Ce livre comporte treize nouvelles. Ce nombre est le fruit du hasard ou
de la fatalité - ici les deux mots sont strictement synonymes -
et n'a rien de magique. Si de tous ces écrits je ne devais en conserver
qu'un seul, je crois que je conserverais " Le congrès ",
qui est à la fois le plus autobiographique (celui qui fait le plus
appel aux souvenirs) et le plus fantastique. J'ai voulu rester fidèle,
dans ces exercices d'aveugle, à l'exemple de Wells, en conjuguant
avec un style simple, parfois presque oral, un argument impossible. Le
lecteur curieux peut ajouter les noms de Swift et d'Edgar Allan Poe. Je
n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni
pour cette entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse.
Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue.
J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps.
Jorge Luis Borges
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Jorge Luis Borges
Le Livre de sable
Nous avons lu ce livre en mai 2005.
Nous lirons le mois suivant Conversations
à Buenos Aires avec Ernesto Sabato
; et nous lirons ultérieurement Fictions
en 1989.
Annick
J'aime beaucoup. J'ai lu beaucoup de choses de Borges. J'aime - littérairement
parlant - ces bijoux ciselés. Je suis fascinée, emportée
intellectuellement, mais mon intérêt est intellectuel, cela
ne me touche pas personnellement.
Christine
Décidément j'ai un problème avec la littérature
sud-américaine. J'ai déjà raté la dernière
séance et voilà que je ne peux pas venir ce soir non plus.
J'espère bien participer à la séance de rattrapage
où nous deviserons sur nos deux amis devisant.
Katell
Voici le livre qui me fait prendre conscience avec une acuité extrêmement
douloureuse que je suis blonde avec un QI de géranium... Je n'y
ai rien compris. Je ne sais pas de quoi ça parle. Je n'arrive pas
à me représenter le moindre personnage, les lieux où
se déroulent les actions, les époques (1874 ? 1914 ?
1975 ?). C'est comme si je lisais un assemblage de mots dont le sens
de chacun pris séparément est intelligible, mais devient
incompréhensible mis bout à bout. "L'autre rêva
de moi, mais sans rigueur. Il rêva, je le comprends maintenant,
l'impossible date sur le dollar." Qui peut avoir la gentillesse de
m'expliquer ?
Borges est pour moi un écrivain extra-terrestre. Que ce soit les
thèmes ("Le Congrès", je n'ai rien compris, dans
"There are more things", je cherchais la suite, je pensais qu'une
page avait été oubliée), les références...
Dans "There are more things" toujours, juste la première
page, il évoque :
- l'idéalisme de Berkeley : ?
- les traités de Hinton : ?
- l'austère doctrine de Knox : ?
Ouf, et le "jeune Wells" j'imagine que c'est HG Wells de La
Machine à remonter le temps... Ensuite : "Il aimait
les chiens ; il avait un grand berger allemand qu'il avait surnommé
Samuel Jonhson en souvenir de Lichfield, son lointain village natal..."
Mais qui peut me dire ce que ça signifie ? Heureusement qu'Internet
et Google existent, parce que j'ai pris un peu le temps de parfaire ma
culture G (pas mon point G, il est en pleine forme !). Mais comme
chacun sait, la culture c'est comme la confiture... Et Borges d'affirmer
qu'il " n'écrit pas pour une petite élite dont
il n'a cure... "
Jean-Pierre des Alpes
J'avais le Folio dans ma bibliothèque depuis quelques années
et je ne me souviens pas de l'avoir ouvert ; comme il est arrivé,
hélas, avec nombre de mes livres ; ce qui m'a conduit d'ailleurs
à me séparer de beaucoup d'entre eux. En alignant ces petits
bouts de phrase qui n'ont pas un grand sens, je me dis que cela ressemble
un peu aux menus propos qui, souvent, ouvrent les nouvelles de Borges.
La différence, évidemment, c'est que ces arcatures forment
un édifice et que pas une d'entre elles n'est là tout à
fait sans dessein. C'est ce que j'aime beaucoup dans les textes de Borges ;
sans doute parce que les symboles m'intriguent : ces objets bizarres
aux composants souvent rudimentaires, inoffensifs que leur réunion
transforme en masse critique. Tels sont bien les textes du "Livre
de sable" , de "L'auteur" ou du "Livre
des êtres imaginaires". Des objets dangereux à manipuler.
Et je pense au fameux "Trésor", le tiroir de commode
où le frère et la sur des "Enfants Terribles"
entreposent toute sorte de trouvailles, anodines ou mortelles : du
revolver au paquet de poison. Je ne saurais dire si les objets de Borges
sont à risque. Il est vrai qu'il y a des mots qui tuent
et la beauté peut produire le même effet. Bien sûr,
tant qu'on s'en tient à la collection. C'est l'assemblage, la rencontre
qui sont périlleux et c'est vrai qu'au fil de ces textes on a toujours
un peu le sentiment qu'on va tomber sur des pièces troublantes
dont on ne se débarrassera plus vraiment, que cela soit prononçable
ou pas ("Undr") écrit ("Le livre de sable")
ou peint ("Utopie d'un homme"...) ou même qu'il s'agisse
d'une grande entreprise ("Le congrès") ; cela conserve
toujours un caractère sensiblement volatil ("Le disque").
Et j'aime ces choses apparemment rangées qui recèlent un
terrible désordre (encore "Le livre de sable"). Si encore
le temps et l'espace vadrouillaient tout au long d'une seule et même
ligne ("L'autre") ! Mais il semble tout aussi accessible
que l'alphabet à l'anagramme ("There are more things").
Au fait, j'ai aimé toutes celles des nouvelles que j'ai lues. Pas
toutes de ce recueil, donc. En mettant Le congrès au premier
rang de mes préférences. Bonne soirée à tous.
Monique
Je ne pourrais pas être là ce soir campagne... Borges :
un mythe, par ses écrits, sa vie. Les nouvelles de Borges sont
un condensé de vie en quelques lignes. On parle de leurs thèmes
fantastiques mais je les qualifierais plutôt de métaphysiques.
En quelques feuillets, il ouvre les grands questionnements de toute vie
humaine. Il condense le monde et le dilate... Ce qui m'émerveille,
c'est l'économie de moyen. La nouvelle que je trouve la plus remarquable
et la plus exemplaire de Borges : c'est "Le disque". On
y trouve traitées les questions de la fraternité (idée
d'une autre vie qui nous est proche : frère, ami, double... ),
du deuil, de la finitude (le paysage que l'on a pas tout exploré
comme la vie qui est toujours une infime partie de toutes les expériences
possibles), de l'arrivée d'un inconnu (avec tous les possibles
qui s'ouvrent), de la possession, de l'envie, de la haine, du crime. Et
du désir (objet idéal tout juste entrevu... jamais acquis),
avec ce vide laissé, toujours là, toujours ouvert, laissant
cette nostalgie, cette recherche jamais refermée. Et bien sûr
et surtout la solitude. Tout ça avec quelques phrases toute simples
(sujet verbe COD). On lit quelques lignes, on avance dans le texte comme
sur un terrain très familier. Et à la fin, notre vision
du monde est totalement explosée... Borges est pourtant très
complexe, très cultivé et très éclectique.
Il a par l'écriture, sans système et sans école,
touché à une multitude de sujets : poésie, atlas,
notes de voyage, critiques littéraires... (voir les tomes de la
Pléiade). Je regrette de ne pas être avec vous ce soir pour
entendre vos avis.
Claire
Nous avions déjà lu Fictions qui m'avait également
barbichonnée. On ne peut pas rester indifférent au nom de
Borges, de sa place dans la littérature ; je n'y pige que
couic, mais n'en suis pas cette fois complexée. J'ai lu le prochain
livre de notre programme, le dialogue entre Sabato et Borges, et quand
Sabato lui dit qu'il est hermétique ou encore : "vous
êtes un écrivain pour écrivain, mais pas pour le lecteur
commun", je souscris. Monique en parle avec des mots qui sont
de l'ordre de l'émotion à laquelle je suis étrangère.
Pourtant, j'ai lu je me demande à quelle occasion, car la poésie
ne m'attire pas, des poèmes de Borges, que j'ai trouvés
d'une grande densité. Pour mes cinquante ans, j'ai transmis à
mes amis ce poème, "Limites", qui me plaît beaucoup :
Il y a une ligne de Verlaine dont je ne
dois plus me ressouvenir,
Il y a une rue toute proche qui est défendue à mes pas,
Il y a un miroir qui m'a vu pour la dernière fois,
Il y a une porte que j'ai fermée jusqu'à la fin du monde.
Parmi les livres de ma bibliothèque (je les ai devant mes yeux),
Il doit y en avoir un que je n'ouvrirai jamais plus.
Cet été, j'aurai cinquante ans ;
La mort me rogne, incessante.
Si Le Livre des sables m'a laissé de grès, en revanche,
je recommande chaudement le livre d'Alberto Manguel, Chez
Borges, que je trouve délicieux. Que d'anecdotes savoureuses
sur l'univers de Borges...
Françoise D
Je me range comme Katell parmi les "blondes qui ont un QI de
géranium" ; et comme Claire je suis hermétique,
je n'y comprends rien. Tout d'abord, je l'ai déjà dit à
l'occasion de Christa Wolf, je n'aime pas les nouvelles, et plus grave
encore, celles-ci sont très courtes (à peine 4 pages parfois)
et n'ont pas de fin ! C'en est trop pour ma petite rationalité
basique.
Aussi je me sens irritée, frustrée, flouée. Après
m'être arrêtée à la page 69 (la non-fin de "There
are more things"), j'ai refait une tentative et je me suis aperçue
que j'avais déjà oublié ce que j'avais lu ;
finalement, j'ai bien aimé "Le livre de sable", cette
idée d'un livre sans fin m'a plu. Je crois en effet qu'il faut
lire ces nouvelles comme des contes, ou des rêves, il y a indéniablement
une écriture, mais je n'en retire aucune satisfaction, aucun plaisir
de lecture ; trop frustrée.
Françoise O
Moi, je n'ai pas besoin de comprendre pour aimer. Je n'avais rien lu de
Borges et je n'aime pas non plus les nouvelles, mais ce sont des contes !
Ça m'a rappelé Sebald, auteur allemand, dont j'ai
lu 4 livres. C'est "Le stratagème" que j'ai le moins
aimé, c'est trop simple.
"La nouvelle est un songe bref, un conte hallucinatoire" (lit-on
dans la conversation Sabato-Borges), ce qui pose le problème des
relations du rêve avec la vie. J'ai beaucoup aimé les aspects
en référence à un passé et un futur lointains ;
ça me rappelle les bibliothèques baroques des villes d'Europe
centrale. Borges aime le labyrinthe, la pensée qui tourne. On n'a
pas besoin de comprendre.
Liliane
J'ai déjà lu quatre livres de Borges, mais je n'avais envie
de lire celui-ci. Je l'ai beaucoup utilisé en tant qu'animatrice
d'ateliers d'écriture, et j'ai tout oublié et j'éprouve
un certain malaise à relire Borges. J'ai relu "L'autre"
et "Le livre de sable" et ça ne m'emballe pas.
Les nouvelles constituent un tremplin d'écriture ce qui corrobore
l'expression citée : "C'est un écrivain pour écrivains".
Pour Borges, la première littérature, c'est l'épopée
comme on la trouve dans "L'infamie et l'éternité",
notamment la chambre des statues. Borges renoue avec les archétypes,
l'inconscient, comme dans les contes. Les nombreuses connotations littéraires
et culturelles ne me convainquent pas. Quand on lit le livre de Manguel,
on comprend qu'on retrouve chez Borges le même univers que dans
ses nouvelles. C'est le lecteur qui donne leur vie aux uvres. Selon
lui, une uvre est annonciatrice de quelque chose qui va venir ;
il se situe aux racines de la création. Il cherche ce qu'est la
création littéraire, quel est le lien entre la vie et la
littérature. Borges n'oubliait rien, c'est impressionnant.
Lona
Je ne connaissais pas Borges. Je n'ai pas terminé ce livre (j'en
ai lu la moitié), car l'histoire de cet homme vieillissant, fatigué,
usé, me fatigue moi-même. D'abord il y a trop de personnages
dans ces nouvelles, trop de références littéraires :
c'est comme si l'auteur voulait nous impressionner avec un carnet d'adresses
bien rempli (écrivains, auteurs de toutes sortes qu'il n'a souvent
pas connus personnellement). La solitude de ce vieux monsieur est omniprésente :
regrets, souvenirs ? Même les femmes qu'il a aimées
- ou cru aimer, puisqu'il voulait quand même épouser
une de ses nombreuses relations éphémères -
n'ont laissé aucune trace : parties sans laisser d'adresse !
rendez-vous fixés pour le lendemain, mais chacun sait qu'il ne
viendra pas !! Ce livre m'a filé dans les doigts comme une
poignée de sable ; il ne m'en reste rien, malgré quelques
passages (hymne à l'amour pour "Ulcira", l'histoire de
la captive indienne
) qui sont étouffés par la pagaille
dans le grenier ("There are more things"), l'interprétation
délirante et très personnelle de l'Évangile ("Secte
des trente").Serge d'Avignon
Mon avis est très positif, j'avais beaucoup aimé quand je
l'avais lu. Extase.
Jacqueline
J'ai un rapport très ambigü avec Borgès. Je n'arrivais
pas à me mettre à cette lecture et je me suis aperçue
que, ayant déjà lu ces nouvelles, j'avais oublié.
Il m'en restais cependant une émotion (forte !). J'étais
incapable de rédiger un compte rendu de lecture. Je suis agacée
par l'aura de Borgès qui n'est pas spécialement sympathique
mais je trouve ces nouvelles intéressantes : le mystère,
la tenue en haleine... c'est plein d'inattendu en particulier dans "L'autre".
Cette situation pourrait être conventionnelle mais le raisonnement
du narrateur sur ce thème est tout à fait original. Je suis
stupéfaite que toutes les notes (dans la Pléiade) reportent
tous les noms de lieux ou de personnages à des éléments
de vie de l'auteur et en même temps il n'y a rien d'intime dans
ces textes. "Le livre de sable" me rappelle La Peau de chagrin
de Balzac, au lieu de rétrécir, le livre s'étend
et varie à l'infini, mais cela distille le même effroi je
ne comprend pas pourquoi, ni pourquoi le narrateur doit s'en débarrasser.
Ne pas tout comprendre me fait retrouver des impressions d'enfance, ça
me séduit et m'impressionne.
Brigitte
Je ne sais plus que dire après tout ça. Je l'ai lu en édition
bilingue et ça m'a perturbée. Je ne pouvais pas m'empêcher
de lire l'espagnol
que je ne comprends pas. J'étais gênée
par le volume des nouvelles, car en fait, ce n'était que la moitié.
L'écriture est magnifique. D'une fausse simplicité. Même
en traduction. J'ai été gênée par l'aspect
haché. Les thèmes sont très intéressants mais
c'est trop court. Le temps que je comprenne, et c'était fini. J'ai
beaucoup aimé "Le Congrès", moi qui travaille
dans la recherche, j'ai vu des situations comme ça où des
gens mettent tout dans quelque chose qui n'aboutit pas. Souvent on part
dans des chimères pour le plaisir de faire autre chose. J'ai aimé
le "Stratagème", la situation alambiquée est bien
vue. J'ai aimé aussi l'histoire du type qui a décidé
de faire un assassinat politique et ne lit plus rien ; l'idée
de la force qu'il faut pour prendre une décision. Au café,
il hurle "Vive le Président !" alors que 2h après
il l'assassine
Il y a une grande finesse, mais la forme me gêne.
Florence
Aujourd'hui, au lieu de relire Le Livre de Sable, je suis allée
à la plage
J'avais envie de légèreté,
et avouez que la lecture de Borges, ce n'est pas des vacances ! Bizarrement,
à vous entendre parler de ces nouvelles, je me rends compte à
quel point elles me sont familières. Je croyais les avoir oubliées
et voilà qu'à la moindre évocation, je me retrouve
enfermée dans ces labyrinthes mentaux qu'il a construits pour nous
et dont nous ne sortons jamais tout à fait, même des années
après y avoir pénétré. En fait, j'ai des sentiments
très ambivalents pour Borges. D'abord, je trouve l'homme foncièrement
antipathique, vivant dans sa tour d'ivoire, au-dessus des préoccupations
du commun des mortels. Il est resté directeur de la Bibliothèque
Nationale pendant la dictature, et, à ma connaissance, n'a jamais
fait la moindre déclaration pour la condamner. D'ailleurs, s'il
a un profond amour pour l'Argentine des années 20, on sent bien
qu'il se désintéresse totalement de la vie de ses contemporains.
En réalité, ses sources d'inspiration et ses références
viennent beaucoup plus du monde anglo-saxon et germanique que du monde
latin. D'où l'abstraction, la construction mentale et l'absence
quasi-totale d'affectif et de sensualité
Et pourtant, Borges n'en reste pas moins fascinant pour moi. Je vais me
plonger dans le petit livre d'A. Manguel car j'ai envie d'en savoir plus,
sur sa mémoire infaillible, son érudition, ses coquetteries
d'écrivain célèbre. Et puis, il faut bien reconnaître
que si l'on se met à le lire sérieusement, en essayant de
comprendre vraiment, en cherchant les références, ça
prend du temps, certes, mais ça nous mène loin et on en
sort (ou pas ?) plus intelligent, non ?
Cristina
Pour moi Le Livre des sables est comme un voyage dans le temps ;
sauf peut-être "There are more things", qui est un conte
de mystère un peu Agatha Christie, le reste des récits nous
emmènent dans un monde fantastique fascinant. Comme tous les contes,
ils racontent des histoires, mais il y a toujours le point de départ
dans la réalité pour arriver à une surprise que le
lecteur ou lectrice attend quand même et après cette tournure,
la narration devient fantastique. L'écriture me rappelle d'autres
livres d'auteurs comme Pere Calders ou Quim Monzó (écrivains
catalans). Je comprends que certains lecteurs pensent qu'il s'agit des
contes écrits pour des personnes avec un bagage culturel important
qui puissent déchiffrer les symboles et les références
à la mythologie qu'on trouve constamment. À mon avis, dans
les histoires, il y a beaucoup de l'autobiographie de Borges, puisque
son père était prof d'anglais et il voulait que son fils
soit écrivain, donc il a pu se consacrer sa vie à étudier.
Même quand il était déjà un ancien, il apprenait
toujours des langues étrangères. Le monde imagé où
il veut nous amener est fruit de cette vie d'homme cultivé. Les
références à des livres anciens et d'autres questions
érudites peuvent être un obstacle à la lecture. Mais
ça dépend du lecteur/lectrice, car on peut aussi sauter
ces obstacles et continuer le fil de l'histoire sans plus. Ça vaut
le coup de prendre ces citations comme le fruit d'une éducation
et de la volonté de savoir encore plus, d'arriver plus loin aussi
dans l'imagination. Une autre chose que j'ai aimée, est le questionnement
et la déconstruction par rapport à la Bible et aux bases
de notre culture. Actuellement, je suis en train de lire Fictions,
un autre recueil de contes de Borges, cette fois-ci avec une thématique
plus proche des relations humaines, et plus éloignée des
conflits de pouvoir (par exemple "Le congrès", ou "Le
suborn" construisent leur base dans le concept du pouvoir et l'influence
de certains hommes sur les autres). Le conte "L'autre" m'a fait
réfléchir sur le hasard des personnes qui se ressemblent
sans le savoir. Nous ne sommes pas "uniques et irrépétibles",
mais l'on s'imprègne de notre entourage qui nous fait aussi être
qui nous sommes.
Jean-Pierre du Morbihan
Ce livre de sable s'est perdu dans celui que saupoudre le marchand, et
qui ne fait pas que fermer les yeux des enfants. Impossible en effet pour
moi de finir de lire cette uvre. Je sais bien que c'est la loi du
genre qui saucissonne les recueils de nouvelles. Mais justement, dans
le nombre, on peut espérer en trouver au moins quelques-unes qui
plaisent ou intéressent. Ce ne fut pas le cas pour moi. L'ésotérisme
et l'étrange ne se justifient que lorsqu'ils sont mis au service
du sens et du récit, me semble-t-il. Rien de tel dans ce livre
que j'ai trouvé parfaitement inconsistant, vide et oiseux.
Quand je constate, éberlué, que ce type de production trouve
des éditeurs, je comprends comment les présentoirs des livres
offerts à la vente sont pleins. Épurés de tels navets,
j'ai le sentiment que les grandes surfaces disposeraient sans conteste
de davantage de place pour leurs lessives et crèmes de soin.
Ironie du sort, en lisant la quatrième de couverture, où
il est dit que l'auteur n'écrit pas plus pour l'élite que
pour les masses, je souris. Car les quelques nouvelles que j'ai lues sont
parsemées de citations et de références à
des personnes, des lieux et des faits probablement connus du seul auteur,
et en tous cas effectivement pas de la masse dont je m'honore de faire
partie. Bref de bref, livre fermé, complètement, avec le
secret espoir de lire bientôt, et jusqu'au bout, une production
plus soucieuse de ses lecteurs, ou du moins qui ne ferait pas que tourner
autour de son nombril avec le risque de tomber dedans, et qui raconte,
enfin, une histoire.
Jessica
J'ai eu beaucoup de mal à finir le livre qui, pourtant, par le
titre m'attirait. Je n'y ai trouvé aucun intérêt,
trois nouvelles ont été éclipsées. S'il fallait
conserver au moins quelque chose, je garderais "L'autre", "Le
miroir et le masque" ainsi que les deux dernières nouvelles
pour lesquelles j'ai eu un bref intérêt. Demain, j'aurai
tout oublié, à part les deux heures perdues à la
lecture de ce livre.
Mon
J'ai cheminé difficilement à travers ces nouvelles
étonnée et déroutée par leur diversité.
Diversité dans le temps : du moyen-âge nordique au futur,
diversité de ton, de personnage principal. Certaines se perdent
en digression ennuyeuses, d'autres s'arrêtent abruptement avec un
parti pris de brièveté agaçant. J'en ai aimé
pourtant deux. "There are more things" qui me rappelle Poe ou
Hawthorn, et "Le disque" et même "Le livre de sable" ?
Il me semble que Borges ne se prend pas au sérieux (impression
toute personnelle !) et pourtant qu'il semble sous entendre un "message"
religieux ? ou philosophique ?
Michèle
Livre refermé très vite. Aucun intérêt.
Maryvonne
Ai commencé à le lire et l'ai perdu !
Lil de plum'
L'érudition de Borges est là, certes, (parfois trop présente,
pour ne pas dire pesante), mais j'entre, difficilement, dans ce genre
littéraire qu'est le fantastique. On "funambule" sur
l'étroite frontière entre rêve et réalité,
souvent déséquilibré sous le poids des références
de tous ordres, jusqu'à tomber : cf. "le stratagème",
d'un ennui mortel !
Borges dit qu'il écrit, essentiellement, pour lui, pour adoucir
le cours du temps
. Ce doit être vrai, car le plaisir qu'il
éprouve à élaborer ces récits, est palpable.
Son ego semble, aussi, en retirer grand profit
Pour tout dire, le
personnage ne m'est pas éminemment sympathique. Certaines nouvelles,
dont l'amorce me paraissait alléchante, m'ont laissée dans
une grande frustration, une espèce de " flop "
final qui me faisait regretter d'avoir lu jusqu'au bout. J'ai eu l'impression
de me faire avoir ("There are more things , "La
secte des trente", "UNDR"). Quant au style "simple",
dixit l'auteur, ça ne m'a pas paru toujours le cas : cf. dernière
phrase de "Ulrica", par exemple ! Cependant, j'ai bien
aimé "La nuit des dons" qui m'a semblé une intéressante
réflexion sur l'impact du temps, de la mémoire, dans la
transmission de faits anciens et de l'inévitable évolution/transformation
des évènements au fur et à mesure de leurs successives
relations (interrogation sur la réalité, la vérité
).
Et pour terminer sur une note très optimiste, je citerai la seule
nouvelle qui ait vraiment retenu mon attention "Avelino Arredondo",
mais elle relate un fait historique bien réel, ce qui explique,
sans doute, pourquoi j'ai accroché. En fait, j'ai eu beaucoup plus
d'intérêt à lire le petit livre d'Alberto Manguel
(merci à la personne qui nous l'a recommandé), livre éclairant
sur Borges, sa vie, son contexte familial, sa mémoire colossale,
son amour des mots, sa culture encyclopédique, et aussi, son racisme
ordinaire (dont on retrouve des traces dans "Le Congrès"
à propos des Basques et d'un personnage noir). Ce petit livre m'a
aidée à mieux comprendre le pourquoi et le comment des 13
nouvelles du Livre des sables. Merci encore.
Claude
J'ai essayé de m'intéresser au livre en bonne élève
et ai abordé le début de chaque nouvelle avec appétit,
mais j'ai été constamment déçue au fil des
pages. Comme beaucoup ici, j'ai été gênée par
la profusion de références.
Nicole
J'étais contente de lire enfin du Borges, n'ayant lu que des éloges
à l'égard de ses livres. Catastrophe ! Je me suis ennuyée.
L'amoncellement de références m'a irritée et l'impression
de racisme rampant n'a pas arrangé les choses.
Alors pourquoi un quart ouvert ? Pour les trois nouvelles qui ne
m'ont pas ennuyée : "Avelino Arredondo", "Livre
de sable" et "Utopie d'un homme fatigué". J'ai lu
le livre d'Alberto Manguel après avoir lu les nouvelles et malgré
l'éclairage qu'il apporte sur le "personnage Borges",
je n'ai pas du tout eu envie de les relire.
Désirée
Le Livre des sables m'a passionnée. Ça fait déjà
un petit moment que je l'ai lu (ou dévoré, plutôt),
et mon impression générale est très, très
bonne. Je me souviens mieux de "L'autre" ; j'ai trouvé
très intéressante la matérialisation de la rencontre
entre le conteur aux 70 ans et lui-même quarante ans avant. Je pense
que c'est quelque chose qui peut arriver dans la tête de n'importe
qui, le fait de dialoguer ou de se voir dans le passé ou de penser
sur comment serons-nous dans l'avenir, mais dans le récit ça
se passe à l'extérieur et avec beaucoup de naturalité.
Au fil de la lecture j'ai réalisé que l'auteur parlait avec
des sujets universels ; c'est sûr que les citations à
livres ou à cultures qu'on ne connaît pas donnent un ton
d'érudition un peu dérangeant, mais elles sont peut-être
aussi inventées, pourquoi pas ?
Nos cotes d'amour, de l'enthousiasme
au rejet :
|
|
à
la folie
grand ouvert
|
beaucoup
¾ ouvert
|
moyennement
à moitié
|
un
peu
ouvert ¼
|
pas
du tout
fermé !
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