Christa Wolf
Changement d'optique

Stock, La Bibliothèque cosmopolite

 

Florence
La première fois que je suis venue au groupe lecture, en décembre 2004, j’ai entendu Liliane et Muriel parler avec enthousiasme d’une certaine Christa Wolf et ça m’a donné envie de la lire. Lorsque j’ai cherché un livre d’elle à la bibliothèque, bizarrement, je n’ai trouvé ni Médée, ni Cassandre mais Changement d’optique, un de ses livres mineurs sans doute, mais qui m’a suffisamment séduite pour que je le propose au groupe. En fait, je dois avouer que des quatre nouvelles, j’en avais surtout retenu une, "Après midi de juin". Je l’ai relue pour ce soir avec le même ravissement que la première fois. Elle ne raconte rien d’extraordinaire, c’est vrai, et pourtant, on y trouve enchevêtrées des sensations liées aux odeurs et aux bruits ; des réflexions politiques sur la RDA des années 60 ; des observations métaphysiques sur le temps, l’enfance, la mort ; de la critique littéraire ; de l’humour ; de la poésie etc. Le tout relié dans une sorte de monologue intérieur qui n’est pas sans me rappeler Virginia Woolf ou Nathalie Sarraute. Ces petits riens qui forment un tout et débouchent sur une réflexion intérieure, cela fait écho en moi, je ne sais comment dire autrement. J’ai trouvé dans la deuxième nouvelle ce qui me paraît être un résumé du projet de l’auteur : "je songe que la vie se compose de journées comme celle-ci. Des points qui pour finir, et si l’on a eu de la chance, sont reliés par une ligne. Mais qui peuvent aussi se désagréger pour former un entassement absurde de temps passé… Que seul un effort tenace et obstiné confère un sens aux petites unités de temps que nous vivons." Pour ma part, je considère que sa tentative ambitieuse de donner un sens, par l’écriture, à de tout petits moments de vie est vraiment réussie.

Renée
Je suis très contente que Christa Wolf ait été choisie, mais je n’ai pas lu le livre !
Françoise D
Le sujet de la première nouvelle est intéressant, mais l’écriture est pénible. J’ai ensuite essayé de lire la deuxième et je me suis arrêtée ; je n’ai pas eu le courage d’essayer même la troisième (il paraît qu’il y en a quatre !). De toute façon, je n’aime pas tellement les nouvelles, aussi ai-je commencé un "gros" Wolf, Trame d’enfance, récit autobiographique, intéressant aussi, mais comme la première nouvelle, l’écriture me gêne, elle mélange sans arrêt le présent et le passé, elle emploie le "tu" pour parler d’elle, c’est très lourd et pénible. Là non plus, je n’ai pas envie de continuer et c’est bien dommage car l’auteure a des choses à dire, et nous n’avons pas (peu ?) de récit venant de l’ex- RDA.
Liliane
J’avais déjà lu Médée que j’avais beaucoup aimé. Les petites nouvelles sont très différentes d’un thème mythologique. L’écriture de Médée est plus percutante, et je suis un peu déçue par Changement d’optique, mais j’ai bien aimé la première et la troisième nouvelle. Le titre m’a interpellée et m’a fait penser à Nathalie Sarraute, attentive aux changements de regards, essayant de décoder les faux-semblants. Changement d’optique, c’est peut-être aussi l’avant et l’après-chute du mur. Dans ces nouvelles, on retrouve quelque chose de tranchant, d’incisif. Sa parole n’est ni dans la loi, ni dans le ton imposé, toujours à contre-courant. Elle entend ce que ses interlocuteurs disent et ne disent pas, les entrelacs imperceptibles… Elle est toujours en chasse de la vérité exprimée sous les paroles d’en haut, le discours officiel, les attitudes, décèle ce qui trahit ce niveau plus profond. Cette recherche m’intéresse. C’est une dénonciation des faux discours. Même chose au début de la première nouvelle : c’est une chasse à ce qui est fugace, à ce qui se révèle de manière indicible.
Christine
Je n’aime pas les nouvelles, mais là ça ne m’a pas gênée. C’est un travail sur la mémoire, sur la façon d’écrire ce qu’on a vécu. Je comprends que c’est un changement d’optique entre l’époque qu’on a vécue et l’époque où on l’écrit, et aussi le passage de l’Allemagne soviétique à l’Allemagne réunifiée. La première nouvelle est très facile à lire, intéressante car vue au travers du prisme des Allemands de l’Est. Ces paysans ont été des victimes, ils croisent des déportés et voient ce qu’ils refusaient d’admettre ; la narratrice passe de l’état de victime à un sentiment nationaliste. Même chose quand elle croise les Américains. Le troisième récit est dans quotidien, avec le jardin, les mots des enfants, le jeu auquel ils essaient d’associer le voisin qui lui n’est pas capable de prendre cette liberté. C’est léger, on sent une capacité de fantaisie et de liberté à travers tout le récit. La deuxième nouvelle sur l’usine à wagons est plus compliquée à suivre. Dans la quatrième, on est dans un rêve. S’agit-il d’un moment où elle est convoquée par la Stasi ? C’est un sujet si difficile qu’elle en parle comme d’un rêve, le sans-nom est celui à qui elle doit rendre des comptes sur la jeune fille. C’est confus, mais il y a beaucoup de phrases sur la liberté, la vérité…, de très belles réflexions.
Françoise O.
J’ai été peu sensible à l’écriture. J’ai pris la première nouvelle en pleine figure. Le changement d’optique c’est un entre-deux, la petite fille qui passe dans le monde adulte. On peut comparer avec l’entre-deux historique et géographique de ces Allemands de l’intérieur ; changement d’optique de ces Allemands entre Russes et Américains. Ils vont vers l’ouest, vers ceux qui leur ont envoyé des bombes (les Américains). Ils ne savent pas "de quoi ils sont libérés". Les autres nouvelles, c’est le même personnage qui mène la vie de tous les jours dans un pays socialiste où l’on attend plus "le tournant décisif vers des lendemains meilleurs". J’ai trouvé la quatrième nouvelle formidable, mais je n’ai pas pu la relire.
Jacqueline
Je connaissais déjà Christa Wolf mais en lisant ces nouvelles, j’ai un autre regard. La première nouvelle est extraordinaire pour le parallèle entre le passage de l’adolescence et le passage historique. J’ai été étonnée par le passage sur les déportés à la fin. Ce décalage, ce regard des Allemands, c'est bien décrit. J’ai beaucoup aimé la deuxième et la troisième nouvelle, pour la quotidienneté de la vie en RDA. J’ai eu beaucoup de mal à lire la quatrième ; je n’ai pas bien compris, c’est un cauchemar, il m’en reste une impression forte, comme au réveil d’un mauvais rêve. Je rappelle que ce livre a été écrit en 70.
Annick
La première nouvelle est fascinante, passionnante. J’ai beaucoup lu de littérature allemande et j’ai été captivée par ce point de vue, la précision des évocations ; le rapport aux Américains, à ceux des camps. Il y a une belle recherche d’objectivité. La deuxième nouvelle a commencé à m’ennuyer. Je n’aime pas cette écriture paresseuse, peu aboutie, trop objective, trop chirurgicale, glaçante. J’ai été intéressée par la scène d’autocritique à la brigade. Je n’ai pas fini la troisième et pas lu la quatrième. J’ai un problème avec cette manière d’écrire qui me laisse de marbre. Je suis intéressée -car c’est une situation très particulière de la façon dont vivait cette société- mais pas touchée.
Geneviève
La première nouvelle m’a captivée, notamment dans ce que les gens ont vu/pas vu, compris/pas compris, du point de vue d’une adolescente. L’écriture n’est pas la même que dans les autres. Il ne m’en reste pas grand chose. L’écriture m’a souvent gênée, les commentaires sont lourdingues ; je n’ai pas apprécié les considérations semi-philosophiques. C’est une écriture de mère de famille qui mélange sa vie de mère et son métier d’écrivain avec des glissements d’univers. Dans la quatrième nouvelle, surnage le personnage de l’étudiante qui a été absente… c’est très RDA dans cet aspect de jugement collectif.
Claire
J’étais contente de lire ce livre petit format, jolie édition, écrit gros... J’ai commencé à lire rapidement, je n’ai rien compris. Je me suis sentie incompétente, avec un faible QI. Après ce premier balayage, j’ai recommencé avec application. J’ai été gênée par les changements de temps et de lieu dans la première nouvelle que vous semblez pourtant tous trouver facile ; l’effort demandé au lecteur est trop difficile pour moi. J’ai lu des articles sur Christa Wolf pour au moins m’instruire sur son œuvre, mais jamais son écriture n’est mise en valeur. Les articles la concernant ne sont franchement pas excitants. J’ouvre un quart pour la visite touristique. Mais je n’ai pas envie de remettre ça.
Monique
C’est intéressant d’écouter les autres en parler. J’ai accroché sur les trois premières nouvelles, mais avec la quatrième, j’ai arrêté au bout de quelques pages. La première est intéressante, mais je n’y vois rien de neuf ou de différent. Le moment crucial, c’est l’apparition de la mort. Le regard d’un enfant sur les déportés est intéressant en soi, que l’auteur soit allemande ou pas. La deuxième et la troisième m’auraient plus plu : les petites notations sur l’enfance, l’organisation du temps… c’est un avant-goût de Virginia Woolf et ça me rappelle aussi Marina Tsvetaïeva ; mais ça s’arrête trop tôt, ça ne va pas assez loin, et j’ai été déçue. La quatrième ne m’a pas du tout intéressée.
Brigitte(à cause de la dernière nouvelle trop déroutante)
(le lendemain de la réunion du groupe)
J’ai beaucoup aimé les trois premières nouvelles, beaucoup moins la dernière, très difficile à lire. Changement d’optique, c’est avant et après "mon premier amour". Je suis d’accord avec le rapprochement qui a été fait avec Nathalie Sarraute et Virginia. Woolf. J'ai relu la quatrième nouvelle à la lumière de ce que nous a dit Christine hier soir, et je voudrais en conséquence compléter mon avis. Si on prend comme hypothèse de lecture que dans son rêve, la narratrice est convoquée par la Stasi pour rendre compte des faits et gestes de son entourage, et qu'on se souvient que cette nouvelle a été publiée dans les années soixante-dix, on la lit autrement, on lui découvre un sens, et elle devient beaucoup moins ardue. Le fait d'aborder ce sujet si difficile est déjà admirable en soi. Choisir le biais du rêve est peut-être une des seules manières de le faire quand on vit en RDA en 1970. Cette situation dramatique se déroule au cours d'une promenade dans un lieu archi-connu, symboliquement représentatif de Berlin, on y retrouve les monuments, l'université, les magasins de mode, les cafés, les touristes, et c'est là qu'elle rencontre le sans-nom. Vivre dans un pays où chacun doit périodiquement faire un rapport sur les autres a certainement des retombées importantes sur le mode de vie et surtout sur les relations entre individus, collègues, voisins, membres d'une même famille... J'ai beaucoup apprécié la fin, où elle met en évidence le fait que cette situation inhumaine perturbe aussi profondément ses relations avec elle-même.

Renée
Après vous avoir écoutés, je constate que les regards sont très différents, c’est emblématique du groupe, il y a une grande richesse, c’est très dense. Je ne sais pas si je lirai le livre, mais j’ai aimé vous écouter. Il s’agit d’un texte traduit, c’est difficile de parler de l’écriture d’un texte traduit.
Lil (du Morbihan)
Je n'ai pas réussi à entrer dans ce livre, je le regrette beaucoup, mais je ne parviens pas à savoir pourquoi ! J'ai pourtant lu, deux fois, la première nouvelle. Habituellement, ce genre de sujet m'accroche... Je ne peux pas non plus incriminer l'écriture... Les deux nouvelles suivantes auraient dû m'enthousiasmer, moi, la fan de Barbara Pym... Eh bien, niet ! Est-ce le contexte : RDA contre Angleterre ?... Je me sens certainement beaucoup plus proche du mode de vie anglais que j'ai expérimenté toute une année. Est-ce la longueur du texte : nouvelle contre roman ?... Mystère ! Je n'avais plus d'énergie pour affronter la dernière nouvelle... Le livre m'est tombé des mains au bout de quelques pages... Peut-être n'était-ce, tout simplement, pas le moment, pour moi, de lire Christa Wolf. La lecture qu'en a faite Marie-Thé, m'incite à y retourner, mais, probablement, avec une autre œuvre.
Marie-Thé
J’ai sans doute lu ce livre beaucoup trop vite, mais j’y suis entrée comme dans un rêve (mauvais rêve parfois) et m’y suis laissée porter. J’ai vu chez l’auteur une recherche ou plutôt comme un voyage intérieur. Dès la première nouvelle j’ai ressenti cela : l’exode au dehors et au dedans du personnage, une errance… Personne n’est plus « à sa place », ni malheureusement ces files de gens qui fuient (où se trouve la narratrice), ni heureusement les déportés, pour ces derniers "les chaînes" se sont enfin rompues. Cela culmine peut-être au moment ou la narratrice évoque la mort de Wilhem Grund : "le hasard avait fait que Wilhem Grund se trouvait à ma place"… Lorsque l’auteur dit en parlant d’un déporté "je voulais ignorer sa tristesse et sa stupeur quand il nous demandait : où avez-vous donc vécu pendant toutes ces années ?" et juste après "Je n’avais pas envie d’être libérée", la culpabilité, la tourmente. Et puis je crois voir enfin arriver une certaine forme de libération, un apaisement, aux dernières lignes de la nouvelle : "tout était calme", "ce superbe ciel de mai". L’arrivée du soldat avec "à chaque bras une jeune Allemande qui piaillait" provoque-t-il un soulagement ? "J’eus enfin une raison de me détourner un peu pour pleurer un bon coup". Cela représente-t-il une forme de réconciliation (sur le terrain) et peut-être chez l’auteur ? Elle voit peut-être enfin autrement… : changement d’optique ?
La deuxième nouvelle "Mardi 27 septembre" m’est apparue plus ennuyeuse, comme la journée de l’auteur. J’y ai aussi vu une errance, une recherche de repères. J’ai retenu la "collaboration à égalité de 2 partenaires", il s’agit de Lénine et Gorky : "Lénine pense… qu’ouvriers et paysans sauront tirer de ces description biens documentées…. du mode de vie de l’ancienne bourgeoisie les conclusions qui s’imposent… ce que l’auteur n’est pas en mesure de faire." Le rôle, la place de chacun, je vois cela évoqué dans ces pages. De même, l’écriture, sa place, sont évoquées, le glissement de la réalité au rêve, surtout à la dernière page de la nouvelle où on peut trouver aussi de très belles lignes pour conclure "la journée". "Un après-midi de juin" paraît plus apaisé, la nature apporte un certain bonheur. Le personnage semble continuer à cheminer, parfois les tourments réapparaissent : "il fallait respecter la frontière qui sépare à jamais le destin dont on n’est pas responsable du sort dont on est responsable". Enfin avec "Avenue Unter Den Linden" j’ai l’impression d’avoir suivi l’auteur recherchant interminablement qui ? quoi ? entre rêve et réalité, une quête… Et p.154-155 avec quelle force ce "soudain je vis : c’était moi. C’était moi, nulle autre que moi que j’avais rencontrée…". Cela fait penser à la psychanalyse. Au bout de tout ce chemin parcouru, une renaissance. Je me suis souvent égarée avenue Unter Den Linden. C’était trop difficile mais peut-être comme pour l’auteur ce qui compte ce n’est pas comment je suis arrivée à cette renaissance, l’important est d’y être arrivée.
Jean-Pierre
Quatre nouvelles et un enterrement, voilà ce que je prévoyais en commençant ce livre, autant à cause de ce que m'en avaient déjà dit, coquines, les lectrices plus rapides que moi, que j'avais croisées au hasard des rencontres informelles, qu'à cause du début de la première nouvelle. J'y percevais aussitôt ce que j'ai trouvé jusque là, hélas, dans la majorité des livres soumis à ma lecture depuis ma participation au groupe, à savoir des histoires sans grand intérêt, voire sans histoire, des styles limites, voire des absences de style, et puis des traductions que j'espère approximatives, ceci afin de dégager la responsabilité des auteurs (Mais selon mon habitude, je m'aperçois que l'outrance m'emporte et me prive de la nuance qui rend toute critique crédible, même si on ne la partage pas. Et puis, revenons un peu à ce changement d'optique). Je me suis donc forcé à lire la première nouvelle, au début de laquelle j'étais tenté de fermer le livre, non pas seulement au sens figuré que le groupe confère à cette position, mais au sens propre, et de le ranger dans le rayon des lectures inachevées. L'auteur nous y plonge immédiatement dans son monde, sans souci de savoir si le lecteur y retrouvera quelque chose. C'est bien de décrire son vécu et ses émotions, mais à quoi bon si personne ne sait très bien de quoi l'on parle. En insistant, je suis parvenu au bout de ces saynètes éclaboussées de page en page, et de ces personnages apparaissant subitement comme s'il était patent qu'il s'agissait de vieilles connaissances. L'horreur de la débâcle allemande, des malheureux civils écrasés sous les bombes, même s'ils étaient de ce peuple qui avait permis le nazisme, ont fini par m'émouvoir. Bon, me suis-je dit, je garde le livre en mains et je tente la deuxième nouvelle : la vie quotidienne en RDA, racontée par le petit bout, avec l'omniprésence des us et coutumes marxistes-léninistes, eux-mêmes enchâssés dans le déroulement humble et chaleureux des jours, avec les anniversaires et les mots d'enfant. En fait, j'aurais pu me croire chez nous il y a cinquante ans, en remplaçant les réunions de cellules par le catéchisme et la messe. Encouragé, j'entamai la troisième nouvelle. De mieux en mieux : la vie encore, toute simple, d'une famille ordinaire, chacun pris par des occupations vues à travers le prisme de la mère-auteur. Des personnages cocasses et bien croqués : les deux filles, le voisin, le papa, les voisines. La peinture d'une atmosphère, le souci du détail et ce recul qui permet quelques considérations philosophiques et poético-désabusées sur le monde comme il va. Bien que tout ça reste minuscule, il s'en dégage un certain charme. Allais-je donc ouvrir le livre en grand ? Je fondais le plus grand espoir sur la quatrième nouvelle. Et là, patatras ! j'ai honte à le dire, je n'en ai pas lu plus de trois pages. Impossible de cheminer dans l'avenue sous les tilleuls. Rien ne m'y intéressait. Je lisais une phrase et me demandais aussitôt ce que je venais de lire... Et c'est la première fois, tant pis, je n'ai pas été plus loin, et j'ai réellement fermé le livre. C'est Daniel Pennac qui le conseillait dans Comme un roman : en substance, lire ne doit pas être une corvée. Si vous n'aimez pas, rien ne vous oblige.
C'est moi qui suis votre obligé d'avoir lu mon (trop long) avis jusqu'au bout. En résumé, ouvrage ouvert à 1/4 pour la première nouvelle, 1/2 pour la seconde, 3/4 pour la troisième, et zéro pour la dernière, ça doit faire une moyenne de 3/8. J'arrondis à la baisse à 1/4 parce que la dernière nouvelle est la plus longue. C'est donc ainsi que j'ouvre ce livre : au quart, mais c'est bien parce que je suis de bonne humeur.
Jessica
Quatre nouvelles totalement ennuyantes. J'ai eu peu d'intérêt pour la première histoire, pour cette écriture assez froide qui rend plus tragique encore l'exode. Ce bref épisode sur le bébé, premier mort que la jeune fille voit mais ne compte pas, m'a touchée. Et encore, je me demande si je n'essaie pas de sauver le livre et son écrivain ! Deuxième nouvelle, petite tranche de vie, totalement inintéressante. La troisième histoire sauve un peu le tout, et encore. Elle m'a rappelé des moments semblables que j'avais oubliés, des moments partagés avec mes parents et ma sœur dans le jardin. Mais bon, je ne sais pas si ça valait la peine d'en faire une nouvelle publiée. Le début de la quatrième histoire, qui m'a paru d'une lenteur et d'une confusion incroyable, m'a définitivement désespérée. C'est à ce moment-là que j'ai mis fin à cette perte de temps, j'ai abandonné. Je n'ai jamais beaucoup aimé les nouvelles, mises à part celles de Maupassant, parce qu'elles ne me laissent jamais assez de temps pour rentrer dans l'histoire. Ces quatre nouvelles ne me réconcilient pas avec le genre.
Nathalie
Le premier récit : lucidité mais aussi quelques touches d'humeur pour affronter un réel troublant. Phrases ponctuées d'avis personnel, comme pour s'excuser ou essayer de se déculpabiliser. Certain mal-être à assumer ou tout simplement à voir la réalité en face. J'éprouve de l'antipathie pour cette femme qui souffre de vivre avec un passé qu'elle n'arrive pas à assumer, et par ce fait est foncièrement égoïste car ancrée sur son propre malheur (p.28, 29) : descriptions froides et dédaigneuses des déportés. Deuxième récit : vu comme un film mal tourné, sans cesse des changements de plans, trop brouillon ! Troisième récit : du même acabit ! devient agaçant, confus... dû à son esprit tourmenté ou devrais-je plutôt dire perturbé ?!! Quatrième récit : même pas lu !
Michèle
No comment.
Maryvonne
Je n'aime pas les nouvelles et celles-ci sont sans intérêt.
Lona
1. Il n'y a guère que la première partie qui m'a intéressée, car elle me ramène à mes propres souvenirs de cette guerre (née en 1940 dans une Alsace annexée). J'aurais pu, en partie, écrire la même chose : j'ai aperçu les bottes de soldats (français, allemands ?) à travers les lucarnes de la cave de mes parents où nous étions tous réfugiés - à l'exception du grand-père qui voulait suivre en direct, collé à la fenêtre de la salle à manger ! C'est à cette même époque que j'ai vu mon premier mort, ensanglanté. L'auteur souligne que les Allemands "savaient", savaient pour les déportations pour les camps... ils savaient tout comme les Français, eux aussi. Ces quelques pages parlent de la Libération : peut-être de la libération intérieure de l'auteur ?

2. Je n'ai pas très bien saisi l'histoire de Tinka qui s'inscrit sur une toile de communisme/socialisme/de jeunesse embrigadée, d'avions qui passent très bas.

3. La journée relax dans le jardin (jardin ouvrier certainement, ce qui se faisait beaucoup à cette époque) est tranquille, peut-être à cause du silence, de la nature et de ses beautés, des couleurs, des fleurs, des problèmes de graines de pissenlits, des rapports de voisinage, des cancans, des rêves de vacances, de soleil, de lumière (l'Italie, la Méditerranée). La mère se repose dans un transat et surveille d'un oeil lointain les enfants alors que le père s'active aux travaux du jardin (ce qui était un peu rare à cette époque où habituellement le "père lisait le journal alors que la mère était aux fourneaux ! "). Mais un fond de stress et d'angoisse avec les avions qui passent et l'accident de train où il y a quelques morts.

4. Dire la vérité ! Quelle vérité ? Est-ce le rêve qui continue, le rêve d'ado ou de jeune femme ? Qui est Peter ? un ex-ami d'enfance, un ex-soupirant ? Qui est Max ? Qui se cache derrière le Poisson ? Quelle certitude cherche l'auteur, quelle réintégration ? A-t-elle pu aller jusqu'à la rencontre avec elle-même ? "Ne plus être enchaînée aux faits (les faits de la guerre, marquants et traumatisants ? les rêves d'amoureuse ?)". "Dire la vérité". Est-elle libérée ?
François
Christa Wolf est une énigme à mes yeux. A l'image d'un peintre, blasé, griffonnant quelques ébauches sur une nappe en papier, elle nous propose quatre récits. Sans doute un intermède de caissière, comblant une période de désœuvrement ou de sécheresse d'inspiration. L'adolescente qu'elle fut pendant la période dite "Libération" ou invasion de l'Allemagne en 45 qui ne perçoit pas bien la réalité du présent et par conséquent l'âpreté du futur, dégage quelque intérêt ou interrogations ?
Les trois autres récits, déclinent des tranches de vie qui ne semblent n'intéresser qu'elle, satisfaisant ainsi son égocentrisme ; on peut la comprendre, comme on peut pardonner aussi le désintérêt que leur lecture a suscité. Je me propose de lire un de ses ouvrages, curieux d'en savoir davantage.
Mon
La première nouvelle me semble bien correspondre au sentiment de prise de conscience du monde réel (mort, déportation, etc.) par une adolescente, avec une apparente insensibilité. Je suis restée très extérieure à ce premier texte.

Dans la deuxième nouvelle, j’ai été sensible au déroulement de cette journée toute banale, au cours de laquelle une femme est prise entre sa vie de famille, sa vie d’écrivain et sa vie de "militante". J’y trouve une grande justesse de ton dans l’expression du sentiment de l’absurdité du temps qui passe.

J'ai beaucoup aimé la troisième nouvelle : cette famille, dans tout son quotidien et, simultanément, la menace de la frontière proche et des hélicoptères. J’ai adoré le regard ironique qu’elle porte sur ses voisins et ses proches. C’est très juste et très percutant. Christa Wolf offre une vision des êtres pleine d’humour et de compréhension. Elle nous décrit une journée banale dans toute sa richesse (complexité des rapports humains).

La dernière nouvelle m’a laissée en plein désarroi. J’ai péniblement parcouru ce texte, me traînant de page en page, me demandant s’il s’agissait d’un rêve éveillé, d’une hallucination, d’un dédoublement de personnalité…

Trois de ces nouvelles (1,2 et 4) oscillent toujours entre réalité et irréalité.

Nicole
Parce que j’ai le sentiment qu’il s’agit d’une auteure de talent, mais que peut-être je ne l’ai pas rencontrée avec le bon livre. Dès le début de la première nouvelle, je me suis trouvée décalée par rapport au récit d’une froideur clinique. Je n’arrivai pas à réaliser qu’il s’agissait du témoignage d’une adolescente, j’étais toujours obligée de me rappeler que les "libérateurs" n’étaient que des destructeurs de ce côté-ci et pour finir j’ai peu apprécié la description des personnes déportées. La deuxième nouvelle, journée ordinaire en RDA : rien à en dire. J’ai bien aimé la journée au jardin, à la fois légère et angoissée ; l’intrusion des différents voisins apportant une certaine drôlerie dans un contexte que l’on sent assez rigide. Quant à la dernière, je n’ai pas très bien, ou plutôt pas du tout, compris, et il m’a fallu de la persévérance pour arriver jusqu’à la dernière page. J’y ai vu un rêve faisant revivre toutes les personnes rencontrées (mais ne s’agissait-il pas des facettes de l’auteure ?) pour enfin se reconstituer et se réveiller autre.


 

Nous écrire
Accueil | Membres | Calendrier | Nos avis | Rencontres | Sorties | Liens

Recueil de quatre récits écrits entre 1960 et 1970 du côté est-allemand.