"J'étais la fille d'un hasard, d'une bêtise de jeunesse,
de l'exubérance d'un corps... Alors j'étais responsable de
ce que cette barque noire soit venue couler à notre porte." |
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Lidia Jorge
La couverture du soldat
Nous avons lu ce livre en janvier 2005.
Christine
J'ai eu un peu de mal au début, mais je me suis accrochée
et après la première scène, ça allait beaucoup
mieux, quand tous les personnages se mettent en place. J'ai même
eu plaisir à lire. Les thèmes m'ont fait réfléchir ;
l'héritage, ce n'est pas ce qu'on nous donne, mais ce que l'on
prend ; c'est une idée très riche, c'est volontaire
et non pas passif. Il n'y a pas vraiment de dialogue ; entend qui
veut. Custodio est le seul personnage positif, capable d'amour. J'ai aimé
tout ce qui concerne les animaux, le style qui reste assez naturel ;
l'attente des lettres, l'importance qu'elles ont
On a une impression
troublante de menace avec la question de l'inceste qui n'est pas certain.
J'ai apprécié le mystère et l'atmosphère d'abandon :
qui sont les traîtres ? Mais je ne suis pas sûre de conseiller
ce livre
Jacqueline
Merci à qui a proposé ce livre et au groupe sans qui je
n'aurais pas connu Lidia Jorge. Je l'ouvre grand un peu comme L'Africain
pour les émotions qu'il suscite. J'ai apprécié l'évocation
d'un monde rural en train de disparaître inéluctablement.
J'ai retrouvé un peu le même sentiment du temps qui passe
que dans L'Enigme
de l'arrivée. J'ai été prise par la lecture
et ne pouvais comme à mon habitude aller vite et sauter des passages.
Les personnages ont une réelle épaisseur. Il faudrait les
citer tous, Maria, de la jeune femme désirante à sa vieillesse
lasse, Dalila et son alcoolisme... J'ai trouvé très fort
celui du grand-père, F.Diaz, son obstination m'a rappelé
le terrible roman de Julio Llamazares La
Pluie jaune qui peint un solitaire face à l'abandon d'un
village de montagne. Quel beau portrait que celui de Custodio dont le
handicap n'est pas source d'aigreur mais de générosité,
son admiration pour Walter qui est libre, son amour inconditionnel pour
Maria, la manière dont il protège sa fille officielle...
J'ai aimé la sensibilité du personnage de la jeune fille,
de l'admiration sans borne qu'elle éprouve pour ce père
absent dont elle ne peut même pas se dire la fille jusqu'à
son désir de le blesser en écrivant trois histoires inspirées
crûment de sa vie. Intéressante aussi l'évolution
des rapports avec sa mère. A travers ce personnage, cette histoire
que je lis comme une histoire d'inceste (réalisé ou non)
m'a paru pleine d'humanité, juste dans les sentiments évoqués.
Intéressante aussi, même si ce n'est pas nouveau, l'opposition
entre ceux qui sont des artistes, Walter et ses oiseaux, la jeune fille
qui est sensible à la beauté et qui peut-être écrit...
et ceux qui mènent leur barque dans la vie matérielle avec
un jugement sans pitié. Sans analyser la forme du récit,
j'ai apprécié les alternances de "elle" et de
"je"qui donnent de la profondeur au récit : le point
de vue est toujours celui de la jeune fille, même lorsque le texte
est à la troisième personne. Le "je" soudain de
la narratrice en fait un peu l'écrivain, ouvrant une perspective
à cette jeune fille qui revendique toujours d'être actrice
de son histoire et non de l'avoir subie et qui, d'abord muette, prend
au fur et à mesure la parole. Je lis ce roman aussi comme une métaphore
de l'entrée dans l'écriture. Je suis curieuse de lire d'autres
livres de Lidia Jorge, sans me précipiter, en prenant le temps
de les goûter.
Michelle
J'ai été enthousiasmée dès le départ
par la poésie du livre, j'ai été emportée
par le style, y compris les flash-back, utiles et qui m'ont éclairée.
La difficulté à subir l'absence du père est très
forte. Les non-dits de cette famille patriarcale ne sont pas étonnants ;
le grand-père a presque le droit de vie ou de mort. Walter est
flou, son absence est tellement forte qu'elle envahit tout, tout le monde
a Walter en lui. Et c'est là la grande force du roman. Pour moi,
à la fin, elle a enterré son père en enterrant la
couverture : on peut croire qu'elle le tue symboliquement. Mais je
me suis tout de même demandé si elle n'était pas la
cause indirecte de sa mort.
Roselyne
J'ai cru que je n'arriverais pas à le lire, je l'ai lu en entier,
mais j'ai peiné. C'est bien décrit, mais je ne parviens
pas à m'identifier à ces personnages. Je ne comprends pas,
cette histoire n'est pas assez sobre, tout est compliqué, l'histoire
et le récit. Je ne pense pas qu'il y ait eu inceste. C'est une
famille très nombreuse, bloquée dans l'exploitation agricole,
tous s'en vont : ils ne sont pas lâches, le grand-père
n'a pas compris le problème qu'il pose à ses fils ; les
seuls qui soient libres sont Custodio et Walter. Le personnage central,
la fille et nièce de Walter, parle à différents niveaux
de conscience selon la personne (1ère ou 3ème choisie dans
la narration). Je n'ai pas tout compris : le revolver, la couverture
Il y aurait beaucoup à dire sur les relations entre les
êtres, les déphasages.
Françoise
Je rejoins tout à fait ce que Roselyne en a dit. J'ai eu du mal
à le terminer, il y a beaucoup de répétitions, c'est
long, ça traîne. Le sujet est intéressant, mais le
style n'aide pas, l'ensemble est pénible. A part le grand-père
- figure typique du patriarche borné et tout puissant -
et Custodio - seul personnage positif - tous les autres sont
insaisissables, flous, même Walter pourtant important ; quant
à la fille-nièce, c'est pire, on se demande si elle est
autiste, débile, ou quoi
? On ne sait jamais si on est
dans le fantasmatique ou le réel, quelle est la part d'imagination
de la fille. L'image des frères immigrés qui ont tous - forcément - réussi
m'a agacée. De même le parti pris d'une écriture torturée
que j'ai trouvé artificielle.
Nicole
C'est un livre que j'ai beaucoup aimé. Dès les premières
lignes, j'ai eu le sentiment que la lecture allait être riche et
passionnante, et passée l'interrogation de la notion de temps dans
la narration, le texte m'a conquise. L'originalité de l'histoire,
la densité des personnages, que je n'ai d'ailleurs pu imaginer
physiquement mais dont j'ai ressenti la présence, font de cette
histoire d'amour ou plutôt peut-être d'un rêve d'amour
d'une fille pour son père absent, à la fois une étude
sociologique, psychologique et psychogénéalogique d'une
tribu portugaise. J'avais noté, entre autres, des passages d'une
intensité brutale, telle l'annonce de la grossesse de Maria-Ema,
et/ou d'une grande acuité, telles la promenade en voiture (p. 103)
ou la scène du bord de mer (p. 110-111), l'instituteur hors-norme,
le départ des fils
mais en re-feuilletant le livre, je m'aperçois
que c'est trop réducteur. Il faut vraiment que je le relise autrement
pour affiner mes réflexions. En attendant, merci à celle
ou à celui qui l'a proposé.
Yvonne
Je n'ai pas d'opinion précise. Je ne peux pas encore me prononcer,
je n'ai pas encore fini le livre. J'ai buté par 3 fois sur les
premières pages du livre. Je pense qu'il mérite d'être
lu sans s'arrêter, ce que je n'ai pas pu faire, sinon, on s'y perd.
Mais je le finirai.
Gwen
Je n'en suis qu'à la page 75, je ne peux donc pas encore donner
un avis précis. J'aurai tendance à laisser le livre ouvert
malgré tout. Les 50 premières pages, très riches,
sont difficiles à lire, j'ai dû les reprendre trois fois
pour être sûre de ne rien avoir raté. L'atmosphère
est lourde. La construction en puzzle fait qu'on sait dès le début
que la famille va se dissoudre, mais on ne sait pas encore comment.
Madeleine
Le grand-père est infect. Maria Ema a attendu le retour de Walter.
Peut-être y a-t-il eu inceste, mais le problème ne se situe
pas là. Le problème est la jouissance de Walter, parce que
la jouissance est interdite dans ce milieu-là ; ça m'a fait
penser à Duras, la jouissance est insoutenable. C'est quand même
glauque, morbide. On lit les phrases et on a l'impression qu'il y a quelque
chose de caché, qu'on ne peut saisir. On finit par ne plus y croire,
il y a trop de caches les uns derrière les autres. Je n'avais pas
envie de lire cette histoire, c'est décevant.
Monique
N'ayant eu le livre que très tard, je ne l'ai pas encore terminé.
J'ai l'impression d'avoir lu le début de ce livre trop vite, j'ai
eu beaucoup de mal à y entrer ; j'ai été agacée
par ce va-et-vient dans le temps. Mais finalement, je me suis laissée
prendre par le lyrisme de certaines pages : j'ai trouvé à
la fois beaucoup de douceur et de brutalité dans cette famille,
parfait exemple de société patriarcale avec l'image du père,
des fils. Le style du livre est simple mais en même temps très
travaillé, plusieurs passages sont vraiment bien écrits
comme le passage de l'auto. J'ai été séduite mais
également très agacée ; parfois que j'ai sauté
quelques pages par-ci par-là. Le roman est parfois flou, on se
perd dans les manières d'appeler l'héroïne entre "la
fille de Walter", "elle", "je". Le passage avec
le docteur est moins intéressant.
Jean-Pierre
Six heures avant la réunion de notre groupe, je termine la lecture
du livre
après l'avoir commencée il y a trois semaines !
C'est dire le mal que j'ai eu à entrer dans ce roman. J'ai pensé
à plusieurs reprises ne pas pouvoir y parvenir. Je restais bloqué
aux environs de la 50ème page, avec cette question stupide :
qui faisait l'impossible pour me dégoûter de la lecture ?
Et puis, sous l'influence d'une lectrice plus courageuse, et d'ailleurs
satisfaite, je me suis forcé. Bien m'en a pris. Car, au fil des
pages suivantes, j'ai découvert un roman finalement assez prenant,
à l'atmosphère lourde, avec des personnages épais
comme la glaise dans laquelle ils vivent. Et mon opinion s'est affinée,
sinon transformée. J'ai cependant conservé quelques retenues.
En effet, quel besoin ont donc ces auteurs adeptes de la méthode
du "pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?",
de jongler avec les redites et les flash-back ? Je sais bien qu'il
s'agit de procédés reconnus, destinés à créer
des climats embrouillés comme le sont certaines histoires, mais
trop, c'est trop ! Un autre exemple : la ficelle consistant
à faire raconter l'histoire par l'héroïne, qui parle
d'elle-même à la troisième personne. Tous cela me
semble bien artificiel, et pour tout dire inutile. Et c'est ce qui se
passe dans la première partie du livre, où la visite de
1963 n'en finit pas, et dans le dernier quart, à partir du moment
où les lettres reçues des immigrants Dias précèdent
le voyage à Buenos Aires de la fille/nièce. Pour ma part,
en général, dans un livre, j'ai envie qu'on me raconte une
histoire, et c'est ce qui se passe dans la partie centrale de ce roman,
c'est-à-dire à partir du moment où Walter revient,
où le récit devient plus narratif et où la chronologie
reprend ses droits. Mais je suis un peu las d'accompagner ceux qui ne
cessent de se regarder le nombril, ou de fixer l'attention sur des symboles
douteux ou misérables. Comme cette couverture de soldat, qui est
non seulement le titre de l'ouvrage, mais également le "personnage"
principal. Et puis, ce déluge de retours en arrière, de
digressions et de délires psychologiques, voire d'invraisemblances,
comme l'épisode crucial de la guérison miraculeuse de Maria-Ema
après l'intervention inexistante du bon docteur Dalila. Le personnage
de Walter est trop stéréotypé : l'enfant rebelle
et l'adolescent insoumis qui finit par s'engager dans l'armée,
et se réalise dans la discipline que jusqu'ici il honnissait, puis
l'aventurier finalement assez minable dont les pérégrinations
nourrissent toutes les jalousies et toutes les haines, ou au contraire
génèrent et alimentent les rêves les plus romantiques.
La société patriarcale est en revanche décrite de
façon magistrale et son écroulement sous les coups de boutoir
de la modernité parfaitement rendu. De plus, j'ai apprécié
la richesse de l'écriture. J'ai aimé la poésie qui
se dégage du livre, la nostalgie du temps passé, les descriptions
des paysages. Mon opinion générale est donc mitigée,
mais globalement positive.
Claire
Ce livre m'est tombé des mains (comme Manuel !). Et pourtant
c'est moi qui l'avais proposé... Je n'ai rien compris, rien ne
m'a accroché malgré l'effort que j'ai fait. J'ai laissé
tomber, j'ai trouvé ça mortel. Les commentaires que j'entends
ne me convainquent pas, alors que parfois ils amènent à
regretter de ne pas aimer. Entre mes tentatives de lecture, je me suis
renseignée sur l'auteur, tout était aussi mortel que le
roman
Maryvonne
/ deux lectures
C'est un beau roman mais pas une belle histoire. J'ai été
frappée par la rudesse du milieu qui m'a fait penser à nos
campagnes des années 50-60. Les gens s'aiment et ne se le disent
pas, ou bien il y a une absence totale de sentiments entre Maria-Ema et
sa fille par exemple. Je me demande si l'auteur est elle-même issue
d'un milieu rural car elle juge très durement. Il y a une absence
de logique et un manque d'identification des personnages, ce qui fait
qu'on a des difficultés à se repérer dans les 50
premières pages. On ne connaît pas le prénom de l'héroïne,
est-ce pour appuyer la quête psychologique permanente du personnage ?
Elle commence enfin à exister quand elle tue l'image du père,
une image du reste fantasmée selon moi. Il y a quelques tournures
littéraires agaçantes comme " pour que Walter
sache ". Et le personnage du docteur est vraiment bizarre. Mais
dans l'ensemble, le livre m'a vraiment plu. Encore une 4ème de
couverture à revoir ! Il y a des erreurs dans la formulation
sur la couverture du soldat, on y donne un prénom qu'on ne connaît
même pas dans le livre.
Marie-Charlotte
Un sentiment étrange m'envahit à la lecture de ce livre.
Un sentiment de limite, de border line, d'équilibre précaire
et en même temps de gouffre construit sur le non-dit et la violence
des jeux et pouvoirs conférés, humains. Une espèce
de descente aux enfers d'une famille, mais aussi de la nièce de
Walter, enfant et femme autiste porteuse de la malédiction familiale
qui ne trouve son expression que dans l'expression de son corps et enfin
de la mort du père imaginé pour mieux le faire vivre. Ce
livre est lourd de ressentis, de mots de souffrance, il est pesant, il
est envahissant de ces sentiments à la fois purs et malsains. Un
psychanalyste y trouverait matière à dire. Je ne suis pas
sûre que ce livre traite uniquement d'une histoire d'amour d'une
fille vers son père, mais plutôt de la nécessité
de parler des liens de filiation, de la portée du non-dit et du
mensonge familial, de l'importance dans la construction d'un individu
du mensonge et de là la construction d'un imaginaire et donc de
la toute puissance du père pour pouvoir exister. J'ai eu du mal
à entrer dans le livre, j'ai relu à plusieurs reprises la
nuit de la pluie, les dix premiers chapitres m'apparaissent comme une
redite, une série de refrain, comme si on enfonçait dans
cette nuit de pluie puis le livre reprend du souffle et devient alors
plus captivant. L'écriture est fluide, imagée, pleine de
poésie où tous les mondes se mélangent (évènements,
analyse, faits, poésie) c'est un peu une écriture de rêve,
d'inconscient. C'est une écriture qui s'imprègne de l'état
d'être de cette famille. On ne connaît d'ailleurs pas le prénom
de la fille, elle n'existe pas en tant que tel, elle n'existe que parce
qu'elle est la fille de Walter, c'est toute sa culpabilité. C'est
la lutte de l'amour contre le devoir. Je ne sais que dire, le livre aux
trois quarts ouvert, un livre qui ne laisse pas indifférent, qui
marque, qui submerge presque, un livre qu'on n'oublie pas.
Désirée
Dès le début, l'histoire et l'écriture m'ont séduite.
Le lecteur doit reconstruire le récit à travers les sauts
temporels mais aussi avec la répétition des moments concrets
dans la vie des personnages qui reviennent comme des obsessions. On a
l'impression d'entrer dans la pensée de la narratrice, même
quand elle change à la 3ème personne (comme pour nous faire
croire qu'elle n'a rien inventé). Le portrait de la famille rurale
portugaise est génial : le patriarche tyrannique, les secrets
connus de tous, la honte centrée sur un membre de la famille
Et le personnage de Walter est fascinant aussi, il est en fuite constante
et recherche des oiseaux : on le voit à travers les yeux de
sa fille, elle l'idolâtre toujours, malgré tout.
Lil
J'ai vraiment beaucoup aimé cette histoire forte, dense, terrible
; histoire de violences et d'amour contrarié
Et même
si cela n'a pas toujours été simple, j'ai adoré naviguer
dans les multiples méandres des souvenirs réels ou imaginaires
de la fille de Walter. La structure de cette famille rurale patriarcale
ressemble fort à ce que nous aurions pu trouver dans certaines
de nos campagnes françaises à la même époque :
le paterfamilias qui dirige tout son petit monde avec une main de fer.
On leur apprend à tous la soumission : "la honte est
un sentiment indispensable à l'apprentissage de la soumission",
et personne ne se rebelle, sauf Walter, qui préfère dessiner
(et pas n'importe quoi : des oiseaux, beau symbole de liberté),
qui aime quand il veut, comme il veut. Walter, l'enfant indifférent,
qui a été éduqué par un instituteur à
la Freinet que les garants de l'ordre moral et social feront renvoyer
par une pétition signée avec les empreintes de pouces (froid
dans le dos). La pauvre Maria-Ema, résume, à elle seule,
les violences faites aux femmes : la conduite abominable de ses parents
qui l'humilient atrocement pendant sa grossesse, le mariage forcé,
l'abandon de Walter, les mensonges et calomnies qu'elle doit écouter,
etc. Tous les personnages de ce livre traînent malheur et frustrations
diverses (même le père qui voit son patrimoine se déliter),
ce qui explique, sans doute, avec quelle cohésion ils s'acharnent
sur Walter et tout ce qui touche à Walter. Les lettres finales
sont le summum de l'ignominie. Custodio est le seul membre de la fratrie
qui apparaisse sympathique, plein de douceur, de sensibilité, de
bonté. J'ai aimé la façon dont son pas le distingue
des autres. La construction du récit qui tourne essentiellement
autour de deux ou trois faits et objets (photo de 51, la couverture et
le revolver, la nuit de 63, les dessins
) est remarquable. La densité
de ce livre fait que l'on a envie d'entrer totalement dans la tête
de la narratrice et de tenter de suivre et de comprendre comment naît
cet amour-passion pour ce père absent et de quoi il se nourrit.
Jessica
J'ai apprécié ce livre à la fois pour l'histoire
et le style. J'ai eu en fait l'impression de lire trois histoires séparées
mais complémentaires et certaines m'ont davantage émue et
intéressée que d'autres. La première partie du roman
qui se consacre à Walter, à ce fantôme aux multiples
visages, m'a énormément plu. On ne sait pas vraiment qui
il est, il est au centre de tout et pourtant il n'est pas là ;
il accapare l'attention, la conversation à en devenir presque étouffant.
On essaie de le toucher mais il s'évapore toujours. On l'imagine
artiste, aventurier, finalement tout ce qu'il fait paraît extraordinaire.
Il paraît presque magicien, surnaturel, il est même à
un moment comparé à un vampire. Je l'ai regardé un
peu comme le regarde sa fille au début. J'ai aimé sa fille,
un peu fantôme elle aussi à l'image de son père, mais
qui elle ne vit que dans sa tête. Je me suis même demandé
au début si elle n'était pas autiste ! Personne ne
la voit, elle ne parle pas, son grand-père se demande même
si elle sait parler, elle tourne tout le temps le dos quand on lui parle.
C'est comme si elle n'existait que pour le lecteur. J'ai aimé son
attachement à ce qu'elle appelle son héritage : aux
dessins, au costume, au revolver. L'image de l'uniforme complet qui remplace
son père dans la maison. J'ai aimé sa discrétion,
sa pudeur. Dans cette première partie, le grand-père est
absolument épouvantable, c'est un vrai pourri. J'en suis même
venue à être contente de voir qu'il était abandonné
par ses enfants, que ses rêves s'écroulaient, qu'il devenait
presque fou. Les femmes ne parlent pas dans cette première partie,
elles endurent des choses douloureuses (Maria Ema, sa grossesse, ses parents,
le mariage forcé, l'abandon de celui qu'elle aime) et la seule
que l'on suit réellement, Adelina, ne donne pas une image glorieuse
de la femme avec ses "mon petit papa chéri" ! Bref,
c'est pas encore un roman où les femmes s'épanouissent !
La deuxième partie, quand la fille devient une débauchée,
m'a troublée. Je n'avais pas envie de lire ça, ça
m'a presque dérangée comme quand on apprend qu'une personne
qu'on aime fait des choses qui nous déçoivent. Elle se sent
responsable, elle se dit coupable. Veut-elle se punir, punir ceux qui
l'entoure ? Dans tous les cas, elle vit, elle parle, elle bouge et
ça c'est rassurant. Ça fait comme une bouffée d'oxygène
au livre. D'ailleurs, elle n'est plus appelée dans ce passage "la
fille de Walter" ou sa nièce, elle est elle-même. C'est
étrange aussi de voir qu'on n'apprend même pas son prénom
dans le livre. La troisième partie, celle du jeu des correspondances
"empoisonnées", a fini par m'ennuyer. Le jeu de piste
est un peu lassant. Enfin, j'aurais préféré je crois
ne pas lire la fin : on se rend compte que Walter n'est rien de plus
qu'un homme avec une vie sinon minable décevante. J'attendais une
fin plus subtile. Finalement, sa fille a besoin de le détester
pour vivre, de le gommer et lui ne fait rien pour nouer enfin un lien
avec elle. Reste cette maison qui se délabre, peuplée par
les souvenirs. J'espérais que la fille finirait par fuir ce domaine,
qu'elle se réconcilierait avec elle-même. J'ai apprécié
tout le long du livre l'image des pas des uns et des autres pour finalement
arriver aux pas claudicants de Custodio et de Maria Ema qui finissent
par se ressembler. Que dire d'eux d'ailleurs ? Custodio est attendrissant,
émouvant, presque pathétique. Je ne sais pas quoi penser
de Maria Ema : la plaindre, la détester ?
Florence
J'ai commencé le livre hier 20 janvier, jour de grève. J'avais
décidé d'y consacrer ma journée et pensais que ce
serait amplement suffisant pour venir à bout de ce "petit"
livre ; seulement voilà : je ne suis arrivée qu'à
la page 110 et n'ai pas pu aller au-delà pour l'instant. A la fois
plombée et en plein dans l'histoire dont je ne connais pas la fin
Pour l'instant, je me sens très partagée à la lecture
de ce livre : à la fois séduite dès le début
par la description auditive des pas des personnages, troublée par
ce roman familial malsain, intriguée par cette narration dont le
point de vue et la chronologie ne m'apparaissent pas clairement, agacée
parfois par les répétitions
Mais aussi intéressée
par la vision intimiste de toute une société portugaise
à l'aube du grand changement
Mais encore, sidérée
brusquement par la fulgurance de certaines phrases qui dépeignent
la violence des sentiments
J'ai l'impression, comme d'autres l'ont
dit, que l'auteur nous donne à voir un monde intérieur,
fait de fantasmes, d'allégories. Il y a, par exemple, une réflexion
intéressante à mener sur les noms des personnages :
Custodio, l'ange gardien, celui qui surveille et protège, Walter,
au prénom étranger, l'Autre, le différent dont l'initiale
se confond avec un dessin d'oiseau
et sa fille, ou sa nièce,
comment l'appeler ? Bref, à vous écouter parler du
livre, je me rends compte de sa richesse. J'ai très envie de le
finir maintenant !
Liliane
Après avoir pris connaissance de tous vos commentaires, je n'ai
pas lu ce roman avec l'innocence escomptée par l'auteur. Je n'ai
donc pas été manipulée par le jeu des pronoms censé
exprimer les troubles de personnalité de la jeune Emma. Je ne pense
pas qu'on puisse relire ce roman, une fois le secret familial connu, il
reste que quelques temps forts mais beaucoup d'écriture prolixe,
ce roman aurait gagné à être plus dense.
Nicolas
Voici un site complémentaire sur lauteur :
http://www.instituto-camoes.pt/escritores/lidiajorge.htm
qui est, daprès un ami portugais, très connue en son
pays.
Nos
cotes d'amour, de l'enthousiasme au rejet :
à la folie, beaucoup,
moyennement, un peu, pas du tout
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