindre notion de lisibilité. Puis, l'auteur... Pour moi, c'est de la même veine que Alice Ferney, de la pseudo littérature pour hypôkagneuse... Bon, je commence. D'emblée la forme me rebute. Je trouve cela bébé... Vient la biche, votre Honneur... Bigre ! Je commence à rigoler : "Que raconte au juste une mère de famille de trente-six ans à un homme dont elle rêve de devenir l'amante ?" Ça, ça me concerne, j'en connais même un rayon. Et là... elle lui raconte... Les fleurs ! Ben non, pour moi, elle lui parle de sa b... (censuré). C'est plus efficace. Je suis complètement hermétique à ce style où "la soif" est forcément "inextinguible..." Bref, je me suis arrêtée à la page 64...
Heureusement, je ne l'ai pas acheté. C'est ma mère qui me l'a prêté.

Claire
Voici une citation de Nancy Huston qui enfonce encore plus son projet à mes yeux : "Dans chaque roman, je me lance un nouveau défi formel. Il s'agit de trouver la contrainte qui me donnera le maximum de liberté. Mais cette fois j'ai beaucoup tâtonné. J'ai travaillé plusieurs mois dans le malheur total, en sachant que ce n'était pas ça. J'étais face à un mur. Alors j'ai tout balancé, et j'ai complètement arrêté d'écrire pendant deux mois. Je me suis dit qu'il fallait que je passe par cette épreuve : le repos. Je n'avais jamais fait ça de ma vie, mais ça a été merveilleux. D'abord, le ciel ne m'est pas tombé sur la tête ! Et au bout de deux mois d'inaction - mais ce n'est jamais de l'inaction pour l'inconscient, qui continue de turbiner - je me suis réveillée un matin avec cette adresse au juge. J'ai compris que tout le monde allait défiler à la barre, et que ça conférerait une urgence à toutes les paroles. J'ai écrit le premier jet en cinq semaines, en travaillant du matin au soir, tous les jours, complètement à l'écoute. J'étais sûre de cet espace de liberté que j'avais dessiné pour danser. Alors, quand j'ai commencé à entendre les arbres, et les fleurs, et les passerelles... J'étais enchantée. J'ai compris que tout pouvait parler - qu'une molécule pouvait parler. Un imprévu de cette intensité-là, c'est un des plus beaux cadeaux qu'on peut recevoir de l'écriture."


                                   
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie
grand ouvert
beaucoup
¾ ouvert
moyennement
à moitié
un peu
ouvert ¼
pas du tout
fermé !

 

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