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Vassili Axionov
Les Oranges du Maroc
Nous avons lu ce livre en février 2005.
Christine
Pas emballée, j'ai eu du mal avec les noms. L'idée de cet
arrivage d'oranges est une belle idée. D'un point de vue sociologique,
la vie de ces jeunes est intéressante, de même que le refus
de connaître le passé, le courage de ces jeunes. Ce qui m'a
frappée, c'est la solitude. Ces jeunes sont très seuls.
Ni emballée, ni intéressée, je l'ouvre à moitié.
Florence
J'ai beaucoup aimé ce livre dés la première phrase :
" Moi, personnellement, j'en avais marre
Ça finissait
par devenir l'entreprise du travail inutile. " Elle est à
l'image du livre : laconique, drôle et mine de rien, assassine
sur le Régime qui prône " l'exaltation au travail "
des masses (cf. le journaliste p.71). Les individus, eux, ont des états
d'âme, des accès de fainéantise ou de fureur, des
amours aussi, et tout cela est assez réjouissant. Évidemment,
pour nous, aujourd'hui, l'histoire est totalement exotique (d'ailleurs
je ne la situe pas très bien géographiquement), mais c'est
aussi ce qui fait son charme. J'ai aimé cette ruée vers
l'orange qui rassemble en un seul élan toutes les histoires individuelles.
C'est l'orange qui fait le lien entre chaque narration comme une sorte
de denier du rêve. De même que dans la deuxième partie,
cette rengaine que l'on ne cesse de réécouter passe de narrateur
en narrateur pour rassembler les couples et les histoires. J'ai lu le
livre comme un puzzle et sa construction m'a séduite. Enfin, outre
qu'il y a des passages très drôles, je trouve l'histoire
d'amour de Katia et Kaltchanov très émouvante. Bref, peut-être
que sur le plan littéraire tout ça n'est pas d'une originalité
folle, mais qu'importe. Je ne boude pas mon plaisir.
Geneviève
J'ai bien aimé. J'ai eu un peu de mal au début. Mais j'ai
bien aimé l'entrecroisement de portraits. J'ai trouvé l'atmosphère
très exotique : l'idéalisme mélangé à
une vie ouvrière rude. L'histoire entre Katia et son amour impossible.
J'ai eu des problèmes avec les noms. C'est de plus en plus agréable
à lire. L'orange me semblait quand même un peu artificielle.
Annick
Je vais copier ce qu'a dit Geneviève. J'ai trouvé ce livre
exotique. Ça m'a fait penser à des films soviétiques.
C'est un livre plein de vie, plein d'élans. C'est une vision du
communisme porteuse. Même si chaque personnage ne semble pas heureux.
Chaque personnage est croqué avec finesse, nuance. Les descriptions
d'oranges sont superbes. Il y a beaucoup de moments festifs. L'écriture
est très dynamique. Je me suis vite laissé prendre. A la
fin, il y a même du suspense.
Jacqueline
J'ai eu du mal à rentrer dedans, du mal à réaliser
les changements de narrateur. Ils ne se différencient pas et ils
ont pourtant des caractères différents. Une fois que j'ai
réalisé cela, j'ai été plus touchée.
L'histoire des journalistes sur le bateau m'a fait rire. Il y a des tas
de petits détails que j'ai trouvés drôles. C'est typique
d'une époque. Et c'est un roman russe. J'ai aimé cet amour
de la vie. Je n'arrive pas bien à faire le tri entre ces côtés
séduisants et cette question : " est-ce que c'est
bien de la littérature " ?
Françoise
J'ai bien aimé. J'ai déploré de me tromper à
ce point sur les noms. C'est le reproche que je fais. J'ai bien aimé
cette espèce d'ambiance de cabaret, de camaraderie. On sent ces
jeunes pleins d'espoir. L'auteur à un certain talent à introduire
les oranges là où il faut. Je vois surtout ce livre comme
un témoignage. En cela, il est intéressant. J'ai eu l'impression
que c'était assez bien traduit. Le dépaysement est agréable.
Je trouve que la construction nuit au livre.
Claire
Mon faible QI m'a posé des problèmes car je n'ai pas compris
tout de suite que chaque personnage changeait à chaque chapitre.
Les personnages parlent tous avec la même voix, quel manque de savoir-faire
pour un écrivain. Dans L'Eté meurtrier de Japrisot
où il y a aussi des monologues tournants comme ça, ça
a une autre allure. J'ai trouvé le livre un peu long : j'aurais
préféré que cela soit une grosse nouvelle, car mon
intérêt s'est perdu en route par rapport à l'orange.
Comme je l'ai lu il y a quelque temps, j'ai voulu reprendre la lecture
personnage par personnage en sautant les chapitres : le livre m'est
tombé des mains.
Manuel
Comme d'autres, j'ai eu beaucoup de mal avec les noms (nom, prénom,
surnom, diminutif pour un même personnage), mais c'est une constante
dans les romans russes. J'avais eu le même souci avec Vie et
destin de Vassili Grossman avec un peu le même type de récit
éclaté. Certaines descriptions sont très réussies.
J'ai beaucoup aimé la surprise de la vue de l'orange à la
fin des chapitres de la première partie. En revanche, le langage
utilisé par chaque personnage est pesant, avec parfois des expressions
redondantes dans la bouche de différents narrateurs (" le
disque gondolé "). J'ai l'impression de ne pas avoir
appris grand-chose. Ce qui pourrait être un livre subversif ne l'est
pas en fin de compte. On survole à peine la question des camps
de concentration, du régime. Je trouve ça dommage car si
l'auteur en avait parlé, ça n'aurait rien changé
au récit.
Sabine
Quand le livre est bon, on s'y retrouve dans les noms russes. L'absence
de personnalité pour les différents personnages contribue
à l'échec du projet. On ne s'attache ni aux héros
ni aux lieux géographiques. Le livre n'apporte rien historiquement.
Y a-t-il un problème de traduction ? Le style est très
plat, peut-être daté.
Brigitte
Je n'avais jamais entendu parler de ce livre ni de son auteur. Je l'ai
découvert au Salon du livre (attirée par le titre et la
nationalité de l'auteur). J'ai eu de problèmes avec les
changements de narrateur mais à la seconde lecture c'est mieux :
un vrai plaisir. C'est tonique et en même temps terrifiant :
tous ces personnages qui courent vers les oranges. Les héros sont
tous très solidaires entre eux.
Katell à
J'ai eu un peu du mal à rentrer dans le livre. Le fait que ce soit
Vassili Axionov, l'illustre auteur d' Une Saga moscovite - un
des livres les plus géniaux que j'ai lus -, m'a poussée
à m'accrocher un peu. J'y ai retrouvé un charme soviétique
absolument délicieux. Ce charme qui me fait penser par exemple
au film Quand passent les cigognes, les appartements communautaires,
l'amour des jeunes femmes solides, la boisson, les jeunes hommes idéalistes...
C'est un joli tableau un peu léger au niveau de l'histoire. Cependant,
on décèle tout le talent d'Axionov, son écriture
des sentiments et des rapports humains.
François
Ce livre ne m'a pas laissé d'impressions particulières,
sans la réunion et sans les oranges, je ne l'aurai pas lu en entier.
Je reste sur ma faim
d'oranges. J'ai trouvé ce livre chiant
en réalité. Les oranges sont un beau prétexte mais
il n'y a pas d'histoires. Ce ne sont que des tranches de vie qui s'ajoutent.
La liberté manque à cette jeunesse où les relations
sont ponctuées par beaucoup de non-dits, les rapports sont tièdes.
J'ai l'impression que tout est vu à travers un filtre gris. J'avais
finalement autant envie des oranges que les personnages parce qu'il me
fallait une couleur dans ce livre. Quelques couleurs apparaissent de ci
de là avec le rock and roll, la vodka, le magasin qui brille de
1000 lumières (p123), autant d'artifices qui essaient de faire
" passer la pilule " du héros russe. Je suis
allé en URSS à cette époque là, j'avais été
frappé par la tristesse permanente ; dans mon souvenir à
l'époque, les choses étaient bien plus noires que ça,
je n'y ai jamais vu de lumières.
Germaine
J'ai goûté avec intérêt et plaisir à
la lecture de ce roman bien qu'elle m'ait été parfois ardue
car déroutée par les différentes appellations d'un
même personnage, j'ai dû avoir recours à un pense-bête.
Ces jeunes Russes travailleurs rudes et disciplinés exilés
dans une région hostile pour une " chasse au trésor ",
en l'occurrence du pétrole : recherche décevante où
le rêve, l'alcool, les échanges verbaux et physiques ne pallient
pas au froid, à la fatigue, à la tristesse du paysage, au
manque de compagnes, aux espoirs vains. Mais p. 19-20, nouvelle étonnante,
incroyable dont Evdochtchouk tel un roi mage apporte la preuve :
une orange brillante, lumineuse, ronde comme un sein de femme, grosse
comme une tête de bébé, dont la vue provoque après
l'incrédulité, l'extase " telle que personne ne
l'aurait mangée ". Rondeur, fraîcheur, couleur,
odeur, brillance : un petit soleil dans leur grisaille quotidienne.
C'est beau ! Et de voir cette cargaison de superbes fruits aborder
à Taly provoque chez Kitcheiran, le chef de travaux, un regain
d'espoir de voir enfin jaillir le pétrole tant espéré.
Pour sa femme Katia et quelques compagnons, c'est la course folle et difficile
vers ces petits soleils dont ils ont apprécié la couleur
sans en connaître le goût. Ce livre m'a rappelé qu'en
1933, un bateau avait perdu sa cargaison à Audierne. S'était
alors déclenchée une véritable course à l'orange.
Des oranges, à l'époque, on en mangeait très peu.
Je me souviens de mon jeune fils qui ne voulait pas qu'on touche à
son orange, il voulait la garder comme une balle.
Nathalie
Même retourné. J'ai eu tellement de difficultés à
entrer dans cette histoire, avec notamment les noms et surnoms, que j'ai
abandonné. C'est un livre qui doit être lu d'une traite,
et non pas en petites lectures, comme j'ai fait. Il faut que je retrouve
mon livre le soir avec plaisir, là, c'était une corvée.
La seule note positive : l'orange. Ma mère me racontait qu'elle
avait une orange à Noël, c'est un bon souvenir pour moi, ça
me rappelle beaucoup de choses.
Michèle
Je ne suis pas allée au delà de la centième page ;
après un premier arrêt, j'ai essayé de continuer,
de m'accrocher mais je me suis vite sentie perdue. Ce livre est à
lire d'une traite. J'hésite à le reprendre, il faudrait
me donner l'envie. En revanche, la façon de penser des femmes m'a
intéressée.
Nicole
Livre un quart ouvert, pour la narration et la sympathie que j'ai éprouvé
pour les personnages : j'ai parfois ri malgré la grisaille,
mais au fond, ce livre m'a laissée indifférente.
Yvonne
Je me suis ennuyée à la lecture de ce livre. Rien ne m'a
accroché, ni ému. Le ton est monotone, comme les lieux et
les personnes. Tout semble gris, lourd et triste. Aucune couleur à
l'exception de celle des oranges. Ce fruit venu du sud cristallise tous
les espoirs mais le bateau qui les transportait repart et l'espoir avec.
Claude
J'ai eu des difficultés avec les noms des personnages, prénoms,
diminutifs et surnoms. Cela m'a obligée à des retours en
arrière. J'aurai gagné à lire par grands pans. Cependant,
j'ai aimé. Pour le dépaysement d'abord, un autre pays, d'autres
façons de vivre. Voyage en pays rude et froid, dans une société
très organisée où l'individu est tout petit. Pour
l'événement ensuite, qui les concerne tous, il fait tomber
les barrières. Il révèle les individus, il les rassemble,
les approfondit. Les individus ne sont plus dans le travail et la routine
mais dans les rapports aux autres. L'exaltation de ces moments les fait
vibrer davantage. J'ai aimé leurs points de vue croisés
selon ce qu'ils perçoivent, selon leur personnalité et leurs
attentes. Je les ai regardés avec tendresse. J'en retiens un grand
mouvement, celui qui les pousse tous vers les oranges, la beauté,
le rêve avec élan, bagarres, désordres, danse, chaos.
C'est plein de vitalité et de jeunesse. Cette aspiration à
autre chose me semble universelle. On pourrait en faire un film.
Maryvonne
J'ai beaucoup, beaucoup aimé. C'est un livre surprenant, l'action
se situant en URSS, on s'attend au pire. Or, en fait, ce sont des vécus
croisés pleins de poésie et de sentiments, autour d'un événement
apparemment mineur, le débarquement d'une cargaison d'oranges.
C'est un livre essentiellement d'ambiance. Les personnages sont sympathiques,
attendrissants, d'une totale sincérité
s'ils rêvent
d'une vie meilleure, ils savent aussi agrémenter leur quotidien.
La rencontre de Lucia avec le petit Boris et sa maman est un moment émouvant
parmi d'autres (p.109). Il y a plein de petits moments délicieux
comme celui là. Ils poétisent leur quotidien, sensibles
à leur cadre de vie, au paysage. Ils discutent, échangent,
rient, font de l'humour malgré les conditions de vie difficiles.
Ils philosophent même " si je n'existe que pour moi-même,
à quoi bon exister " (p.98). Ils vivent intensément.
La Racine, dans sa communication avec son père est particulièrement
émouvant. Par dessus tout çà, une camaraderie chaleureuse
décrite à la fois comme une contrainte et une façon
de se rassurer. Quand Victor décrit ses amis dans leur baraque,
on aurait presque envie d'y être. Enfin, une faculté d'émerveillement
qui les porte à faire une véritable fête autour de
l'arrivée d'oranges un soir dans un port à plusieurs kilomètres
de leur campement. Oranges à la fois symbole et réalité.
C'est un livre qui fait une part importante au rêve, et qui réconcilie
avec l'humain. Je ne connais pas l'auteur, mais aurait-il voulu positiver
le communisme qu'il n'aurait pas fait mieux.
Lona
J'ai aimé les descriptions du paysage, la scène de la femme
heureuse de rentrer avec son fils Boris pour se retrouver autour d'une
compote, l'expédition de Katia et ses compagnons sur le side-car
avec le vol plané, la critique toute nuancée de la vie collective
avec des sous-entendus tout autant critiques du communisme, la description
de la hiérarchisation. J'ai été frappée par
l'image qui doit être véhiculée (l'image d'un jeune
communiste qui doit être propre sur lui), l'ivrognerie des hommes
et des femmes, et émue par les rêves des uns et des autres :
Victor rêve de trouver de l'or à défaut du pétrole,
Lucia envisage la possibilité de planter une orangeraie qui donnerait
des oranges à tout le monde. Ils ont peu de distraction :
le cinéma où ils revoient deux fois les mêmes films,
le bal, les vieux journaux lus et relus, le centre commercial, l'alcool,
la radio. Les portraits de chaque personnage sont intéressants.
J'ai particulièrement apprécié la Racine, alcoolique
et marin à quai, parfait narrateur, braconnier de castors et un
peu brigand sur les bords. Raconte t-il sa vie, la vraie, ou celle de
ses rêves ? Enfin, les oranges qui représentent l'énergie
solaire, les vitamines, la lumière, la couleur, l'espoir.
Monique
Cinq personnages attachants, perçus dans leur monologue intérieur,
qui se croisent, avec leur destin, leurs rêves, leurs phantasmes
concrétisés par les oranges. Plusieurs destins se mêlent
habilement. A travers eux, c'est le monde du travail communiste qui ressurgit,
ses règlements, sa morale. Tout cela dans un univers de solitude,
de désert glacé, cette blancheur, en contraste avec ces
petits groupes d'humains chaleureux. J'ai été très
intéressée et émue par cette première partie.
La seconde partie du livre, après la page 150 environ, est beaucoup
moins attachante. Quand ils accèdent aux oranges, on dirait que
leur destin est clos.
Marité
voire ouvert au quart. J'ai lu ce livre très rapidement. Je l'ai
trouvé très répétitif, j'avais l'impression
de lire tout le temps la même chose. C'est lourd, ennuyeux, on croirait
que les gens sont enlisés dans un bourbier. Ce livre correspond
un peu aux impressions que me donne la Russie, l'idée qu'on s'en
fait. C'est vrai que l'orange est un beau symbole, qu'elle représente
l'espoir, une ouverture mais finalement, l'orange va disparaître
et les vies vont recommencer. Par contre, l'atmosphère est très
bien rendue, la vie en communauté est intéressante.
Jean-Pierre
Voici un livre qui nous change des précédents, et qui pourtant,
par certains côtés, reste de la même veine. De la même
veine, par son exotisme et pour ce qui me concerne, l'agacement qu'il
génère. A l'autre bout de la terre, à une époque
pas si lointaine, dans une société tellement différente
de la notre se déroulent des évènements minuscules
passés au microscope. On dirait un reportage arrangé, sans
souci de logique, comme si on avait laissé traîner au hasard
des micros sur les trottoirs pour recueillir des bribes de conversations
qui arrivent comme autant de cheveux sur la soupe, grouillant d'une foultitude
de personnages qui se croisent, avec des noms à coucher dehors,
et parlant à la première personne. Encore une fois donc,
j'ai dû faire un effort pour aller au bout, et je pense encore une
fois qu'il faudrait le lire une seconde fois (mais quel boulot), pour
en dénouer tous les fils, enchevêtrés comme une pelote
de laine qu'on aurait confiée au chat de la maison. Mais à
la différence des autres livres de ce groupe de lecture, la nature
du récit, l'authenticité truculente des personnages et la
sympathie qu'ils engendrent, réussissent à créer
une ambiance vraie et chaleureuse : des histoires simples de gens
simples, jetés dans la tourmente de l'histoire d'un monde qui se
cherche et finira par s'écrouler. Des histoires pas si éloignées
de celles des pionniers américains lors de la conquête de
l'Ouest et même de nos propres aïeux. Mon père, qui
était né en 1911 dans un milieu ouvrier, me racontait avec
quel ravissement il découvrait dans ses chaussons, les matins de
noël, une orange. Était-elle du Maroc, il ne me l'a pas dit
et d'ailleurs, il ne devait pas le savoir lui-même. Voilà
pourquoi le livre m'a touché. N'étaient les restrictions
portant sur la forme, je l'aurai ouvert en entier.
Gwen
Livre ouvert, deux fois ouvert, et que je place sur les étagères
des ouvrages à relire. Décidément " Voix
au chapitre " ne se trompe guère dans le choix des uvres
qui me sont proposées serai-je tentée de dire après
cette deuxième participation. Certes, la tendresse que j'ai pour
tout ce qui est russe (allez savoir pourquoi ?) ne me permettrait
pas de lire sans à priori : certes d'Axionov j'avais aimé,
il y a quelques années Une Saga moscovite, et l'ironie,
la dérision avec lesquelles l'auteur s'attaquait à l'époque
soviétique. Si j'ai été surprise par Les Oranges
du Maroc, c'est tout d'abord parce que ce ton, qui m'était
resté en mémoire, disparaissait dès le deuxième
chapitre, avec la voix de Nicolas Kaltchanov
mais réapparaissait
de temps à autre. Je lisais autre chose. Bizarre cette communauté
composée de personnes sans attaches, actives (sauf La Racine),
jeunes. Bizarre ce " no man's land " de neige, de
glace, de banquise au lourd et douloureux passé qui ressurgit de
temps à autre, entre deux pages : les camps de concentration.
J'ai l'impression d'avoir à faire avec une société
miniature, plantée dans un décor infini : des électrons
libres qui se croisent et s'entrechoquent. Pittoresques et parfois burlesques.
Les regards de l'auteur sur cette humanité est généreux,
bienveillant. C'est aussi ce que j'aime chez Tchékhov. Chaque personnage
est touchant. La nostalgie du sud, telle celle d'un paradis perdu, nous
les rend proches. J'aimerais encore dire beaucoup de choses, mais le temps
me presse.
Liliane
Si, comme moi, vous avez cru, qu'après toutes ces histoires de
geishas, de monde flottant, de nez qui s'allonge et de couverture en héritage,
vous alliez enfin pouvoir coincer la bulle, au soleil, en trempinouillant,
un orteil distrait dans une mer de 25°, tout en vous en payant une
tranche (d'orange bien sûr !)
c'est loupé. Déjà,
la couverture desdites oranges annonçait la couleur : " Renforcez
la défense ". J'ouvre ce livre à moitié
parce qu'il n'a pas su garder mon intérêt jusqu'au bout.
Dès que les oranges deviennent accessibles, l'histoire s'enlise
comme l'avenir des protagonistes et je me suis ennuyée. Ces 5 personnages
étaient pourtant sympathiques et touchants ; leurs modestes
rêves et l'intérêt pour une simple orange font prendre
toute la mesure de la grisaille de leur quotidien. Le livre réussit
parfaitement à montrer combien le collectivisme soviétique
a pu laminer les individus. Contraints à la promiscuité,
ces travailleurs transférés, pour la gloire et la grandeur
de la patrie, vers des lieux inhospitaliers, urbanisés pour la
circonstance, s'efforcent, autant que faire se peut, de repousser l'étau
du carcan soviétique. La marge est étroite pour les aventures
personnelles d'où cette cristallisation excessive, d'une autre
vie possible, ailleurs, sur les oranges du Maroc. J'ai aimé Kitchechian
qui déclame à la lune, Lucia, qui dit " sentir
plus intensément, dans ce lieu, les pulsations du travail ",
la créativité de Nicolas et son amour réciproque
mais impossible pour Katia. S'ajoutent aussi quelques scènes burlesques
comme celle du pique-nique organisé avec vodka, foie de morue et
fromage sur leur lieu de travail par La Racine et ses compères.
Toute la panoplie soviétique est là (personnages, discours,
us et coutumes, décors) : on en rit, mais on est vite rattrapé
par une immense tristesse et le sentiment d'un énorme gâchis.
Le rêve achevé, le retour à la réalité
est rude. Les couples se forment plus par nécessité que
par amour. Seul La Racine réalise son souhait de reprendre la mer.
Les oranges auront été une parenthèse, une possibilité
d'ailleurs dans la monotonie de leur vie. C'est tout de même rassurant
de penser que quelle que soit la prison dans laquelle on l'enferme, rien
ni personne ne peut empêcher l'homme de rêver.
Jeannine
Lire ce roman m'a enthousiasmée, je suis admirative devant le travail
de l'écrivain, comme il a su centrer son récit autour de
l'orange. Le fruit est même personnifié ; à un
moment, j'avais l'impression qu'il parlait d'une danseuse. Cette recherche
de liberté m'a intéressée. Cependant, j'ai eu des
difficultés dans le repérage des personnages, j'ai été
obligée de recommencer ma lecture pour comprendre. D'autre part,
j'ai trouvé la deuxième partie moins intéressante :
je me suis forcée à terminer le livre pour voir si la fin
était optimiste.
Jessica
Je me perdais un peu au début avec tous ces personnages, importants
ou pas, qui apparaissaient et disparaissaient : les noms et prénoms
russes ne s'imprégnaient pas dans ma mémoire, ça
a un peu perturbé ma lecture. Mais j'ai vraiment apprécié
le style et la forme d'écriture : un chapitre par personnages.
On croirait qu'ils sont étrangers les uns des autres, mais en réalité,
ils apparaissent tous dans l'ombre de l'histoire d'un autre. Toutes ses
vies, ma foi très simples, s'entrecoupent. Je me suis sentie totalement
emportée dans ces récits d'une seule journée. Un
fort sentiment de solidarité et de fraternité se dégage
du livre, ça m'a beaucoup touchée : les jeunes femmes
et jeunes hommes travaillent et vivent en communauté. Ils se racontent
entièrement, ils se soutiennent. On imagine aisément comme
cela a pu se passer en Russie à cette époque. Sans trop
parler du contexte politique et social, c'est toute une jeunesse russe
des années 60 qui se dégage de ce livre. Je n'ai jamais
connu de privations alimentaires donc au départ, j'avais du mal
non pas à l'imaginer mais à m'identifier à cette
course à l'orange. Puis finalement, à la fin du livre, j'avais
l'impression de faire la queue avec eux et je sentais presque l'odeur
du fruit. C'est toute la magie de la littérature. J'ai beaucoup
aimé les derniers chapitres qui se passent pendant le bal :
ces deux couples qui se forment, qui se ressemblent, puis ce couple qui
se sépare, et tous les autres, autour, qui gravitent. Tous les
personnages principaux ont vécu une journée différente
mais ils se retrouvent pour une même soirée, bercés
par la même musique, comme enivrés face à cette profusion
d'oranges. Le dernier chapitre est triste : cette parenthèse
chaleureuse se referme avec le livre, aussi bien pour les personnages
que pour les lecteurs.
Marie-Charlotte
Que dire ? Une jeunesse encadrée, lourde, un peu engluée
dans ses obligations, fatiguée par la charge, des corps lourds
emmitouflés. Une jeunesse qui pourtant recherche des raisons d'exister
dans un discours très quotidien, une jeunesse qui essaye de rêver
d'imaginer d'exister dans des perspectives qui restent à inventer.
Les personnages se ressemblent (on les mélange un peu) tentent
de se trouver une raison, un motif pour avancer
Et puis
cette
perspective
Le débarquement des oranges du Maroc, une fin
en soi, une chaleur, un ailleurs, un but commun. Tout converge alors vers
ce projet ultime, le mouvement se crée un idéal commun ou
une fuite commune ? Un évènement sans importance qui
trouve une densité, une couleur, une chaleur en opposition avec
la dureté de l'existence. Un révélateur, un espace
hors du temps.
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